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Lun 16 Oct - 17:49



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La cage aux moineaux

 

Spoiler:

-« Te voir aussi contente de me voir me fait vraiment très plaisir. Cette réputation m’a été donné post-mortem ? La semaine dernière, je n’allais encore jamais assez vite. »

C’était à se demander si l’habit faisait le moine et que l’on se mettait à mieux le traiter juste parce qu’il était frais et bien rasé. Enfin, la bougresse n’avait jamais eu un mauvais fond pour deux sous et le rose à ses joues lui donnait envie de la croire sincère.

-« C’est faux ! » répliqua-t-elle d’une mine offusquée en frappant le comptoire du kiosk du plat de ses mains. « Hier encore, je disais encore aux petits nouveaux qu’on avait un vif argent dans l’équipe et qu’ils n’avaient qu’à bien se tenir ! Tu viens pour des courses ? Enfin, attifé comme ça… »

« Bon, bon. » concéda Keshâ de bonne guerre. « En effet, les courses c’est fini pour moi. Il était grand temps que je me trouve un emploi plus stable. Mais merci d’avoir toujours veillé à ce qu’on me donne de l’emploi et que j’ai de quoi manger. C’est grâce à toi si je m’en sors un peu ces temps-ci. »

Une vraie mère de substitution pourrait-on dire. Elle l’avait même rossé une fois ou deux quand sa langue se faisait trop acerbe face à l’accueil des commanditaires.

Le menton posé dans ses doigts entrelacés dans le prolongement de ses avant-bras accoudé, elle papillonna-t-elle d’un air entendu du regard. On aurait presque pensé à un numéro de séduction.

-« Puisque tu mènes grand train, tu dois venir pour affaire. Aller, dis-moi un peu ce que tu veux de moi. Tu as les mains vide, pas la peine de me la faire, tu n’es pas venu jusqu’ici seulement pour dire bonjour mon grand. »

Un sourire fripon donna un air soudain adolescent à Keshâ dont quelques mèches gris cendre retombèrent devant le visage. Ils furent interrompus par une soudaine brassée de coureur et de clients pressés d’expédier des plis le plus rapidement possible. Toute cette agitation faisait ressembler férocement le kiosque à une volière où d’innombrables moineaux venaient picorer leur mangeoire comme s’il s’agissait du dernier grenier à blé du monde connu.

Le vagabond esquissa deux pas en arrières pour se placer hors du croisement incessant. D’un pas instinctif de côté, il évita un garçon avec une casquette solidement enfoncée sur une rangée de bouclette brune. Il était chargé d’un énorme tube de cartographe et n’avait même as remarqué l’esquive de Keshâ.

-« Trois astras pour Idrin ! Cardo, envois ce paquet illico au 373, avenue des Industries, faut pas traîner… Oui monsieur, je prends votre paiement dans un instant…. Eyh ! Keshâ, continue, je t’écoute… »

D’un geste de refus de la main, il préféra attendre son tour à la fin du chaos organique des livraisons. Il avait été ces jeunes, au bord de la syncope, à se marcher dessus et à courir comme des diables en rond d’avoir été trop vite sans s’être repéré dans les faubourgs. Nonnie volait parmi eux comme une banquière de renom continentale dans ses salles de marchés sans même transpirer. Et comme un soufflet retombe sans prévenir, ils furent seuls à nouveau. Inutile d’attendre une prochaine fournée pour lui tirer les vers du nez, autant être transparent. Mais sans témoins.

-« Ecoute, Nonnie. J’ai besoin de ton aide… »
« Ca s’ra pas gratuit ! » le coupa-t-elle d'une voix grasse. « Les services, j’ai donné dans la vie… puis l'inflation, tout çô! »
« Je sais. Je suis prêt à payer courtoisement. »
« Courtoisement ? Voyez-vous ça, on s’embourgeoise, Môsieur. »
« En tout cas, on essaye ! Ca casquera plus à l’avenir si notre collaboration porte ses fruits. J’ai besoin de tes moineaux et de leurs jambes agiles au quatre coins de la ville. Ils n’ont pas forcément à aller quelque part, mais seulement à écouter et à me rapporter ce qu’ils pourront entendre qui se rapporte à une famille en particulier. »
« Laquelle ? »
« La famille Oystein. »
Un coup de sifflet de Nonnie pour marquer la préciosité du titre, s’il vous plaît, de ces éminemment riches industrielles.
« Et que veux Keshâ à la famille Oystein ? » entonna Nonnie d’un air de commère.
« Rien du tout! C’est pas pour moi. D’où crois-tu que viennent mes fringues. J’ai un patron. Et on doit rester discrets pour notre bien. Alors s’il te plaît, si tu m’apprécie vraiment, tirette, on fait profil bas. Je peux compter sur toi ? »
« Moué, d’accord. » Elle lui tend la main pour conclure l’affaire. « 50 astras tout de suite, le reste à la livraison des informations. ‘Bien parce que c’est toi. »
-« C’est entendu. En particulier, je voudrais savoir qui sont les prétendants au mariage de Prune Oystein. Si tes moineaux me trouvent des noms, ou des pistes sérieuses d’endroit dans lesquels je pourrais me rendre pour les apprendre, ils auront chacun une petite récompense. J'insiste. Silence radio.»

Ses doigts délièrent le lacet d’une bourse, après avoir lancé un regard scrupuleux alentours pour s’assurer que personne ne les observait.

-« Voilà 50 astras. Je reviens dans deux jours. »

-« J’espère que tu n’as pas trop pris le melon avec ton nouvel emploi et que tu ne vas pas dégringoler aussi vite que tu es monté en m’entraînant dans de sales affaires. Toujours pareil les hommes... c'est pas parce que vous avez un paquet entre les jambes que vous pesez plus lourd dans la roue du destin... Si on vient m’interroger, je ne connais personne et je ne t’ai pas vu. »
-« Et c’est très bien comme ça. Je compte sur toi Nonnie. Fais attention à toi, bonne soirée. »

Voilà une informatrice qui ne payait pas de mine, mais qui était au centre d’une toile d’araignée bien plus grande que tous les fils de laine qu’il pourrait jamais accroché sur le panneau en liège au-dessus de son bureau. Sans s'en rendre compte, les rapports entre eux s'étaient quelque peu inversé, puisqu'il venait de recruter son ex-employeuse. Et, tout en fébrilité, il dégageait néanmoins aux yeux de Nonnie une assurance qu'elle lui avait jamais vu. Un soupçon du moins. Elle le voyait plus comme un homme que comme un enfant.
C'était souvent le signe que la faucheuse était prête à moissonner.
Jeu 19 Oct - 5:46



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LA LEÇON

 
Les coureurs du courrier au Noir parviendraient-il à lui dégoter des renseignements significatifs sans éventer ses secrets. Il devrait espérer que oui et faire confiance à Nonnie pour les manier d’une main de maître. En attendant, il essayerait de progresser de son côté. Il restait encore beaucoup de temps à employer dans cette journée. A commencer par son premier cours de lecture.

Comme tous les lundis à 14h, à compter de maintenant, le métronome de ces leçons rythmerait ses semaines. Il aurait bien besoin de ses compétences pour lire et écrire ses rapports pour Reyes, ce qui ne faisait que renforcer sa motivation à progresser rapidement.

Il rejoint donc sa chambre mansardée où se découpait une haute fenêtre à voilage dans le toit. LA pièce n’offrait que peu d’éléments pour accrocher le regard et était de peu d’intérêt, avec sa peinture vert d’eau craquelée et son radiateur en fonte rustique. Mais c’était son espace. Rien que le sien. Il prit plaisir à se laisser chavirer dans l’immense lit en bois sculpté, sans pitié pour la complainte du matelas à ressort. Ses idées tourbillonnaient. Il ignorait comment il allait trouver la solution à son énigme, mais il devait réussir à contenter Reyes, car il n’était pas prêt à retourner dans le panier de crabe de la pension, où il avait abandonné certaines de ses affaires.

On sonna en bas de l’escalier d’un ding dong caractéristique. Le pas lourd de la tenancière s’en suivi sur le tapis du corridor, avant qu’elle vienne tambouriner à sa porte :
« Keshâ, de la visite pour toi. »

« D’accord Marla. Tu peux lui dire de monter. »

Un pas lent, presque silencieux, se hissa le long des marches, prenant sans doute appuis sur la rampe au juger des grincement régulier que produisait les attaches. Arrivé sur le palier de l’étage, un son étouffé vint choquer à intervalle régulier le tapis, ce qui rappelait à Keshâ’rem le son d’une canne de gentilhomme.

Un bruit sec tonna dans le panneau de bois de sa porte. Keshâ roula comme l’eau pour se lever et ouvrir à demi ébouriffé.
-« Apprenti Keshâ’rem, je présume. Je suis mestre Rufus Garibaldi, membre honoraire de la chair de l’université des Savoirs Epistotes… votre humble précepteur. »
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-« B-bienvenu, mestre. » bredouilla Keshâ, comme s’il était surprit d’avoir de la visite.

C’est qu’en découvrant son interlocuteur, il se trouva figé devant ce personnage fort imposant. Son front strié trahissait un grand âge, qu’il portait avec une implacable hauteur de dignité. La noblesse de son rang était évidente et la médiocrité de la tâche qu’on lui avait confié évidente pour Keshâ, dont les pieds nus et la chemise débraillée semblaient une insulte à la tenue impeccable de son précepteur. Ses yeux plissée comme les fentes d’un reptiles et piégée derrière la rondeur dorée de ses lunettes le persiflait.

-« Eh bien, jeune homme, ne comptez-vous pas me faire entrer ? Dois-je en conclure que votre leçon se fera sur le pas de la porte ? »


-« Non… Non, bien sûr, entrez. Je vous en prie… » moulina-t-il en battant du bras pour redoubler de chaleur en ouvrant son espace à l’enseignant.

Rufus fit un pas et s’arrêta pour embrasser d’un regard circulaire la chambrette. Il laissa échapper un soupir sévère difficile à interpréter en resserrant ses livres d’une main contre sa poitrine, avant de se diriger sans cérémonie vers le bureau en tapotant le sol de sa canne en ébène. Son regard épia discrètement son tableau d’enquêteur à travers ses binocles, alors qu’il sermonna en tournant le dos à Keshâ.

-« L’usage de politesse veut que l’on vienne accueillir son professeur en personne à l’entrée de la maisonnée. Je ne savais pas à quel étage il convenait de sonner. J’ai du patienter avant d’être renseigné…."
-« Ah… je ne savais pas. La prochaine fois, comptez sur moi pour mieux faire. » dit-il pour arrondir les angles, mais le protocole Epistote était assez pointu.
« Il ne nous est jamais donné qu’une seule chance de faire bonne impression. »

C’était dit. En plus de le trouver ignare pour un analphabète de son état âgé de 21 ans, vivant dans un établissement de pauvre réputation à la lisière du quartier rouge, le précepteur le trouvait mal éduqué.

« Je suppose qu’en plus de vous apprendre à lire m’incombera également la lourde tâche de refaire votre éducation. »

Un geste en suspend laissait sous-entendre que mestre Garibaldi attendait que Keshâ lui tire la chaise pour l’aider à s’asseoir. Il s’exécuta avec empressement avant de lui proposer un verre de cidre, qu’il refusa, et ensuite une cruche d’eau fraîche. Ne restait à Keshâ qu’un tabouret bas à trois pieds, qu’il tira pour s’accouder sur le coin libre du bureau, tandis que les mains gantées ouvraient avec une lenteur minutieuse une couverture reliée.

On aurait pu croire être en présence d’un automate tant il semblait droit et engoncé dans son costume trois-pièce, avec ses cheveux et sa moustache parfaitement gominée. Mais les rides au coin de ses yeux semblaient indiquer qu’il était capable de rire.
-« Voyons. Par où commencer… » souffla-t-il désœuvré. « Vous connaissez vos lettres tout de même ? »

La leçon débuta. Keshâ allait devoir prendre ses marques avec cette pointure de connaissance collé-monté. Et le prestigieux professeur allait devoir assouplir ses manières pour instruire l’énergumène.

Avec un professeur aussi retors et exigeant, l’expérience promettait d’être inoubliable. Qu’il parle ou se taise, Keshâ se sentirait en permanence dans l’erreur, jugé et porter à s’excuser.

« Ne vous excusez-pas. »
répliquerait avec constance le professeur. « C’est la marque des faibles. Dans les disciplines scientifiques, l’erreur est le terreau de la découverte. Vous devez apprendre à en faire une amie pour forger votre connaissance. »

Enfin une parole encourageante. Du moins, cela y ressemblait. Il allait prendre ce qu’il pouvait. Rufus ouvrit soigneusement un coffret plat de belle facture pour en tirer un stylo plume à la mine d’or. A sa manière épurée et solennelle de s’en saisir, on eut dit un instrument de grand pouvoir capable d’infléchir la destinée des nations.

-« Prenez le stylo, Keshâ'rem. Allons. Suivez les lignes sur le papier et répétez. Encore. Et encore. » asséna méthodiquement le personnage intimidant.

Dans un silence scientifiquement religieux, le frottement de la mine sur le papier devint bientôt un ronronnement monotone « … car rien ne se crée, ni dans les opérations de l'art, ni dans celles de la nature, et l'on peut poser en principe que, dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l'opération ; que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu'il n'y a que des changements, des modifications. » Traité élémentaire de Chimie.


Dernière édition par Keshâ'rem Evangelisto le Mar 14 Nov - 6:21, édité 1 fois
Jeu 26 Oct - 17:18



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LA MARCHANDE D'EPICES

 
Keshâ s’entraînait avec l’abécédaire que lui avait confié le mestre Garibaldi à décoder les diphtongues et à orthographier des mots complexes faits de lettres muettes à la prononciation et de doubles consonnes qui avaient dues être inspirées aux grammairiens Sanctains par le diable en personne, pour le perdre, lui, des centaines d’années plus tard.

Selon Rufus, il avait bien de la chance, car, avant la réforme orthographique qui avait suivi la révolution contre l’Église, certains mots s’écrivaient d’une manière et se prononçaient d’une autre, comme « Cendrois », qui se prononçait « Cendrais ». D’autres mots étaient volontairement alambiqués pour faire plus brillant, comme « rythme », qui s’écrivait « rhythme ». Enfin, pour Keshâ, il existait toujours un h de trop et il se demandait si les enseignements de son précepteur de lecture seraient tous ponctuer de cours d’histoire de la grammaire. Ledit précepteur semblait penser que la finesse retorde de l’écriture faisait sa magnificence. Chaque simplification des règles semblait lui être un deuil personnel.

Ne perdant pas ses rêves de voyage de vue, il s’entraînait à écrire "Marie-du-Val," "Xandrie" et"Logdar Rim" en prévision d’un hypothétique périple sur les traces de son passé. S’il se souvenait bien, Logdar Rim était d’une puanteur insupportable. A cause des raffineries de myste :  elles avaient été montées sur place par les Opaliens injectant les fonds dans les infrastructures à l’exploitation et l’extraction du myste.

Pour rester plus proche de ses préoccupations immédiates et des rapports d’enquêtes qu’il aurait à rédiger bientôt, il s’exerçait aussi à écrire « Reyes », « Prune Oystein » et « Epistopoli » de sa plus belle écriture.

Comme il faisait merveilleusement beau – comprendre que le ciel était grisâtre et non jaune de pollution – il décida de sortir. Après tout, son rendez-vous avec Nonnie n’était pas pour tout de suite, il avait le temps d’aller demander conseil à l’une de ses vieilles connaissances sur le Marché des Cannelles.

Le marché aux épices s’ouvrait sur les rues limitrophes de la haute ville, charriant une clientèle plus bourgeoise, aux bourses capables de supporter les prix exquis des marchandises les plus fines venues de Lapis et de Doulek. La vieille Mao était toujours là, depuis plus de 30 ans à en croire certains. Elle était assise vôutée, les mains appuyé sur sa canne, devant son étal inaliénable fait de petits fagots d’herbes médicinales et de thés, que Keshâ l’avait maintes et maintes fois aidé à fabriquer étant enfant. Elle était si fripée que le poids des ans ne semblait plus l’affecter depuis longtemps. Sa chevelure blanche flottait avec légèreté autour de son visage diaphane.

Enquêteur dilettante 140h

On la prenait pour une horloge sans aiguilles, une vielle folle avec une colonie d’araignées au plafond. Keshâ lui avait toujours trouvé la douceur rassurante d’une mère et une sagesse insondable. D’un silence, elle semblait déshabiller le plus cossue des Sapiarques et le dépouiller de ses abominables secrets.

-« Que vois-je ? Mes vieux yeux ne me trahissent pas. C’est mon petit tresseur de paniers. Keshâ. Viens-t-en donc, petit renard argentée »
Mao avait une mémoire longue comme le bras et toujours le bon conseil pour garder courage. Si quelqu’un avait une autre idée pour étendre les tentacules de son réseau d’information en un temps record, ce serait bien elle. Il s’assit souplement en tailleur sur la natte en feuilles de coco, adjacente aux présentoirs. De toute façon, il n’y avait pas grand monde avec cette chaleur. La veille lui servit une tasse de thé cultivé par les serviteurs de Tohora sur l’île d’Améthyste, selon un procédé de fermentation impliquant de la salive de baleine.

-« Bonjour Mao. J’ai bien grandi depuis que je tressais tes paniers. Comme tu vois, j’ai un peu de temps, maintenant. » Il souffla un nuage de vapeur émanant de la coupelle brûlante en porcelaine de Xandrie. « Hmm, c’est particulier, c’est corsé ! »
-« L’âme du peuple de la baleine. » sourit la bonne femme édentée.
« Alors, comme ça, tu as enfin cessé de courir après le temps… eh bien, en ce cas, tu m’en donneras bien un peu, comme au bon vieux temps, pour ranger mes marchandises dans ma charrette tout à l’heure. Et après le thé, tu feras bien quelques Mouvements avec moi ? »

La vieille dame avait été la première à lui donner un emploi lorsqu’il s’était retrouvé totalement seul et désorienté dans les rues d’Epistopoli à l’âge de douze ans. Elle n’avait pas réellement besoin de lui. Il avait les joues sales et le ventre creux, un jour de pluie. Quand il pleut, les vieilles dames ont besoin de compagnie pour écouter leurs histoires. Le thé chaud qu’elle lui servit lui parut être le breuvage le plus réconfortant du monde. Il avait la saveur de la compassion et de la fraternité.

-« Tout ce que tu voudras. » répondit-il en se sentant ronronner de sourire face à Mao qu’il considérait malgré lui un peu comme sa grand-mère.

« Les affaires se portent bien ? » Question de pure politesse. Mais il fallait bien polir les angles avant d’entrer en matière. Il n’avait jamais compris comment la veille dame accomplissait son dur labeur envers les détaillants et les marchands des coins les plus reculés d’Urh. Il avait déjà aperçu un korrigan ou deux l’aider et la soupçonnait d’être leur reine secrète. Cela lui serait en tout cas bien utile pour rassembler les informations dont il pourrait avoir besoin pour remplir sa mission d’espionnage.
-« Ca va, ca vient… comme le vent. Mais tu sais que je me contente de peu de choses. A mon âge, on mange peu. Une tartine de pain grillé avec un oignon et du bon fromage et je suis heureuse ! … Et toi ? Les amours… j'ai reçu la visite de cette épouvantable femme aux cheveux blancs et aux yeux rouges qui te cherchait l'autre fois. Elle jurait comme un charretier. Une portebrume, crois-en mon expérience! » entonna-t-elle, sa tête s’enfonçant entre ses épaules en laissant échapper un rire espiègle. Violette était donc bien venue voir tous les employeurs qu'il avait pu nommer comme alibi.

-« Mao… ça me gêne de parler de ça avec toi… Mais tu sais bien que je ne sais pas être sage. »
-«De quoi parler, alors? Et puis, on sait reconnaître les gourmands ! Oh, vois-tu, avec ma grande expérience, j’aurais pourtant des conseils à te partager. »
Keshâ sourit mal à l’aise et amusé. Il voyait mal comment l’ancêtre pourrait lui donner des conseils sur les amours masculines. Et il imaginait encore moins de lui imaginer ce que Reyes lui avait fait à l’étage de l’Aspharos quelques minutes après leur rencontre.

-« Une prochaine fois, peut-être. » concéda-t-il. Pour ce qu’il en savait, elle ne serait peut-être plus de ce monde, la prochaine fois. D’un autre côté, les rumeurs disaient qu’elle les enterrerait tous, cette bourrique têtue.
« En fait, je suis venu pour solliciter tes conseils, Mao. J’ai un nouveau travail qui me permet de mieux vivre. J’apprends à lire… » « Ah ! Enfin une bonne nouvelle, on va peut-être enfin faire quelque chose de toi, mon garçon. » Il poursuivit… « Mais, je dois faire mes preuves et montrer que j’ai des ressources et que j’arrive à entendre tout ce qui se dit dans les bas-quartiers… »
Elle leva doucement une main dans les airs et ferma les yeux, comme si elle recevait une communication directement des royaumes célestes.

« N’en dis pas plus. Je vais t’aider. »
« Vraiment ? » dit-il, un peu incrédule. C’était si facile.
« Oui. Vraiment. J’ai attendu ce jour depuis longtemps. Je peux enfin t’aider à t’accomplir. Mais avant, dansons les Mouvements pour rassembler notre Han. »

Il aurait été difficile de croire que ce corps chétif ramassé sur ses talons et noyé sous de larges étoffes roses poudrés cachait autre chose que des genoux khâgneux. Pourtant, Mao ne semblait ni souffrir d’arthrite, ni de fatigue. Elle se redressa en lenteur et rangea avec un luxe de prudence les éléments du service à thé dans un coffré en acajou, laissant à Keshâ le soin de rouler la natte et de replier la tablette.

Debouts, côté à côte, droits comme la justice, Keshâ et Mao semblaient liés par un fil invisible.
Des badauds les regardaient.
-« 3ème Mouvement du Royaume de l’Eau : la Grue souveraine s’envole du Royaume Oublié. » déclama-t-elle de sa voix éraillée par les ans.

Sans trembler, sa jambe pliée s’éleva délicatement au-dessus de la hanche, immobile, tandis que des bras traçaient une roue lente dans l’air. Un long râle s’échappant de ses lèvres, le regard contemplatif, comme s’ils étaient seuls réunis pour admirer le plus incroyable coucher de soleil sur les rives du Phylène. Comme une seule âme, leurs jambes se posèrent et ils décrivirent une succession de poses figées et d’équilibres calibrées sur leur respiration.

Keshâ n’avait jamais vraiment compris l’intérêt de cette curieuse gymnastique. Cependant, elle comblait Mao, trop heureuse d’avoir un jeune disciple pour partager sa lubie. Lorsque quelqu’un se moquait, elle disait toujours « Quand vous aurez cent ans et que vous aurez perdu la santé, on en reparlera… »



Dernière édition par Keshâ'rem Evangelisto le Mar 14 Nov - 5:59, édité 1 fois
Mar 14 Nov - 5:10



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PREMIERS RESULTATS

 

Il était temps de récolter les dividendes de ses actions auprès de Nonnie du Courrier au Noir et de Mao, la vieille folle marchande d’épices du marché des cannelles ; qui se trouvait être un peu sa grand-mère.

Tout d’abord, Mao semblait connaître un grand nombre de marchands. Malgré la faible d’influence que l’on pourrait prêter à une veille gâteuse de marché, elle connaissait de gros poissons. A croire que tout le monde lui en devait un autour d’Espistopoli. Ainsi, elle l’invita à lui préparer une dégustation de thé comme une petite reine, assise en tailleur sur sa natte en feuille de cocotier dans un hanfu usé jusqu’à la corde. Pendant que Keshâ aérait le thé avec un fouet en bambou elle démarra son récit.

-« Cela n’a pas été facile gamin. J’ai du graisser quelques pattes. Mais ce n’est pas aux vieux singes qu’on apprend à faire des grimaces et que ne ferais-je pas pour mon renard argenté ? … »
Keshâ lui servi son bol de thé vert de la péninsule d’Amyros, chargé de l’air frais de l’océan et de la densité de sa terre noire, agrémenté de flocon de riz soufflé et d’une saveur légère de prunier amer.
« De nombreux marchands ont des griefs contre la famille Oystein, car ils se sont endettés durant les années de canicules ces dix dernières années qui ont ruiné les récoltes dans le sud. Ne pouvant faire face aux traites des banques, certains se sont tourné vers les Oystein pour racheter leur dette et leur verser directement les intérêts. Mais certaines closes scélérates ont permis de prendre en main leur fonds de commerce et de déposséder des lignées qui géraient les affaires depuis des générations. C’est le cas des Adukats et des Verdicht, notamment Gontran Verdricht qui est connu pour ses coups de sang et a promis de venger l’honneur de sa famille par le sang. Il se fait tout petit depuis les attentats, mon garçon, on dit même qu’il s’est retiré à Xandrie. »
Elle commençait à tremper ses lèvres, un air de pure béatitude habitant ses traits.
-« Le thé d’Amyros était déjà exquis il y a 300 ans. Certaines choses ne changent jamais. »
Keshâ’rem notait frénétiquement les renseignements que lui délivraient la vieille dame avec clarté, malgré sa voix éraillée.
« Fait attention en écrivant ton rapport ! Les puissants ont tendance à décapiter les vies innocentes en vibrant trop de leur cerveau reptilien basée sur la peur. Les Adukat et les Verdricht ont une querelle légitime, mais ce ne sont pas des terroristes. Si d’honnêtes citoyens se font assassiner, ce sera la rébellion en moins de temps qu’il ne t’en faudra pour me servir une autre tasse d’Amyros ! Si tu veux mon avis, au lieu d’édifier des châteaux de sables noir au-dessus de la basse ville et de lacérer les merveilles du Renom pour entasser plus de voitures sur les routes de la haute-ville, ils feraient mieux de parler un peu à leur peuple, cela ne saurait pas faire de mal. Quand la colère déborde, il est toujours trop tard. Et cela ne profite jamais à personne. »
Keshâ se retira après une bise à sa mamie d’adoption et rendit visite à Nonnie qui était toujours une aiguilleuse du ciel pour ses multiples oisillons.
-« Salut Keshâ ! je n’ai pas le temps de parler. Et c’est du brûlant que je t’ai déniché. Pas moyen d’en parler ici ! Prends donc ce dossier que je t’ai préparé. Tout est documenté et il y a quelques pistes… eh, attend donc ! Tu n’as pas oublié quelque chose ? Voilllaaaààà, mes 100 astras. N’as-tu donc pas le cœur plus léger et le sourire plus fringuant maintenant ? Au plaisir de refaire affaire ! »

Avec une once de paranoïa, Keshâ jeta des regards furtifs derrière son épaule pour vérifier qu’il n’était pas suivi, jusqu’à son repaire à la pension de la Lionne Rouge. S’il en croyait Nonnie, certaine piste sentait le scandale et il ignorait à quel point il pouvait s’en remettre à elle, à l’inverse de Mao dont la loyauté ne posait pas de question.

Une fois enfermé à double tour dans sa chambrette, il alluma sa lampe de bureau coiffé d’un chapeau vert en demi-lune pour concentrer la clarté sur la table inclinée. Le rapport le laissa soufflé. Olivier Oystein avait beaucoup de fournisseurs et d’entreprises dépendant indirectement des contrats de sa firme comme client principal. Le moindre changement dans les directives de la firme avait un impact démultiplié sur cet écosystème. Les derniers remaniements avaient entraîné une robotisation massive des postes d’ouvriers de bas niveaux, jetant un nombre incalculable de famille dans la précarité. Aussi, bien que la famille contribue à l’amélioration du confort, de quelques privilégiés, par ses trouvailles, le tissu économique des classes populaire avait subi plusieurs entailles depuis les derniers remaniements, sans mesure sociale pour accompagner les familles.

Il était difficile de connaître tous les détails de ces affaires, par l’entremise des ragots et des documents récoltés à la sauvette par de petits livreurs. Mais l’attention de Keshâ se reporta vers l’entreprise Amours Sereines, qui proposait des robots de compagnie… charmante. Oystein fournissait les pièces robotiques. AS s’occupait du volet programmation. Un partenariat gagnant-gagnant, avec pourquoi pas des applications autres dans le futur. Un livreur croyait avoir entendu Drive Bolson, le directeur-fondateur dire qu’il avait de bons espoirs pour sa famille, juste assez pour être intéressant, pas assez pour être probant.

Keshâ décida donc que sa prochaine visite concernerait les locaux d’Amours Sereines. Il ne savait pas encore comment il ferait. Pour l’heure, ses yeux rougis piquaient et brûlaient d’avoir trop lu. Il devait prendre un repos bien mérité avant de mettre à jour son tableau de preuves.





Jeu 7 Déc - 21:14



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Secrétaire de l'enfer

 
Amour Sereines était une petite compagnie de la Tech en comparaison à ces monstres sans tête qu’étaient Aroma Corp et Crystech, ainsi que toutes les autres firmes énergétiques. Elle occupait modestement les quartiers industriels en reconversion à la périphérie de la ville. Mi-délabrée, mi-tendance, on y offrait parfois des fêtes décalées et des vernissages mondains, mais le paysage restait largement dominé par les hangar bétonnés sans fenêtres et les tours de briques crachant des fumerolles noires sans discontinuer dans les poumons des riverains.

La devanture de la firme robotique se démarquait toutefois dans ce quartier puisqu’elle offrait une vitrine cristalline éclairée de l’intérieur et présentant ses modèles de robots de compagnie sur des présentoirs en reprenant les codes visuels d’une enseigne de pâtisserie raffinée. En entrant à travers une porte automatique, les yeux de Keshâ furent agressés par la blancheur aveuglante du décor et ses narines par une odeur florale exagérée en-dessous de laquelle on devinait celle de la javel.

Il n’était pas facile de trouver des humanoïdes organiques dans ces lieux, la plupart des hôtesses robotiques revêtant un tablier et une coiffe de nanny pour saluer les visiteurs d’un sourire immortel. Seule se trouvait postée derrière le rempart verni de l’accueil une secrétaire à l’air contrarié. Quelque chose lui disait que ces plis formant des rides au coin de ses lèvres et entre ses sourcils n’étaient pas éloignés de son expression de base. Keshâ s’approcha doucement du comptoir, découvrant derrière ses cheveux teints en blonds et torsadés à coups de bigoudis une monture rouge de lunettes en écailles de crocodile.

Comme elle l’ignorait toujours au bout de dix secondes en feuilletant un magazine, il finit par tenter un pas en avant et à faire teinter la petite cloche, qui ressemblait beaucoup à celle des auberges. D’un air ennuyé, elle leva ses yeux ternes vers lui sans même redresser la tête.

-« Bonjour, je me demandais… »
« Non. »
Un peu surpris, il se demandait quelle erreur il avait pu déjà commettre à ce stade. Il allait reprendre.
-« Non. »
-« Non ? »
-« Non. » dit-elle en laissant retomber son magasine dans un souffle d’air entraînant des post-it.
« Vous n’êtes pas un client. » fronda-t-elle en le pointant d’un index crochu et verni en signe d’accusation.
Sur sa main, Keshâ devinait une alliance et se demandait confusément qui pouvait bien avoir épousé ce cerbère patibulaire à la mise en pli contestable.
« Je connais nos clients. Vous n’en avez pas l’air. » fit-elle en détaillant d’une moue dédaigneuse ses habits. C’était injuste pour sa redingote toute neuve, mais d’un regard embrassant la salle, il comprit que la plupart des clients potentiels de la compagnie étaient des hommes grisonnants et/ou bedonnant plutôt fortunés.

La confusion se lisait sur ses traits. Il aurait pu avoir eu une crevaison sur une roue de sa voiture et être venu chercher de l’aide, cette secrétaire aurait répondu avec le même ton mécanique d'agrafeuse.
-«Vous êtes jeunes et vigoureux ? Allez exercer votre main droite ! »

Elle le chassa d’un geste de sa main droite comme si elle retirait une poussière du comptoir. D’un dernier regard, Keshâ vit le nom « Monique » écrit de biais sur une carte électronique qui pendait à la poche de son blazer rouge.

La Monique ne lui laissait pas le choix. Il sortit penaud et après avoir réfléchit longtemps sur le parking, dissimulé derrière une voiture luxueuse, il l’observa venir quelques fois prendre une pause cigarette devant l’entrée, cet air désabusé toujours figé au milieu de son front. Cette enquête commençait plutôt mal. Très mal même. Comment était-il censé enquêter sur une entreprise s’il ne parvenait même pas à formuler une seule phrase ?

La patience lui donna raison, quelques heures plus tard. Il commençait à avoir froid, faim et la vessie pleine à faire la planque sans grande consistance. Il put seulement observer l’hypocrisie des sourires de Monique devant des clients fortunés et voir que parfois on entraînait certains d’entre eux vers une porte qui se fondait parfaitement dans le mur blanc à l’opposé de la zone d’exposition.

Peu à peu, le public déserta les lieux, l’espace d’accueil ne semblait pas ouvert en soirée. Monique semblait commander aux robots de se mettre en veille et de nettoyer l’espace, mais elle n’avait pas l’air sur le départ pour autant. A la surprise de Keshâ, un homme vint la rejoindre depuis le parking. Jeune. Elle sourit en penchant la tête de côté et en minaudant, avant de l’embrasser fiévreusement.

Keshâ en profita pour se rapprocher en courant dans le parking vide jusqu’à pouvoir s’abriter derrière un muret juste devant la vitrine. Les deux amants étaient trop à leurs ébats pour l’avoir vu. Sans trop réfléchir, il sortit l’holographe flambant neuf dont il avait fait l’acquisition sur les deniers d’Ekiel pour préparer sa mission et le pointa le plus discrètement possible au-dessus du muret face à la vitrine. Monique glissait une liasse de billets dans la poche arrière du pantalon du jeune homme, tout en pelotant le popotin du gigolo sans vergogne.

Elle verrait bien ce qu’elle verrait, la Monique. Il ne savait pas encore s’il parviendrait à extirper la vérité des entrailles d’Amours Sereines. Mais Monique, elle, allait lui laisser en placer une.
A demain, Monique.
Mer 24 Jan - 16:05



Enquêteur dilettante

Prend-ça dans ta face, Monique!

 
-« Toujours non. »
-« Êtes-vous sûre ? » articula Keshâ dans une lenteur menaçante.
-« Disparaissez où j’appelle le robot de sécurité. Il vous chassera comme une poussière. »

Le jeune homme arqua un sourcil, dans un duel de regard entre ses prunelles de spinelle violet et la monture rouge en écailles de crocodile. Monique ne comprenait pas sa situation. Pas encore.

Il déposa doucement l’holographe sur le plan de travail et pressa le sommet de la sphère. La scène de batifolage se déploya à un mètre de hauteur, flottant au-dessus de la réception d’Amours Sereines. Le regard figé d’incrédulité donnait à Monique l’air d’avoir les yeux révulsés en arrière. Elle se leva, hagarde. Ses yeux couraient alentours, bien qu’il y ait peu de clients.

-« J’ai été gentil. Je vous ai épargné l’heure de pointe pour exposer votre petit adultère… monsieur Monique n’en sera pas content, j’imagine… »
-« Sale petite avorton ! Comment OSES-TU !!! Je vais t’apprendre ! » balbutia-t-elle d’une voix outré qui montait dans les aigus. Sa main s’apprêtait à presser un grand bouton rouge. On en était au tutoiment, signe que son interlocutrice était sans doute poussée dans ses retranchements. Il fallait se méfier du lion blessé, la bête peut se montrer dangereuse si elle est acculée. Toujours laisser une porte de sortie digne à la situation.
-« Êtes-vous sûre… Monique ? » répéta-t-il, toujours porteur de menaces. Certes, il ne connaissait pas encore l’identité de Mr. Monique et n’avait aucune idée d’où le trouver. Mais s’il était arrivé jusque-là, ce n’était pas une secrétaire un peu trop orgueilleuse qui allait le décourager.

Ekiel l’avait poussé au meurtre, à la castagne, à l’effraction. Il estimait pour sa part qu’il se montrait assez courtois en faisant à Monique la fleur d’un petit chantage. Cela resterait entre eux.

Il n’avait pas besoin d’en dire plus, au risque de laisser transparaître son inexpérience du crime et sa gentillesse. La lèvre tremblante, la secrétaire prenait elle-même la mesure du guêpier dans lequel elle s’était fourrée et du peu d’options qu’il lui restait.

-« Qu’est-ce que tu veux ?! »
-« Voilà. Maintenant, on se comprend.Je veux tout savoir sur le petit trafic que vous menez en arrière-boutique avec vos robots romantiques. Mais ce qui m’intéresse surtout, Monique, ce sont les petites habitudes et préférences de votre patron. Monsieur Drive Wilson semble avoir beaucoup d’ambition en lien à votre partenaire Oystein et sa compagnie. Peut-être même des ambitions matrimoniales ? Il va être temps de passer à table… je suis peut-être un jeune freluquet, mais vous, Monique, qu’on me pende si je me trompe, vous avez tout d’une veille commère aux oreilles trainardes… »

Et c’est ainsi que sans trop y toucher, le jeune vagabond glissa un orteil dans le monde du crime au travers de sa première extorsion d’informations. Il eut de la chance. Le chantage fut payant, sans heurt et ne laissa que peu de traces, si ce n’est dans l’ego d’une secrétaire patibulaire à l’accueil d’Amour Sereines. Ekiel serait content d’apprendre les manigances qui menaçaient le futur conjugal de son… amante, amie, protégée ? Il espérait qu’elle valait tout ce mouron et cet argent que l’on dépensait sans comptait pour ses beaux yeux.

Pour l’heure, il avait réussi à ne pas se faire tuer et à préserver certains critères moraux dans ses exactions. Une victoire.
Il faudrait hélas remuer plus de boue pour contenter son commanditaire, quitte à mettre les mains dans la glaise.