Light
Dark
Bas/Haut

Te Moana Ora [PW Lö]

Te Moana Ora [PW Lö] Brandw10
Jeu 07 Sep 2023, 18:53
Les premières lueurs de l’aube étiraient leurs doigts roses à travers les cieux au-dessus d’Aramila. Le fleuve, habituellement paisible, reflétait les teintes pastel du matin. Pour Atahara, prêtresse de Tohorâ, cette journée avait commencé comme n’importe quelle autre. Elle avait allumé les lampes votives et avait récité ses prières matinales, écoutant le murmure de la déesse Baleine dans le vent qui caressait les murs de son humble temple.

Cependant, alors que la prêtresse se plongeait dans ses méditations, un son sourd parvient à ses oreilles, un grondement lointain semblable à un écho de tonnerre dans les montagnes. Son cœur s’emballa, une inquiétude profonde s’insinuait en elle. Se levant d’un bond, Atahara se précipita vers la fenêtre.

Ses yeux s’écarquillèrent alors que la tritonne observait le fleuve. Les eaux, d’ordinaire calmes et prévisibles, avaient pris un caractère fougueux, se gonflant au-delà de leurs berges. Une vague de panique la submergea. Le fleuve débordait, et ce n’était pas un phénomène naturel. Quelque chose n’allait pas.

Atahara se hâta de descendre les escaliers de pierre qui menaient au hall principal du temple. Là, elle fut accueillie par les lueurs vacillantes des cierges et par l’odeur apaisante de l’encens. Parmi les ombres dansantes, elle distingua un visage familier, celui de Kaelan, un fidèle dévoué à Tohorâ depuis de nombreuses années.

- Kaelan, viens, il se passe quelque chose avec le fleuve. Nous devons agir rapidement.

Sa voix se faisait urgente et Kaelan se tourna vers la prêtresse, ses yeux empreints de surprise et d'inquiétude

- Atahara, je n’ai que rarement vu le fleuve se comporter ainsi. C’est comme si ces vagues nous étaient destinées…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, car un grondement sourd résonna à nouveau, faisant trembler les murs du temple. Atahara et Kaelan échangèrent un regard résolu.

- Nous devons sauver ce qui peut encore l’être. Rassemble les autres fidèles et apportez des récipients vides. Nous allons préserver les offrandes et objets sacrés.

Kaelan acquiesça et se hâta de mettre en œuvre les instructions d’Atahara. Bientôt, d’autres membres du culte de Tohorâ se joignirent à eux, portant des récipients de toutes tailles pour récupérer l’eau qui menaçait d’envahir le sanctuaire.

Ils n’étaient pas nombreux, mais ils travaillèrent avec ferveur, se relayant pour transporter les précieux objets (précieux par leur symbolique, car ils ne valaient rien financièrement) et les offrandes vers l’étage supérieur du temple, les plaçant hors de portée des flots déchaînés. Chaque mouvement était empreint d’une dévotion profonde envers la déesse Tohorâ, mais surtout d’une amitié solide envers Atahara, cette tritonne qui était là pour chacun.

Alors que le temps passe et que le fleuve continue de gronder, la prêtresse et les fidèles tentent de répondre à cet événement avec détermination. Ils étaient unis dans cette mission, même face à ce phénomène mystérieux et menaçant. Était-ce la Déesse qui s’exprimait ? Une autre divinité jalouse et destructrice à l'œuvre ? Est-ce que le fleuve allait enfin s’arrêter de les mettre à l’épreuve ? Dans le mouvement continu de l’eau, la prêtresse n’entendait plus sa Déesse, et ça, c’était pour le moins très inquiétant.
Dim 10 Sep 2023, 19:12
La nature roule, comme la houle. Elle tonne, elle hurle: la nature est comme une bête sauvage, un cheval fou, un animal furieux que nul ne peut enfermer. La nature, c’est un ouragan indomptable que l’on touche du bout des doigts pour sentir le vent fouetter sa peau, mais que l’on ne peut saisir qu’au prix qu’elle a fixé. Et on perd toujours, face à la nature. Sauf si on danse avec elle et qu’on se perd dans le vent.

Les murs de pierres jaunes et ôcres lui faisaient de plus en plus mal aux yeux. Elle se cachait dans les ruelles, la petite flamme aux boucles furieuses, elle courait toujours plus vite pour fuir les vivants et retrouver les plantes, les animaux, un rien de la jungle qui l’avait accouché et qu’elle avait lâchement abandonné pour cette ville terrifiante. Chaque appel de la nature contrainte était un mirage, un caillou dans l’eau. Partout, elle cherchait le vent, les feuilles qui s’entrechoquent, le rugissement du guépard, l’empreinte du serpent. Mais à la place, des plantes en pot, de petits palmiers, autant de faux espoirs pour son coeur d’enfant et ses ambitions sauvages. Pourquoi elle marchait, là? Pourquoi, là? Pourquoi?

Les gens rôdaient. Ils rôdaient tous, partout. Habillés dans de grands vêtements avec des couleurs amusantes, ils avaient des têtes étranges qui ressemblaient parfois à la sienne, parfois pas. Souvent, pas.
Ils ressentaient forts aussi, les gens. Elle recevait tout: la joie, la haine, la tristesse, la crainte, tous ces fils rouges entrelacés à l’excès, et au bout de cette longue suite de cordes chaotiques, l’hespéride écoeurée qui n’en pouvait plus de tout ressentir. Dans la jungle, tout était doux, tout était sage. Mais ici, c’était la lutte des sentiments qui se bousculent. Sa tête était lourde. Ses yeux rouges de larmes qui ne coulaient plus.

Ses pieds étaient couverts de poussières, marchant nus sur le sol pour la conduire le plus loin possible des vivants. Elle n’aimait pas ne pas sentir la terre sous ses pieds, et si les autres voulaient porter des objets bizarres autour des leurs, c’était leur problème. Habillée d’une chemise d’homme volé dans un marché, l’hespéride avançait au grès des sentiments, écoutant le vent pour fuire le dédale de rue dans lesquelles elle s’était perdue. Elle vivait comme une paria, volant sans comprendre qu’elle volait, se nourrissant ce qu’elle trouvait, fuyant comme la peste ceux qui s’approchaient trop, avec leur sentiment trop bruyants qui lui donnaient mal au crâne. Sauf les petits gens. Eux, elle les aimait bien. Elle avait compris qu’ils étaient les bébés des grands gens. Si les grands faisaient peur, les petits, eux, ressentaient comment elle.

Il n’y avait que peu de monde, ce jour là. Le soleil se levait à peine. La ville était dorée. Et là, comme une oasis, elle aperçu le reflet scintillant de l’eau. Ses yeux s’ouvrirent comme des soucoupes, rondes comme si Lö était sous substance. Les vagues l’appelaient. Le fleuve l’appelait. Comme en transe, elle s’approcha, guidée par l’appel du vent, des embruns, de la nature. Dans sa chemise tâchée de terre, les mains sombres de poussière, elle avançait. Toujours plus près du fleuve. Un bourdonnement ravit ses oreilles.
L’eau scintillait.
Le vent s’était tu.
Les vagues devenaient silence.
Les algues tremblaient.
Le lit se tarissait comme un ventre creux.
Le fleuve retenait son souffle.


Elle était tout contre, les pieds dans l’eau qui baissait cruellement. Le fleuve retenait son souffle… La nature grondait. La pression était lourde sur ses épaules… L’eau se préparait à bondir. Et face à elle, Lö souriait à pleines dents.
Elle eu le temps de reculer jusqu’à la terre quand le fleuve sortit de son lit, provoquant chez l’hespéride des rires enfantins. Elle avait de l’eau jusqu’aux genoux, mais cela n’altéra pas son sentiment profond d’euphorie. C’était un si beau spectacle, toute cette eau sauvage qui retrouvait sa place. Le courant fort la poussa à courir le long de la berge, suivant l’eau et ses caprices jusqu’à un édifice qui l’arrêta dans sa course. Comme un fantôme, une apparition dorée, le temple avait lui aussi les pieds dans l’eau.

Elle ne su pas trop ce qui la poussa à rentrer. Si c’était la beauté du lieu, la paix qu’il semblait dégager, la sensation qu’il ne faisait plus qu’un avec les vagues ou les bribes de détresse qui s’en échappaient. Elle entendait les coeurs qui chavirent, la tristesse des coeurs, l’urgence et l’unité. Tant d’émotions nouvelles et curieuse qui l’appelaient comme autant de phare. Son visage se lissa, mais elle avança quand même, longeant l’édifice pour entrevoir une chaîne de gens, tenant à bout de bras des objets en tout genre, comme pour les protéger de l’eau.
Mais l’eau, c’était doux, non? C’était beau, non? Pour son coeur était si triste, d’un coup?

Au milieu de cette foule, une femme, une créature qui semblaient se détacher du reste des vivants. Ses émotions étaient vives et brutes, et semblaient relever de l’expectative et de l’incompréhension, plus que de la détresse. En la regardant, Lö se sentait perdue, et comme attirée. Elle s’avança d’elle, luttant avec l’eau pour arriver à son niveau, porter une main vers elle, la regarder de plus prêt. Cette personne, elle ne lui faisait pas peur. Non, elle voulait l’aider.

Coup-Main? Lö avait entendu ça, un jour. Coup-Main, c’était faire quelque chose pour quelqu’un. Enfin, elle croyait. Et cette dame-rivière, elle voulait vraiment faire quelque chose pour elle.
Lun 18 Sep 2023, 22:07
L’eau tourbillonnait autour d’Atahara, sa robe flottait autour d’elle tandis qu’elle luttait pour évacuer l’inondation. Le fleuve débordait de son lit habituel, emplissant le temple de Tohorâ de vagues furieuses. Le chant apaisant de la déesse qui résonnait autrefois en elle avait disparu, comme si même Tohorâ était en proie à une agitation inexplicable.

Dans le tumulte, Atahara imaginait une autre divinité marine, une force indomptable qui tentait de rompre le lien sacré entre elle et Tohorâ. Cette entité mystérieuse prenait la forme d’une créature majestueuse, un poulpe pourpre aux reflets émeraude, les yeux brillants de malice et de défi. Peut-être était-ce une divinité oubliée, cherchant à regagner sa place dans le panthéon des mers.

Alors qu’Atahara luttait contre les flots, une silhouette rousse et élancée se dessina à travers l’embrun. Une femme d’apparence étrange s’approcha, ses yeux pétillants d’une innocence enfantine. Elle s’exprima d’une voix douce, presque musicale : “Coup-Main !”.

La prêtresse tourna son regard vers la nouvelle venue, surprise de voir quelqu'un d’autre ici, en ces moments critiques. La femme était une énigme, une énergie imprévisible dans ce lieu de spiritualité solennelle.

Atahara hésita un instant, puis comprit que chaque paire de mains comptait dans ces luttes contre les éléments déchaînés.

- Oui, Coup-Main.

Elle acquiesça, acceptant l’offre d’aide avec reconnaissance. Se présentant à son tour, Atahara murmura.

- Je suis Atahara, la prêtresse de Tohorâ. Merci d’être venue en aide.

Les deux femmes se mirent au travail, se passant des récipients vides pour évacuer l’eau. Leurs mouvements étaient coordonnés, malgré la différence de langage et de compréhension du monde qui les entourait. Cette rouquine était peut-être une force de la nature, apportant avec elle une énergie vitale qui semblait infatigable.

Au milieu de l’effort, Atahara sentait un regain d’espoir. Peut-être que cette rencontre fortuite avec cette femme était un signe que Tohorâ ne les avait pas abandonnées, qu’elle leur envoyait cette âme bienveillante pour les aider dans leur épreuve.

- Continuez ainsi, mes amis !

Atahara se voulait encourageante, son regard passant de la nouvelle recrue aux fidèles dévoués qui travaillaient sans relâche.

- Nous sommes près du but. Ensemble, nous préservons ce temple en l’honneur de Tohorâ.

Sous le regard bienveillant de la prêtresse, chacun redoubla d’efforts. Chaque récipient d’eau vidé, chaque objet du culte préservé, était une victoire remportée comme la marée déchaînée. Le temple resterait debout, un sanctuaire fidèle à Tohorâ.

Dans cette lutte commune, Atahara trouva un nouvel espoir, une certitude renforcée que même face à l’adversité, la foi pouvait être leur guide. Malheureusement, malgré cette positivité, les eaux turbulentes du fleuve ne montraient aucun signe d’apaisement. En passant près d’une fenêtre, Atahara remarqua des coffrets de cierges et de paniers d’offrandes qui traînaient et qui allaient bientôt être débordés par l’eau.

- Coup-Main !

Atahara espérait que le terme serait compréhensible. Elle se mit à genoux devant un coffret de cierge, des bougies de cire blanche colorée en bleu, et en expliqua la signification.

- Ceci est un cierge, un symbole de lumière et de dévotion. Les fidèles l’allument pour honorer Tohorâ et lui offrir leurs prières.

Est-ce que cette femme à la langue si innocente allait comprendre le concept de la lumière et de la dévotion ? Bonne question…