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A night to remember

A night to remember Brandw10
Mer 2 Aoû - 12:59
A night to remember Max-hugo-misty-lake-max-hugo




La Brume s’étendait à un empan du Patrouilleur. Elle dardait vers lui des fumerolles qui l’invitaient à entrer, fragiles et avides tentacules. La présence au sein de l’esprit de Ryker s’agitait, fébrile de frayer à nouveau parmi les siens. Ce dernier se tenait droit, la main serrée sur la garde de son épée courte. Sa gorge était sèche, comme à chaque fois qu’il devait entrer dans les méandres du dangereux brouillard. Il risqua un regarda arrière, la route qui le séparait du village était longue à présent et il ne pouvait pas reculer. Des vies étaient en jeux, il était le seul espoir des perdus. Pauvres imprudents qui peinait à comprendre les dangers de cette fange miasmatique.

Un cercle vicieux et ineffable : les jeunes ne comprenaient pas les craintes des anciens. Ils passaient leur vie à remettre en question leurs peurs pour, à la fin, en devenir l’incarnation. Il était passé par là, il l’avait payé au prix cher d’un sombre parasite qui grignotait sa santé mentale jour après jour. Un ver malveillant qui lui conférait des dons impotents. Ryker tendit un doigt vers ceux translucides du brouillard maudit. Les entrelacs de fumée se nouèrent sa main, l’enrobèrent et il sentit une légère traction. Elle l’invitait à entrer, à ne faire plus qu’un avec elle. Il rompit le contact et avec elle la puissance hypnotique de son hôte. Elle ne demandait que ça, franchir le pas : céder.

Mais le Patrouilleur ne pouvait flancher. Ni maintenant, ni jamais. Il y avait au sein de cette putride brume un être en danger et il était de son devoir de le secourir. Au nom de la Guilde, en son propre nom. Il expira, vérifia une nouvelle fois tout son attirail. La Brume était la plupart du temps indifférente à sa présence, et sa nature contaminée faisait de lui plus un enfant du pays qu’autre chose. Pourtant, la fraction humaine de son esprit ne pouvait s’empêcher de trembler au souvenir de ce qu’elle lui avait infligé, avant de le marquer par sa Nebula. Il perçut un rire sinistre, niché dans sa psyché. Lestat se gaussait, encore et toujours, de ses peurs et errances.

- Je ne te crains pas, pourriture brumeuse. se murmura-t-il, avant de faire un pas et traverser le rideau qui le séparait de sa quête.

Ryker perçut plus qu’il ne vit les milliers de phalanges inquisitrices qui le palpèrent avant de se retirer et de le laisser arpenter les sentiers sans crainte. Le baiser de la Brume, comme il l’appelait, se faisait de plus en plus chaleureux. Il écarta d’un geste agacé les dernières fumerolles puis entreprit de poursuivre le sentier d’un pas inquisiteur. Il n’y avait pas beaucoup de chemins menant aux ruines jouxtant Andoria. L’adolescent qui s’était enfuit, s’il était encore vivant, ne pouvait qu’être passé par là. Il avait suivi sa piste et ses pas dans la boue, jusqu’à rejoindre cette portion de la route. Sa famille était plus qu’inquiète, ils ne comprenaient pas quelle mouche l’avait piquée. Mais Ryker, lui, ne le comprenait que trop bien. Que ce fut l’aventure, l’amour ou bien … la stupidité. Ou tout ça à la fois. Il ne savait qu’une chose : il devait retrouver quelqu’un ou quelque chose dans ces miasmes et il ne s’était pas préparé en conséquence. Pas un mot, pas un message. Juste de l’inquiétude et un manque cruel de sagesse.

Après plusieurs dizaines de minutes de marche et arrêts, le Patrouilleur s’agenouilla auprès d’un buisson. Il laissa glisser ses doigts sur la terre ce qui causa l’envolée d’une nuée d’Ailes de la Brume. Joli spectacle sur lequel il ne leva pas un œil. Il tenait entre ses doigts une bourse en cuir, éventrée. Déchirée. Un peu plus loin, la terre humide était striée de raies parallèles qui sillonnaient le chemin. Il avança de quelques pas. Des gouttes de sang. Fraîches. Et au loin, la flèche d’une église en ruine perçait la Brume. Il porta la main à son dos, dégaina son épée longue. Le Patrouilleur fit craquer sa nuque, son épaule gauche. Il expira, ferma les yeux pour étendre ses sens. Les chances de survie du gamin s’amenuisaient.
Sam 5 Aoû - 0:05

Si les aventures exaltantes pouvaient exciter un vagabond tel que notre Portebrume, il existait malgré tout des missions moins intéressantes que des volontaires devaient réaliser. Par exemple, retrouver des enfants perdus dans la Brume. Oui, des personnes manquant de sagesse se jetaient régulièrement dans la gueule du plan grand prédateur de ce monde. Peu expressif, Artémis ne donnait jamais son avis sur ce genre de question, mais il lui semblât évidence que ces illuminés devaient assumer leurs bêtises. Mais comment refuser l’aide à des parents attristés ? Ici, une jeune adolescente serait partie s’aventurer dans la Brume, sans laisser la moindre indication… Si le portebrume préféra ne rien dire, il était évident que la retrouver vivante relevé du rêve.

Il se demanda au cours de son voyage ce qui avait pu pousser une jeune demoiselle à se rendre dans un lieu aussi dangereux. Les aventuriers expérimentés eux-mêmes évitaient soigneusement d’y mettre trop souvent les pieds. La soif d’aventures ? L’amour ? La folie ? Aucun de ces motifs n'était satisfaisant. Ses pensées n’avaient elles non plus pas réellement de valeur. On le payait pour une mission et il devait la mener jusqu’à son terme. S’il n’appartenait à aucun groupe, aucune faction, le vagabond n’en demeurait pas moins un patrouilleur, finalement.

Plongé dans ses songes, le Portebrume ne remarqua que trop tard qu’il pénétrait dans les landes submergées. Contrairement à ses premières expéditions, elles ne s’agrippèrent pas à lui comme sangsues pour absorber son âme. Aujourd’hui, elles l’accueillaient gentiment et proposaient même d’éloigner les nuisibles de sa route. Malgré ces réjouissances, elles se jouaient encore de lui, se moquaient de sa personne, si fragile et manipulable pour des êtres supérieurs. Sa Nebula en profitait également pour se moquer avec ses sœurs. Œil-De-Nuit, l’esprit du loup qui l’habitait, grognait tant les rires de ces esprits l’agaçaient.

« Je suis d’accord avec le loup. Bouclez-la un peu. », fit-il d’un ton glacial.

Artémis demanda à Œil-De-Nuit de lui prêter son odorat le temps de quelques instants. Il n’aimait pas le faire car c’était assez addictif d’utiliser les sens extrêmement développés du canidé. Cependant, et surtout pour des recherches comme celle-ci, cet atout était absolument essentiel. En un rien de temps, dans cette obscurité, le vagabond trouva des pistes. Des traces de pas récentes, du sang frais, puis l’odeur d’un individu présent dans les alentours. En étendant son ouïe, il entendit une lame se dégager de son fourreau. Si la demoiselle qu’il cherchait n’était pour lui plus de ce monde, le faible espoir existant devait être limité par l’intrusion d’une potentielle menace. À pas de loup, il se déplaça à travers la Brume, discrètement et rapidement pour rattraper un danger potentiel. Il le vit se diriger vers les ruines d’une église.

« Il est rare de croiser du monde en ces lieux peu accueillants. Ce sang, tu en es pour quelque chose ? », demande le Portebrume sans indiquer ce qu’il recherchait. L’homme qui se trouvait face à lui semblait dangereux. À en juger par sa tenue et sa présence dans les Landes Submergées, il parirait bien sur un patrouilleur de la guilde. Et ce scénario serait une sorte de bénédiction.


Mar 8 Aoû - 15:05
Dans un sursaut, le Patrouilleur se retourna et darda son épée vers l’intrus. Il la tint droite malgré son poids et ses pupilles s’étrécirent sous l’effet de la peur. Il expira et vint soutenir sa main d’arme avec son autre bras. Il commença à décrire un arc de cercle pour mettre le sentier dans son dos en cas de danger. Ses yeux examinèrent l’imprudent de haut en bas, et il n’en releva aucun indice sinon qu’il était assez fou pour s’aventurer dans la Brume. Il décida malgré tout de baisser son arme, tout en la gardant le long de son corps.

- En effet, il est rare de croiser du monde ici … surtout du monde capable de s’intéresser à une piste de sang alors que la Brume en est maculée.
remarqua le Patrouilleur avec un petit rictus qui trahissait sa méfiance.

Il continua son arc de cercle, garda bien en vue les armes du nouveau-venu. Il enfonça un pouce dans son uniforme.

- Mais c’est mon métier. Alors que toi, toi je ne te connais pas. poursuivit-il, optant pour le tutoiement tout comme son interlocuteur l’avait fait.

Il l’avait questionné sur les traces de sang, ce qui signifiait qu’il était peut-être lié à cela. Mais la question venait plutôt dans la ligne d’un potentiel allié que d’une menace de la Brume. A moins que ça ne soit encore une illusion ? Ryker en doutait, la Brume n’était pas du genre à lui chercher des noises à ce point. Le petit rire de sa Nebula vint le contredire.

- Je suis à la recherche d’un adolescent. J’ai remonté sa trace jusqu’ici et j’ai trouvé des traces de sang. Tout a l’air de mener à ces ruines à côté de l'église.
révéla-t-il avec précaution.

Les réactions de l’étranger en diraient assez long sur son but. Soit il savait déjà qu’il y avait un gamin en danger, soit il le découvrirait et peut-être proposerait-il de l’aider. En soi, il n’y avait pas de réel risque, sauf s’il était à l’origine de l’enlèvement et qu’il jouait les innocents pour son propre plaisir malsain. Auquel cas la mission serait réglée aussi : les élémentaires pouvaient bien avoir ce genre de jeux. Ou encore les vestiges hantés par des spectres revanchards. Mais l’homme qui lui faisait face avait plutôt l’air d’un guerrier aguerri et avec une habitude un peu trop nette de parcourir la Brume. Tout comme lui, à vrai dire.

- Et toi ? Qu’est-ce … commença-t-il, mais un cri déchira le silence surnaturel du brouillard et l’interrompit.

Un cri aigu qui aurait pu être celui d’une femme. Le Patrouilleur étrécit les yeux. Quelque chose clochait et le taraudait. Il respira profondément, huma l’air. Un fond de pourriture, sans qu’il ne sache discerner quoi.

- Quelque chose cloche … murmura-t-il, bien qu’il évitât toujours de tourner le dos à son interlocuteur. Je n’ai pas le temps de me méfier de toi, étranger. Les cris appellent les Patrouilleurs. M’aideras-tu, bien que ça ait tout l’air d’être une mauvaise idée de foncer là-dedans tête baissée ?
Mer 9 Aoû - 23:25

L’inconnu fit un effort considérable pour baisser son arme et ne pas paraître hostile. Encapuchonné, seuls les yeux brillants du Portebrume, donnant une impression non-naturelle, étaient visibles et pouvaient effrayer les nouvelles rencontres. Il décida alors, en guise de bonne foi, de baisser sa capuche et d’afficher sa longue chevelure de couleur albâtre. Les deux hommes s’observèrent comme des animaux, jaugeant la dangerosité de la proie qui s’était présentée. Mais finalement, probablement plus sage que ne l’était Artémis, le patrouilleur brisa la glace et entama la discussion. Naturellement, le vagabond ne comptait pas s’exprimer sur son étroite relation avec la Brume. Et si son nouvel ami pointa du pouce l’écusson placé sur son uniforme, comme pour justifier sa présence en ces lieux, l’homme aux cheveux d’albâtre ne bronchait pas.

Un cri retentit et alerta les deux hommes. Préoccupé, le patrouilleur signifia qu’il préférait ne pas se méfier du vagabond et comptait même sur son aide. D’après ses dires, il était à la recherche d’un adolescent. Tout à l’heure, en touchant le sang, l’une de ses capacités le plongea dans le passé et il vit un adolescent qui titubait en direction de l’église en ruine. C’était peut-être celui que recherchait le patrouilleur.

« Tu n’as absolument rien à craindre de moi, patrouilleur. Je ne m’attaque qu’aux personnes qui me sont hostiles. Par ailleurs, ces traces de sang m’ont donné les images d’un adolescent, probablement celui que tu recherches. », fit-il en se grattant la tête. « J’ai encore du mal à gérer toutes les infos, alors je ne peux pas vraiment en dire davantage. »

Il se demanda si le cri survenu plus tôt n’était pas féminin. Cependant, ce cri avait également quelque chose de terrifiant. Une jeune adolescente pouvait-elle réellement produire un tel son ? Au regard de son compagnon d’infortune, le Portebrume comprit qu’il se posait également des questions sur ce qui les attendait. Néanmoins, si la probabilité de retrouver les deux adolescents, ou ne serait-ce qu’un seul, était assez mince, leur mission était de rapporter la vérité.

« Allons-y. Le temps nous manque. Ah ! J’oubliais. Moi, c’est Artémis, un simple vagabond. »

Il passa devant le patrouilleur en direction du cri strident. Il passa suffisamment proche pour avoir un électrochoc qu’il tenta de dissimulée. Une voix à l’intérieur l’interpella : il est comme nous. Il comprenait parfaitement ce que cela signifiait. Cet homme était aussi un Portebrume. Si le vagabond a pu le déceler, alors son compagnon le pouvait également. Rapidement, l’odorat du Change-Peau l’alerta de l’approche de quelques intrus. D’un signe de la main, il indiqua la direction de son partenaire qui semblait être un épéiste, comme lui, encore une fois. Ils avaient beaucoup de points en commun et cela fit sourire le vagabond.

« Des Exulos. Deux possibilités : on se livre à un affrontement qui peut être long selon leur nombre ou on trouve du feu. »


Dernière édition par Artémis De Goya le Dim 27 Aoû - 21:47, édité 1 fois
Ven 25 Aoû - 22:09
Le Patrouilleur fronça les sourcils. Images ? Hm, certainement un Portebrume ? Ou alors un truc étrange ... mais avec des dons liés à la Brume. Voilà qui expliquait deux ou trois éléments, à commencer par ses yeux qui filaient la chair de poule. On ne savait jamais à quoi s'attendre avec les mutations et les pouvoirs. Il ne réduisit pourtant pas la distance avec lui, le fait de savoir qu’il avait des dons issus de la Brume ne l’en rendait que plus méfiant. Il ne faisait pas confiance à ce qui avait pu être touché par la malicieuse … tout comme il l’avait été touché. Et ce genre de préjugé était la raison exacte pour laquelle il cachait son pouvoir. Paradoxal. Il semblait cependant être rompu aux arts du combat.

- Ryker, Patrouilleur. répondit-il en tournant son regard dans la direction indiquée par le dénommé Artémis.

Il n’y avait pas beaucoup de ‘simples vagabonds’ dans la Brume. Et en général ils se divisaient en deux catégories bien distinctes. Il fit jouer son épée pour se chauffer les articulations et contracta ses muscles. Béquille ne demandait qu’à servir.

- Je n’ai pas de feu, mais j’ai une épée. Peut-être qu’on trouvera de quoi faire du feu vers le village en suivant les cris. S’il s’agit du gamin que je cherche, il va ameuter toute la colonie si ce sont bien des Exulos … fit le Patrouilleur, puis il emboîta le pas de son camarade d’infortune d’un pas décidé.

Si c’était des Exulos, juste histoire de signaler qu’il ne nourrissait pas encore une pleine confiance en lui. D’autant plus qu’il n’avait pas tout à fait compris la nature de son pouvoir : revoir le passé avec le sang ? Découvrir des indices avec le sang ? Faire des … choses avec le sang ? Mais les cliquetis caractéristiques des créatures qu’ils perçurent en approchant de l’entrée du village en ruines le firent bien vite déchanter : il s’agissait en effet d’Exulos. Il vit leurs visages déformés et éclatés émerger de la Brume. Ils titubèrent de façon désordonnée jusqu’à capter la présence des deux portebrumes. Leur attitude changea du tout au tout et les êtres hésitants les chargèrent avec une hargne insoupçonnée qui avait dû dérouter bien des aventuriers inexpérimentés. Mais on ne survivait pas dans la Brume durant dix années sans avoir un minimum de précaution et d’expérience. Le Patrouilleur esquiva le premier et lui sectionna la tête d’un geste net et précis. Il perçut l’excitation de sa Nebula qui frétillait d’excitation devant la violence à venir. Plus jeune il avait souvent recours à elle rien que pour se rassurer et se donner l’illusion du contrôle. A présent, il savait que c’était précisément à cause de cela qu’il pouvait à tout moment le perdre, ce contrôle. Lestat était enivrante.

Ryker perça un crâne d’un coup d’estoc et se retourna pour en sectionner un autre. Il esquiva un coup de griffe de justesse. L’économie des mouvements et des années d’entraînement : rien ne valait l’expérience et le fait de mettre sa vie sur le fil en permanence. Il fit reculer un Exulos d’un coup de talon et s’ébroua pour reprendre sa respiration. Les créatures n’étaient pas assez fûtées pour s’organiser face à eux. Mais leur endurance avait ses limites. Il en élimina quelques autres, guetta comment son camarade s’en sortait, puis le flot finit par se tarir. Une petite dizaine.

- Ils devaient rester en arrière. Les autres ont dû aller vers le cri. Tu as … heu … moyen d’en savoir plus en les touchant ? lui demanda-t-il, un coude sur le genou pour récupérer son souffle.

Demander à un autre homme de se servir de sa Nebula … toute opportunité était bonne à prendre tant que personne n’en perdait la boule ou ne se fondait dans la Brume. En l’état, le pouvoir d’Artémis était bien plus utile que le sien : de quoi se racheter mentalement une valeur morale sur la proposition qu’il venait de faire.

- Peut-être que le gamin s’est réfugié dans un bâtiment. Je crois qu’il y avait une forge pas loin de l’Eglise. Cela fait trop longtemps que je suis passé ici et je ne me souviens pas bien. A vrai dire, je sais même plus s’il y avait déjà des Exulos … ou alors je confonds le … Bref. Place centrale, on cherche de quoi faire du feu ? Ou alors tu as encore un atout caché ?
Dim 27 Aoû - 23:32

Alors, ce sera la bagarre, songea le vagabond. Il déplia la mitrailleuse Dexar accrochée à son dos et commença à tirer des petites salves, précises, qui touchaient directement le crâne des Exulos. L’utilisation des armes à feu n’était pas son activité favorite, c’était avant un tout un épéiste, mais il pouvait ainsi couvrir son camarade. Après une brève observation, il constata que ce dernier se débrouiller parfaitement bien sans son aide. Un combattant aguerri et expérimenté, peut-être plus qu’il ne l’était lui-même. Elément assez intéressant de son point de vue. Peut-être pourra-t-il en apprendre davantage à ses côtés.

Des mouvements dispersés, saccadés, ils leur arrivaient même de se bousculer entre eux. Si l’on gardait son sang-froid, on pouvait survivre contre une horde d’Exulos. Si l’on cédait à la panique, on s’épuisait rapidement, puis on se faisait attraper à un moment donné. Et complètement bouffé. Si le dénommé Ryker combattait en s’efforçant d’économiser ses mouvements, Artémis préférait carrément tirer à distance pour ne pas du tout s’épuiser. On ignorait encore ce qui les attendrait un peu plus loin. Les deux patrouilleurs avaient plutôt bien géré leur affaire, le nombre faiblissait largement pour leur grand bonheur. Ryker suggéra même d’user de ses capacités pour obtenir des informations. S’il ne connaissait pas ses capacités, il avait en partie deviner de quoi il en retournait.

S’assurant de ne pas être attaqué, sous-entendu que son partenaire le couvrait, Artémis s’agenouilla auprès d’un des cadavres et le toucha délicatement. Son cristal s’activa et une il fut entraîné dans un tourbillon d’informations. Comme il l’avait annoncé, sa maîtrise était encore imparfaite. Des bribes d’images et de sons. Des cris humains. Des mouvements de foule. Au début, le vagabond ne parvenait pas à savoir si ces éléments provenaient de l’époque avant de devenir un être dénué de sens ou si c’était récent. Mais à en juger par l’état des bâtisses qu’il identifiait, ces informations semblaient récentes. Trop difficile pour lui de piocher plus loin.

« Je n’ai pu percevoir que des cris. Deux voix différentes. Si nous avons de la chance, c’est encore frais. Par contre, comme tu le craignais, d’autres ont été attirés par les cris. Et d’autres surprises nous attendent. Je te laisse la surprise. En fait, non. Je sais simplement qu’il n’y a pas que des pantins désarticulés. »

Aucun d’eux ne le dit, mais la faute à des gamins qui ne pouvaient pas la fermer. A quoi bon s’aventurer dans la Brume si c’était pour hurler à la première difficulté ? Quand on pénétrait la Brume, on se devait de savoir à quoi s’en tenir. Artémis rageait de voir encore des inconscients plonger dedans comme s’il s’agissait d’un parc d’attraction. Comment, à leur époque, pouvait-on encore être aussi stupide ? Les patrouilleurs et explorateurs remplissaient des contrats plus ou moins intéressants. Des missions comme celles-ci étaient les moins intéressantes et pourtant parmi les plus dangereuses. Le ratio risques/intérêts était effroyablement ridicule.

« La situation étant ridicule, je suggérerais de replier chemin et de ne pas risquer nos vies pour des idiots. Mais tout comme moi, j’imagine aussi que tu tiens à aller au bout de ton contrat. »

« Nous sommes bien stupides, pensa le vagabond.
- Je confirme, rétorqua la Nebula. »

Dim 8 Oct - 13:58
Leur danse fatale laissait un sillon de morts-vivants dans leur passage, la bêtise des créatures jouait pour eux. Leur nombre, en revanche, commençait à user leurs réserves et Ryker jalousa l’arme d’Artémis plus d’une fois. Il était obligé de contenir puis de revenir en arrière pour reprendre son souffle mais percevait ses réserves diminuer, bien qu’il eut des années au sein de la Brume pour s’entraîner à de pareilles situations. Artémis fit son office et cela sembla fonctionner : pouvoir sacrément utile pour un traqueur s’il en était. Le Patrouilleur serra ses dents pour contenir le soupçon de culpabilité qui le tracassa lorsqu’il repensa à la malveillance de sa propre nebula.

- C’est … c’est déjà ça. J’espère ne pas tomber sur des jianghis. Ces créatures sont d’un ennui …
répondit-il en essayant de faire comme si ça ne le terrifiait pas.

Il repoussa un énième exulos et l’envoya bouler dans ses pairs. Leur nombre avait considérablement diminué, au moins d’une vingtaine à présent. Ce n’était pas rien dans un tel environnement. Mais il en restait toujours et ces derniers continuaient d’affluer de façon bien trop régulière. Le son de leur combat en attirerait d’autres de façon invariable, jusqu’à qu’une foutue horde ne les avale.

- Ridicule, certes. Mais nous sommes leur seule chance. C’est … mon rôle. Tu as perçu deux voix, c’est ça ? Même s’ils sont stupides, c’est notre devoir de les sauver. La vie est trop courte pour être parcourue sans lui donner de sens. répondit-il, lame en avant.

Ryker indiqua la rue qui sillonnait dans son dos du pouce.

- Direction la forge, la flèche de l’église ne devrait pas en être trop loin. Il faut rallier ces gosses avant qu’il ne soit trop tard. Comment fonctionne ta machine ? Elle pourrait faire des étincelles pour allumer un feu ? Je ne suis pas trop à l’aise avec tout ce qui vient d’epistopoli.

Il se tourna vers Artémis et entreprit de remonter la ruelle désignée, en évitant de révéler que c’était plutôt sa nebula qui avait plutôt tendance à mépriser tout ce qui l’éloignait de la Brume. Ils démembrèrent deux exulos qui s’attardèrent sur leur passage avant de déboucher sur la place centrale du village. Les alentours de la forge étaient vides mais le parvis de l’église accueillait un amas de morts-vivants qui tambourinaient sur une porte lourde. Un léger instant de sursis, mais la foule des créatures croissait à mesure que d’autres s’agglutinaient là. Impossible de passer par ce biais, restaient les hauteurs … incertaines vu l’état apparent de la charpente. Donc, le feu.

Ryker s’engouffra dans la forge et entreprit de fouiller ce qu’il pouvait y trouver. Des ustensiles divers et variés, mais rien d’utile. Du vieux charbon et des pots brisés. Rien qui n’aurait pu l’aider. Il mit cependant la main sur des chiffons élimés et une vieille jarre d’huile que le temps avait épargné. Le charbon de la forge était toujours en place mais avait depuis longtemps été terni par la pluie qui s’était infiltrée dans la bâtisse. Le Patrouilleur était un peu débrouillard, mais cela lui sembla assez léger pour commencer. Il pourrait enflammer quelques flèches, à la rigueur, mais rien de plus. L’huile ferait un excellent combustible à condition de la tester. Une explosion peut-être ?

- Artemis, des pistes ?
Mar 10 Oct - 21:14

Les voilà protégés pour quelques minutes, un court répit pourtant nécessaire. Le nombre d’Exulos était exagérément élevé et la lutte avait naturellement épuisée ces deux guerriers aguerris. Ryker tentait de trouver des outils et moyens d’allumer un grand feu. Malheureusement, les ruines parlaient d’elles-mêmes, les locaux n’étaient plus utilisables depuis bien longtemps. Le charbon humide ne leur serait d’aucune utilité. Alors plongé dans ses songes, Artémis en sortit brusquement à l’intervention de son acolyte. Il détestait être retiré de force de ses pensées lointaines. Elles lui donnaient l’impression de voyager loin de ce monde, loin de tout ce malheur. On ne le disait pas assez, mais la Brume était un fléau qui avait détruit des civilisations entières. Dans Uhr, aucun ne pouvait prétendre vivre sans ne jamais penser à l’engloutissement de sa demeure par la Brume.

« Si des pistes il y a, elles ne sont points ici, mon ami. Ce qui est plutôt inquiétant. Cette forge aurait été une alternative, mais il semblerait que quelque chose les ait empêchés de venir se réfugier ici. »

Cela voulait également dire qu’ils devront quitter cette forge et s’aventurer au milieu de l’ennemi. Cette nouvelle n’enchanta aucun des deux hommes qui restèrent silencieux. Une détonation, puis plusieurs autres les sortirent de ce silence. Artémis se précipita vers la sortie dans l’espoir de trouver les deux adolescents. Hélas, il tomba face à un spectacle désolant : les Incubes qui tentaient de fuir aux terribles Blieg. Un autre fléau se trouvant dans la Brume, difficile à terrasser, assez collant. En bref, à éviter à tout prix. Mais s’ils évitaient les Incubes, l’apparition des élémentaires n’était peut-être pas un inconvénient.

« Nous devrions profiter de l’apparition des Blieg pour reprendre la route. Les Incubes cesseront de nous pourchasser pour un certain temps. »

Encore fallait-il ne pas être repéré par les boules de feu. Le vagabond sortit le premier et se déplaça avec précaution, bondissant de maison en maison, de ruines en ruines, en prenant soin d’être à l’abris des regards ennemis. Les Blieg flottaient et jouissaient d’une vision d’ensemble du territoire. Heureusement, les vêtements sombres dans cette Brume épaisse aidait à se dissimuler. D’autant plus que les chiens et canidés habités par de mauvais esprits faisaient une excellente diversion. Alors qu’il attendait patiemment la bonne occasion de s’échapper, le Portebrume tomba sur une écharpe sans charme particulier, mais d’une propreté relativement récente. Son nez aiguisé, notamment grâce au loup qui l’habitait, sentit un fort parfum féminin. Il ferma les yeux et se plongea une nouvelle fois dans un voyage à travers le temps. Lorsqu’il rouvrit les yeux, rien n’avait changé autour de lui. Combien de temps s’était écoulé ? Si l’expérience lui sembla longue, celle-ci ne dura que quelques secondes.

« Ils se sont dirigés vers l’église, comme on s’en doutait. Ils avaient peur et semblaient être poursuivis par quelque chose que je n’ai pas pu identifier. Autrefois, il existait un pont qui reliait cette ville à l’île, à son centre, dans laquelle se trouve l’église. »

Ce détail suggérait une chose : quelque chose les a peut-être engloutis au fond de ce cours d’eau qui séparait l’île de la ville. Le Drolzin passait par ici.


Ven 13 Oct - 17:33
Quelque chose ? Il mettait une seule entité au-dessus de la marée de deux-fois-nés ? C’était inquiétant et ce lugubre aventurier ne lui disait pas tout. Il en avait la certitude, Artémis était un petit cachottier. Ou alors tentait-il d’épargner une conclusion inéluctable à son comparse. Ryker fronça des sourcils. Il avait néanmoins raison sur un point : il n’y avait rien pour eux par ici. La Brume avait une telle emprise que c’en était devenu la foire au bétail monstrueux. Ryker observa la forge qui tombait en ruine, forcé de reconnaître que son camarade avait raison. Lui aussi serait venu chercher du feu à la place de ceux qu’il essayait de sauver. Mais à leur différence, il savait que le feu pouvait l’aider. Mieux valait partir du principe qu’eux aussi : ou alors ils auraient été encore plus stupides de venir ici.

- Hm. Je ne suis pas sûr de ta conclusion mais … et il est déjà parti. Bon sang, je dois avouer qu’il est quand même assez classe cet Artémis … hm et j’espère qu’il n’a pas l’ouïe fine … murmura-t-il, tout en se grattant la barbe.

En effet, une aura de mystère nimbait le personnage et ses talents ne l’en rendaient que plus … intriguant. Une magie fine, un nez creux. Associés à une âme plutôt bonne à ce qu’il en jugeait. Le Patrouilleur s’apprêta à sortir un énième trait d’esprit mais une explosion le coupa dans son élan. Il se rua dehors pour découvrir avec effroi que la notion de foire n’était pas usurpée. Des râles enflammés échappaient des Blieg avaient envahi l’endroit et répandaient un chaos de chair nécrotique et de flammes sur les abords de l’église, comme si la Brume avait oublié toute décence. Le Patrouilleur marqua un temps d’arrêt : il n’avait jamais vu pareil esclandre parmi les forces occultes de ses ennemis. Quelque chose le dérangeait mais il n’aurait sur dire quoi. Il observa Artémis s’échapper sur un toit et disparaître de sa vue avec une facilité déconcertante. Le Patrouilleur regarda les ruines, ses mains. Fit jouer ses bras. Son armure crissa, sa cotte de maille scintilla. Il sauta sur place. Hm. Il se faufilerait donc dans les rues. Il tenta donc de suivre le rythme mais dût se rendre à l’évidence : il y avait quelque chose d’anormal chez cet individu et sa condition physique surpassait la sienne.

Le Patrouilleur se glissa donc entre les maisons et dans les charpentes pour tenter de suivre Artémis au bruit qu’il faisait en marchant sur les tuiles. Il profita de la Brume et vissa sa capuche sur sa tête pour rester hors de vue des créatures qui transformaient les incubes en feu d’artifices. Il n’avait jamais vu ça. Pourquoi la Brume les aidait-elle ainsi ? Les aidait-elle vraiment ? Il avait toujours cru que la diablesse avait une sorte de conscience propre, mais là ça dépassait tout ce qu’il n’avait jamais vu. Le Patrouilleur grommela alors qu’il se glissait par une fenêtre éventrée. Les pas d’Artémis s’étaient arrêtés. Il fit le tour de la bâtisse, ripa sur des briques alors qu’il essayait de se hisser sur le toit. Les tuiles crissèrent sous son poids mais il parvint à atteindre une poutre qui saillait hors de la bâtisse. Artémis était là, un genou au sol en train de renifler une écharpe. Il prenait la pose. Même le vent semblait s’en être mêlé pour lui donner un air mystérieux et terriblement héroïque. Le Patrouilleur grinça des dents. Oui, il était jaloux. Alors qu’il s’apprêtait à parler, l’aventurier sortir de sa torpeur et lui révéla ce que ses dons avaient pu lui apprendre.

- Je … heu oui. Comme on s’en doutait. reprit-il, perplexe. C’était ce que Ryker disait depuis le début, Artémis semblait ne pas l’avoir cru jusqu’à présent. Quelque chose commença à titiller les émotions du Patrouilleur comme jamais. Il avait arpenté la Brume pendant dix années, survécu à des choses improbables. Vu des choses pires encore. Mais c’était la première fois qu’il avait l’impression d’être pris pour un bleu, pour un gosse. La première fois qu’il ne se sentait … pas capable de faire face. Il inspira, expira. Sa Nebula frétilla et se réjouit de ce sentiment qui commençait à s’épanouir dans sa poitrine. Elle s’étira, arpenta chacune des fibres de sa peau et déplia ses griffes nébuleuses jusque dans les extrémités du Patrouilleur.

- Autrefois, oui … Il y a vraiment longtemps. appuya-t-il, alors que ses yeux s’étrécirent.

Ryker observa l’être qui s’avança devant lui, et constata que la Brume ne s’écartait pas devant lui, ne réagissait pas à son passage. Hm. C’était certainement son imagination. Mais tout cela tombait trop bien. Il resserra sa prise sur la garde de son épée. Tout cela tombait bien. Beaucoup trop bien.

- Je t’en prie, Artémis, ouvre la marche et éclaire-moi. Mène-moi dans l’antre qui a vu ces deux pauvres âmes s’égarer. proposa le Patrouilleur, un léger sourire en coin. Il savait que c’était l’effet de sa Nebula qui le transformait ainsi et lui donner ce sentiment de puissance éclairée. Mais il ne la repoussa pas, il ne réfuta pas les doutes qu’elle fit nourrir dans son esprit. Car lorsqu’on regardait cette historie sous cet angle, Artémis était bien trop … brumeux pour être innocent. Il transpirait la Brume, se repérait trop aisément, démontrait des talents surhumains. Le Patrouilleur était curieux de tout cela allait les mener. Un nombre faramineux d’hypothèses coulaient dans son esprit, et cela faisait appel à trop d’histoires et légendes qu’il avait pu entendre aux abords de la Brume.

- Dis-moi, à ton avis, qu’elle est cette chose qui a pu les poursuivre et leur donner de telles ailes. lui demanda-t-il, sa seconde main se rapprochant de sa dague.

Les faire parler, découvrir leurs véritables intentions. Il musela quelques secondes la paranoïa de Lestat, sa nebula. Un frisson glacé parcourut son échine. Tout cela n’allait pas bien finir, il en avait la conviction. Il posa ses doigts sur le pommeau de sa dague, attachée à sa ceinture. La curiosité l'emporterait-elle sur la méfiance ? Avait-il vraiment le luxe de perdre du temps ainsi ? Peut-être ... car il détestait les coïncidences fortuites au sein de la Brume.
Mer 18 Oct - 12:51

Même un être aussi rustre et maladroit qu’Artémis sentait que quelque chose n’allait pas avec Ryker. Il n’avait pourtant pas le sentiment d’avoir été désobligeant ou insultant. Serait-ce la Brume qui lui jouait des tours ? Difficile de le déterminer. Le patrouilleur n’était clairement un novice et avait effectué bon nombre d’expéditions au milieu de la brumeuse. Mais ce n’était pas non plus la première fois que des compagnons trouvait l’ermite trop mystérieux, presque coupable de les avoir menés à un tel endroit. Il est quelques fois arrivé qu’Artémis dut se défendre et éliminer certains de ses camarades qui voulaient le tuer. Depuis, il avait appris à la mettre en veilleuse ou à s’expliquer le plus rapidement possible. C’était le moment.

« Je peux me déplacer dans la Brume presque librement, sans trop ressentir le poids de celle-ci, Ryker. Je te le dis car l’expérience m’a montré que je pouvais être le parfait coupable quand la situation dégénère. Je ne peux pas être un chef d’équipe comme le sont les plus grands noms de l’exploration, cela demande des compétences que je n’ai pas. Néanmoins, je peux les suivre dans cette obscure clarté. Un jour, je te le souhaite, je serai peut-être sous tes ordres et ce sera avec plaisir. Pour l’heure, nous devons nous faire confiance. Si tu n’en es pas capable, je préfère que tu me le dises de suite et je ferai demi-tour. Sinon, continuons. », fit-il en regardant au loin, sans dégager la moindre émotion.

Au fond de lui, le vagabond souhaitait plus que tout poursuivre sa quête. Et si Ryker semblait méfiant, il souhaitait également trouver les gamins. D’un accord tacite et silencieux, les deux partenaires reprirent la route. Ils approchèrent du rivage et figèrent à la vue de l’île face à eux. Si la Brume en couvrait une partie, on pouvait voir qu’elle était recouverte de végétation, preuve d’une inhabitation certaine. On voyait une partie de l’église qui dépassait les arbres les plus hauts. Vision majestueuse. Le Portebrume réfléchit à la question du patrouilleur, mais aucune image ne lui vint à l’esprit. Il n’était pas parvenu à identifier cette Chose qui avait fait fuir les deux adolescents.

« Je n’ai pas été en mesure de voir ce que c’était. Les limites de mon pouvoir. Comme c’est récent, je ne le maîtrise pas parfaitement et je ne distingue pas tous les éléments. En tous les cas, la réponse se trouve juste sous nos yeux. Plus qu’à traverser ce tapis d’eau. »

Tu n’as ni envie de le traverser, ni de rencontrer ce que tu as plus ou moins vu, souffla la Nebula en pouffant de rire.
- Eclaire-nous de ta lanterne, Nebula
- Bien sûr, cher hôte. Engouffrez-vous plus profondément encore, mourrez et laisse-moi te dévorer de l’intérieur. .


L’idée lui fit froid dans le dos. Mais ce n’était pas la première fois que la Nebula souhaita aussi intensément sa mort. L’eau ne semblait pas très profonde, elle atteignait les hanches des deux hommes sensiblement de la même taille. Artémis déplia sa mitrailleuse Dexar. Paradoxalement, le silence était revenu dans les alentours. Les Incubes avaient disparu, les Blieg n’explosaient plus. Un calme apaisant, presque envoutant. L’ermite entra le premier, se laissant glissant dans ce drap bleu et étonnamment doux. Il imaginait être frappé par le froid glacial de l’eau mais il n’en était rien. Cela n’avait rien de normal, rien de naturel et il le savait. Mais un humain se laissait toujours aller dans le confort. Toujours. Quand le Naga sortit de l’eau pour embrocher l’homme aux cheveux d’albâtre, ce dernier réagit bien trop. S’il réagit avec quelques secondes de retard et tira une salve de balle. La visée fut catastrophique, dans l’urgence. Quelques balles touchèrent la cible mais rien qui put définitivement le neutraliser.

Si Ryker doutait de l’humanité de son compagnon, il avait ici la preuve qu’il était aussi perfectible que les autres. Un peu en retrait, il pouvait observer le Naga prêt à ôter la vie de celui qu’il jalousait. Allait-il réagir et venir à son secours ou le laisser à son triste sort ?


Mer 18 Oct - 15:37
Il y avait bien une solution à laquelle le Patrouilleur avait pensé, une chose qui lui permettrait de déterminer si son interlocuteur était bien humain au départ et pas une créature issue de la Brume ou quelque chose de pire. Il y avait des monstres parmi les hommes, certes, mais la Malice semblait particulièrement férue de celui-ci. Il serra les dents face au bon sens du discours d’Artémis, mais n’en pensa pas moins. Il le suivrait et penserait au danger et à ses conséquences. Tout semblait concorder pour sauver les pauvres perdus, mais il n’avait pas survécu aussi longtemps sans un brin de paranoïa.

- J’aimerai autant que possible éviter d’avoir des gens sous mes ordres. Ils ont une fâcheuse tendance à mourir.
répliqua-t-il avec une acidité qui avait plutôt trait à sa Nebula qu’à lui-même. Mais la Brume n’accueille pas n’importe qui, Artémis. Et je gage que tu n’es pas n’importe qui. Le plus important reste notre mission.

Ryker lui emboîta le pas. Il ferma son poing sur le pommeau de son épée courte pour contenir les pulsions de sa Nebula qui devenait de plus en plus virulente à mesure qu’ils se rapprochaient de leur objectif. Elle criait, griffait. Une céphalée puissante lui dévorait le côté gauche du crâne, il se massa la tempe plusieurs fois pour l’en écarter. Il laissa donc l’aventurier solitaire prendre les devants et suivre la piste. Il n’y avait pas beaucoup de solutions pour rejoindre l’église et ce petit ilot en apparence épargné de tout. Ils avaient évité avec succès les ennuis, et il avait la nette impression que la Brume était vraiment tolérante avec Artémis. Lui aurait été coursé et embêté par encore d’autres apparitions. Il aurait dû se terrer dans une cage en attendant que les horreurs explosives ne s’en aillent en quête d’autres excitations. Il aurait dû se maculer de boue pour camoufler son odeur aux incubes et aurait rampé hors de leur vue tout en maudissant sa profession.

Le Patrouilleur posa donc un pied dans l’eau et grommela comme quoi il allait encore finir trempé. S’il râlait, c’était qu’il était encore vivant : donc un bon signe, non ? La Brume glissait sur l’eau et s’opacifiait à mesure qu’ils avançaient. Juste assez pour qu’ils ne puissent plus deviner le fond ni voir ce qui se tramait au fond. Ryker y trempa son second pied et entreprit de descendre jusqu’au mollet, Lestat étant toujours d’une violence sans nom. Il grimaça de douleur et marqua un temps d’arrêt lorsqu’une onde tangible se forma à la surface de la Brume. Il n’eut pas le temps de réagir qu’une créature reptilienne surgit des profondeurs et parvint à éviter une salve de balles bruyantes avant de repousser Artémis dans l’eau de sa queue aiguisée. Il se rua dessus, toutes dents dehors mais Ryker avait réussi à s’interposer dans un bond et perça le palais de la créature d’un estoc bien placé. Il retira son épée et en chassa le sang d’un geste qui macula le blanc brumeux de sang. Les gouttes furent comme bues, alors que six autres têtes du même acabit percèrent l’ondée de Malice. Le Patrouilleur avait plus agi par réflexe que par utilité mais il tendit tout de même la main à son allié pour l’aider à se relever. Avec l’action, il se sentait plus sûr de lui. Ses sens plus affûtés, et la douleur éloignée.

- Allez, je suis sûr que tu l’as fait exprès. lui fit-il, tout en l’aidant à se relever.

Un étrange picotement lui saisit le bras lorsqu’il attrapa celui d’Artémis. Une sorte de soulagement aussi, comme si une émotion trop longtemps retenue s’écoulait enfin hors de lui. Aaaah … une aberration de moins. Un frisson parcourut son échine lorsqu’il se rendit compte ce qui venait de se produire. Ryker insulta mentalement sa Nebula qui se gaussa de lui. Elle avait sciemment attisé ses ressentiments, avait sciemment malmené son jugement pour le pousser à relâcher son étreinte et … à pouvoir outrepasser ses barrières pour se saisir de cette opportunité. Par simple contact, elle venait de neutraliser les pouvoirs d’Artémis pour quelques raisons et les blessures infligées par le Naga commencèrent à saigner de plus belle. Mais il n’avait pas le temps de s’en préoccuper davantage : six nagas se ruaient sur eux.

Le Patrouilleur dégaina une dague et l’expédia dans l’œil d’un des nagas puis dégrafa son épée bâtarde pour la manier à une main. Il fit une rotation de son arme et son poids lui permit d’atteindre un naga au torse et l’autre au visage … mais l’eau le ralentissait trop. Il faillit être entraîné par le poids de l’épée mais parvint à se retenir en plantant son épée courte dans un mélange de roche, terre et vase. Un des nagas essaya de passer sous sa garde mais lui barra le passage d’un coup de genou puis usa de son épée courte pour le renvoyer dans les profondeurs d’où il était sorti. Essoufflé, le Patrouilleur se retourna vers son homologue, l’adrénaline et la honte semblait lui avoir donné des forces nouvelles.

- Ce … heu … ça va ? balbutia-t-il, se sentant bête et incapable. Au moins il avait la confirmation qu’il était humain au départ, vu que son pouvoir avait agi. Mais s’il cachait leur existence, ce n’était pas pour rien et il abhorrait cette déliquescence extatique qu’il ressentait à chaque fois que Lestat privait un Portebrume de ses pouvoirs.

- Qu … quelque chose ne va pas, Artémis ?
Mer 18 Oct - 19:05

« Fichtre ! J’aurais aimé l’avoir fait exprès, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Merci, Ryker. », fit-il en saisissant sa main pour se relever.

Un drôle de phénomène se produisit à ce contact. Si sa plaie ne semblait pas s’être refermée, Artémis se sentit plus léger, comme libéré d’un poids qui l’handicapait depuis toujours. Il ne sentait plus sa Nebula, ce qui expliquait que le processus de guérison ne s’était pas actionné. Ryker était un prophète capable d’annuler les capacités des Portebrume. Si quelqu’un d’autres aurait vu ça comme une attaque redoutable, le vagabond voyait ça comme une bénédiction. Était-ce permanent ou temporaire ? Pas vraiment le temps d’y songer. D’autres Nagas surgirent pour venger leur cousin. La mitrailleuse Dexar était enrayée à cause de sa chute dans l’eau.

Besoin d’aide ?, demanda Œil-De-Nuit, l’esprit du loup qui pouvait se matérialiser.
- Reste au chaud. Je m’en occupe.

Il dégaina l’une de ses deux épées et, dans le même mouvement, trancha la tête d’un des monstres qui pensait le prendre de vitesse. La spécialité d’Artémis : épéiste. Il semblait important de le rappeler. Son précédent essai à la mitrailleuse avait bien démontré son incompétence en la matière. Avec une épée, c’était un autre homme. Il enchaina le second dont il bloqua la morsure sa lame. Sa tête étant proche de la sienne, il changea transforma ses dents en canines acérées et bascula rapidement pour saisir le cou de sa proie. Ensuite, il se dégagea et retourna presque aussitôt en plantant sa lame en plein cœur. Le Naga s’écroula, la plaie d’Artémis se referma enfin. Et les tambourinements de sa Nebula revinrent immédiatement.

Tue-moi immédiatement ce chien ! Trahi par une sœur !
- Oh ? Déjà de retour ? se moqua le canidé.
- La ferme, clébard. Laisse tes maîtres parlez entre eux.
- Œil-De-Nuit n’a pas entièrement tort. Un répit supplémentaire n’aurait pas été de trop.
- Et ça m’a permis de réaliser la place que tu prenais, sorcière ! Fais-toi petite si tu ne veux pas que je te lacère avec mes crocs affutés.


Cela donnait envie, hein ? Une belle famille recomposée. Artémis se retourna vers Ryker qui semblait mal à l’aise.

« J’espère que tu me fais confiance maintenant. Merci d’avoir pu me libérer de cette folle le temps d’un instant. Ce fut un repos récupérateur, bien plus efficace que ses capacités. »

Le vagabond reprit la traversée et foula de nouveau la terre le premier. Il constata qu’il était entièrement trempé et qu’il faisait froid. Faisait-il nuit ou jour ? Il l’ignorait. La seule chose dont il était certain, c’était de Sa présence. Un cri strident fit trembler le sol, voler les feuilles et trembler son corps. Elle savait qu’ils étaient ici, à sa recherche. Elle avait décidé qu’ils ne ressortiraient pas de cette île en vie.



Mer 1 Nov - 13:19
Le balai mortel des deux hommes ne laissait que sang et tripes dans leur passage. Les Nagas se pliaient au métal et cédaient face à leur chorégraphie, ils se battaient comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Ce qui trahissait un entraînement similaire, ou un maître en la matière commun. Etait-ce l’habitude de survivre et de s’adapter, ou autre chose ? Il fallait reconnaître que Ryker n’était pas en reste face au talent d’Artemis, bien qu’un peu en retrait : manque d’endurance, quelques déséquilibres. Mais il termina son combat vainqueur. Essoufflé, mais vainqueur. Il nettoya le sang des créatures avec sa cape puis rengaina ses armes. Il les polirait et les huilerait ce soir, elles avaient servi comme peu auparavant. Le fil de sa Béquille s’émoussait à chaque coup, bien que l’acier soit d’excellente qualité. Ses Curetonnes s’usaient un peu moins vite mais leur pointe était si effilée qu’il aurait pu embrocher un Liechi, sans vouloir s’attirer le mauvais œil à cette pensée.

- Je … suis désolé. Elle … elle m’a échappé. Cette garce ne reste pas en place depuis que nous sommes arrivés ici. Je suis en effet un Portebrume comme toi … mais c’est un secret que je tiens à garder. Mon pouvoir est inutile dans la Brume, et bien trop dangereux en société. Mais au moins, si je meurs ici, personne n'en souffrira. révéla-t-il à Artémis, bien qu’il eut le sentiment que ce dernier le savait déjà.

A en voir ses blessures, c’était plutôt son potentiel de guérison qui était lié à une potentielle Nebula. Ses autres capacités devaient venir d’autre chose. De cristaux ? Pourtant, il pensait que la Brume abhorrait ces derniers. Artémis semblait se fondre à merveille dans la Malice, quelque chose d’autre se tramait là-dessous et il n’aurait su dire quoi. Des années qu’il marchait dans les recoins les plus mystérieux de la mer de Brume et il n’avait que rarement voyagé avec des êtres aussi liés à cette dernière, mis à part des Elémentaires peut-être.

- Je vois que nous entretenons tous le même rapport avec nos Nebulas. Je te fais … confiance. Mais ton lien avec la Brume me questionne encore … Ravi d’avoir pu t’accorder un peu de silence, même si je ne l’ai pas fait … exprès. Plus nous avançons, plus elle risque de tenter de le faire de nouveau. Il vaut mieux éviter de se toucher dorénavant. Il y a quelque chose qui l’excite et qui attise sa haine. continua-t-il, trouvant libérateur d’une étrange façon de pouvoir parler de Lestat à voix haute.

Les deux compères finirent de traverser l’eau et se hissèrent sur l’autre rive, où la Brume devenait de plus en plus épaisse. Quelque chose de poisseux emplissait l’air et s’enroulait autour de leurs mouvements. Ils s’accroupirent derrière un muret qui n’avait que trop vieilli. Mousse et pierres branlantes qui semblait désireuses de fuir leur assemblage. Lorsque retentit un cri qu’il avait espéré ne jamais entendre à nouveau. Il en lâcha son arme puis la récupéra avant qu’elle ne touche le sol. L’odeur du sang lui gagna les tripes et il serra les dents pour ne pas se décontenancer, voilà qui le ramenait bien à une époque bien trop lointaine. La première fois qu’il avait eu à affronter ce qu’il venait de reconnaître. Il enfonça son regard dans celui d’Artémis. Il espérait que les jeunes n’avaient pas déjà fait office de gibier pour cette créature. Il en frémit, il y avait peu de chance pour eux d’en avoir réchappé. Le Patrouilleur se racla la gorge. Ils ne pouvaient rester ici, la chasse était lancée et ils étaient le gibier.

- Fledermaus … il … il faut nous barricader et limiter les voies. Qu’en penses-tu ?
murmura-t-il en indiquant l’église un peu plus loin.

La meilleure façon de rejoindre ceux qu’ils étaient venus sauver, s’ils étaient encore en vie, et de limiter les angles pour la créature. Beaucoup de recoins, beaucoup de zones où elle pourrait se cacher, mais mieux valait là qu’en pleine brume : cette chose pouvait les voir alors qu’eux non. Le Patrouilleur n’attendait que le signal de son compagnon pour se ruer là-bas. Il connaissait quelques moyens pour lutter contre cette bête, mais elle était bien trop vive et vorace pour les laisser s’en sortir sans dommages. Il frémit en repensant aux prunelles de la jeune fille qui avait survécu ce jour-là. Marquée à vie, comme lui.
Mer 1 Nov - 20:26

Mon lien avec la Brume le questionne encore, songea le vagabond. C’était pourtant simple : selon lui, il n’existait encore lien entre la Brume et lui. Elle se jouait de lui et devait supporter sa voix rieuse dans sa tête. Pour une raison qu’il ignorait lui-même, elle semblait l’apprécier et le guider dans cette obscurité. Artémis ne jugea pas nécessaire d’argumenter sa défense, si Ryker doutait encore de son lien avec la Malice, le temps lui fera accepter la chose. Du moment qu’ils pouvaient tous les deux se faire confiance, c’était de loin la chose la plus essentielle en ce jour.

Mais alors qu’ils se dissimulaient derrière un muret encore debout, un horrible cri les fit revenir dans le vif du sujet. Artémis fut rassuré de voir que son compagnon ne semblait pas découvrir le terrible Fledermaus. Ce dernier suggéra même de se réfugier dans l’église, ce que les gamins avaient certainement fait pour lui échapper. Néanmoins, il faudra réaliser le chemin inverse et cela ne sera possible avec ce fléau au-dessus de leur tête, ou du moins dans les alentours. La dernière fois que le Portebrume croisa cette immondice, l’équipe avec il voyageait s’était faite engloutir. Seuls quelques survivants, dont lui-même, avaient pu s’enfuir. De loin, on croirait voir une chauve-souris géante. De près, on décrirait plus une gargouille. C’était en réalité un ensemble des deux. Une silhouette décharnée mais une musculature pourtant redoutable.

« Sage décision. Les enfants s’y trouvent certainement, morts ou vifs. Ou alors dans l’estomac de ce foutu Fledermaus. Purée. On avait vraiment besoin de ça. »

Cela dit, si l’animal continuait de roder autour de l’église, c’était probablement que ses proies s’y trouvaient encore. Mais d’autres proies se sont rajoutées, cette fois-ci à découvert. La monstruosité se jeta sur les deux patrouilleurs. Artémis poussa Ryker, lui intimant de courir le plus vite possible en direction de l’église. Dans un premier temps, le Portebrume dégaina sa mitrailleuse Dexar et tira sur la chauve-souris pour attirer l’attention vers lui, permettant ainsi à son camarade d’atteindre le lieu de culte. Le voici rassuré. Pourtant, son cas n’était pas encore réglé.

Sombre idiot. Si cette chose nous bouffe, je serai incapable de reconstituer entièrement ton corps, pesta la Nebula.
- Je comptais pourtant sur toi, rétorqua le Portebrume avec humour.
- Transforme-toi, Arty. Vous autres, humains, ne vous déplacez pas suffisamment vite, suggéra le loup.
- Oui, transforme-toi. Ecoute donc le clébard.

Le Fledermaus, énervé par les rafales reçues, hurla un bon coup avant de se ruer vers le vagabond. Ce dernier écouta l’avis de ses camarades et se transforma en un magnifique loup au pelage blanc. La course du désespoir débuta ensuite. Le Change-Peau et Œil-De-Nuit donnèrent absolument tout ce qu’il avait pour semer le monstre ailé qui les talonnait de près. Trop près. Il sentait les battements de ses ailes juste au-dessus de lui. Jusqu’à ce que ses griffes finissent par saisir le canidé. Mais il ne s’avoua pas vaincu et retrouva sa forme humaine, alors piégé dans les pattes de l’ennemi qui reprenait de la hauteur. Pris d’une révulsion à l’idée d’être mangé, le vagabond attrapa deux dagues qu’il put attraper au niveau des cuisses et les planta avec hargne au niveau des tendons de ses articulations. La gargouille lâcha sa prise en hurlant. Elle s’éloigna le temps de lécher ses plaies.

Malgré une lourde et douloureuse chute, Artémis courut en boitant le plus rapidement possible, forçant ensuite la porte de l’église avant de la refermer. Complètement essouflé, il s’écroula contre la porte. Reprenant difficilement son souffle, il observa les alentours. Rien de bien particulier. Une église en fin de vie. Son regard s’arrêta au niveau de Ryker.

« Bordel…. Ha ! J’ai bien cru que j’allais y rester. Ha… des nouvelles des gamins ? »



Jeu 2 Nov - 14:01
La porte à double battant céda sous le coup de talon du Patrouilleur, le vois vermoulu qui avait servi à la verrouiller vola en éclat sans résistance pour libérer un petit passage dans lequel il s’engouffra. Le narthex était jonché de débris et de toiles d’araignée, mais dans la poussière il pu y distinguer des traces évidentes de passage, jusque dans la travée et la nef. Les bancs tenaient encore en place mais certains étaient en morceaux, sous les coups de quelconque créature. Les vitraux qui bordaient les bas-côtés étaient fracassés et l’un d’eux révélait le passage d’une créature imposante qui en avait aussi brisé la charpente. Çà et là, des cadavres aux os brisés étaient éparpillés. Quelques-uns, encore en prière, étaient démembrés devant l’autel. Triste message du passé où les derniers survivants de la cité avaient dû se réfugier là lorsque la Brume les avait cueillis. Le Patrouilleur se retourna. Les gamins avaient dû tenter de barrer l’entrée avec un chandelier ou un fragment de banc et il avait fait sauter ce dernier sans aucun effort. Ils étaient là, les traces ne mentaient pas. Il se pencha, les toucha du doigt et porta la terre à son nez. Ce fut à cet instant qu’Artemis le rejoignit en forçant ce qu’il restait de porte. La Brume commença à s’engouffrer par les fenêtres et la porte ouverte. Ryker l’aida à refermer et ne prit pas la peine de la bloquer : cela ne servirait à rien.

- Merci pour la couverture. Pour les gamins, des traces qui remontent jusqu’à l’autel : la porte était bloquée mais vu avec la facilité avec laquelle nous l’avons ouverte, ça ressemble surtout à un acte désespéré. Allons-y. fit-il tout en se relevant.

Le Fledermaus ne risquait pas de les attaquer en terrain découvert. Ryker sortir une torche de son sac à dos et entreprit de l’allumer : ces créatures détestaient la lumière vive et les bruits violents. Ils se repèreraient bien mieux qu’eux ici. Le Patrouilleur indiqua le chemin vers le clocher d’un signe de la tête à Artemis lorsqu’ils traversèrent le transept. Peut-être que la cloche pourrait servir, mais il en doutait. Il supposait à raison que le loup solitaire en savait autant que lui sur cette créature, car il ne paraissait pas décontenancé de sa rencontre. C’était la seconde fois que Ryker croisait la route de cette créature. Il passa la main sur son torse où trônaient en mémoire les cicatrices des griffes de cette satanée bestiole. Il avait survécu après avoir embrasé la bête et lui avoir ouvert le ventre. La suite était un peu confuse dans sa mémoire, ils étaient peut-être deux ou trois à avoir survécu à cette expédition …

- Là, ça contourne … murmura-t-il, sa torche bien en l’air.

Il s’accorda avec Artemis pour que chacun prenne l’un des bords de l’autel, tandis que la Brume devenait de plus en plus épaisse dans la nef et rampait petit à petit jusqu’à eux. Il percevait une respiration saccadée venant de sous l’autel, et des pleurs étouffés. Il se méfiait d’un tour de la Malice, et préférait se préparer à tout. Les deux hommes surgirent derrière l’autel pour révéler deux adolescents couverts de crasse et de sang, les yeux bordés de larmes et les vêtements en piteux état. Ils étaient enlacés et catatoniques. Le garçon lâcha un cri et leva un bout de bois pour les protéger, mais la fille sembla plus rapide à rassembler ses esprits. Elle échappa un hoquet en apercevant le visage du Patrouilleur. Et un mouvement de recul face à la crinière d’Artemis.

- Ragnar ? murmura-t-il à l’attention du jeune garçon. Ce dernier hocha de la tête. Ryker, Patrouilleur : tes parents m’envoient te chercher. Vous avez une chance incroyable tous les deux : je ne vous raconte pas le nombre de monstres que nous avons dû défaire pour vous retrouver … et auxquels vous avez échappé. En vie. Tous les deux.

Il laissa Artemis se présenter puis se baissa pour les inspecter. Des écorchures principalement, le garçon avait une large estafilade au crâne et beaucoup d’entailles de griffe. Le Flerdermaus avaient dû jouer avec eux car la fille était tout autant marquée. A moins que ce ne fussent les Incubes et qu’ils aient réussi à s’en sortir en arrivant sur le territoire de la bête ? Mais tout le chaos provoqué par leur passage avec réveillé de nombreux monstres, ce qui n’avait pas facilité l’aventure des deux comparses. Ryker n’avait affronté pareille masse depuis des éons, il sentait que quelque chose se tramait dans la Brume, se réveillait, depuis quelques mois mais ce n’était qu’un mauvais pressentiment. Rien de sérieux, n’est-ce pas ? Sa Nebula en ricana.

- Bien. Restez-là et ne faites aucun bruit. Il nous reste encore … un ennemi de taille.
ordonna-t-il, tandis que des pas légers se faisaient entendre sur les tuiles du toit.

La Brume s’aventura jusqu’à l’autel, vint lécher les pieds des combattants. Ryker soupira, leva son arme vers les fenêtres lorsque les pas s’arrêtèrent.

- J’en ai déjà affronté un. Il y a longtemps. J’ai réussi à le blesser et à lui mettre le feu, par pure chance. Ça ne s’est pas très bien passé. fit-il en touchant de nouveau son torse. As-tu des suggestions ?
Jeu 2 Nov - 16:05

Très peu de temps pour admirer les vestiges d’un temps passé. Les cadavres accumulés ne pouvaient que suggérer que cette église fut le tombeau de beaucoup de personnes, avant que la Brume ne vienne envahir les lieux. Le vagabond, pourtant pas croyant, espérait que leurs prières aient pu attendre une quelconque entité divine. Alors qu’ils firent le tour avec Ryker, son odorat lui signala une odeur de sang, de sueur et de peur. Tandis que son ouïe l’alerta de la présence d’au-moins deux personnes. Les deux hommes arrivèrent au niveau de l’autel et bondirent rapidement de l’autre côté où, miraculeusement, se trouvaient deux adolescents.

« Rafaëlla. Dieu merci, vous êtes sains et saufs. Je suis Artémis, un… intérimaire. »

Ryker avait dit l’essentiel, et surtout le plus important, le dernier ennemi à neutraliser. Le vagabond frissonna en repensant à sa terrible rencontre avec le Fledermaus. Le patrouilleur semblait également en avoir un très mauvais souvenir. Pas étonnant. Le battre n’était probablement à leur portée, surtout avec des adolescents affaiblis à leurs côtés. Ils ne pouvaient prendre ce risque. Songeur, l’homme aux cheveux d’albâtre réfléchit à une solution pour éloigner la monstrueuse gargouille. Elle était sensible à la lumière, mais comment produire un rayon suffisamment puissant ? Le bruit était aussi élément pouvant nuire à leur adversaire, sauf que cela attirerait tous les copains du coin. Artémis observa l’orgue encore fonctionnel.

« Ryker. Prends les deux mômes avec toi. Notre seule chance est de brouiller notre ami. », fit-il en pointant l’orgue du doigt. « La dernière fois remonte mais j’ai encore quelques bases. Il faudra être vigilant. Mon morceau risque d’attirer toutes les bestioles du coin. »

Le Patrouilleur ne semblait pas approuver le plan.

« De nous deux, je suis celui qui a le plus de chance de s’en sortir, mais surtout de vous retrouver. Comme tu l’as dit toi-même, mon lien avec la Brume me permet un déplacement facilité. »

Il s’installa sur le petit tabouret. Se retournant une dernière fois vers les gamins, il ne put s’empêcher de leur adresser un dernier mot.

« Écoutez attentivement tout ce que vous dira Ryker. C’est un patrouilleur très compétent alors vous pouvez lui faire confiance. »

S’il prenait un air assuré, le Change-Peau n’était pas vraiment à l’aise avec la situation. Si la stratégie est gagnante, le Fledermaus ira se réfugier loin de cette mélodie endiablée que s’apprêtait à jouer le vagabond. Mais à l’évidence, cela attirera les prédateurs les plus curieux des alentours. Comment les fuir ? Chaque chose en son temps. Pour l’heure, permettre aux adolescents et à son camarade de fuir était sa seule priorité.





Dim 5 Nov - 15:10
Ryker leva un sourcil face à la stratégie d’Artemis Nul doute qu’il aurait plus de chances de s’en sorte que lui, mais cela restait suicidaire d’espérer doubler le Fledermaus. Il inspecta les adolescents et ne décela aucune blessure visible, que ce fut physique ou mental : aucune altération. Une chance insolente, loués soient les simples d’esprit … Il se releva, tira quelques provisions de son sac et les tendit aux jeunes qui devaient mourir de faim. Il constata avec dépit que son sac était trempé en-dessous et qu’une partie de ses biens avaient été gagnés par l’eau de leur périple. Le change-peau avait visiblement bénéficié d’une certaine éducation, ce qui détonnait quand on explorait son lien avec la Brume. Il était à la fois curieux d’en apprendre plus sur lui et réticent d’y découvrir encore des choses qui nourriraient sa rancœur. Cet homme était une fois de plus prêt à mettre sa vie en danger pour le bien de la mission. C’était, certes, plus facile quand on pouvait guérir de la moindre blessure. Mais le Fledermaus ne se contentait pas de blesser ses proies.

- Bien, faisons comme ça. Les jeunes, vous me collerez au train et vous obéirez. Le monstre qui vous traque n’est pas commun, et nous n’avons que peu d’espoirs de le semer. La moindre erreur et ce sera votre tête ou la mienne qui sautera. commença-t-il, ce qui eut pour effet de faire glousser de terreur les deux jeunes.

La Brume leur arrivait à mi-mollet maintenant et s’agrippait aux pans de leurs vêtements. Elle était comme poisseuse et remontait comme si elle était douée de petits tentacules avides de les embrasser. Elle semblait s’amouracher davantage d’Artemis, mais aussi de Ryker dans une moindre mesure. Les enfants, eux, la laissaient indifférente. Il soupira. Sa Nebula se taisait, contemplait sa génitrice avec affection et semblait presque la caresser mentalement. Un instant suspendu assez étrange.

- Artemis. fit-il après avoir poussé Ragnar et Rafaëlla devant lui. Ne meurs pas. Tu as encore pas mal de choses à m’expliquer. le salua-t-il, avant de lui tendre la main à la manière des Patrouilleurs.

Puis il tourna le dos et posa ses mains sur la nuque des deux. Il leur murmura quelques mots de réconfort puis tendit une dague à Ragnar, pour qu’ils soit à même de se défendre si besoin, et la torche à Rafaëlla : elle serait leur seule lumière dans les ténèbres. Ils s’avancèrent vers le narthex, Artemis engoncé dans le siège poussiéreux d’un orgue aux tubulaires à peine cabossés, non loin du transept. Il soupira, la Brume leur arrivait à la taille ici. Il percevait le regard du Fledermaus sur eux, ce dernier devait certainement attendre que la Brume ne s’épaisse d’avantage pour pouvoir profiter de sa vision pour le cueillir par surprise. Les trois s’avancèrent vers la porte, prêts à l’ouvrir dès la première note.

La Malice les tenait jusqu’au torse, elle grimpait, grimpait … Le silence poisseux noyait les battements de leur cœur et leur donnait l’impression d’étouffer. L’attente était un supplice dont se délectait avec certitude le prédateur. Il était là, il rôdait … Ryker le sentait. Il y avait une odeur de musc prononcée, quelques cliquetis perçaient leur immobilité. Le reniflement de Ragnar, l’angoisse de Rafaëlla. L’absence de bruits était contre nature, tout s’était arrêté pour assister à leur funeste destin. Puis la première note frémit et la Brume vibra avec elle.


Les fragiles battants s’éclatèrent contre les pierres et ils dévalèrent les marches pour se faire avaler entiers par la Brume. La mélodie les accompagna et le cri frénétique du Fledermaus à l’intérieur de l’église, bien plus proche qu’il ne l’aurait voulu, leur indiqua que le plan d’Artemis fonctionnait. La main sur le col des adolescents, Ryker les guida vers le chemin qu’ils avaient emprunté avec son comparse pour replonger dans les eaux. La Brume était épaisse là aussi, mais il comptait sur le fait que le sang des Nagas n’avait pas encore attiré suffisamment de prédateurs. Il envoya Ragnar en bas et aida la jeune fille à glisser jusqu’à l’eau pour que la torche ne s’éteigne pas. Il dégaina son épée courte de son côté et sauta à l’eau sans un regard arrière : la mélodie courrait toujours. Il rattrapa les deux jeunes et les poussa en les encourageant à voix basse et ils attinrent la berge opposée sans problèmes. Il entendait déjà les piaillements des incubes survivants se rassembler et les fit contourner les bâtiments pour ne pas risquer de remonter à la surface : au contact de l’eau ils avaient une légère marge de manœuvre où la Brume leur laissait apercevoir leurs pas.

Après un léger détour, il les fit remonter en les tirant par les vêtements et rengaina son arme pour reprendre la marche précédente. Il les fit s’accroupir et ils se cachèrent derrière les bâtiments pour contourner la place et revenir aux abords de la forge. Leurs vêtements détrempés faisaient un bruit spongieux qui aurait pu les alerter mais la mélodie semblait les couvrir. Or, à l’instant où ils reprirent pied sur le sol pavé des ruines de la cité, la complainte d’Artemis se stoppa et le Patrouilleur ne put s’empêcher de s’inquiéter pour lui. Ses tripes se nouèrent mais il poussa les deux jeunes devant. Il leur commanda de se tenir par la main et attrapa le bras du jeune homme tout en dégainant son épée courte. Ils s’avancèrent dans la Brume, Ryker ne pouvant se repérer qu’à quelques mètres à peine. Parcourant l’allée et se référant aux murets, il parvint à revenir à la forge où il s’empara de la jarre d’huile qu’il avait découvert plus tôt puis sortir de là en la tenant sous son bras. Il tira ses protégés derrière lui puis ils entreprirent de suivre la route menant au croisement où ils avaient affronté les exulos. Les jeunes eurent un hoquet de surprise en observant les multiples cadavres qu’Artemis et lui avaient laissé dans leur sillage, mais encore plus lorsque Ryker versa l’huile sur eux. Il laissa une trainée assez longue et ils continuèrent de suivre le chemin que le Patrouilleur parvenait à retrouver avec un peu de difficulté tout de même, puis, lorsque la jarre fut vide, il prit la torche à la jeune fille.

- En espérant que ça te soit utile si jamais tu as la bête aux trousses … et que ça attire tout ce qui aurait pu te coller aux basques … murmura-t-il, tout en plongeant le feu dans le filet poisseux au sol. Il dut s’y reprendre à plusieurs fois mais la flamme démarra et partit comme une trainée de poudre pour aller s’emparer des corps des exulos, formant une large demi-Lune. Il avait eu de la chance.

Puis il reprit sa course effrénée, tandis que la Brume devenait de moins en moins opaque : il se rapprochait des limites du village et espérait que la chance folle de ces deux gamins continuerait de leur sourire.


Mer 6 Déc - 18:53

Dès la première note, Artémis regretta amèrement son acte héroïque en songeant brièvement à ce qui l’attendait. Mais il se rassura en sachant les gamins et saufs, maintenant en sécurité avec Ryker. Néanmoins, l’inquiétude le guetta quand il remarqua l’absence du Fledermaus malgré les notes jouées. Alors qu’il jouait, la Brume l’entoura progressivement. Il apprécie le morceau. Cela fait bien longtemps que la bête n’a pas profité des mélodies de l’orgue, lui conta la Nebula. Le Portebrume douta légèrement de ce motif. Si la durée de cette chauve-souris était relativement longue, l’était-elle au point d’avoir connu cette contrée avant l’invasion de la Brume ? S’il s’agissait encore d’un Grigori, le vagabond n’aurait eu aucun doute quant à la véracité de ces affirmations. Mais là…

Un cri strident le sortit de ses songes. Le volatile volait autour de l’église et il put le constater grâce aux divers trous présents sur le vieil édifice. D’ailleurs, après quelques tours, le Fledermaus décida d’accentuer l’un des trous. Artémis continua de jouer pour s’assurer de la réussite des trois fuyards. Puis le toit céda et s’effondra. Naturellement, jouer de l’orgue n’était plus possible, le Portebrume bondit de sa chaise pour esquiver les débris. Il s’adossa à l’un des murs en attendant la fin des chutes de la structure. La gargouille avait atterri et toisa sa proie avec ardeur. Et maintenant, sombre idiot ? On est fait comme des rats, pesta la Nebula. Œil-De-Nuit trembla aux cris de la monstruosité qui leur faisait face.

« Et maintenant, chers amis, nous allons nous battre jusqu’à trouver une ouverture et prendre la tangente. Ça vous va ? »

Le loup grogna en guise d’acceptation. Ai-je réellement le choix ? renchérit la Malice en lui. Impatient, affamé, le Fledermaus se lança sans plus attendre en direction de l’homme aux cheveux d’albâtre. Il attendit le dernier moment pour bondir et esquiver l’assaut, entraînant un impact d’une rare violence entre le mur et l’animal. C’est le moment. Fuyons ! aboya la Nebula. Or, Artémis était d’un autre avis. Il devait au moins blesser la bête s’il espérait pouvoir rejoindre ses camarades. Il dégaina sa lame et s’en suivit une lutte acharnée. Malheureusement, l’humain n’était pas de taille face à cette espèce d’une puissance et d’une agilité exceptionnelle. Sauf qu’il n’avait pas donné son dernier mot. Au contraire, maintenant que son adversaire s’était habitué à son rythme, le Change-Peau se transforma partiellement. Si quelqu’un se trouvait ici, à regarder le combat à travers une interstice, il aurait pu croire à l’apparition d’un loup-garou. Mais personne ne se trouvait autour de cette église perdue au milieu d’une petite île, elle-même perdue au milieu de la Brume.

Le loup-garou bondit au moment où le Fledermaus se rapprocha, le surprenant par sa vitesse. Il profita de cette surprise pour enfoncer ses deux lames sur ses flancs, et de saisir sa gorge avec ses crocs acérés. Il n’enfonça pas les lames comme il l’aurait souhaité, mais les blessures étaient réelles. Finalement, le plus efficace furent les crocs dans la trachée. Grotesque et pourtant si efficace. Cela provoqua une vive réaction du monstre qui gesticula dans tous les sens, projetant violemment le Change-Peau contre le mur. Presque aussitôt, la bête se retrouva nez à nez avec le vagabond, gueule grand ouverte. Par instinct, Artémis mit son bras en avant et ce fut peut-être l’acte qui lui sauva la vie. La gueule se referma et son bras disparut. Ils hurlèrent tous les deux, pas tout à fait pour les mêmes raisons, puis la gargouille se retira avec son trophée.

C’est insuffisant. Il est simplement parti se panser les plaies et grignoter son apéritif, en sachant que son plat principal l’attend ici. C’est du moins ce qui se serait passé avec n’importe quel humain.

« Mais fort heureusement, je ne suis pas un humain comme les autres. », fit le vagabond en grimaçant de douleurs.

Il se tint l’épaule et hurla une seconde fois, jusqu’à voir son bras repousser après un ultime effort. Après quelques mouvements, s’assurant que tout fonctionnait correctement, il se changea entièrement en canidé blanc. Il quitta l’église en bondissant avec légèreté, reprenant le chemin inverse, parcourut aux côtés du patrouilleur. Lorsqu’il atteignit le fleuve, il n’hésita pas instant et bondit également. Heureusement pour lui, le courant était faible et pouvait donc conserver sa forme actuelle pour traverser le cours d’eau. Les cadavres des Nagas flottaient encore, avec leur sang qui continuait de s’étendre. Aucun prédateur pour l’instant. Artémis retrouva rapidement l’autre côté de la rive, se sécha comme le faisaient les canidés en se tortillant, puis reprit discrètement la route à pas de loup pour ne pas réveiller les morts. Une odeur de brûlé lui attaqua les narines. Il accéléra le pas, passa devant la forge où le trio s’était arrêté, d’après les odeurs laissées. Il poursuivit jusqu’au croisement d’où le feu provenait. Retrouvant sa forme humaine, l’homme aux cheveux d’albâtre esquissait un large sourire en devinant l’auteur de ce feu de cheminée.

« Bien joué, Ryker. »

Un cri fort familier retentit de l’église. Le Fledermaus était probablement en colère de ne pas retrouver son repas de ce soir. Il allait certainement le traquer et Artémis ne pouvait donc pas se permettre de trainer dans les parages. Le feu avait justement pour but de couvrir ses arrières et attirer les prédateurs vers ce seul point. Avec un peu de chance, la monstruosité trouva d’autres mets appréciables. Le Portebrume courut à vive allure, se rapprochant de la frontière entre les landes submergées et le « monde réel ». Son odorat lui signala qu’il rattrapait le groupe. Puis pas après pas, trois silhouettes étaient maintenant visibles.

« Merci pour le feu. », fit-il en approchant calmement. « Je commençais à me geler les miches, patrouilleur. Ravi de tous vous voir en un seul morceau. »

Si Ryker était vigilant, il pouvait observer qu’il manquait une manche de la veste du vagabond. Son bras était nu.



Sam 9 Déc - 14:44
Enfin, ils étaient aux abords de la Brume. Il rengaina son arme et laissa les deux adolescents se dégager de derrière lui. Il attrapa le bras nu d’Artemis pour le saluer avec joie, et fronça les sourcils. Il avait l’air d’y avoir laissé quelques bouts … mais il était en vie. Etait-ce dû à sa capacité de régénération ? Il était tout de même soulagé de ne pas l’avoir laissé à la mort. Cet homme avait des ressources qu’il n’avait pas, ce que sa survie démontrait largement.

- Content de te revoir. Ces choses ne laissent que rarement partir leurs proies : j’espère que tu n’as pas eu trop de mal ? lui demanda-t-il, ses doigts crochetés à son armure en position sur les vieilles cicatrices qui barraient son torse.

La question n’était pas anodine : si la créature était morte, ils étaient saufs. Si elle n’avait fait que se replier, le combat n’était pas fini. Le regard d’Artemis lui suffit pour comprendre qu’un Fledermaus n’était pas si facile à vaincre. D’autant plus qu’à présent, la créature risquait d’être rancunière. Il exhala un grognement.

- Ragnar, Rafaella : êtes-vous capable de retrouver votre chemin à partir d’ici ? Nous sommes sortis de la Brume, cela devrait vous rapprocher de votre village. leur demanda-t-il, toujours la main sur l’épée.

Le garçon opina du chef bien qu’indécis. Un chemin sinuait non loin et il semblait l’avoir reconnu. Ils étaient venus ici plusieurs fois avec la jeune fille et les routes jusqu’à la Brume devaient leur être familières.

- Retournez chez-vous et ordonnez à tout le monde de se barricader. Fermez les portes, fermez les volets et ne laissez aucun son passer au travers de vos murs. Le Fledermaus est parti en chasse : prévenez les anciens, ils connaissent ses légendes. ordonna le Patrouilleur, ce à quoi les deux répondirent par un signe de la tête. Allez, courrez.

Les deux compagnons se retrouvèrent seuls, avec la perspective d’un combat à venir. Cependant, deux éléments avaient changé : ils savaient que la créature venait et ils étaient sortis de la Brume. Soit les principaux avantages de cette chose … Mais une question ne cessait de le tarauder, car cela le ramenait bien dix années en arrière lorsqu’il avait eu, pour la première fois, affaire à ce type de créature. Une rencontre qui lui avait laissé de profonds souvenirs, mais aussi qui s’était traduite par une fuite du Fledermaus grièvement blessé. Le Patrouilleur avait blessé la créature au péril de sa propre vie et il avait échappé ainsi à une traque mortelle. Or, cela ne s’était pas passé si loin d’ici …

- Dis-moi, Artemis : la créature était-elle blessée au niveau de son abdomen ? Une sorte de cicatrice horizontale … un coup d’épée ou … demanda-t-il, sans qu’il eut la peine d’aller plus loin. L’air interrogateur du loup solitaire suffit à confirmer son hypothèse. Bon sang de bordel de merde. lâcha-t-il, ses épaules voûtées.

Ryker secoua la tête et rassura sa prise sur son arme. Il serra les dents et retint les frissons de sa nebula. Il la sentait paniquée sans qu’il ne sût pourquoi : sa mort à lui la rendrait à la Brume. Mais après toutes ces années, il était vrai qu’ils partageaient quelques liens. A commencer par leurs traumatismes respectifs. Et celui-ci avait été profond. Il inspira et se ressaisit. Il n’était plus ce jeune Patrouilleur à présent. Il avait survécu à beaucoup de choses, et des pires. Il releva les yeux et affronta le regard d’Artemis. C’était plus facile que d’affronter la culpabilité qu’il ressentait encore d’avoir échoué à protéger cette caravane …

- Il y a donc des chances pour que ce soit lui. Je crois que ce Fledermaus et moi nous nous sommes rencontrés dans le passé. Et peut-être que c’est ma présence qui l’a fait revenir vers nous au départ. Hm. Oui, il me doit cette cicatrice et moi je lui en dois d’autres. révéla-t-il, n’ayant pas besoin d’en dire plus pour illustrer à quelle point cette rencontre s’était soldée dans le sang et la douleur. Et je suppose qu’il ne risque pas de s’arrêter là.

Au moins, cela signifiait que les villageois seraient épargnés, ainsi que les adolescents … et qu’ils avaient rempli leur mission. Mais après leur échauffourée, après les blessures nouvelles infligées par Artemis – à n’en pas douter – la créature devait être furibonde. Mieux valait chercher à s’en occuper définitivement. La colère risquait de l’amener à faire des erreurs ? Hein ? Il l’espérait …

- Embuscade en dehors de la Brume, tintamarre et prise en tenaille : tu en es ?
lui proposa-t-il, dans un soupir désabusé. Ou alors retour au niveau du village pour essayer de profiter des maisons et recoins pour piéger la zone en croisant le doigts pour qu’on ne provoque pas de dommages collatéraux. De mémoire, il y avait un tocsin, et pas mal de toits où nous pourrions tenter d’utiliser tes armes pour la clouer au sol avant qu’elle nous tombe dessus … Tu ajoutes le fait que nous maîtrisions mieux la zone qu’elle … et qu’il n’y ait pas de Brume … ça me semble un bon plan non ?

Même si cela risquait de mettre en danger des vies, cela impliquait d’augmenter drastiquement leurs chances. D’autant plus que si les deux mouraient au combat, le village risquait aussi d’y passer jour après jour … donc sur un simple calcul quantitatif cela semblait un risque correct aux yeux du Patrouilleur. Surtout si les gamins avaient déjà bien pris de l’avance et que tout le monde se barricadait bien. Le Patrouilleur sonda le regard d’Artemis. Qu’en pensait-il ? Avait-il d’autres atouts dans sa manche ?
Sam 9 Déc - 17:50

S’il ne montrait pas, Artémis était assez satisfait de retrouver tout le monde sain et sauf. Les voir partir en courant, finalement, fut le moment le plus appréciable de cette aventure. Ils retrouveront leurs proches et pourront reprendre une vie ordinaire, avant de passer quelques nuits à cauchemarder leur mésaventure. Que représentaient quelques cauchemars dans une vie ? Néanmoins, la mission des deux hommes n’était encore terminée. S’ils avaient sauvé les deux adolescents, ils avaient aussi provoqué un Fladermaus peu sympathique. Le vagabond frissonnait à l’idée de se faire de nouveau déchiqueter.  

Ils étaient maintenant en-dehors de la Brume.

Et si n’importe quel aventurier se réjouissait de cela, le Portebrume ressentit presque une forme de tristesse de quitter la Malice qui l’appelait sans cesse. En son sein, il s’y sentait comme chez lui et pouvait s’y déplacer les yeux fermés. Ce n’était pas le cas de Ryker. Pas encore. Car il était évident que le Brume l’accepterait un jour. Le récit concernant sa rencontre avec le Fladermaus laissait encore des traces psychologies en lui. Les traits de son visage se fermèrent à l’évocation de leur précédent affrontement. Le vagabond ne pouvait que comprendre.

Laisse donc ce sot affronter cette abomination. Ta mission est un franc succès. Récupère donc ta récompense et partons loin d’ici, souffla la Nebula avec insistance.

Le loup s’esclaffa et faillit s’étouffer.

Ne gaspille pas inutilement ton énergie, Nebula. Tu sais bien qu’il n’abandonnera jamais un compagnon, même si ledit compagnon le ferait sans hésiter à sa place. Concernant la récompense, si le patrouilleur échoue face à la chauve-souris, autant te dire qu’elle ne s’arrêtera pas là et sèmera le trouble dans la région. En d’autres termes, si le Fladermaus bouffe nos clients, nous n’aurons pas de récompenses.

La Nebula, colérique, ne put qu’être d’accord avec le canidé, même si elle ne l’admettra jamais. Artémis, lui, resta songeur et n’intervint pas dans leur discussion, bien heureux qu’Œil-De-Nuit ferma le clapet de la malicieuse. Au contraire, il commençait à croire que le hasard n’existait et que si sa route l’avait menée à Ryker et à son ennemi juré, ce n’était probablement pas sans raison. C’était écrit. Alors, plutôt que de s’agacer la situation, il préféra l’accepter et la prendre avec beaucoup de philosophie. Le plan de Ryker semblait être relativement judicieux. Si quitter la Brume semblait le rassurer, ce n’était pas forcément le cas du vagabond qui s’en éloignait en se retournant une dernière fois pour lui dire au revoir.

« Va pour le tocsin. Il saura que c’est une énième invitation de notre part. Mais ce sera la dernière valse. »

Et comme l’avait dit le patrouilleur, manifestement familier du coin, un village apparaissait un somptueux tocsin s’y trouvait. L’occasion de sonner l’alerte et d’attirer l’ennemi du jour. Les deux espérèrent qu’il n’y ait pas de dommages collatéraux mais rien n’était moins sûr.

« Si tu le souhaites, il s’agit ici de ton combat, je peux jouer le rôle d’appât. Je l’attirerai sur le toit de l’édifice. De ton côté, tu devras arriver de plus haut encore, en sautant du tocsin lui-même. »

Songeur, Ryker accepta finalement la proposition. Inutile de perdre davantage de temps. Il fallait en finir le plus rapidement possible, tant que le monstre ailé n’était entièrement remis et légèrement rassasié. Ils activèrent le tocsin qui retentit avec force. Les quelques villageois présents se barricadèrent chez eux. Tandis que le patrouilleur se préparait de son côté, Artémis enchaina un cycle d’inspirations et d’expirations afin de retrouver une concordance cardiaque et une sérénité face à l’épreuve qui l’attendait. Tout s’était enchaîné si rapidement. Il n’eut plus le temps de penser à Rafaella et Ragnar maintenant, il l’espérait, en totale sécurité. Plus tard, quand tout cela sera terminé, et s’il était toujours en vie, il s’assurera de leur survie.

« Œil-De-Nuit, mon vieil ami, encore un dernier effort. Je te promets un copieux repas si l’on sort victorieux de cet ultime affrontement. »

Le canidé grogna de rage, d’excitation et de joie à l’idée de mener ce combat. L’homme aux cheveux d’albâtre, sans prévenir, entama une transformation des plus impressionnantes, éclairé par le clair de lune. Ses vêtements, déjà fort endommagés, se déchirèrent par le développement musculaire d’une Change-Peau. Des pattes bien fermes, une gueule et des crocs acérés, des mains plus longues avec des griffes aiguisés. Tout en peaufinant sa transformation, le loup-garou hurla comme le feraient ses semblables. En réponse, un cri fort reconnaissable retentit quelques instants plus tard. Le canidé hurla de nouveau. Une masse noire, volante, approchait à grande vitesse. Après les hurlements, les grognements, mais prêt à cueillir sa proie.

Le premier impact fut d’une grande puissance. Grâce à ses pattes et ses griffes, Artémis évita un envol lointain et conserva sa position. Se tenant tous deux par la paume des mains, ils tentèrent de se niaquer l’un et l’autre, se blessant mutuellement. Hélas, avantagés par ses ailes, sa musculature imposante, sa taille et son poids, le Change-Peau savait pertinemment qu’il ne tiendrait pas longtemps. Par peur de céder, il n’osait même pas voir où se trouvait le patrouilleur, décidant finalement de lui faire confiance.