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Homme myste science

Homme myste science Brandw10
Sam 13 Jan - 18:20

L’homme myste science

Avec Vladimir Von Arendt



Noir, silence, douleur.
Le sang fuse dans les tempes de l’homme aux cheveux albâtres, il n’entend rien d’autre que les pulsations de son propre cœur qui tambourine contre sa poitrine en une douleur lancinante. Il est étourdi, nauséeux. Il commence à prendre conscience du reste de son corps, il essaie d’ouvrir les yeux, cligne plusieurs fois des paupières, seule l’obscurité accueille sa vision. Il est assis, son siège est dur et froid à travers le tissu de son pantalon. Il ne peut ni bouger ses pieds, ni ses mains. Il est ligoté. Il ne tente même pas de se débattre, ne crie pas. Il laisse retomber sa tête, à quoi bon, de toute façon il n’y voit rien. A moins qu’il ne soit retombé dans l’inconscience ?

Il n’avait pas été difficile pour elle de le retrouver. Jeremiah, ce chien du Magistère avait été des plus précis sur l’identité de l’individu. Il n’en fallait pas plus à l’institut pour récolter toutes les informations sur leur cible, et quelle aubaine, le scientifique vivait sur Opale depuis quelques mois. Elle se fichait de qui il était, elle se fichait de son origine, sa vie, ses ambitions. On lui avait donné une mission : capturer Lewën Digo. Pourquoi ? Elle n’avait pas besoin de le savoir. Comment ? A sa discrétion tant qu’il pouvait parler. Où ? Loin des yeux indiscrets. Elle était la main du Magistère, un pion unique au service des Tartares, ces dociles gardes qui ne vivent que pour leur employeur. Ils avaient su exploiter sa fibre naturelle, faire d’elle une arme, une disciple des plus redoutables. Ici, on la surnommait Soupir en référence aux créatures qui sillonnent le bois des spectres : elle partage avec eux de nombreux aspects, les cornes bien que les siennes soient plus robustes, une cape qu’elle garde sur les épaules, la taille avoisinant les deux mètres, et surtout, la mort semble les fuir. Le magistère était fier de compter dans ses rangs cette Saraph qu’il a su dompter. D’une aide précieuse, la Tartare ne rechignait pas aux missions qu’on lui confiait tant qu’elles étaient à la hauteur de ses capacités. La traque était son atout.
Elle était là, tapis dans l’ombre, observant la frêle silhouette sur sa chaise. Il n’avait pas été difficile de débusquer ce lapin, encore moins de le ramener. Cette tâche ne lui convenait pas, elle n’était pas digne d’un sans corne avec si peu d’étoffe. Une lumière vacillante éclairait faiblement la pièce, elle restait car on le lui avait ordonné, et ça lui coûtait, ombre parmi les ombre, d’observer cette scène pathétique.

La porte s’ouvrit sur un profil qu’elle reconnut sans mal. Un homme d’importance pour l’organisation, étrange qu’il daigne s’occuper lui-même du malingre. Elle ne dit rien, elle observe, elle écoute, elle obéit. Elle se fiche de ce qui va suivre, habituée des séances typiques du Magistère et de ses manières. Elle était prête à parier que ce corps qu’elle leur avait ramené ne tiendrait pas longtemps face à leurs expériences. Pourquoi lui spécifiquement ? Qu’avait-il de plus que les autres cobayes qu’elle avait pu ramener jusque-là ?

Le pas de Vladimir ne s’entendit par sur le sol de pierre, et sa victime ne réagissait toujours pas. Quel ennui …
Mar 20 Fév - 13:22
Le Magisterium provenait à tous les besoins, à toutes les situations. La petite pièce était vide à l’exception de chaises inconfortables sur les bords et d’une immense table en bois sur laquelle se découpait plusieurs outils dans la pénombre. Une pièce fonctionnelle aux dalles égales, souvent nettoyées. Une odeur alcaline se dégageait des joints, qui agressait les narines du pauvre hère attaché au centre. Ses poings étaient liés aux accoudoirs par une corde épaisse en chanvre, aux fibres grossières et urticantes. Ses pieds nus étaient plongés dans une bassine d’eau tiède, les mollets jugulés contre les jambes de la chaise par la même corde. Il faisait froid, il n’y avait aucun son. Le monde était une prison, le Magistère en était la pire geôle.

La porte s’ouvrit sans grincer. Les pas réguliers d’un être fluet furent soie aux oreilles du médecin, puis suivit le son d’un interrupteur. Alimentée par le Myste, une ampoule grésilla et jeta une lumière diffuse sur l’individu assis au centre, oscillant au gré des mouvements du câble tendu au centre du plafond. La lumière aveugla Lewën, jeta l’ombre démesurée de son carcan sur les murs de la salle. Elle révéla dans un coin une silhouette tapie que le nouveau venu considéra le temps d’un long regard. Rien de plus. Il était vêtu d’une tenue en soie, raffinée et depuis longtemps dépassée de mode. Elle était usée sur les coutures, mais protégée par un tablier blanc délavé. D’une main osseuse, le nouveau venu attrapa le menton du patient et le releva pour l’inspecter puis le laissa retomber sur sa poitrine après avoir adressé un hochement de tête satisfait à la silhouette. Il se déporta de quelques pas vers la table et entreprit d’allumer un dispositif relié à une pile de Myste, se terminant par deux câbles trempant dans la bassine remplie d’eau.

- Jour 1, patient Digo, point. Etat correct, point. Contusions, séquelles anesthésie et état nauséeux, point. Anamnèse incomplète, supposé portebrume, point. Possessions absentes, livré sans, point. Amorce procédure contention nebula à 6 heures et 56 minutes, point.

Il coupa l’enregistrement et s’empara d’une télécommande avant de se rapprocher du prisonnier. Le Docteur appuya sur le bouton et une puissante décharge électrique secoua Lewën, visant à amoindrir les pouvoirs de sa nebula et à couper tout lien. Peu prompt à la prise de risque, Vladimir se dirigea ensuite vers la table où il avait posé sa besace. Il l’ouvrit et en tira un écrin dans lequel demeuraient plusieurs cristaux. Il en tira aussi une paire de gants noirs avant de réenclencher son dictaphone.

- Application procédure d’abrogation en sus car suspicion vivification de nebula, point.

Il se dirigea ensuite vers le corps encore agité de soubresauts et apposa sa main gantée sur son crâne, nullifiant les pouvoirs par le biais de son cristal. Il revint vers l’écrin, le disposa de nouveau pour s’emparer d’un autre cristal.

- Procédure de cognition, point. Confirmation rapport agent Jeremiah sur nature projet Svetlanov, point.

Armé de son cristal de cognition, le Docteur approcha sa main du visage de Lewën et usa de son pouvoir. Il resta quelques secondes les yeux fermés, ses traits se muèrent en une colère sourde à mesure qu’il explorait ce qu’il désirait. Incomplet, fantasque. Il fronça les sourcils. Répéta l’opération deux fois. Revint vers sa table et impulsa une nouvelle décharge électrique et réitéra la procédure d’abrogation.

- Projet Svetlanov confirmé, point. Cristal disparu, point.

Il coupa son enregistreur. Expira longuement.

- Agent Soupir, à partir de cet instant, cette entrevue entre sous confidentialité stricte du département du Myste. Nul rapport, nulle mention à d’autres personnes qu’au Directorat et moi-même.

Le Docteur garda la télécommande et le cristal d’abrogation à portée de main, dans une poche de son tablier.

- Faites apporter les Musaboises.

Il entreprit de sortir de sa besace un ensemble d’ustensiles brillants, semblables à des outils chirurgicaux. Ils avaient des formes alambiquées et leur usage restait mystérieux. Vu le traitement déjà administré, il n’était pas difficile de se projeter dans leur utilisation. Après quelques minutes, on frappa à la porte. Une cage de plusieurs musaboises arriva dans la pièce, disposée sur un chariot. Le Docteur indiqua aux assistants de le placer non loin de Lewën. Juste assez loin, juste assez proche. Il attendit que la porte se referme et que l’agent Soupir ne reprenne sa place. En guise d’ouverture du bal, Vladimir appliqua la procédure d’abrogation pour la troisième fois.

- Bien. Monsieur Digo, vous êtes médecin. Alors entre confrères, je pense vous devoir d’être honnête. Vous avez été identifié comme porteur d’une nebula d’absorption énergétique. Ainsi j’ai pris la liberté de vous apporter ce lot de charmantes musaboises, que vous semblez particulièrement apprécier, pour vous requinquer. commença-t-il, les mains croisées dans le dos.

Il marqua un temps d’arrêt, pour laisser à son patient le temps d’intégrer les informations.

- Pourquoi vous requinquer, me direz-vous ? Et bien, il se trouve que nous avons quelques questions à vous poser : vos actions ont mis en péril l’avenir du monde. Par votre inconséquence, vous avez offert Uhr à de grands dangers. Il est de notre devoir, à Opale, de protéger le monde. Ainsi, je vous conseille de coopérer. poursuivit-il sans qu’on ne sache s’il adhérait ou non à son propre discours.

Le Spectre pris le temps d’observer les musaboises avec un détachement hautain. Il soupira, attendit que Lewën se pose suffisamment de questions avant de répondre. Il avait constaté son grand attachement à une créature de ce type dans ses souvenirs. Lien risible.

- Où est le cristal d’omniscience ? Je veux un compte rendu détaillé de vos actions à compter de la fin de votre mission avec l’hulule. demanda-t-il, un éclat brillant entre les mains.

- Inutile de vous préciser ce qui se passera si vous ne me répondez pas avec exactitude. Le sort du monde est en jeu, nous ne pouvons nous permettre de le mettre davantage en péril.

Un mélange de procédures de contention de la nebula, de saignées en sécurité et … d’approche de musaboises pour permettre à Lewën de se régénérer malgré lui. En dépit de la vie de ces pauvres et innocentes créatures. Les patients dotés de régénération étaient bien pratiques … surtout lorsque la douleur était toujours manifeste.
Dim 21 Avr - 16:58

Douleur, supplice, haine.

Avec Vladimir Von Arendt



Le courant lui traversa le corps dans une décharge à peine soutenable, l’eau dans laquelle trempaient ses pieds était complice de ce tourment. Une fois, deux fois, trois fois … Il n’arrivait même plus à comprendre ce que lui racontait l’autre fou. Il reprit ses esprits lorsque les musaboises furent placées non loin de lui par une ombre imposante. Était-ce l’ombre de son tortionnaire qui se mouvait seule de sa propre initiative ? Il délirait. Curie … Il fallait qu’il la libère, c’était à cause de lui qu’elle était là. Visage affaissé, il scrutait la cage de biais comme il pouvait, pour certain une musaboise n’était pas plus différente qu’une autre, pour lui Curie était unique. Où se cachait-elle ?

Se requinquer … Alors que l’homme continuait son discours, Lewën sentit sa nebula se réveiller et s’agiter. Elle avait faim, elle était en colère, écho de la Brume le corps de son hôte se mit à gronder. Les couinements commencèrent, l'essence des rongeurs raviva l’être meurtri.

- Non … souffla-t-il. Noon ! cria-t-il.

Pathétique … Soupir était lasse de ce spectacle qu’elle ne connaissait que trop bien. Lorsque le Docteur - qu’ils tenaient à leurs titres ces sans cornes prétentieux - Von Arendt lui ordonna la plus stricte des discrétions elle n’eut guère à montrer son approbation par quelque moyens que ce soit. Elle était acquise sans conteste.
Elle devait bien avouer que la torture par l’utilisation de telles créatures étaient une grande première, l’homme assis au centre de la salle était sacrément faible pour que ce simple stratagème fonctionne. Une moue de dégoût passa sur ses lèvres, quel intérêt avait-il …

- Où est le cristal d’omniscience ?

Voilà qui répondait à sa question. Soupir, gentille Soupir, chien docile, chien de chasse … Ils te regardent à peine et ils oublient que tu es un être douée d’intelligence comprenant bien plus qu’ils ne te l’accorderaient. Le cristal, cet homme n’était pas le seul à en parler ici, l’omniscience était un pouvoir si convoité. Et c’était ce gringalet qui l’avait, douce ironie. Oui, elle comprenait mieux toute cette attention portée à son égard, malingre petit sans corne. Nul doute qu’il ne ressortirait pas de ses murs le cœur battant.

Confus, l’épistote n’avait que la colère pour le réveiller. Sa nebula arrêta de se repaître, les rongeurs n’étaient pas assez proches pour lutter contre la volonté de son hôte. Combien de temps tiendrait-il ? Trop peu face aux attaques de son geôlier.
Il regrettait amèrement sa curiosité, non, son avidité face aux connaissances qu’auraient pu lui offrir le cristal divin. Comment avait-il pu croire le garder, le protéger, ne serait-ce qu’un instant ? Voilà où sa cupidité l’avait mené.

- Votre cristal de cognition ne vous a pas tout révélé ? grogna-t-il.

Encore un autre qui jouait la carte de l’arrogance … Ils faisaient ça parfois, les autres cobayes. Ils finissaient tous par capituler. Au moins Soupir fut-elle étonnée de cet acte de rébellion, elle ne l’aurait pas deviné de ce corps frêle qu’elle pouvait briser d’un coup de corne. Le compte à rebours commençait.

- Le sort du monde entre vos mains serait un véritable désastre.

Combien de musaboises serait-il prêt à sacrifier pour essayer de rattraper la faute qu’il avait commise. A quel point acceptera-t-il la douleur avant de craquer ? Pour sauver qui ? Quoi ? Il ne savait même pas entre quelles mains malhonnêtes étaient le précieux pouvoir désormais. Était-ce seulement utile de résister ?
Dim 21 Avr - 23:06
La peur engendrait la colère. Vladimir offrit un sourire contrit au médecin. Il jeta un regard à la Saraph qui les contemplait. Rapide, se demandant jusqu’à quel point il pouvait compter sur elle. Jusqu’à quel point sa loyauté irait. Jusqu’à la fin du monde. C’était une évidence. Il inspira. Etudia la gamme d’outils qui se dressait devant lui. Trancher, lacérer, cautériser. Le champ des possibles était vaste et il avait eu plusieurs vies pour magnifier ses dons, ses viles manies. Il avait passé des éons à atteindre l’inatteignable jusqu’à ce que le Magisterium ne leur apparaisse. Encore un âge avait passé avant qu’ils n’apprennent à dompter la Brume et à la châtier jusqu’à ce qu’elle obtempère. Ainsi étaient nés Myste et Nascents. Puis … puis étaient venues les Limbes. Non, elles étaient venues à nouveau. Comme cela s’était produit à Zénobie. Comme cela se produirait encore. Le temps qui avait coulé si lentement était à présent sa ressource la plus précieuse. Celle qui lui manquait avec une ironique cruauté.

- Le sort du monde a déjà changé plusieurs fois, entre mes mains. lui répondit-il, satisfait de cette semi-vérité et de l’incompréhension qu’elle suscitait chez ses pairs.

Rares étaient ceux qui se souvenaient de lui, de l’infâme Spectre dans le placard du Magistère. Il n’y avait pourtant aucune fierté mal placée dans cette phrase car, pour lui, c’était la stricte vérité. Et cet humain malingre était tout ce qui se trouvait entre lui … et le salut d’Uhr. Vladimir fit signe à la Tartare de s’approcher de lui.

- Assistez-moi, agent Soupir. Neutralisez sa Nebula pendant que je procède. ordonna-t-il en indiquant d’un geste la télécommande qui commandait les décharges électriques.

Le Docteur s’empara de son cristal d’abrogation et le fit tourner entre ses doigts, pensif. Il restait à distance, il veillait à ne pas laisser le patient aspirer son énergie. Il préférait requérir au soutien d'un Tartare que d'un Assistant. Ils étaient indéfectibles et il avait compris depuis longtemps qu'il ne valait mieux pas accorder sa confiance à ses pairs du Magistère.

- Monsieur Digo. lâcha-t-il avec dédain. Vous n’êtes qu’une vaste perte de temps. Pendant que vous vous entêtez à me résister, le Régent s’occupe à réunir ses troupes pour se rendre à Zénobie, au point d’origine de la Brume. Chaque minute, chaque heure l’aide à se rapprocher de son but.

Il fit signe à Soupir de se tenir prête. Un doigt suspendu en l’air.

- Ce cristal est notre seule arme contre lui, et vous pensiez sincèrement en être un gardien acceptable ? poursuivit-il, sarcastique au possible avant d’abaisser sa main.

Il attendit que les décharges cessent avant d’appliquer le cristal. Le Spectre se pencha au-dessus de lui. Un scalpel argenté glissa entre ses doigts arachnéens et la pointe s’enfonça à quelques millimètres de son œil. Elle décrivit qui glissa de sa pommette jusqu’à l’arête de son nez puis descendit jusqu’à sa narine.

- Je pleurerai des larmes de sang, à votre place, d’être à ce point entêté à provoquer la fin de toute vie connue. murmura-t-il son scalpel achevant sa blessure en venant rejoindre la commissure de ses lèvres.

Le Docteur se redressa et enfonça, négligent, la lame acérée de l’outil avant de la retirer. Du sang commença à couler des entailles nettes sur le visage de Lewën. Des larmes qui commencèrent à suinter dans sa bouche et à lui procurer une vive douleur à mesure que l’étourdissement se dissipe. Vladimir se recula et laissa la magie opérer sous le piaillement des musaboises.

- La fin justifie malheureusement les moyens, mon cher confrère. Dus-je sacrifier une vie pour en sauver des milliards, je le ferai. Vous comprenez, je n’en doute pas. continua-t-il en essuyant son scalpel à l’aide d’une serviette blanche.

- Je répète donc ma question, quitte à réitérer mes opérations jusqu’à ce que vous me révéliez ce que je veux savoir : ce cristal est la clef de notre salut. Entre des mains inaptes, il ne servirait que les desseins du Régent, d’Arkanis. Je vous le répète donc : où est le cristal d’omniscience ? Il n’était pas sur vous, pas chez vous. Ni chez vos … amis. Où, donc ? questionna-t-il de nouveau, avec une emphase sur le mot ‘amis’ qui était loin d’être anodine.

Il lui offrit un sourire contrit. Il ne prenait pas de plaisir à cette situation, ni à grand-chose d’ailleurs. C’était un contre temps, et la solution la plus efficace à laquelle il était parvenu. Si disséquer le cerveau de sa proie lui aurait apporté les réponses, il l’aurait fait sans hésiter. Mais il était dans une impasse et ce cristal lui était nécessaire. Toutes les connaissances de ce monde … entre ses mains. Il trouverait comment La dompter, comment La dominer. La Brume serait à jamais chassée d’Adrah.
Ven 26 Avr - 17:44

L’homme myste science

Avec Vladimir Von Arendt



Le génie du Magistère prenait plaisir à palabrer, il était seul à s'écouter, entre les mains de Soupir la victime était prise de soubresauts plus violents les uns que les autres à chaque décharge. Une fois, deux fois, trois fois … Elle répétait le même rituel que son tortionnaire quelques instants plus tôt. C'était peut-être trop, une écume blanche se fixa dans les commissures des lèvres du médecin dont la tête bascula en avant, la conscience prête à s'échapper. Un signe du strigoi suffit pour qu'elle attrape la chevelure blanche basculant le visage éteint de l'homme en arrière. Le scientifique s'amusa avec son scalpel tout en continuant son discours dont chaque mot était choisi avec soin. Pourquoi se donner tant de mal alors que son interlocuteur ne captait que les grillons. Les sans cornes étaient doués d'une rare torture, pis, le plaisir qu'ils prenaient à la faire subir. Un esprit pervers dont la Saraph s'était habituée, un trait qu'elle avait connu chez tous les sans corne qu'elle avait côtoyé depuis son arrivée sur Uhr.

Un nouveau signe et elle posa les musaboises sur le chiffon ligoté. Les bêtes couinèrent lorsque la Nebula entra en action, des larmes de sel se mélangèrent aux larmes de sang du pauvre légume. L'une d'elle tomba au sol, inerte. La plus faible sans aucun doute.

- Stop … cracha le cobaye. Il n'aura pas tenu longtemps.

Il tenait sa tête de côté, incapable de rester droit devant son bourreau. Faible créature. Son sang avait cessé de couler grâce à son pouvoir laissant une profonde entaille sur la moitié de son visage. Il luttait contre lui-même, éprouvant combat. Pourtant, oui pourtant, dans son regard une étincelle de rage brilla lorsque Von Arendt insinua leur intrusion parmi l'entourage de cet homme. Oui, elle s'était glissée telle un Soupir chez cette femme aux relents de fauve. Facile, inquiète pour cet homme déjà blessé, son esprit était trop tourmenté pour rester alerte. Seule cette fichue musaboise l'avait reniflée. Il lui avait suffit de montrer son visage bestial pour la faire déguerpir. Elle n'avait rien trouvé, ni chez elle, ni chez lui, guère plus de succès à l’officine du sans corne de métal.

Oui, ce gringalet avait encore de la ressource, et pourtant il capitulait.

- Je ne sais pas où est le cristal … vous même semblait être bien renseigné par Jeremiah... Chaque parole lui coûtait, la traîtrise de l’Opalin ne l’étonnait guère non, il était évident qu'il viendrait tout balancer à ses maîtres. Il n'en restait pas moins une rancœur lorsqu'il prononça son nom. Vous n'êtes sûrement pas les seuls ... à avoir envoyé vos chiens. il cracha un mucus ensanglanté. N'importe quelle faction a pu récupérer le cristal.

Un subtil signe de tête du scientifique et Soupir déclencha une nouvelle secousse électrique qui arqua le corps de l’épistote. Un corps qu'il ne contrôlait plus, les fluides s’écoulant sans même qu'il ne le ressente. Navrant classique. Le scalpel se rapprocha, Lewën, dont la bile s'échappait de ses lèvres, se redressa dans un mouvement saccadé. Du sang s'écoulait de ses avants bras et de ses chevilles dont les liens entaillaient sa chair.

- Je retrouverai le cristal ! s'empressa-t-il de cracher. Là oui … elle est la seule… celle qui peut. Laissez là, faut pas …

Ses balbutiements ne voulaient rien dire, un souffle d’exaspération s'entendit, la lame si proche de sa paupière. Il eut un mouvement de recul, inutile.

- Curie … son flair. Elle reconnaîtra l'odeur ! Je retrouverai le cristal ! s’entêta-t-il à clamer.
Lun 29 Avr - 17:48
Un fin sourire s’étendit sur les traits du scientifique. Il aimait le pouvoir. Il aimait sentir qu’il possédait l’ascendant. Mais il n’avait pas cette distanciation humaine qui faisait qu’il pouvait ressentir quoi que ce soit qui ait trait à la culpabilité. Emoussée par des siècles à frayer avec le pire des limites de ce que le myste pouvait offrir ? Ou tout simplement dépourvu de cette simple once de décence ? Après tout, il n’était pas humain. Ni Strigoï. Il le savait. Au départ il avait été Prime. Même si l’image d’un ursidé s’imposait à lui. Il était né dans les Limbes.

- Quelle pitié … murmura-t-il. Votre incompétence risque de précipiter le déséquilibre des forces en œuvre … et la fin de toute chose étrangère à la Brume.

Il le contempla avec dédain puis ordonna à l’agent de se tenir prête d’un geste de la main. La torture avait ceci de malavisé qu’elle faisait presque dire n’importe quoi lorsque le niveau de douleur était trop important. Avait-il dépassé ce cran si ténu ? Ce fil si fragile qu’il avait brisé la psyché de son cobaye ? Il en doutait, il n’était pas le premier à passer entre ses mains. Il fit un signe à l’agent Soupir et s’écarta. Une odeur rance se mêla aux fluides du médecin. Le Baron retroussa le nez, agacé par cette fragrance que son vestige ne semblait pas apprécier. C’était arrivé bien vite …

- Personne n’est plus rapide que nous, cher Lewën, comme vous le découvrirez sous peu. Mais votre proposition … est alléchante.

Sans compter qu’il s’agissait là de la seule piste qu’ils avaient en leur possession. Vladimir soupira, une fois de plus. Il observa la Tartare, revint vers le Docteur. Une fois, puis deux. Pourquoi pas. Il approcha la lame de son scalpel de sa paupière, décidé à lui faire cracher quelque chose d’utile. Il débitait des éléments qui n’apportaient rien. Soit il était vraiment inutile, soit il y avait là quelque chose à y gagner. C’était trop incongru pour être délaissé.

- Si je peux vous donner un embryon de réponse, Monsieur Digo, sachez que nos conjectures poussent vers les premières personnes informées de l’existence de ce cristal. Nous avons mené de nombreuses recherches sur les membres de votre petit … groupe. continua-t-il avec un dédain assumé.

Il recula sa lame et la posa dans une sorte de bassinet métallique prévu à cet effet. Il s’empara d’une flasque d’alcool et la versa dans le haricot. Il semblait particulièrement tenir à celle qu’il appelait Curie. Du flair, quelque chose qui s’en rapprochait. Sa musaboise apprivoisée ? Oh, quelle chance qu’il l’ait conservée pour la fin. Pour le clou sur le cercueil du cobaye. Au moins, le médecin opalin avait rapidement compris quel était le risque pour lui.

- Soyez certains que nos agents sont sur les traces du moindre membre de cette troupe. Beaucoup de nos ressources ont été déployées pour les traquer. Alors, en quoi votre proposition est-elle utile ? Qu’avez-vous de plus à apporter à cette course contre la mort, monsieur Digo ? Une … musaboise ?


Ce faisant, il révéla d’un geste une petite cage dans la cage où déjà de nombreuses musaboises avaient été drainées de leur essence, transformées en de piètres cadavres secs. Posé là en un piège cruel pour qu’il ne puisse la trouver en la cherchant, ou tout simplement pour qu’elle soit la dernière à mourir ? Nul ne pourrait le dire et Vladimir aurait de toute façon tordu la vérité de la façon qui l’arrangeait. Il plongea sa main dans les rares musaboises encore en vie et s’empara de celle enfermée dans sa cage. Elle tenta de le mordre, de le griffer au travers de son gant de cuir. Rien n’y faisait, le gant était trop épais et puis son vestige avait depuis longtemps cessé d’être sujet à de si menus tracas. Il l’approcha de Lewën.

- Elle ? Cette chose si fragile serait responsable de notre salut ?
chercha-t-il à confirmer avant de se tourner vers la Tartare. Entendez-vous ça, agent Soupir. N’est-ce pas risible ? Ne serait-il pas en train d’essayer de nous demander de le relâcher ?

Evidemment, une idée assez saugrenue était en train de germer dans sa tête …
Jeu 2 Mai - 15:00

L’homme myste science

Avec Vladimir Von Arendt



Lewën gagnait de précieuses secondes qui lui permirent de retrouver quelque peu de raison. Assez pour savoir qu’il n’avait plus aucune chance face à ce fou, assez pour savoir qu’il avait mis tout le monde en danger, ses proches plus encore. Il reconnut Curie s’agiter dans les mains de son tortionnaire. Si elle devait mourir, autant s’en charger lui-même, il s’assurerait qu’elle ne souffrirait pas ainsi. La voir se débattre dans la main de cet homme lui tordait les boyaux, qu’il en finisse !

- Vous êtes bien mieux renseigné que moi, vous avez sondé mon esprit … Pour ne pas y trouver plus de réponses … Il tenta de se redresser sur sa chaise, chaque partie de son corps n’était que souffrance. J’ai été épinglé au sol pendant que l’on me détroussait du cristal, stigmates que vous complétez harmonieusement. L’ironie, dernière arme du condamné. Je n’ai rien vu … L’ombre d’un canidé hurlant sur sa poutre, une affabulation de son esprit alors pris dans la tourmente d’une mort certaine. L’odorat des musaboises est infaillible. Elle sera la seule à reconnaître l'odeur de ... il chercha ses mots, de qui au juste ? du détenteur. Mais vous n’en aurez pas besoin, il vous suffira de perdre du temps à faire parler chaque membre de l’expédition, comme moi aujourd’hui, grande réussite hein ?

Il avait dit ça avec un semblant de sourire qui disparut aussitôt, sa tête retombant en avant, trop d’efforts.

- Puisses-tu me pardonner Curie … Puissiez-vous tous me pardonner …, supplia-t-il en son for intérieur, ultime pensée de celui qui n’a plus d’espoir.

Pourquoi les sans corne aimaient-ils tant le mélodrame ? Ils parlaient trop, bourreau, cobaye … S’il n’avait rien à dire, pourquoi répéter ce que le Maître savait déjà ? Et lui, s’il ne pouvait rien en tirer, pourquoi continuer à perdre son temps avec ? Soupir ne comprenait pas cet épandage de l’un et de l’autre, elle se contentait d’observer, prête à répondre au désir du scientifique. Un signe et elle relancerait les décharges électriques, déposerait les insignifiants rongeurs, tuerait le cobaye … Quoi que, il le ferait lui-même par pur plaisir, et sûrement moins proprement qu’elle.
Ven 3 Mai - 15:49
Vladimir soupira, inspecta la musaboise. Il la tendit à la Tartare et s’amusa de sa mine courroucée. Ces créatures étaient taillées dans l’efficacité et ne comprenaient pas toutes les circonvolutions nécessaires pour atteindre le but. Le Docteur se nettoya les mains puis entreprit de fouiller dans sa poche avant de récupérer le petit écrin où il avait déposé ses cristaux. Il l’ouvrit de nouveau et tourna le dos à Lewën.

- Vous êtes bien saugrenu, monsieur Digo, pour vous accrocher ainsi à ce petit espoir. La personne qui vous a dérobé ce cristal n’a pas su le faire en bonne intelligence et discussion avec vous : preuve s’il en est qu’elle avait de mauvaises intentions.
continua-t-il, triant ses outils et se relevant les manches.

- Opale est en train d’être gagnée par la Brume, sabotée par des terroristes religieux. Votre petite troupe de cirque n’a même pas pu retrouver le Régent. Et vous pensez que cela réussira à me convaincre ?

Car oui, le Régent était au cœur de tout. Il ne pensait pas qu’il ait subtilisé ce cristal-là : pourquoi l’aurait-il laissé derrière sinon ? Tout comme l’hypothèse comme quoi il s’agissait d’un membre du groupe était la seule piste exploitable. C’était trop rapide, trop net. Il y avait tant de … possibilités. Jeremiah était exclu, ne restait donc que les autres. Des Epistotes, des Aramilans, des … autres. De la Guilde des Aventuriers notamment. Eux, il les excluait : pas assez éduqués pour comprendre dans quel monde ils évoluaient en dehors de la Brume. Les trois autres … Keshô, hm. Le sale petit Keshô … Il avait aussi vu une nonne et son protecteur. Des religieux qui voulaient réparer leur erreur ? Au moins trois pistes … Le caravanier était mort. D’ailleurs, Xandrie s’était montré la grande absente de cette expédition … un hasard ? Ou encore trop englués dans leur fange habituelle ? La seule autre membre était une mutante qu’il était persuadé d’avoir déjà vu quelque part. Une Banshee ? Une autre piste probable mais il ne savait à quelle faction la relier …

- Quoi qu’il en soit, ce phénomène nous est inconnu est il est URGENT de trouver une solution pour protéger notre nation des affres qu’a connu Dainsbourg. Il se trouve que ce cristal détient l’information nécessaire pour protéger notre nation. Ainsi qu’Uhr : ce qui s’est passé ici n’est que le reflet de ce qui est arrivé à Dainsbourg. Alors, monsieur Digo, vous comprendrez que vos simagrées n’ont aucun poids face au destin de cette nation. reprit-il après avoir effleuré un cristal et s’être retourné vers le médecin attaché.

Vladimir s’approcha de lui et le surplomba, les deux mains croisées dans le dos. Il tenait toujours le même cristal dans ses mains et ses prunelles parurent scintiller d’un éclat opalin lorsqu’il prononça les mots qui suivirent.

- Il est impératif de trouver ce cristal pour le salut des millions d’innocents que vos actions ont mis en péril. Et seul le Magistère est capable d’en tirer les informations nécessaires pour protéger Uhr des conséquences de votre échec.

Il laissa quelques secondes s’étirer afin de s’assurer que le pouvoir du cristal se soit bien imprégné dans la conscience de Lewën. Il le frotta de nouveau et ses prunelles scintillèrent une nouvelle fois.

- Vos camarades d’expédition sont les suspects les plus probables. Il convient de commencer par eux pour sauver Uhr. Trouvez-les, trouvez le cristal et remettez-le au Magistère pour racheter vos immondes crimes. conclut-il d’une voix acerbe.

Ses yeux prirent de nouveau un éclat normal et il expira pour chasser la lassitude causée par les usages répétés de cristaux. Il fit un signe à la Tartare et lui commanda de l’endormir. Lewën serait un peu groggy après la suggestion mentale du Docteur et l’idée qu’il venait d’imprimer en lui. Les cristaux de ce type demandaient toujours un lourd tribut au manipulateur, du moins à Vladimir. Ou peut-être était-ce le fait de se résoudre à une approche plus incertaine qu’à son habitude. Il rangea ses cristaux et soupira. La Musaboise de nouveau en cage, il fit signe à l’agent de le suivre hors de portée d’écoute de la petite créature au cas où il soit fait usage d’un pouvoir de cognition. Il ne savait que traduire de la moue que lui tirait l’Agent Soupir.

- Soupir. Marquez-le et assurez sa surveillance. Cet idiot ne sait rien et ne nous servira à rien. En l’état, il y a une chance que ce soit la seule piste disponible pour remonter la trace du cristal. Veillez cependant à ce qu’il n’ignore pas les conséquences de son échec. N’hésitez pas à vous occuper de ses autres proches si besoin. Sans ingérence politique à Epistopoli.

Il attendit quelques secondes.

- Me suis-je bien fait comprendre ? C’est à moi, personnellement, que vous rendrez compte de cela.

Outrepassait-il ses prérogatives ? Certainement. Forth en serait-il furieux ? Très probable. Vladimir aurait-il gain de cause ? A coup sûr. Il détenait là des informations encore plus précises que le rapport de Jeremiah. Il n'alla pas plus loin : il n'avait pas à s'expliquer de ses décisions devant une Tartare.
Lun 6 Mai - 18:36

L’homme myste science

Avec Vladimir Von Arendt



Lewën se réveilla, la bouche pâteuse, une scie dans la tête. Il peina à ouvrir les yeux, même ses paupières lui semblaient être des instruments de torture. Il plaqua sa dextre sur son front et … attendez ! Sa main sur son front ? Il ouvrit davantage ses lourds bourrelets oculaires, observant ses doigts comme s'il les voyait pour la première fois. Était-il libre ?

Contre lui une petite masse chaude, il peina à relever le buste pour y découvrir Curie. Une larme roula, il prit la petite bête groggy dans ses bras et resta ainsi de longues minutes les yeux clos. Lorsqu'il les rouvrit, il reconnut sa chambre … son cerveau peinait à comprendre ce qu'il se passait. Tout cela n'était qu'un mauvais rêve ? Peut-être bien, le songe s’étiolait, laissant un goût amer au médecin.

Mais très vite la réalité le rattrapa. Les douleurs, les marques de garrot sur ses avants bras et chevilles, le sang séché… il était vivant ! Ça ne relevait pas du miracle non, son tortionnaire attendait forcément de lui qu'il retrouve le cristal. Son argument avait fait mouche ! Et au fond, le Magistère n'était-il pas les seuls capables d'en tirer les informations nécessaires pour sauver Uhr des conséquences de … son échec ?

Il se releva avec toute la peine du monde, sentant sa Nebula s’agiter, prête à absorber n'importe quelle énergie pour lui. Il se rassit pour lutter, posa Curie et lui dit signe de s'éloigner. C'était trop risqué. D'abord chancelante - nul doute que la bête avait été droguée - la musaboise déguerpit vers le seul lieu où elle pouvait trouver de l'aide : l'Office d’Izydor.

***

- Soupir. Marquez-le et assurez sa surveillance…

Elle avait laissé le Directeur donner ses ordres avant de prononcer ses premiers mots.

- Je vais marquer sa vertèbre, il faut l'ouvrir et refermer.

Il avait été surpris mais se reprit tout aussi rapidement. Elle sentait que l'idée lui plaisait, fier de la création du Magistère. Les Tartares n'étaient plus des êtres, seulement des outils fiables du Magistère. Il prit plaisir à ouvrir la nuque de l'homme, à la base de sa chevelure, pour que la cicatrice passe inaperçue une fois recousue. Il était aussi minutieux chirurgien que tortionnaire.

Soupir ne perdrait plus la trace de l’épistote. Sous sa cape, elle guettait dans les rues d’Opale. Elle vit courir la sans corne si proche du cobaye, elle entra dans la demeure de l'homme, précédée par le petit rat dont elle avait dû laisser la vie sauve. Curie … le salut d’Uhr … Soupir observait, immobile et silencieuse, comme le prédateur qui attendait le meilleur moment pour abattre sa proie.