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Première Brume, dernier voyage (ft Violette)

Première Brume, dernier voyage (ft Violette) Brandw10
Dim 27 Aoû - 0:55

Première brume, dernier voyage

ft Violette


« — FLASHBACK : Expédition à provenance d'Epistopoli. »MUSIQUE :


J’ai besoin de partir. C’est la seule manière pour moi de survivre et d'espérer, que même aujourd’hui, même de là où tu es, tu serais fier de ma détermination. De ma volonté de persister.
Je sais que tu aurais voulu que je poursuive ce que tu as commencé. Que j'honore ton héritage.
Mais je ne suis pas toi, et je ne le serais jamais.

Fier. Même aujourd’hui, je tiens à ce que tu sois fier. Et ça me rend malade de constater que je suis encore capable de penser à toi avec tendresse, même après toutes ces promesses brisées. Tu nous avais promis un avenir meilleur. Et tu m’as abandonné. Dans cette même crasse, dans cette même misère ; tu es mort dans le même lit que ma mère.

Qu’importe. Ça n’a plus d’importance désormais. Plus rien n’en a. Pas ton héritage, pas même le travail que nous avons accompli. Tout ça sera oublié, en même temps que ton nom. Tu seras oublié, puisque tu n’étais rien de plus qu'un début bruyant et une fin brutale.

Tu m’as toujours dit de ne jamais me sentir coupable devant la mort. Que parfois, le monde demandait un deuil, un sacrifice, quelque chose pour pleurer et pour se rappeler de l'importance de la vie. Alors, je trinquerai à la tienne, de mort. À ce que tu m’as laissé. Pas grand chose, franchement, avouons-le. Ton amour, peut-être. Je ne céderai pas au désespoir, même si l’avenir qui s’étend devant moi s’élève affamé et inconnu.

Et, comme je l’ai toujours fait durant nos expériences, je garderai une trace de tout cela. Pas pour toi. Pas pour une quelconque audience. Mais pour faire taire mon âme.

Dans mon souvenir, je ferai de toi rien de plus qu'un homme, visionnaire - certes -, talentueux - sûrement -, misérable - certainement.

— Lettre de Poppy à son feu père.


Cela faisait plusieurs jours, semaines peut-être que le navire d’expédition avait quitté le port pour se rendre jusqu’à la Mer de Brume. C’était le genre de mission suicide, dans lequel on s’engageait quand on n'avait plus rien à perdre. Plus personne à perdre. Quand on courait après la mort. Songeait-elle à mourir ? Non. C’était autre chose. Peut-être le simple besoin de se sentir vivre – et il n’y avait pas plus poignant que de se confronter à la mort pour apprécier la vie.

Les voiles gonflées de vent, le vaisseau avançait à toute allure à travers les flots. La mer était calme. Paisible, à cet instant. Et Poppy profitait d’un moment sur le pont, seule. Bien qu’on était jamais vraiment seul au milieu d’un équipage. Elle n’avait pas encore retenu tous les noms, n’avait d’ailleurs pas essayé, mais reconnaissait tous les visages qui l’entouraient depuis maintenant deux semaines. La mécanicienne se concentrait à la tâche, jour et nuit, trimait sans relâche, comme pour oublier. Oublier tout ce qui l’entourait et tout ce qu’elle était. Elle avait toujours été dure au mal. Et semblait aimer s’en infliger car ses doigts brûlent de cloques immenses, et ses membres - douloureux des positions qu’elle adopte des heures durant - craquent de partout, éreintés par l’enchaînement des heures supplémentaires.

Mais ce soir-là, Poppy s’accorde une pause. Elle laisse ses pensées l’envahir et la posséder.
Ce n’est seulement que lorsqu'une sonnerie stridente retentit, qu’elle semble voir ce qui se tient devant elle, plus près que jamais. Elle n’aurait pas dû être surprise, après tout, c’était ce qu’ils étaient venus chercher ?

Et pourtant, la blonde reste interdite devant l’immense mur de brume qui s’élève juste devant eux, plus proche que jamais. On l’annonce, très vite. Puisque dans quelques minutes, le vaisseau le pénétrerait. Et qu’à ce moment-là, tout le monde devrait se tenir prêt. Autour d’elle, on s’agite de partout sur le pont. Ceux qui l’ont déjà visité semblent plus détendus. Après tout, ils peuvent l’être, ils en sont déjà revenus ?

Poppy, elle, retient sa respiration.
Elle avait entendu de nombreuses histoires sur ces expéditions ; on disait que certains se jetaient à la mer volontairement plutôt que d’affronter la brume, laissant dans leur sillage une étrange traînée de fumée et de cendres…

« Approche imminente… Préparez-vous. » Une voix retentit.

Une seconde avant que le navire ne s’enfonce véritablement dans la brume épaisse, Poppy dénoue son bandeau de ses cheveux, pour le renouer autour de son visage, couvrant sa bouche et son nez. Par précaution. Sur le pont, on allume quelques lampes à huile, comme si, la lueur qu’elles dispersaient pouvait se frayer un chemin à travers le brouillard. La blonde suppose qu’elles sont là pour réchauffer les cœurs, plus que pour réellement illuminer le pont.

Et tout à coup, le silence. Lourd. Pesant. Alors que la Brume se répand comme une fièvre vicieuse.

« Nous ne devrions plus être très loin des terres. »
Mar 29 Aoû - 6:45

Préparation

Ft. Poppy


Face à la brume, chacun avait sa petite réaction. Le fatalisme face à une punition divine, la peur et l’effroi ou encore le désir et l’ambition.

Espitopoli était de ces Etats qui voyaient en la brume non pas une menace insoluble mais bien au contraire une fantastique opportunité. N’attachant de toute manière que peu de valeur aux innombrables vies sacrifiées pour obtenir les ressources que ce brouillard si mystérieux pouvait offrir.

Ces vies étaient celles des mercenaires, peu cher à former contrairement aux soldats de métier et aux agents d’élite. Leur perte ne pouvait même pas être qualifiée de véritable préjudice puisqu’ils n’étaient pas en tant que tel des agents et des membres de l’Etat.

Cette vie de sacrifice potentielle, était celle de Violette. Il fallait dire que comme bien des mercenaires, elle n’avait pas eu vraiment le choix vis à vis de sa carrière. Enfant des bidonvilles Xandrien pour lesquels l’avenir à cause du népotisme était encore plus sombre que celui des pouilleux de la cité du savoir. Il n’existait pas vraiment d’autre moyen pour eu d’obtenir suffisamment d’argent pour financer et nourrir leurs familles si ce n’était en sombrant dans ce monde tout aussi dangereux mais en plus malfaisant qu’était celui du crime.

Elle avait besoin d’argent. Beaucoup d’argent. Les primes des Mercenaires plus encore quand il s’agissait de mission dans la brume lui permettait de l’obtenir. Ainsi par devoir plus que par volonté et passion, depuis ses 12 ans elle avait pris l’épée pour sa famille en lieu et place de feu son père mort lui-même lors d’une expédition de la brume commandité par le Roi de Xandrie.

Avec le temps, l’enfant était devenu adulte. Il s'était endurci. Par fatalisme plus qu’autre chose il avait accepté sa propre situation et son existence précaire menacée perpétuellement par la lame de Damoclès. C’était sa vie. Elle était triste. Mais c’était comme ça, elle n’y pouvait rien.

De ses 12 ans d’expérience en tant que mercenaire, 8 ans en ce qui concernait les expéditions dans la brume, au-delà de ses connaissances au combat et de la brume où elle fut formée à la dure par ses camarades et les patrouilleurs de la guilde des aventuriers, elle tissa des liens. Le monde des mercenaires était un petit monde où l’on se connaissait si l’on survivait aux premières missions. Encore plus quand on parlait des mercenaires capables de survivre à plusieurs expéditions dans la brume.

Ce n’était ainsi pas étonnant de savoir qu’elle fut elle-même contactée par les autorités d’Epistopoli en charge des expéditions pour participer à une mission de reconnaissance pour préparer le terrain pour la véritable expédition.

Connaissant la majorité des visages du téméraire équipage, elle fut accueillie sur le navire pour des retrouvailles plus que pour découvrir de nouveaux individus. Il y avait bien quelques têtes qu’elle ne connaissait pas, trois ou quatre tout au plus, mais c’était tout. Elle leur portait toutefois une attention renforcée. Dans une expédition dans la brume, le manque d’expérience pouvait être mortel, aussi puissant qu’ils étaient, découvrir la brume la première fois restait toujours une expérience difficile et mémorable si on parvenait à revenir. Car il y aurait des morts, c’était évident. Avant même de quitter le port, Violette avait déjà fait une croix que la vie de nombre de ses camarades. Mieux valait l’accepter maintenant que d’être surpris sur le coup dans quelques jours.

Lors de la première partie du voyage où le navire se contentait de longer les côtes d’Aramila et d’Opale, chacun s’occupait à sa manière. Certains s’isolaient pour se concentrer ou canaliser leurs peurs en silence. D'autres, comme Violette, semblaient plus calmes et sereins, tout du moins en surface car personne et encore moins ceux qui avaient survécu à la brume ne prenaient à la légère le péril imminent et inéluctable qui allait les frapper.

Parfois le rire et la discussion étaient de meilleurs médicaments que le pessimisme et l’appréhension.

Finalement après quelques jours, le mur de brume faisait face à l’équipage, chacun y réagissant à sa manière. Alors que finalement un des mercenaires annonçait l’approche, passant un instant sa main sur la garde de sa rapière et de ses deux dagues, Violette avança sur le pont avant de frapper dans ses mains pour attirer l’attention de toutes les personnes présentes.

Elle n’était pas à proprement parler la cheffe de l’expédition, bien au contraire. Mais en l’absence de patrouilleur de la guilde dont l’autorité était absolue en matière de brume, ses 8 ans d’expérience dans la brume en faisaient un des vétérans les plus accomplis. Pour cause, on y vivait pas très vieux, surtout lorsque l’on était un simple humain, alors 8 ans de brume sans pouvoir ou artifice c’était sa manière signe de beaucoup de chance et d’un certain talent. Suffisamment pour être de fait un cadre du groupe qui avait son mot à dire. Surtout que si lors de sa prime jeunesse, la demoiselle avait eu un comportement assez effacé et docile, elle s’était affirmée avec le temps face à la rudesse de sa vie pour avoir un tempérament de chef plus que de subordonné aujourd’hui.

J’rappelle pour ceux qui auraient oublié l’objectif de la mission. On doit cartographier une zone et étudier la faisabilité de la prochaine grande expédition massive des radins d’Epis’. Comme dab, on aura aucune aide de la part de ses enculés et ce sera uniquement au talent avec l’huile de coude qu’on va survivre.

La mission se divise en trois temps. Déjà, on va remonter avec le navire le fleuve du Lavill, ensuite on doit constater l’état du lac de Dain et de ses côtes. Si possible bien que ce soit facultatif si trop suicidaire, on va devoir poser pied à terre dans l’ancienne cité d’Anderbelt pour savoir ce qu’il en est.

Vous ressentez la température, plus on va monter plus il va faire froid. Si vous tombez dans l’eau, vous êtes morts et même à terre notre temps de survie en dehors de refuge comme la navire ou des habitations abandonnées reste limité. Attention également aux farces de la brume comme les distorsions spatiales et temporelles.

Niveau ennemi, on peut tomber sur tout et n’importe quoi. Prudence exigée en permanence. Éviter de mettre longtemps la tête au-dessus de l’eau au cas où un truc décide de sauter. Il y a toutefois deux dangers dont il faut faire très gaffe. Le fleuve passe par la forêt de Dainsbourg, problème une saloperie de Warg rode dedans. Il est trop fort pour nous, s’il nous trouve on est mort. Donc faut être discret. En plus de cela, il y a la menace des gobelins qui vont probablement à un moment ou un autre venir nous casser les couilles. Sont agressifs ces petites merdes.

J’rappelle donc les consignes de sécurité. Quand on pose le pied-à-terre, interdiction pour toute raison de séparer. De même et y compris sur le navire, tout le monde fonctionne en binôme. Vous devez être 24h sur 24 à moins de trois mètres de votre partenaire.


Alors que tout le monde commençait à se mettre par deux, Violette resta un instant silencieuse avant de voir qu’une de ses nouvelles têtes restait dans son coin. La future protebrume se dirigea alors vers Poppy.

T’as l’air toute seule. On va se mettre ensemble si ça te dérange pas.

Mieux valait aider les nouveaux. c’était grâce à ça qu’elle-même était encore en vie. Elle devait beaucoup à Ryker sur ce sujet. Alors autant rendre la pareille à son tour comme elle l'avait reçu.

Scrutant un instant Poppy dont le visage était alors en partie cachée derrière un bandeau, la future portebrume s’y arrêta quelques secondes, essayant de comprendre.

T’sais. La brume peut transformer un humain en araignée d’un claquement de doigts. C’est pas du tissu qui va l'empêcher de te baiser si elle en a envie. À part te faire chier pour respirer, ça t’apportera rien.

Mer 30 Aoû - 13:43

Première brume, dernier voyage

ft Violette


Poppy était attentive. On la croyait toujours attentive, parce qu’elle était silencieuse et qu’elle avait l'œil vif, mais cette fois plus que les autres, elle écoutait : vraiment. Dans la basse-ville d’Epistolopi, on risquait sa peau à peu près tous les mardis, mais ici, c’était autre chose encore. Et bien qu’elle prenait soin de toujours afficher cette fichue torpeur inexpressive, nonchalante, ça aurait été mentir de dire qu’elle n’avait pas peur de la mort. C’était un masque qui était redoutablement profitable pour tenir les troufions des bas-fonds éloignés, mais la Brume, elle – ou même les Worgs dont la demoiselle parlait – c’était aussi efficace que de pisser dans un violon.

Elle avait opiné légèrement du menton une première fois, à la fin des instructions, puis, une seconde fois, lorsque la jeune femme s’était approché pour faire équipe. Une vague de gratitude l’avait traversé, avant d’être aussitôt remplacée par un sentiment un peu désagréable : celui de se sentir plus idiote que les autres. Sans un mot, elle avait dénoué son bandana pour le ranger dans la poche de son pantalon.

« C’est pas ta première fois, alors, si je comprends bien. » Sa voix semblait s'étouffer dans l’air, si bien qu’elle se demanda si sa nouvelle partenaire l’avait entendue. Elle coule un regard à la fille, qui doit avoir à peu près le même âge qu’elle, voire quelques années en moins. Il fallait l’admettre, elle était un peu impressionnée devant tant d’assurance, d’autant plus qu’il semblait que la demoiselle n’avait aucune espèce de complaisance envers elle-même. « Tu t’es pas encore fait choper par la Brume toi ? » questionne-t-elle, et quelque part, cette idée la rassure. Poppy sait les risques qu’elle prend, et doit probablement être l’une des rares volontaires de cette expédition.

Le navire s’était approché au plus de la côte, et on avait jeté des barques à l’eau, et Violette et Poppy avait embarqué sur la première. On avançait dans un silence de mort, et la brise épaisse se posait sur les vêtements comme une morsure pleine de promesses. La blonde garde la mâchoire serrée et appréhende, se mordant la lèvre presque jusqu’au sang.

Sur le navire, elle est mécanicienne, et sait toujours quoi faire, pourquoi le faire. Elle comprend les mécanismes et les rouages emportent avec eux sa tension. Mais désormais, alors qu’ils posent un pied-à-terre – sur cette terre qu’elle n’a jamais rencontrée – elle n’est plus personne. De la simple chair à canon et ça lui fait froid dans le dos. C’était une angoisse inconnue qui lui compressait l’estomac, et si on savait probablement le lire sur le froncement de ses sourcils, la blonde n’en pipait pas mot.

Dans son sac à dos se trouvait papier, règles, compas et couleurs : le parfait matériel du petit cartographe. Chaque groupe en avait un, et il semblait que dans leur groupe, les rôles étaient déjà défini : Violette ouvrait la marche, guidait, et Poppy elle, notait les chemins qu’elles empruntaient, L’odeur de pétrichor et de l’humidité monte à la tête. Il reste, sous leur pas, le souvenir des chemins autrefois utilisés, mais la nature a repris le dessus depuis bien longtemps, si bien qu’il leur faut dégager la végétation épaisse et touffue de la jungle à grands coups de machette. Et quand on se retourne, l’instant suivant, il semble que le chemin se referme de lui-même, comme pour leur rappeler qu’elles sont ici des étrangères, et que c’est la nature qui impose sa volonté en ces lieux.

La blonde talonne Violette, sans trop oser parler. Lorsqu’elle le fait, c’est dans un murmure, inquiète de déranger ce qui rôdent, peut-être, autour d’elles.

« Le lac devrait se trouver à 4 lieues de là où nous nous trouvons, si on en croit les informations que l’on nous a donner. J’ai bien peur que nous ne parvenions pas à l’atteindre avant le coucher du soleil. » Le navire d’expédition avait remonté le fleuve autant qu’il le pouvait, mais il fallait continuer à pied. Et la progression ne s’annonçait pas réellement comme une partie de plaisir ; le sol commençait à revenir marécageux, et Poppy devait tirer sur ses bottes qui s’enfonçaient désormais dans la terre. « Nous devrions nous éloigner du bord du fleuve, » suggère-t-elle, « à ce rythme-là, nous allons finir par nous épuiser. Il nous faut trouver un endroit suffisamment au sec, où nous pourrons planter les tentes pour la nuit. » Et tout en le disant, on la voit, rédiger des petites notes sur son carnet, qu’elle retranscrirai très bientôt sur les cartes.

C’était ainsi qu’avait commencé l’histoire, et qu’une espèce d’entente singulière s’était installée : titubante, un peu, car elles n’avaient pas d’autres choix que de se faire confiance, bien qu’elles ne connaissaient rien, ni de l’une, ni de l’autre. Poppy n’était pas du genre à faire la conversation, à essayer d’apprendre à connaître les autres, ni à tenter de se faire des amis. Mais il y avait quelque chose d’un peu magique qui accompagnait les épreuves difficiles : on n’avait pas vraiment d’autres choix que d’abandonner la carapace blindée que le monde s'efforçait de nous faire porter. Bref, c’était le genre de chose qui vous obligeait à vous dérider. « J’m’appelle Poppy Cox au fait. Et toi ? Histoire que je sache à qui je devrais offrir mes condoléances, si quelque chose devait arriver. » Ce n’était pas vraiment une blague, ni du chi-chi. Plutôt une constatation très sérieuse, bien qu’elle avait l’arrogance de croire qu’elle reviendrait peut-être de cette expédition si quelque chose devait mal se passer. « De la famille ? Un mari peut-être ? »

Elle avançait, et pendant qu’elle parlait, Poppy continuait d’observer les alentours. Ce n’est que lorsque la boue passa le haut de sa botte pour venir lui mordre le genou, qu’elle s’interrompit. « Merde… » murmure-t-elle en tirant sur sa jambe une première fois, sans succès. Elle tire une seconde fois, et il lui semble que la terre se resserre sur elle, l’emprisonnant fermement, pour devenir presque aussi dure que du béton. « Et merde ! » répète-t-elle, et la situation qui lui avait simplement apparu comme agaçante une seconde plus tôt, se transforme en quelque chose de très sérieux. On la voit retirer son sac à dos, et le jeter aux pieds de Violette, qui se tient quelques mètres plus loin. Poppy pose ses mains à plat sur le sable, et remue sa jambe, avec autant de vigueur qu’elle le peut.

« Des sables mouvants. T’approches pas. » Elle en avait déjà entendu parler dans des livres, lu sur comment s’en extirper, si vous aviez le malheur de vous retrouver piégé. Mais entre la théorie et la pratique, il y a un monde. Et plus elle tire, plus il lui semble qu’elle s’enfonce. « Fais chier… » et une salive chargée de sang lui humecte les lèvres comme une espèce d’invasion, de trahison nauséeuse de son propre corps. Une boule de peur se forme dans le creux de son estomac. Il fallait qu’elle se calme, autrement, les sables l’emporteraient.
Jeu 31 Aoû - 15:19

Un perfide péril

Ft. Poppy


S’approchant d’un air faussement détendu en s’étirant doucement les épaules, la mercenaire souriait légèrement aux premières questions de la mécanicienne.

Effectivement, c’est pas la première fois. J’ai l’habitude faut dire. J’fais partie des survivants chanceux on va dire.

Sous les ordres de Xandrie ou de ceux qui payaient bien, elle en avait connu des galères surtout dans la brume. Entre les trahisons, les désertions, les conflits, les monstres, le terrain,... Le nombre de dangers auxquels on pouvait être confronté dans la brume était considérable au point qu’il soit impossible de pouvoir en faire une véritable liste.

J’me suis pas encore fait choper ouais. Mais bon, quand on fait ce genre de métier c’est qu’une question de temps. Ca arrivera un jour ou l’autre. C’est soit ça, soit on fait pas vieux os de toute manière. Autant l’accepter qu’en avoir peur, trembler à cette idée, ça va juste te faire crever plus rapidement, car tu vas douter et hésiter dans les moments stratégiques.

Pouvait-elle démissionner ? Non à cause de sa situation personnelle. Alors à quoi perdre son temps et son énergie à trembler par peur d’être frappé par quelque chose d’inéluctable ? D’autant que même si elle faisait ce métier à cause de ses besoins d’argent, elle était ici en connaissance de cause, on ne vivait pas très vieux en tant que mercenaire de la brume. Le fait qu’elle puisse être considérée comme vétéran pour seulement 8 ans de carrière à moins de 30 ans n’était pas quelque chose d’anodin. La plupart des gens ne survivaient pas autant d'années.

Alors que le navire s’approchait de la rive pour permettre au groupe de poser pied à terre, la xandrienne en profitait pour effectuer ses derniers préparatifs, sac de survie, vêtement chaud. Le chemin serait rude tout autant à cause de la forêt que du climat froid. Il fallait avoir de quoi tenir.

La première partie de la marche se passait relativement bien, Violette en éclaireuse ne relevant que peu de danger. Il y avait bien des traces de passage de monstruosités en tout genre, que ce soit de la part de mort-vivant ayant le pas lourd ou encore de meute de cerf broyeur et de warg, mais de toute évidence, le passage n’était pas récent. Tant mieux, tomber sur une meute en l’état actuel des choses était catastrophique. Les monstres étaient plus forts, plus nombreux et plus rapidement que les humains. Sans armes avec une capacité de zone, les chances de survie étaient proche de 0.

Durant cette partie du voyage, à la manière de Poppy Violette n’était pas particulièrement loquace bien que ce ne soit pas pour les mêmes raisons. A l’inverse de la mécanicienne qui était une personne de toute évidence assez solitaire et peu intéressé aux activités de sociabilité, ce qui c’était déja vu sur le navire, la xandrienne de son côté était une personne sociable et ouverte sur les autres. Parlant et se connectant assez facilement avec autrui pour peu que l’on accepte sa manière directe de s’exprimer. Néanmoins ce genre d’expédition n’était pas fait pour apprendre à se connaître. Trop parler c’était détourner son attention de l’environnement. Trop parler, encore plus dans la brume, c’était presque le risque de s’attacher à des gens qui allaient probablement mourir sous peu. Il était préférable pour tout le monde de rester dans une relation pragmatique et purement professionnelle.

Finalement, ce ne fut que lorsque Poppy évoqua la distance qu’il restait à parcourir et la nécessité de trouver un lieu pour pouvoir dormir et se reposer que Violette reprit la parole.

Ouais. De mémoire, normalement sur les anciennes cartes de l’époque, il doit y avoir pas loin d’ici une notation sur une ancienne place où vivaient les bûcherons pendant la saison chaude. Dit moi où faut aller. On mettra les tentes dans les ruines de ce qu’il reste. On peut pas dormir dehors, à cause du froid faudrait allumer un feu. Et ça va attirer ces fils de pute de gobelin ou des meutes de saloperies.

Une petite discussion qui en amena une autre quand l’epistote décida de se présenter avant de poser quelques questions de commodité à la xandrienne.

Tout en continuant d’avancer, celle ci répondait aux questions.

Tu peux m’appeler Violette. J’suis Xandrienne difficile de pas avoir de famille, j’dois avoir au moins une cinquantaine de cousins.

Epistopoli et Xandrie étaient des cités à l’organisation sociale opposée. Là où la cité du savoir était un pays acquis au libéralisme et à sa perception individualiste de la société favorisant l’émergence d'individus seuls, sans famille, sans groupe. Xandrie de son côté était tout l’inverse. Le pays de la société à l’ancienne, le pays du corporatisme et des clans. Même les pauvres étaient rarement des marginaux liés à personne. La plupart des gens étaient dans une grande famille élargie, un clan ou une guilde au minimum.

M’enfin. Nan, pas d’homme pas d’gosse. Mon père est mort en faisant ce métier. J’m’en voudrais de faire subir sciemment à celui que j’aime ce que j’ai moi même vécu y a des années.

Triste histoire, le début de bien des galères autant sur le plan émotionnel que financier. Le ton sur ces dernières phrases avait d’ailleurs été un peu plus lourd, signe que cela la touchait encore aujourd’hui. Presque 12 ans après.

Elle n’eut pas vraiment le temps de rajouter quoi que ce soit que soudainement Poppy s'arrêta dans sa course, piégé dans des sables mouvants. Typique. C’était justement pour pas tomber dans des pièges comme ça qu’il fallait éviter de trop parler.

Stoppant immédiatement sa course par réflexe tout en ordonnant d’un geste du bras à tout les mercenaires d’en faire de même, Violette se tourna vers Poppy qui lui indiquait sa situation.

Des sables, j’vois ça ouais.

Laissant une seconde de silence, la mercenaire réfléchissait à comment tirer la demoiselle de là. Elle ne paraissait pas totalement prise de dépourvu. Pour cause, Xandrie était bien plus marécageuse, humide et sujet à ce genre de problème que Dainsbourg. Nous n’étions pas face à un problème qu’elle ne connaissait pas.

Calme toi. Respire lentement. Évite de bouger et de remuer. T’inquiètes pas tout ira bien. Plus tu bouges pour rien, plus tu vas t’enfoncer.

Arrachant une branche à la lame sur un arbre environnant, Violette avançait vers un tronc qui semblait solide tout en se servant du bâton pour tester le niveau de liquéfaction des sols devant elle. Une fois arrivée à niveau, elle sortait une corde de son sac avant de l’enrouler autour du tronc et de l’attaquer solidement à l’arbre. Jetant l’autre bout de la corde à Poppy, elle donnait ensuite ses instructions.

Attrape la corde et enroule-la solidement autour de ton poignet puis agrippe toi bien avec tes deux mains. Une fois que c’est fait, allonge toi doucement à plat ventre sur le sable pour étaler ton poids. On va tirer.

Dans le même temps, un autre des mercenaires s'approchait avant de s’agenouiller pour prendre du doigt un fragment de ce sol piégeux.

C’est pas naturel ça. Le changement d’état du sol entre la forêt et ça est trop net.

C’est volontaire ?

Et récent. Modifier les propriétés géologiques d’un sol ne peut être que temporaire. Quelque chose a foutu ça sur notre route volontairement. Subtil, discret, capacité complexe, piège qui demande une certaine intelligence. J’vois qu’une seule chose qui peut faire ça.

Un Errant.

Un ancien portebrume dévoré de l’intérieur par sa nébula au point de devenir l’instrument de destruction de la brume.

Violette fronçait les sourcils. Si effectivement un Errant jouait avec eux, ça compliquait les choses. Au moins l’avantage des monstres classiques c’est qu’ils étaient directs et spontanés. Un Errant pouvait te pister pendant des jours juste pour frapper au moment où tu t’y attendrais le moins. De plus, celui-ci de toute évidence avait des pouvoirs vicieux qui le rendait encore plus dangereux.

Il va falloir rapidement rejoindre la zone des bûcherons pour établir une contre stratégie. Mais déja, sortir l’autre de ses sables.

T’es prête ? On va tirer.

[/quote]
Sam 2 Sep - 14:55

Première brume, dernier voyage

ft Violette



Calme-toi. Respire lentement. Évite de bouger… Et pourtant, à cet instant, tout en elle hurle de faire exactement l’opposé. Au prix d’un effort considérable sur sa propre volonté, elle finit par répondre aux recommandations de Violette. « Quel enfer... » jure-t-elle, en se tenant parfaitement immobile. Quand la corde parvient jusqu’à elle, elle s’exécute, sans attendre. Poppy enroule la corde autour de son poignet, et elle s’y accroche. L’urgence palpite dans ses muscles, quand elle sent la prise des sables se refermer davantage sur elle.

Pourtant, elle ne se plaignait pas. Violette semblait très sûre d’elle, et, en un rien de temps, elle se retrouva, tractée par le reste de l’équipe en dehors des sables. « Merci… » murmura-t-elle, massant doucement la trace rouge laissée par la corde sur ses poignets. On la vit tendre l’oreille, quand l’un de leurs équipiers évoqua la possible présence d’un Errant. Le genre d’abomination qu’elle n’avait encore jamais rencontré : puisque de sa vie, elle avait probablement plus fréquenté de machines qu’autre chose.

« Un Errant ? Vous en avez déjà rencontré ? » La vigilance de la mécanicienne s’accentua, bien que quelque chose lui disait que la menace était plus subtile que cela. Qu’il ne suffisait pas de plisser des yeux et de tendre l’oreille pour le découvrir, caché derrière un talus. Elle finit par se relever, un peu difficilement, ses vêtements mouillés et enduits de boue, qu’elle fait mine d’ignorer.

« Dans ce cas, ne nous attardons pas. » Elle leva la tête vers le ciel, puis, retrouve son sac et sa carte. « Le campement devrait se trouver dans cette direction, » annonce-t-elle en pointant du doigt vers l’ouest. « Et nous devrions nous trouver présentement… » son doigt glisse lentement sur les reliefs de la carte, « ici. Il nous faudra marcher une petite heure. »

Devant eux se dresse encore le souvenir d’un chemin forestier. L’un des éclaireurs qui s’était déjà avancé se retourna vers le groupe : « La voix est libre. Nous pouvons avancer. » Et le groupe reprit sa course, s’éloignant du fleuve pour remonter la forêt. Ils traversaient à l’ombre des sapins touffus et immenses, qui laissaient tomber des aiguilles dans leurs bottes. Plusieurs fois, des membres de l’équipe s'arrêtèrent pour vider leurs chaussures. La mécanicienne se courbait pour éviter les branches, suivant avec attention leur progression sur la carte. Pas un mot ne fut prononcé. La discrétion et la concentration ne permettaient aucun écart, et il lui avait fallu tomber dans ses foutus sables pour le comprendre. Un désagréable instinct angoissant la fit frissonner : le danger n’était probablement pas loin et contre toute logique, elle s’imaginait épiée en permanence.

Quand ils arrivèrent finalement à l’ancien campement, la sueur perlait sur les fronts : on était aussi nerveux qu’épuisés. Le soleil annonçait la fin de la journée, et la température se rafraîchissait plus rapidement qu’espéré.

Plus tard dans la soirée, alors que les tentes avaient été montées, Poppy s’était dirigée jusqu’au petit ruisseau pour se laver, et en profiter pour changer ses vêtements. Au centre du camp, le murmure des discussions autour du feu s’élevait doucement, on parlait aussi bas que possible. L’ambiance était feutrée, méfiante : puisqu’on savait que ce moment de paix retrouvée pouvait changer d’un moment à l’autre. Ses vêtements séchent sur une branche haute, et la blonde avait revêtu son change pour la soirée, jetant une laine par-dessus ses épaules. Elle les observait de loin, sans vraiment se trouver l’envie de les rejoindre. Peut-être aurait-elle dû. Peut-être aurait-elle dû profiter de ce moment pour profiter des histoires et de l’enseignement de chacun. Mais on ne chassait pas aussi facilement les habitudes et la sienne était de se tenir aussi loin que possible des effervescences sociales.

Le nez plongé sur les notes qu’elle avait pu récolter durant la journée, elle reproduisait chacun des chemins parcourus sur la carte, corrigeait les erreurs et ajoutait chacune de ses découvertes. Il avait fallu qu’un craquement, dans son dos, la sorte de sa concentration. Elle s’était retournée, curieuse :

« Il y a quelqu’un ? »
Mer 6 Sep - 21:41

Un perfide péril

Ft. Poppy


Alors que l’epistote disait merci, Violette répondait rapidement tandis que son regard partait tout de suite ailleurs pour surveiller l’environnement.

T’inquiètes. C’est naturel.

C’était chiant ce genre de chose. Mais bon, c’était la vie. Ce genre d’embrouille classique sur le plan naturel était une des choses les plus appréciables qui pouvaient t’arriver dans ce monde de brume. Il y avait dans ce genre d’endroit des dangers que même les patrouilleurs les plus expérimentés ne pouvaient pas, ne serait-ce qu'imaginer.

Si elle commençait à s’énerver juste pour ça, le groupe n’était pas sorti de l’auberge.

Une fois libre, Poppy évoquait rapidement l’Errant, si quelque l’avait déja affronté.

Nan, jamais. Un mec normal ne peut pas vraiment survivre face à ça sauf chance. On se base surtout sur les dires des patrouilleurs. Ils ont tous des pouvoirs en général, donc ils peuvent se défendre.

Affronter un monstre fait de griffes et de crocs d’accord. C’était difficile mais théoriquement faisable. Affronter à la seule force de sa lame et de ses muscles, une entité capable de créer des déluges de feu ou de glace, c’était une tout autre histoire. Pour peu que l’Errant dispose de capacités offensives, c’était terminé pour tout le monde. Heureusement, cela ne semblait pas le cas. Sinon l’ennemi aurait opté pour une stratégie plus agressive. L’utilisation subtile et la complexité du piège au niveau pratique soulignait qu’il s’agissait d’un pouvoir complexe et donc difficile à manœuvrer. Mais la difficulté d’utilisation d’un pouvoir était souvent compensée par l’étendue de ses applications potentielles.

Le groupe continuait ensuite son avancée avec plus de prudence et d’attention qu’auparavant sous la menace d’une force invisible qui pouvait surgir à tout moment. Heureusement finalement, tout le monde était arrivé jusqu’au camp des bûcherons et chacun pouvait désormais se reposer. Alors que tout le monde mangeait, Violette avait remarqué que Poppy s’était isolée, allant la rejoindre alors que cette dernière étudiait ses cartes.

Repérée par le bruit, elle levait les mains en l’air.

C’est moi c’est moi.

S’approchant.

T’es pas trop du genre sociable nan ? C’est pas une critique hein ? C’est juste un tempérament. Faut juste gaffe à pas trop t’isoler. J’sais pas si t’es trop allé dans la nature. Mais quand des loups chassent un troupeau, ils visent toujours trois types de personnes, les malades, les gosses et ceux tout seul. Surtout qu’on est tous les deux du mauvais sexe pour avoir développé des gros biscoto sur des bras plein de testo’.

Violette s'arrêta.

Dans tous les cas respect. T’es plutôt calme pour une première visite dans la brume. La première fois j’me suis chié dessus perso. Littéralement.

Son regard restait toujours vigilant. Ici, on était plus au moins camouflé. Mais dans les zones anciennement habitées, il y avait un autre risque que les simples monstres, celui que les cadavres des gens qui y vivaient se lèvent.