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Les chants anciens d'Andoria

Les chants anciens d'Andoria Brandw10
Sam 26 Aoû - 3:06



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Keshâ'rem Evangelisto

 Ambiance


Confirmation. Ce jeune homme que Lucrezina d’Arambrosios voulait à tout prix existait bel et bien. Froncement. Ce n’était pas pour me plaire. Pourtant c’était une broutille, que pourrait-elle retirer d’un simple chant? Quelques informations qu’elle ne saurait pas lié entre elles? Maelström jouait avec une balle, la lançant toujours un peu plus haut, le regard inquisiteur. « Tu veux aller à sa rencontre? Après tout, peut-être que sa voix vaut le détour? »

Ce n’était pas lui qui avait été à la recherche du jeune homme. J’avais payé un homme de confiance pour ça. Hector était un détective hors pair qui savait se mouvoir autant dans la Basse que la Haute ville. Un homme dont on ne pouvait plus se passer quand on avait besoin – comme moi – d’informations diverses et variées. « Peut-être ne sera-t-il pas là. » Dans le même temps je me levais. Un sourire étira mes lèvres et la balle retrouva le confort de la paume du brun à la mèche de glace. « Mais s’il est là, nous ne pouvons le laisser aux mains de n’importe qui à part nous. »

____

Brouillon. Mes pensées virevoltaient entre franche excitation et retenue. Après tout, aurait-elle pu se tromper? Se pouvait-il que ne nous attendait pas un chant d’Andoria, mais un simple chant charabia? Maelström sentait que mon humeur était à l’image de mon feu intérieur : vibrante.

La nuit avait grignoter les ombres depuis longtemps. Nos pas se faisaient constants mais surtout méfiants. Le chanteur aimait un endroit abandonné en particulier, un peu à l’orée de la ville. Un des seul endroit où aucun gang n’avait élu domicile. Une capuche recouvrait nos têtes et nous avancions vers l’incertitude avec un certain aplomb. « Que comptes-tu lui faire? » La question était légitime. Maelström connaissait l’enjeu à mes yeux de garder secrets tout ce qui touchait à la ville qui m’a permis de grandir. « Je ne suis pas certain qu’il soit seulement conscient de ce qu’il chante...Si cela avait été le cas, il s’en serait abstenu. » Personne n’avait envie de livrer ce qui était transmis avec énormément de velours. C’était une des raisons qui éveillait ma curiosité à ton encontre. Toi dont je commençais à entendre le chant, tel un oiseau qui cherchait à se faire prendre. Toi, dont je décelais bientôt la silhouette : frêle, printanière, un brin inadéquate dans la grandeur de cet entrepôt abandonné.

Maelström sembla décider que tu n’étais pas un danger. Il resta en retrait, tapis dans l’ombre. De mon côté, je me focalisais sur ces mots que tu prononçais à la perfection. Sur leur sens qui se basait sur une légende d’Andoria qui – je le savais et toi? - n’était pas qu’une histoire pour enfant. Il y avait ce savant mélange au sein des contes de la Cité dite oubliée, d’informations véridiques portées par un poème, un monde plus fantasmagorique que le nôtre. C’était ce que les bibliothécaires nommaient : l’art désinvolte ou encore art secret. À Andoria on préférait utiliser la première expression face aux inconnus afin qu’ils ne puissent constater le précieux d’informations transmises à travers ces arts. C’était comme faire de l’Alchimie avec les mots et l’art. Transformer l’information et la transcender à travers ceux qui l’entendent sans même qu’ils n’en savent mot.

J’ai toujours aimé cet esprit initiatique en lien à Andoria que l’on retrouvait bien sûr dans certaines organisations, mais qui était unique à la cité en cela que c’était un art avant d’être une règle.

Je décidais de faire une entrée pour le moins émérite en fredonnant les paroles que tu projetais si bien à travers ton chant. Mes pas se faisaient prudents en me rapprochant de toi. Le but n’étant pas de t’effrayer. D’autant plus que mes intentions étaient encore sur la sellette, comme le feu qui ne savait pas s’il allait d’abord brûler le premier étage ou le sous-sol... 

Mon entrée sur la scène de cet entrepôt où traînaient nombre de résidus était bien assez pour « casser » l’ambiance. C’est ainsi que lorsque les dernières notes tombèrent au sol, j’osais accrocher ton regard de l’ambré du mien : « Je ne pensais pas rencontrer quelqu’un qui parle ma langue dans un lieu si isolé. »

Je m’arrêtais à une distance qui nous permettait de nous contempler sans nous sentir envahis. « J’espère ne pas vous avoir dérangé. » J’eus un léger hochement de tête en signe de révérence qui fit dégringoler l’une de mes mèches rousse qui attrapa le peu de clarté lunaire pour réchauffer ce lieu, faire étinceler ce premier moment entre nous.
Sam 26 Aoû - 4:11



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Séraphah Von Arendt

 Ambiance


Banni de son sanctuaire il avait été, par outrage à la prudence d’avoir chanté… sous un ciel éclairé. Il avait joué par trop avec les probabilités, ce dont, pourtant, on l’avait averti de se méfier. Son secret, s’il en avait été, n’en était plus un pour la lune et les cieux. Car de cœurs désireux il avait attiré les yeux. Non des moindres, car du Comité, la main s’approchait, pour mieux se refermer, sur son cou d’oiseau, à demi égaré.

Des temps anciens ils ne savaient rien. Leur histoire, leur langue, leurs coutumes et leurs danses. D’un cou sur la tête ou d’une frayeur immense, il ne le savait pas lui-même. Ses souvenirs, éteints. Disparus avec une mère qui n’avait que trop peu vécue. Tout à fait dissolue.


L’humble Keshâ’rem ne se doutait de rien. Comment un orphelin saurait-il s’attirer une si précieuse attention que celle de l’historienne émérite qu’était Lucrezina d’Ambrosios et son petit conciliabule de mythologues et linguistes en mal de Témoignages. Tout ce qu’il comprenait, c’est que des étrangers l’avaient surpris dans la pleine expression de lui-même, alors qu’il n’avait pas le dos voûté et les yeux embués de désespoir. Perchés sur les remparts, ils l’avaient fixés de leurs yeux perçants et, même, l’avaient hélé. Leurs regards s’étaient croisés dans un silence de glace, comme lorsque les yeux du cerf rencontrent ceux du chasseur. Keshâ n’avait jamais couru aussi vite pour s’échapper par les toits, trébuchant, se coulant au sol avec la souplesse de l’eau pour se relever sans cesse avant de sauter ventre à l’air dans le vide et dégringoler en contrôle dans les revers d’une tenture élancée dans le vent.

Aucun endroit n’était sûr. Ni à Epistopoli, ni ailleurs. Aucun humain, aucun être n’était digne de confiance. Il ne fallait jamais se retourner, ne leur jamais parler. Certes, parfois, il le faisait quand il se sentait seul. Il avait malgré lui un cri mordant pour la tendresse imaginaire et l’amitié qu’il se croyait digne de pouvoir espérer de certains êtres, tout en se la refusant à lui-même. Souvent, il se laissait happer par le mixeur à viande des industries Epistotes, à côtoyer ses semblables pour une bouchée de pain. Mais pour quel devenir, sinon celui de s’éteindre peu à peu. Combustion lancinante.

Ne lui restait que le Chant. Trop jeune ou peut-être pas assez digne des exploits guerriers de ses frères pour rejoindre un jour son père en expédition, il passait jadis le plus clair de son temps avec sa mère dans la forêt à récolter des essences rares et à rencontrer des êtres improbables sous la canopée, attirés par leurs voix entonnant le Chant.
Il ne savait d’où il venait. Sans doute était-il très ancien. Il en connaissait de nombreux couplets et refrains, des cantiques, des versets psalmodiés ou des opéras tout entiers, élégies sur le Grand Exil. Il affectionnait particulièrement cette Odyssée aux 13 444 vers qu’il connaissait par cœur de son inextinguible Amour sans cesse réitéré  « Ode au vent et à la terre ». Du royaume des sons, il était souverain, mais des mots ils n’entendaient rien. Seuls les titres lui avaient été livrés en partage.


Tout cela n’avait aucune importance pour lui. Le Chant constituait son héritage tout entier. Son unique lien à sa mère vibrait par sa voix et semblait parfois entrouvrir les portes des Limbes pour la ramener en présence, juchée sur une esplanade de ferraille rouillée sous une verrière délabrée envahis de corbeaux menaçants.

Il ne pourrait retourner aux alentours de la pension se soir. Les autres garçons le cherchaient armés de lames de rasoir pour s’être enfin rebiffé contre leurs brimades. Il en avait bousculé un, ce qui était une humiliation inconcevable pour ses bourreaux. C'était bien dommage, car c'était la dernière fois qu'il comptait y retourner pour récupérer ses affaires et occuper pleinement la chambrette que lui avait loué Reyes contre ses services. Hélàs pour lui, la bande l'avait suivi trop prêt de son nouveau logis avant qu'il les sème et il ne voulait pas prendre le risque de leur révéler sa nouvelle adresse.

L’ancienne gare de ferroutage lui ouvrait ses bras métalliques pour faire résonner dans le métal et le verre sa clameur possédée. Chant Précieux XXXVI des Absides Brûlantes. Brillant de mille gloires qui n’étaient pas siennes et d’un charisme extraordinaire pour sa personne déguenillée. Réfléchie contre les parois, sa voix semblait démultipliée, reprise en canon par les âmes du passé. En proie à la transe de ce son qui le diaprait tout entier, il ne se rendit pas compte de cette voix profonde qui ne pouvait appartenir à tous les fantômes des légendes oubliées. Les yeux résolument fermés, sa main se levait pour saisir une ombre inaccessible tandis que roulaient en douceur des larmes salées sur ses joues.

« Je ne pensais pas rencontrer quelqu’un qui parle ma langue dans un lieu si isolé. »
Sa voix mourut instantanément pendant que ses derniers échos se réverbéraient dans les poutrelles métalliques. Il restait coi, l’améthyste piégée dans l’ambre.
« J’espère ne pas vous avoir dérangé. »

Du haut de sa balustrade de fortune, Keshâ était saisi par l’improbable apparition. Il s'était tout à coup refermé, son énergie soufflée s'était ratatinée dans un souffle. Ne restait plus qu'un voile de souffrance affleurant à ses yeux. La présence  de l'homme lui interdisait de croire à un simple agresseur. Son premier réflexe eût été de fuir s’il n’avait pas pressenti que la tentative serait vaine.
-« Qui êtes-vous ? » demanda-t-il d’un ton prudent d’où perçait la défiance. « Que me voulez-vous ? Je ne faisais de mal à personne dans ce bâtiment vide. Mais je vais partir si c’est ce que vous voulez. » ajouta-t-il. A la crainte s’ajoutait l’horrible inconfort d’avoir été dévoilé, la honte d’être vu et d’être moqué.


Dernière édition par Keshâ'rem Evangelisto le Mar 12 Sep - 3:53, édité 1 fois
Mar 29 Aoû - 0:18



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Keshâ'rem Evangelisto

 Ambiance


Le chant. Aussi vaporeux qu’un nuage. Aussi fort qu’un éclair. Il y avait tout ça dans ta voix et sans doute davantage. C’était ce qui m’avait saisi. C’était ce qui avait allumé le feu en moi. Ce qui m’avait amené jusqu’à toi. Quand j’avais entendu parlé de ce chant, je n’avais pas été préparé à cette voix. Ta voix. C’était pourtant une information primordiale bien qu’inutile pour les historiens. Ce qu’ils voulaient c’était arracher les secrets d’Andoria. À aucun moment il ne voyait la beauté logée dans certains humains. Cette onde qui se propageait et qui pouvait atteindre n’importe quel coeur encore battant. Cette énergie tu la détenais. Au point que mon interruption agit réellement comme un interrupteur. Je n’avais plus la même personne face à moi. Tu t’étais éteint. Ton aura s’était refermée. Je ne m’étais pas attendu à cela. Au lieu de répondre à ma question, te voilà à me questionner avant de t’excuser. Une rapide pensée vers Maelström qui devait rire sous cape. J’avais cette tendance à arriver tel un prince qui ne croisait que des valets ou des soldats. Prêts à déguerpir ou à combattre. Le monde était devenu si vile au sein d’Epistopoli que la religion la plus propagée était la peur.

« Ne partez pas s’il vous plaît. » Je me trouvais sous ton estrade, sans pour autant te barrer la route. Ma capuche restait sur ma tête afin que quiconque verrait cette scène de loin, ne pourrait pas me reconnaître. «J’aimerai mieux vous connaître si vous n’avez pas d’objections...Ma demande doit sembler étrange, mais comme mentionné, il est rare que je croise une personne parlant ma langue. » Je distinguais mieux tes traits. Pâle, fin, un regard lavande du peu que je pouvais le remarquer avec le peu d’éclairage. Il y avait un côté presque élémentaire, même si j’avais conscience que cela ne voulait rien dire. Tu étais simplement tout en finesse à l’image du vent. « Après, je peux aussi vous laisser. C’est moi qui est arrivé sur les lieux après vous. Et sans vous, cet endroit perd tout son attrait. » Vérité. Même si je ne t’offrais pas tous les détails de ma présence ici. Pour toi. J’étais le premier surpris de découvrir une voix qui mériterait qu’un public l’entende...Mon esprit divagua un instant, projetant sur ma rétine ton image au sein de l’hôtel, moi au piano, toi mieux habillé séduisant les convives. Heureusement que Ström ne pouvait pas être dans ma tête. Il me dirait que cela serait une mauvaise idée. Le fait est, que mon plan initial envers ta personne avait été simple dépendant de ta réelle connaissance des paroles prononcées ou non. Mais maintenant que je savais que ta voix était un cristal aussi rare que ceux que tout le monde s’arrache, la balance avait changé.

« Qui vous a appris à chanter? Votre timbre est particulièrement envoûtant, en avez-vous conscience? C’est assez étonnant que vous n’en fassiez pas profiter plus de personne. » Ma voix avait un certain entrain comme à chaque fois que mon enthousiasme se manifestait. Il y avait une certaine fraîcheur qui j’espère te comblera de joie au lieu de t’effrayer.

Mes questions avaient été spontané, bien moins calculées que ce que certaines langues oseraient en dire. Au point que j’avais oublié la convenance fondamentale. « Je suis Seraphah...Et je me doute que vous devez me trouver particulièrement curieux. » Une fois, une Porte-Brume m’avait fait la remarque que je vivais dans un autre monde...Que j’avais beau avoir une belle capacité de compassion – au vue de ma nature – n’en restait pas moins que mon monde semblait au prime abord plus lisse que celui du communs. Je n’avais rien dit suite à ces propos. Simplement car elle n’avait pas été à même d’imaginer les tortures que j’avais vécu. Et que ce détachement que j’affichais l’était en premier lieu envers mon propre état intérieur. J’avais su bien sûr me relever. J’avais su – par le feu – purifier tous ces actes qui avaient entaché ma mémoire. N’en restait pas moins que la Brume était devenue une plus grande confidente que quiconque en ces terres. C’est ainsi qu’en moi-même j’avais conscience que je n’étais plus le même.

Mon sort restait toutefois plus enviable qu’une bonne partie de la population que ce soit ici ou ailleurs dans Uhr. Et j’espérais sincèrement que tu m’en dises plus sur toi, sans que cela ne ressemble à un interrogatoire. Je te laissais ainsi le soin de te mouvoir comme bon te semblait, mon assistant sans aucun doute alerte à la moindre tentative de fuite.

Mar 29 Aoû - 1:07



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Séraphah Von Arendt


L’inconnu dont il percevait principalement les yeux et une longue mèche cuivrée le priait de rester. Stoïque, il avait eu dans l’énergie ce mouvement de recul, comme pour repousser le monde hors de son sanctuaire, à nouveau profané. La perplexité dominait à présent, car cet homme à la beauté lumineuse n’avait pas l’air de vouloir lui faire de mal. Non sans se méfier des apparences, Keshâ ne parvenait pas à le faire coller aux profils de malfrats rencontrés, larcin, enlèvements, meurtres. Et puis, il n’avait pas l’air de venir de nulle part, c’était un peu comme s’il avait cherché à le rencontrer.

Le vagabond se rendit à une forme d’idée de la destinée qui se jouait en cette heure. Peut-être sonnait-t-elle sa fin. Ou peut-être, peut-être, le début de quelque chose de différent dont il ne pouvait avoir idée de là où il se tenait.
Sa posture s’adoucit légèrement au niveau des épaules même s’il était toujours sur la défensive, comme s’il écoutait, une façon pour lui de signifier qu’il ne comptait pas partir. Pas tout de suite à l’évidence.

Maintenant, c’était lui qui piquait sa curiosité. Cette langue dont il le croyait connaisseur. Elle n’était que bruits d’oiseaux dans son esprit. C’était comme si quelqu’un avait patiemment coupé tous les fils raccordant les sons à leur signifiant dans sa mémoire. Des fois, même, il se disait que les ciseaux avaient coupé d'autres fils qu'ils ne voyaient pas. Mais au moins, on lui avait laissé la musique et son âme. Le Verbe n’était-il pas créateur, capable de guérir ou de détruire quand on entendait les vieilles histoires ?

-« Vous n’avez pas l’air d’un individu qui serait arrivé par hasard en faisant sa promenade. » commenta le chanteur comme un maître de musique imparable pointant sa partition. « Tout dans votre attitude me suggère que vous n’êtes pas d’ici. Vous êtes de la haute ville ? Peut-être que si vous voulez me connaître, vous pourriez commencer par me dire comment et pourquoi vous êtes venu jusqu’à moi. Personne ne sait que je chante. Et encore moins s’y intéressent. Tout ce que veulent les hommes se résume à la gloire, au sexe, à la drogue et à l’argent. »

On aurait dit que cet inconnu encapuchonné ne vivait pas dans la même réalité. Le théâtre de tessons de bouteilles et d’arcades rouillés, le crime guettant alentours dans les ruelles malfamées, la loi du plus fort et celle du silence, tout cela s’effaçait devant son intérêt surprenant pour cette langue qu’il chantait et les mélodies qu’il entonnait. A sa façon de tout effacer, on aurait pu le penser autiste.

Le jeune homme se radoucit un peu car l’intrus avait l’air assez sincère et passionné, sans faire dériver la situation vers quelque chose de dangereux ou de déplaisant pour lui.
-« C’est ma mère qui m’a tout appris. Et je garde cela pour moi car je n’ai pas confiance en moi, même si je sais que je chante bien. Les gens ici ne s’intéressent pas à ce qui est beau, mais seulement à ce qui rapporte. Et je n'ai pas la force de me protéger des jaloux ou de la malveillance »

Il ne le savait que trop bien. Une fois, une fille avait essayé de lui crever les yeux avec un stylo parce qu’elle jalousait la couleur de ses prunelles. Et combien de fois ne s’était-il pas pris des coups quand d’autres garçons le trouvaient trop coquet ou maniéré, parce qu’il n’avait pas d’acné ou que, scandale, il avait utilisé un brin de maquillage ? Non, quand on possédait quelque chose de beau, le mieux était encore de l’enterrer à l’abri tout au fond de soi.
-« Et je n’ai pas non plus envie d’être jugé. Si les gens détestaient ce que j’aime le plus, il ne me resterait plus grand-chose en tant qu’orphelin. »

Et, oui, le jeune homme trouvait Séraphah particulièrement curieux, à tout point de vue. Cela méritait bien de voir où cela menait, pour une fois que l’expérience ne s’annonçait pas tout de suite négative ou mortelle. Cela dit, si Keshâ avait aperçu l’acolyte de Seraphah par inadvertance, l’instinct de fuite aurait sans doute repris le dessus, comme si un terrible piège lui était tendu.
-« Moi, c’est Keshâ’rem… alors, Séraphah, puis-je vous demander de m’en dire plus sur cette langue ? Ou seulement d’abaisser votre capuche. Elle vous donne des airs d’esprit vengeur. »

Sans s'en rendre compte, il fit rouler son nom sur sa langue avec la même intonation utilisée pour faire vibrer ses chants.
Mar 29 Aoû - 1:44



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Keshâ'rem Evangelisto

 Ambiance


La mortalité se jouait des vivants. Elle leur imposait sa loi. Cette incertitude permanente. J’étais impermanence. Depuis ma nature même je vibrais que disaient les hommes, alors même que mes flammes ne cessaient de danser d’un pied à l’autre. C’est en cela que la nature du feu reste impalpable, dangereuse, furibonde. Un peu comme à l’image d’un animal qu’on dirait apprivoisé...Un prédateur en reste toujours un. Sauvage je le resterai toujours. Peu importe le calme de mes propos ou de ma démarche. Peu importe tout le bruit que la mortalité fera. Je suis et resterai ce feu qui cherche à brûler pour mieux toucher à la vie. C’est en cela qu’on se rejoint tous. Vous de façon plus maladroite que moi. Chacun à trouver des enjeux pour mettre du sel dans votre vie. Un sel qui peut se teinter de rouge beaucoup plus fréquemment qu’on ne le croit. Alors oui. Quand un chant vient étourdir mes desseins premiers, je ne peux que m’incliner. Et c’est à ma façon ce que je suis entrain de faire à cet instant envers toi.

Surprise. Une certaine affirmation se dégageait à nouveau de toi. Frêle. Avec une intelligence vive. Fin observateur de mes manières, tu cherchais d’entrée de jeu à connaître mes réelles intentions quant à ma venue en ce lieu. Ma venue jusqu’à toi. Un franc sourire s’afficha sur mes lèvres. Admiration. Peut-être idiote aux yeux d’une assemblée de la Basse ville, mais il n’en était rien dans les miens. Au moins, la discussion était entamée et tu ne semblais plus désireux de te soustraire à ma présence. Je ne pouvais toutefois pas t’avouer toute la vérité dès maintenant. Je ne connaissais pas tes prétentions. Ton prix. Je ne savais pas si tu étais digne de confiance et si seulement tu aurais l’envie de comprendre l’intérêt de ne pas te livrer toi-même à une historienne. Alors posément je demandais : « Avez-vous déjà imaginé pouvoir obtenir de l’argent en échange de votre voix? » Mon regard ne lâchait pas le tien. Je voulais voir si tu savais retenir tes expressions ou si un éclair passerait dans ton regard à l’annonce d’astra.

« En effet. Si je suis ici c’est car mon assistant vous a trouvé. » Je me tournais, sondant les ténèbres autour de nous avant de dire à haute voix. « Maelström, viens nous rejoindre. » Je levais prompto une main vers toi, paume vers le bas, avec de léger mouvement de bas en haut. « Il n’y a aucun danger. Maelström est là pour me protéger parce que comme vous l’avez si bien mentionné, je suis de la Haute ville...Et c’est vous qui m’avez attiré jusqu’ici. » Mon sourire s’agrandit. « Vous avez un sacré pouvoir dans votre souffle. » Sincère. Mais le percevras-tu seulement? Peut-être que l’apparition de Ström, sa mèche blanche devant son regard opalin te mettra-t-il sur tes gardes? Ce dernier était vêtu simplement tout de noir, à mon image. Le peu de lumière aidait à masquer ses deux cicatrices, vestige de la bascule de sa vie.

« Même si cela vous paraitra étrange, sachez que je ne suis pas comme tous ces hommes que vous semblez connaître... » Simplement car je n’en suis pas vraiment un. Mais ça tu n’étais pas obligé de le savoir.

Maelström était resté en retrait. Il ne prendrait pas part à la conversation, sauf si toi ou moi ne lui prêtons attention directe.

« Ce qui a le plus de valeur pour moi est autant les connaissances que la beauté. Sans elle, nos existences ne seraient-elles pas que souffrance? Alors vous découvrir avec une telle voix...Je ne peux décemment passer mon chemin. » J’écoutais ta sincérité dans la valorisation que tu accordais à ta voix. « Le monde a besoin de chanteur comme vous...Peut-être pas par ici, mais où je vis certainement. » Je sentis sans avoir à tourner la tête le froncement de sourcil de mon acolyte.

« Votre mère a bien fait d’encourager votre pratique. Je vous présente mes oraisons pour sa disparition. » Vieille expression que d’utiliser ce terme en guide de condoléance. À Andoria, l’oraison était avant tout une prière qui relevait le plus du coeur que de l’esprit. Je ne savais si tu allais saisir la profondeur du propos ou si tu trouverais cela totalement déplacé...ou juste étrange.

« Vous ne savez donc pas de quelle langue il s’agit? Vous ne savez pas ce que vous chantez? » Mon regard était interrogateur avant de poursuivre : « Je m’engage à tout vous dévoiler si vous décidez de venir avec nous...L’endroit n’est pas des plus sûrs. » Je savais que mon partenaire veillait à tout moment, qu’il était particulièrement attentif au son. « J’espère que vous ne serez pas offensé si je ne retire pas ma capuche par ici...ma chevelure a tendance à attirer l’attention. Par contre, si vous approchez, mes traits vous prouveraient que je n’ai rien d’un spectre. »

Mar 29 Aoû - 2:38



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Séraphah Von Arendt


Il y avait un je-ne-sais-quoi d’immuable dans la stature de Séraphah, comme s’il semblait ondoyer imperceptiblement sous son apparente fixité. Aussi, sous couleur de la banalité de la question qu’il lui posait, Keshâ eut l’impression d’une solennité, ses yeux ambrés redoublant de poids sur lui comme pour le capturer.
« Avez-vous déjà imaginé pouvoir obtenir de l’argent en échange de votre voix? »

Il dut d’abord s’arracher à la profondeur de son regard avant de ressentir l’écho de ses mots. Il allait dire que non, bien sûr que non, il n’avait jamais eu la prétention de valoir suffisamment en tant que personne pour être reconnu. Et encore moins doté d’un talent apprécié. Ses yeux coulèrent à l’oblique tandis qu’il se demandait s’il s’agissait d’une forme de proposition insolite, de celles qui n’existent pas sur terre mais qui paraissaient quand même effleurer son existence dernièrement. La proposition de Reyes lui avait inspiré le même retrait de prime abord. Mais il fallait reconnaître que depuis, il gagnait un peu plus d’astras et, de ce fait, était moins désespéré. Il allait peut-être quitter la pension où il se sentait en danger si les choses se confirmaient. Justement en raison de cet événement, l’idée d’utiliser sa voix pour augmenter ses revenus était encore moins incontournable.

-« Désolé. Je ne sais pas répondre à cette question. Je suppose que non. »
Quand bien même les mots se dérobaient, son rapport au Chant était plus proche de la dévotion que de la performance ; un jardin secret qu’il n’était pas prêt à ouvrir en grand même pour imaginer une réponse à une question fantaisiste. Il savait qu’il avait besoin de beaucoup d’argent pour ne plus laisser filer les années et concrétiser ses rêves d’évoluer et de partir à l’aventure. Pourtant, il n’était pas prêt à tout sacrifier pour y parvenir. L’homicide qu’on l’avait forcé à commettre à bord de la Rapière lui pesait déjà suffisamment lourdement sur la conscience pour qu’il aie besoin d’une autre leçon sur les actes irréfléchis.

Un rebondissement vint ponctuer l’entretien. De l’arrivée de Maëlstrom, il retint le glissement d’une ombre bucolique, bien que tout aussi taciturne. Comme garde du corps, il était convainquant, avec ce qu’il faut d’effrayant mais de tout aussi esthète que de son employeur ; lequel s’employa à le complimenter. Contre toute attente, une bouffée angoissante monta dans sa poitrine. Une pointe aigüe dans la gorge. Il n’était pas préparé pour les compliments. Pourquoi la douceur le faisait-elle réagir ainsi ? C’était comme s’il ne supportait pas de se voir témoigner de la bonté, comme s’il ne la méritait pas. La méritait-il, en tant qu’assassin ? Et puis, cela ne faisait que refléter le chapelet d’horreurs qui avaient jalonné sa vie.

-« Merci. » dit-il, laconiquement. Et quel pouvoir, pour lui, l’impuissant, qui n’osait jamais prendre langue pour remettre ses tourmenteurs à leur place. Pourtant, par-dessus la douleur, il était bon d’entendre quelqu’un le voir tel que lui n’arrivait pas à se voir.

La philosophie de Séraphah le replongea dans son intériorité. Avoir le temps de réfléchir autant était le privilège des riches. Il était toutefois en accord avec ses propos. Quoi sinon la beauté et le savoir ? Ses commentaires élogieux lui donnaient l’impression d’être non pas seul en haut d’un escalier déglingué, mais sur une large estrade illuminée devant un immense public. Il ne se sentait pas à la hauteur. Si Séraphah donnait vie à la fiction, Maëlstrom et son air gris lui rappelait qu’il était une vaste blague.
-« Je vais y réfléchir… » répondit-il, sans trop savoir ce à quoi il réfléchirait.

Les répliques de Séraphah ne laissaient pas de le décontenancer à mesure que le nombre de mots prononcés augmentaient. Ses condoléances paraissaient on ne peut plus sincères. L’emploi du terme d’oraison éveillait en lui de la gravité et de la profondeur, suscitant une forme de reconnaissance, sans qu’il parvienne à mettre le doigt sur son pourquoi. Il se sentait beaucoup trop marqué par le manque. Trop de "sans" dans sa vie. De ce vide dans sa tête émanait toujours quelque chose, sinon du sens, mais de l’émotion et l'élan de ce qui aurait dû s’y trouver.

Le son passa du cœur à la langue et il prononça la formule poétique de remerciement d’usage après un tel hommage. Un peu sur la défensive face à son ignorance, Keshâ répliqua :
« Si, si… je connais les titres des Chants et je sais parfois de quoi ils parlent et de leur émotion, dans les grandes lignes. Mais je ne comprends pas les mots. ». Il hésita. La promesse était des plus tentantes. Comment refuser ? Il aurait couru dans le clapier pourvu qu’il obtienne des réponses, même si cela signait sa fin.

Le temps d’une longue inspiration, il attendit de trouver le courage d’initier un mouvement. Il contourna le balcon et descendit l’escalier de métal rongé avec prudence. Séraphah n’était décidément pas quelqu’un d’ordinaire. Et s’il n’était pas un spectre, Keshâ était désormais trop intrigué pour ne pas en apprendre plus.
-« Emmenez-moi avec vous. »
Mar 29 Aoû - 3:20



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Keshâ'rem Evangelisto

 Ambiance


Pudeur. À n’en pas douter. Percevoir ce sentiment dans un cadre aussi déchu était d’une rare beauté. J’étais agréablement surpris d’entendre que tu connaissais la valeur de certaines choses. J’avais l’optimisme de croire que tu comprendrais la valeur qu’a à mes yeux les chants d’Andoria. Toutefois, le fait que les mots t’échappent me surpris. Ainsi, ta mère t’avait appris les airs et les paroles sans t’en dévoiler les secrets? Sans que cela ne soit ta langue d’origine? C’était en partie étonnant. Un mystère t’enroulait à mes yeux. Mais peut-être n’était-ce que cette tendance que j’avais à voir des énigmes là où il n’y en avait pas. Orphelin. Comme tant d’autres dans ces bas quartiers. Ton histoire devait être égale à celle des autres, à l’exception que toi tu chantais des chants d’Andoria.

Trop. Mes paroles coulaient à travers moi, épris que j’étais de la beauté elle-même. Elles ne rencontrèrent alors que silence, et je me demandais si je n’en avais pas trop dit. À moins que ce ne soit la présence de Maelström qui vienne ainsi te rendre plus réservé. Ce qui comptait, c’était que tu te mettais en mouvement, te rapprochant de moi tout en acceptant de nous suivre. J’approchai de quelques pas de toi. J’étais sensiblement plus grand, mon regard se baissant alors que je me tenais de façon à ce que la pleine lune éclaire mes traits : « Alors, suis-je un spectre à vos yeux? » Mes yeux accrochèrent les tiens, donnant l’impression de ne pas vouloir les lâcher. Je ne me rendais pas compte quand les minutes s’étiraient...parce-que c’est ce qu’elles firent tandis que j’observais tes traits, comme si je tentais de les mémoriser pour toujours.

Mouvement. Maelström donnait le ton en commençant à marcher. J’eus un sourire ténu, avant de me mettre aussi en marche, me tenant à tes côtés, mon assistant à deux pas devant nous. « Si vous le voulez bien, nous allons continuer notre discussion une fois en lieu sûr. » Sinon j’aurais la fâcheuse tendance à plonger dans ton champ de lavande et à vouloir cueillir le moindre de tes souvenirs de l’apprentissage de ces chants.

____

Nous marchâmes jusqu’à trouver un moyen de locomotion jusqu’à la Haute ville. Les astras furent donné de main en main, et pendant tout le trajet nous ne communiquions que peu. Le regard de Maelström, fier et profond se portait sur toi avec attention. Je n’avais aucune idée de ce qu’il pensait d’ainsi t’amener avec nous...Mais il était sans aucun doute aussi curieux que moi, même si son attrait pour les arts était plus destiné au dessin pour lequel il était d’ailleurs très doué.

Nous ne nous arrêtâmes pas devant l’hôtel mais en amont. Telles des ombres nous passâmes par une porte privée qui se fondait avec le bâtiment qui avait des airs vertigineux si tu osais lever la tête vers les étoiles. Une fois à l’intérieur, nous entrâmes dans un ascenseur étroit où nous étions encore plus proche que dans le carrosse. « Bienvenue à l’Hôtel le Marquis! » Dis-je avec brio. Arrivés aux 27eme et dernier étage, je sortis en premier, laissant tomber sur mes épaules la capuche, libérant ainsi ma captivante chevelure. Après le couloir, nous entrâmes dans mes appartements où un porte manteau me permis d’y déposer ma cape. Ma tenue se trouvait alors être moins terne que sous cette cape. Bien que le pantalon était sombre, le haut était de couleur vert poison, et ma ceinture de soie d’un ocre rappelant les dunes du désert. J’allai directement au bar, me tournant vers vous deux : « Un quelque chose à boire? »

Maelström s’étant décontracté dès que nous avions mis les pieds dans la Haute-Ville, me répondit un « comme d’habitude » avec un immense sourire, avant de se diriger vers l’un des fauteuils avec vue sur la ville. Une fois ta réponse obtenue, je vins te donner ton verre, oubliant un instant que tout ce faste affiché pouvait être décontenançant pour quelqu’un qui n’en avait pas l’habitude.

C’est ainsi que sans un mot de plus, j’allai m’installer sur un des canapés, dépassant le piano. Je t’invitais du regard à venir me rejoindre. « Avez-vous déjà eu l’occasion de séjourner autant en hauteur? » À ton expression je pensais avoir la réponse, mais je me permettais cet aparté avant de reprendre notre sujet : « Où êtes-vous nés? Je pensais que vous étiez d’Andoria vu que vous chantez en cette langue...mais finalement d’où venez-vous Keshâ’rem? » Ma façon de prononcer ton prénom était à l’image de celle que tu as eu envers mon propre prénom.


Jeu 31 Aoû - 5:29



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Séraphah Von Arendt



Le moins que le puisse dire est que Séraphah savait jouer de ses effets. Sa réplique dramaturgique alliée à sa prestance inégalable avait de quoi marquer l’imaginaire.

-« Je ne peux pas vraiment en décider, car vous seriez le premier de ma connaissance. »

La réponse était livresque pour notre petit vagabond. Mais c’est que l’ambiance féérique convoquée par ses chants voletait encore sous les vitres morcelées et que le verbiage de Séraphah invitait au jeu théâtral. Leur yeux en confrontation directe, Keshâ avait du mal à soutenir ce contact brûlant, ne pouvant non plus se résoudre à l’éviter. C’était long. Intime et sans concession. Un peu trop en fait pour une première rencontre. Même en passant en revue toutes vos conquêtes, pouvez-vous vous remémorer un amant dont le regard vous aurait transpercé sans ciller pendant ne serait-ce qu’une minute?

Les secondes s’étirent dans l’inconfort en faisant traverser toutes sortes d’états et de réactions. On croit se voir dans un miroir tendu, on se dérobe, on croit percevoir l’âme de l’autre, entre appréhension et imagination.

Keshâ finit par détourner les yeux toujours sous le poids du regard d’un Séraphah statuaire, au son des gouttes de pluies accumulées dans des tentures qui dégouttent en pluie fine au son caverneux. Son visage qui n’a pas d’âge continue à le scruter. Maëlstrom finit par mettre fin à cette cinématique étirée en s’en allant. Le charme est rompu. La tension retombe. Les voilà à cheminer. C’est bizarre, il n’a pas l’habitude d’aller quelque part. Avec des gens, je veux dire. Et pour une destination qu’il ne connaît pas.

C’était une chose que de supposer leur origine de la haute-ville, mais une autre que d’être invité en leur compagnie à bord de l’un de ces carrosses motorisé dernier cri avec chauffeur et de se sentir passager légitime du convoi à travers les artères illuminées, glissant sur l’asphalte vers des tours crochues étirées vers le firmament voilé. Un rien intimidé par le regard insistant de Maëlstrom, il n’osait rien dire. Personne ne disait rien du tout.

Il suivait sagement. Ah ça, il était discret, comme une carpe, la bouche et les paupières grandes ouvertes face aux appareillages fracassants des véhicules de collection, aux sculptures marbrées et aux fontaines rieuses, au pieds de bâtiments vertigineux. Ses yeux incrédules suivaient le binôme qui ne semblait former qu’un vers une entrée secondaire, qui lui paraissait néanmoins majestueuse comparée à tout ce qu’il pouvait connaître d’Epistopoli. L’espace et la propreté caractérisait l’endroit, au-delà du goût et de la richesse évidente qui transpirait des murs les plus épurés. Le danger était absent, mais l’excitation palpable tant la nouveauté était énorme pour lui.

Infiltré dans un ascenseur minuscule, il se retrouva paradoxalement confiné contre Maëlstrom et Séraphah. Le premier émanait d’une fragrance boisée un peu piquante, quand le second irradiait d’insolentes notes hespéridées. Keshâ lui, fleurait bon les fleurs sauvages, malgré sa piteuse apparence vestimentaire. L’escalade vers les étages prit un certain temps. Si les deux hommes pouvaient fixer un point dans ses cheveux ou au-dessus de son crâne, le vagabond faisait face au torse rectiligne de Séraphah et à une gorge saillante sur laquelle il pouvait compter et estimer la longueur des poils autour de la pomme d’Adam de Maëlstrom.

En dépit de ses allures patibulaires encouragées par les deux cicatrices qui fendaient son visage de part et d’autre à différentes hauteur, il avait un charme obscur qui le rendait très attirant. Entre sa peau halée qui devait avoir un goût salé et cette chimie invisible qui se dégageait dans son odeur, il en oublia où il se trouvait. Le voilà confus d’avoir de telles pensées… ce serait embarrassant si leurs regards venaient à se croiser dans une telle promiscuité.

En hôte impeccable, Séraphah s’engouffra dans une demeure d’une indescriptible splendeur suspendue dans le vide au-dessus de la cité. Tout semblait couler de source alors qu’ils évoluaient dans leur routine. Mais Keshâ était resté collé en arrière, médusé. Il savait. Il avait imaginé. Mais il ne pouvait pas savoir. Pas à ce point, tout le luxe, toute la beauté, de ces lustres qui mesuraient deux fois sa taille, à ce salon qui aurait pu contenir deux fois l’atelier où il travaillait, c’était estomaquant de propreté. L’hôtel le Marquis. D’accord…

Glissant lentement d’un détail à un autre, avant de toiser avec effroi le vide qui menaçait de les avaler, il découvrit les nouvelles couleurs soyeuses dont se paraît Séraphah et sa fascinante chevelure.

-« Euh, comme lui. » bredouilla-t-il un peu en retard pour ne pas paraître figé, bien qu’il n’ait aucune idée de la boisson qui lui serait en conséquence présentée. Il était un peu largué. Naviguant sur l’océan de parquet, la chevelure feu de Sérapha vogua au loin.

« Non. Je crois que depuis l’enfance et quelques souvenirs de collines, je n’ai jamais été aussi haut dans le ciel. »
Il se sentit stupide de ne pas savoir répondre à une question aussi évidente. Depuis le temps qu’Epistopoli et sa crasse lui collait à la peau et aux poumons, il avait oublié cet autre mystère. La plupart des gueux et des bandits ne posent pas de questions aux autres. Ça ne les intéresse pas.

-« Je n’en suis pas sûr. Nous avions une vie nomade avec ma famille, pour rester au plus près des expéditions de mon père, sans pour autant se mettre en danger. J’ai vécu dans les campagnes d’Espistopoli et du nord de Xandrie. Je me souviens aussi avoir été à Lapis pendant l’Askha-Hari… »

A bien y réfléchir, il se souvenait des tours et des motifs aux vives couleurs de la Scintillante, qui l’avait tout autant troublé que ce palais vitré flottant dans les cieux de la capitale épistote.

-« Et vous deux, vous venez d’Andoria ? » renvoya-t-il en associant naturellement l’employé et son patron dont la relation semblait réglée comme du papier à musique.
Jeu 31 Aoû - 13:08



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Keshâ'rem Evangelisto



Le feu était égal au vent. À cela près que le dernier venait affoler le premier ce qui les rendait très dangereux ensemble. Dans l’âme – si tant est que j’en possédais une – j’étais à l’image de la vivacité du vent. Je ne me rendais alors pas toujours compte des émotions qui pouvaient se vivre au sein de vous humains. J’observais pourtant. Énormément. Mais j’oubliais parfois aussi vite ce qui n’était pas de l’ordre de la connaissance pure. Ma défunte épouse avait tendance à me croire égocentrique. C’est ce qu’elle disait. Toujours en riant, mais c’était ce qu’elle me disait le plus souvent. Ça, et le fait que je pourrais tout donner aux personnes que j’ai pu aider. Elle semblait voir en moi quelqu’un d’humaniste. C’était aussi son mot. Mais pouvons-nous être humaniste sans être humain soi-même? Je retins de tout ça que j’étais un paradoxe et sans doute à ses yeux, même si les sentiments me semblaient sincères, une espèce à part entière qu’elle pouvait observer et qu’elle a pu aussi éduquer – sur des points intimes – à sa guise.

Au moins cette expérience m’a amené à avoir des ambitions autres que celles d’explorer la brume. Sans ça, nous ne serions pas là. Dans cet hôtel. Tous les trois ensemble. Pendant que le whisky pur malte se déversait dans les verres j’entendais à ta voix avant de le constater de mes yeux que tu digérais tout ce que tu voyais. Cela devait en effet être impressionnant pour toi. Comme cela l’avait été pour moi à chaque fois que j’ai eu la chance de mettre les pieds dans des demeures où le beau avait sa place. Être autant en hauteur était toutefois une primauté d’Epistopoli. Et même si être en hauteur donnait la sensation d’être en sécurité, cela me faisait parfois l’effet inverse...Bien que je survivrai à une explosion, mon coeur se crispait à l’idée que Maelström ou certains amis logeant aux autres étages n’en réchappent pas.

Je t’apportai ton verre, le mouvement aidant à ce que ces pensées lugubres disparaissent. C’est avec une joie dissimulée que je profitais à nouveau de ton parfum, avant d’aller tendre son verre à Maelström. Ce dernier me fit un franc sourire. Il avait retiré sa propre veste et portait désormais une chemise d’un bleu nuit qui rendait presque azur l’anis de ses yeux. Une fois installé, je prenais une simple gorgée, appréciant le brûlant sur ma langue plus que tout autre chose. Je portais mon bras sur le haut du canapé, tourné vers toi, tandis que j’apprenais que ton père faisait des expéditions et que tu avais donc bénéficier d’une vie hors des Bas-quartiers. Je ne pouvais qu’imaginer la douleur que cela avait du être que de perdre ses parents et les paysages qu’offrait une telle vie. « Qui était votre père si je peux me permettre? J’ai fais beaucoup d’expéditions dans les zones que vous me citez, il se pourrait que je l’ai connu qui sait? D’autant plus s’il faisait partie de la Guilde des Aventuriers. » Le monde des assoiffés de la Brume était petit. Tôt ou tard nous nous croisions, soit pour faire équipe, soit en entrant ou sortant de la Brume, parfois même – comme cela a été le cas avec Maelström – en pleine expéditions.

Nos regards se rencontrèrent avec mon acolyte à ta question. Nous eûmes un sourire avant qu’il ne réponde en premier : « T’as l’impression qu’on a toujours été ensemble hein? » Il porta ses coudes sur ses genoux, se rapprochant sensiblement de toi, avant de poursuivre : « Je viens d’Aramilla. C’est Seraphah qui m’a fait venir à Epistopoli. » Il leva son verre qu’il tenait jusqu’à alors d’une main lascive et pris une gorgée. Son regard, tel un projecteur, se porta sur Seraphah qui poursuivit : « Je suis d’Andoria comme tu l’as très bien compris. » Une Andoria qui n’était pas qu’une citée poussiéreuse. Mais là n’était pas ta question. « Mais j’ai énormément voyagé, un peu à ton image...sauf que j’étais plus à la place de ton père. » C’était moi que du monde suivait dans la Brume.

Ce serait mentir que de dire que je n’aimais pas discuter avec un bon verre. Toutefois, je n’avais pas comme habitude d’amener des jeunes hommes, aussi plaisants soient-ils, dans mes appartements. Si tu étais là, c’est que tu avais un talent qui m’avait fait vaciller et que ce qui m’avait amené à toi n’était pas encore en sécurité. Maelström avait compris qu’il n’était plus ici question de te faire du mal. Tes cordes vocales étaient bien trop précieuses pour qu’on arrache l’archet qui les fait jouer.

« Que faites-vous pour survivre? Etes-vous dans des combines louches? » J’avais besoin de savoir qui j’avais invité sous mon toit. J’avais besoin que tu me dises la vérité, le détective m’ayant déjà livré suffisamment d’informations pour que tu sois en ces lieux. Mais la franchise était une qualité qui ne pouvait pas manquer entre nous. Si nous devions continuer nos chemins ensemble, même pour uniquement quelques traverses. « J’ai besoin de le savoir car je ne peux me compromettre en hébergeant une personne peu fréquentable... » Mon honnêteté amena Maelström à ajouter tout en s’installant à nouveau au fond de son fauteuil : « Ne t’avise pas de mentir...Tout se découvre tôt ou tard et... » Il aimait ça. Ne pas finir ses phrases. Surtout si elles pouvaient donner la sensation que tu risquais ta vie.
Ven 1 Sep - 6:10



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Séraphah Von Arendt



Culminer en haut d’un tombeau céleste et admirer le panorama devait être l’acmé des expériences inattendues que la vie lui réserverait. Sous la surprise, il avait oublié. Mais contempler ce luxe de matières précieuses accordées avec une maestria d’élégance face à la vue de toutes les lumières de la ville l’avait ébranlé du bocal. La différence tenait sans doute en ce que dans un Zeppelin, on s’attendait à voler dans le ciel. Dans une salle-à-manger, on ne voulait pas craindre de passer par-dessus bord au cas où la fenêtre serait un peu farceuse.

-« Hani Evangelisto. »
En bien des années, ce devait être la première fois que ce nom se voyait prononcé à nouveau. Cela faisait tout drôle de l’entendre à voix haute. Il était presque étonné de l’avoir retrouvé du premier coup dans les archives des trépassés.
-« Il faisait bien partie de la Guilde des Aventuriers, pendant dix ans. Mais quelles peuvent bien être les chances que vous vous soyez croisés ? Les expéditionnaires étaient nombreux à l’époque. Et dispersés. »

Ce faisant, Keshâ hasarda enfin deux ou trois pas vers le centre du salon. Personne n’allait le forcer à les rejoindre et il avait attendu on ne sait quelle autorisation tout en restant figé près de l’ascenseur. Maëlstrom se pencha vers lui, réduisant la distance entre eux à seulement… quatre ou cinq mètres désormais. Il apprit alors les origines de chacun. A eux trois, ils représentaient un échantillon assez cosmopolites des Urhois modernes.

Comme le soulignait Séraphah, Keshâ avait lui aussi beaucoup voyagé. Rien de très extravaguant dans ses traversées. Mais la couverture de saisons spectaculaires et de bijoux architecturaux qu’il se rappelait comme des rêves aussi fragiles que la rosée au moment de l’aurore. C’était tout simplement dans une autre vie. Il était un peu là pour ça, non ? Pour ne pas se laisser pétrifier dans le prolétariat d’Epistopoli.

Il esquissa du bout des orteils une tentative de rapprochement pour coloniser le tapis avant de tenter une première immersion de ses lèvres dans le whisky. Les alcools forts ne faisaient pas partie de ses habitudes. Les seules fois où il en buvait c’était après un gros chagrin ou après s’être fait casser sévèrement la gueule. Sa gorge était en feu.
-« Et vous participez toujours à des expéditions de temps à autres ? Pour des recherches, j’imagine… il fut un temps, je rêvais moi aussi de m’essayer à ces aventures. Mais, je n’ai pas l’étoffe d’un guerrier. Ni le savoir d’un archéologue. Alors, c’est toujours un beau rêve. »

Cela valait peut-être mieux ainsi, s’il en jugeait par les balafres qui traversaient le visage de Maëlstrom.
-« Et vous, Maëlstrom, vous y êtes allé aussi, n’est-ce pas ? Vous avez du avoir tellement peur quand vous avez reçu ces blessures. »dit-il avec compassion. On pouvait parier qu’il les avait reçu dans la Brume, si Séraphah était lui-même expéditionnaire. Sans doute avaient-ils connu leurs faits d’armes ensemble. Il n’allait pas commettre l’erreur de demander à nouveau à quelqu’un s’il devait ses mèches blanches à sa rencontre avec la Brume, bien que la question le démange. Après tout, quelle que soit sa nouvelle vie, il y avait toujours ce reliquaire et le cristal qu’il renfermait à aller chercher à Dain. Ce n’était pas si loin de la frontière de Xandrie…

A pas comptés, il s’était approché de l’une des fenêtres, incapable de se tenir au plus près de l’abysse. Un pégase fondit devant la baie vitrée et son ombre obscurcit un moment l’horizon, où la silhouette fugitives de deux Zeppelin militaires s’éloignait derrière les nuages. Keshâ se tenait maintenant plus ou moins entre Maëlstrom et Séraphah, ne sachant trop où il devait s’asseoir ou s’ils préféraient qu’il reste debout. A vrai dire, il craignait de salir les fauteuils en s’y asseyant tant ses vêtements paraissaient pouilleux en comparaison.

« Que faites-vous pour survivre? Etes-vous dans des combines louches? »
Oczywiscie ! Bien sûr que les gens de la basse-ville trempent bon gré mal gré dans des combines louches. Son corps pivota en arrière vers le canapé de Séraphah. Il était loin d’être le pire, sauf si on considérait son intégration momentanée à l’équipage de la Rapière pour éviter le saut de l’ange et tout ce qu’il avait du faire à bord pour s’intégrer.

Maëlstrom enfonça le clou. La ficelle était grossière et l’on aurait pu se dire « cours toujours », car il se passait tellement de choses à chaque minute à Epistopoli. Comment tout savoir ? Il comptait sans doute l’encourager à se vendre tout seul par cette phrase. Hélas pour lui, Keshâ n’était pas porté sur la dissimulation et sa culpabilité fit le reste.
-« Je ne suis pas un brigand si c’est ce que vous vouliez demander. » retoqua-t-il à l’adresse de Maëlstrom dans un regard de défi, quoique dénué d'agressivité.

« Ou alors je ne suis pas très doué dans cette profession au regard de mon niveau de vie… j’ai toujours essayé de faire les choses dans les règles et d’avoir un travail honnête, sans même espérer que cela me permettrait d’atteindre l’âge adulte. »
Il se tourna ensuite vers le véritable émetteur de la question.

« Vous devez savoir qu’il est presque impossible de « survivre » en respectant toujours la loi quand on est pauvre. Forcément, j’ai fait des choix assez discutables moralement et certaines choses que je regrette profondément. Il, il m’est arrivé… il m’est arrivé… »


Sa phrase demeure en suspens. Il ne la reprend pas. Assiégé par une réminiscence virulente. Tout revient en un instant : l’entaille dans son bras, ploc! ploc! La mélodie du sang sur le sol, les pirates qui crient en cercle, les néons qui clignotent, Mathieu les yeux bouffis de larmes, son sang sur ses mains, ses lèvres tremblantes juste devant son nez, il lui tousse du sang au visage ; bruit du couteau écartant la chair comme du beurre mou, trop plein de plaintes sur un paris perdus, coups de jurons bourrus, la main dans ses cheveux… une violente secousse s’empare de sa main et son verre s’échappe sur le tapis dans un bruit sourd. Un sanglot s’étrangle dans sa gorge où une pointe l’empêche de respirer alors que sa vision humide se brouille de pleurs. A nouveau ses yeux sont des orbites aveugles de taille infinie dévorant la lumière pour nourrir un trou béant. La loi du sang! La loi du sang! La loi du sang! Sa tête heurte le sol avant qu'il ne cligne des yeux.
Dim 3 Sep - 1:59



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Keshâ'rem Evangelisto



Une farce. Se pouvait-il seulement que la vie soit autant gorgée d’humour? J’avoue avoir un peu perdu le fil tandis que tu n’avais pas vu mon geste de la tête qui t’avait invité à venir jusqu’à nous, et que tu contais sommairement les voyages qui avaient bel été les tiens. Hani Evangelisto. Un nom que j’adorais prononcé, chacune des consonnes roulant sensuellement entre mes lèvres pour la beauté sonore. Autrefois. Quand je les avais donc croisés tous les deux. Tes parents. Deux êtres à l’allure farouche et à l’esprit bien affûté. Je me souviens des histoires que nous avons échangé. Je me souviens de la voix de son épouse qui nous berçait, tandis que nous étions repus d’un sourire. À l’époque, je me demandais comment la violence rencontrée dans la Brume pouvait laisser vivre ces moments si éphémères...Sans doute est-ce ce type d’échanges qui a rendu mon être plus humain qu’il ne pourra jamais l’être. Mon regard te voyait à nouveau. C’est qu’un écran était descendu à l’image de paupières rabattus, pour me proposer tous ces souvenirs encore bien vivaces en moi. Après tout, cela n’était pas si vieux que cela.

« À nourrir les rêves, les créateurs les rendent réels. » Écho à tes paroles qui semblaient vouloir froisser tel un papier ce rêve d’expédition. « En effet, je mène des expéditions pour des recherches...autant sur la Brume elle-même que pour trouver des objets archéologiques possédant une certaine beauté. Tout art mérite d’être vu de celui qui saura le voir. » Ne pouvais-tu pas espérer que si ton père portait en lui cette soif d’aventure, toi-même tu as pu en hériter? « Je ne vous connais pas Kesha, mais le savoir se cultive...et il y a différents types de guerrier. » Au moins j’entendais ta volonté d’aller explorer...  « Puis-je vous demander pourquoi vous désirez tant vous rendre là où le danger est roi? » De mon côté je ne peux t’avouer que je cherche à entrer en communion avec la Brume, espérant secrètement qu’elle vienne me murmurer les secrets de mes origines.

Je ne savais pas comment t’avouer que je connaissais ton père. Je ne le savais pas car cela impliquait parler davantage de mon passé et d’une faveur que j’avais aujourd’hui la chance d’honorer. Je laissais ainsi la discussion se défiler tandis que ton attention se tourna vers Maelström, dont l’apparence ne laissait jamais indifférent. Tes paroles venaient faire écho à ce qu’il portait comme la bascule de son existence. Et je fus étonné que tu oses en parler aussi directement. Peu le faisaient.

xxx

Surpris. Le jeune homme d’Amarilla se redressa à ta question. Une attention aussi franche était rare. Il n’arrivait pas à savoir s’il aimait ou détestait ça. Pour le moment, il appréciait te discrétion, cette façon singulière de ne pas y toucher en mettant les pieds dans le plat. « J’y suis allé oui. À plusieurs reprises à dire vrai. » Souvenir. Ce rejet de la part des siens. Cette volonté de se montrer honorable en rejoignant les Sentinelles. Puis le drame. La chute, quelques années plus tard. Il passa une main dans sa mèche blanche, un tic qui s’était installé à chaque fois que la douleur tentait de revenir à travers des fourmillements le long des cicatrices. « À dire vrai, c’était assez effroyable. Cela l’a été d’être toujours en vie après ça, et d’autres blessures dont tu ne peux voir les traces. » Était-ce réellement de la compassion? Un peu à l’image de celui qu’il jugeait comme son maître et ami, il se demanda comment tu pouvais être aussi sensible, aussi peu bafoué par les bas fonds. À quoi ressemblent tes blessures dis moi? C’est ce qu’on pouvait lire dans son regard, avant que tu ne te tournes vers l’immensité du ciel pollué de tours et de va et vient.

Xxx

Aplomb. Je trouvais cela totalement captivant. Cette façon que tu avais – non pas de te défendre – mais de dire les choses sans détours. Au sourire léger de Maelström, je compris que ta réponse lui avait plu. Et quand tu m’expliquas que tu es un honnête homme dans le fond, c’est tout ce que je pouvais attendre du descendant d’Hani. Un homme intègre qui n’a pas hésité à risquer sa vie pour sauver la mienne.
Tu t’étais approché de nous au fur et à mesure, et désormais je percevais tout le soin que tu prenais au vue du tapis sur lequel tu marchais à peine. Cassure. Maelström se précipita pour que ta tête ne retombe pas sur le sol. Il avait glissé son bras au niveau de tes épaules, accompagnant ton mouvement jusqu’à t’allonger. Je me mis à ta droite, nos deux visages inquiets au-dessus du tien. Sans que j’ai à le lui dire, Ström alla chercher un verre d’eau, et je me rappelai avec gêne que tu manquais peut-être cruellement de nourriture. Cette dernière n’étant pas essentielle pour moi j’avais tendance à oublier que c’était une obligation pour la majorité. Le feu de mes yeux put à nouveau saisir l’améthyste des tiens. Je t’aidais à te redresser suffisamment tandis que Ström portait le verre à tes lèvres. « Ça te fera du bien. » prononça-t-il.

Tout en gardant une main au niveau de ton épaule, Maelström agissant en reflet face à moi, nous restâmes auprès de toi, sur le sol, le temps que tu t’asseyes. « Est-ce la déshydratation, le manque de nourriture ou quelque chose de plus traumatique Kesha? » te demandais-je avec une attention et un intérêt non feint. Après tout, je me souvenais de tes dernières paroles qui portaient en elle l’empreinte de regret et de morale.

Une fois redressé, c’est sur le canapé que je te fis asseoir tandis que Maelström alla passer un appel à la réception. Quand je me fus assuré que tu avais bien tous tes esprits, je te partageais sous le ton de la confession : « J’ai quelque chose d’important à vous dire. J’ai connu votre père. »


Dernière édition par Seraphah Von Arendt le Lun 4 Sep - 22:42, édité 1 fois
Dim 3 Sep - 20:39



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Séraphah Von Arendt


Il était bien là le problème. Keshâ’rem ne se voyait plus créateur de quoi que ce soit, surtout pas de sa vie. Sa flexibilité était celle du fétu de paille qui se laisse emporter avec souplesse dans les torrents furieux de la rivière et ne choisit pas sa destination. Enfin, il voulait changer, non ? Ses yeux baissés vers le sol, il ne sut que répliquer. Assurément, il aurait aimé nourrir avec toi le rêve de ses parents pour leur tisser une consistance dans son esprit. Il aurait ainsi appris tant de choses dont il ne pouvait avoir connaissance sur les beaux aspects de la personnalité de ses parents, pincé par une pointe de jalousie qu’un illustre inconnu ait eu ce privilège à sa place.


« Tout ce qui peut apporter de la joie mérite d’être sauvé. »

Il pensait à toute cette laideur et à la maladie enserrant la basse-ville dans son poing glaçant et combien cela pourrait être réconfortant à chacun de sentir son cœur touché par l’art, ne serait-ce qu’une fois de temps en temps.
Quand Séraphah l’interrogea sur ce qui le poussait à aller vers le danger, sa bouche marqua un pli concentré. On pouvait deviner qu’il allait répondre avec le plus grand sérieux, même si son esprit peinait à voir la destination que lui réservait la foulée de ses mots.


-« Certaines espèces de poissons et d’oiseaux ne peuvent pas s’empêcher de revenir sur le lieu qui les a vu naître… » Une métaphore spirituelle, ou plutôt savante, dans le registre de ce qui pourrait plaire à l’élite d’Epistopoli.

« Pour moi, ce n’est pas le danger qui compte. Je me suis trop longtemps laissé définir par ma peur. Même si je ne me souviens pas d’où je suis originaire exactement, d’une certaine manière je suis né de la Brume et de la facture qu’elle a marqué dans ma vie. Depuis, je me suis réfugié dans une ville immense, mais ma vie n’en est pas sûre pour autant. Je sens que tant que je serai pas retourné sur les lieu du massacre de ma famille, je serai toujours une victime et ne pourrai pas être vu différemment qu’un orphelin. »
Il marqua une pause, comme s’il changeait de registre argumentaire, délaissant toujours le verre de cet alcool trop fort pour lui.

« En plus, ça me plaisait beaucoup de voir des paysages sublimes et d’apprendre les propriétés des plantes et l’histoire de ceux qui  nous ont précédé. Tout le monde se comporte comme si nous savions tout, l’Eglise, les scientifiques. Mais on ne connait rien de cette planète. C’est un océan d’énigmes, plein de civilisations et de secrets. J’aimerais pouvoir participer à leur découverte afin d’aider Urh. Il n’y a pas si longtemps, un Royaume a disparu, cela pourrait se reproduire à tout moment pour ce que l’on en sait. Comme je n’ai pas de famille, je ne manquerai à personne et je suis libre d’agir. »

Maëlstrom le surprit en s’ouvrant à lui. D’habitude, on lui répondait plutôt de se taire quand il posait une question sur ce qui ne regardait pas. A son langage corporel, on devinait qu’il essayait de se rassurer dans le moment présent convoquant des moments douloureux. Keshâ n’insista pas davantage. S’il arborait une cicatrice fraîche sur son deltoïde moyen gauche des suites de son duel à l’arme blanche et d’une petite constellation de filaments ocres issus de la Petite Rouille à l’angle inférieur de son omoplate droite, son corps restait assez épargné par les marques physiques. Il arborait parfois des bleus autour des poignets ou de la gorge ou des griffures superficielles sur les flancs. Les entailles les plus profondes étaient néanmoins les plus discrètes. Inscrites sur son cœur et dans ses souvenirs, elles lui donnaient un esprit boiteux, qui allait de paire avec sa jambe plus courte que l’autre.

Tout fut fondu au noir. Peut-être justement parce qu’il n’était pas réellement en danger pour la première fois depuis longtemps, les digues trop longtemps contenues de ses traumas venaient de lâcher. On ne choisit jamais quand une telle chose se produit. Et c’est rarement à notre avantage. L’esprit sait ce qui est présent, mais le corps ne connait pas le temps. Il se souvient seulement.

Totalement abandonné aux bras de Maëlstrom, il s’avachit au ralentit, sa tête venant dodeliner sur l’épaule du portebrume au lieu d’arriver avec élan au sol. Ses yeux papillonnèrent dans le vague. Il fallut une petite minute avant que cette vision brouillée se rajuste aux couleurs du monde pour faire le point sur deux visages. Son cerveau était perdu, la différence entre les yeux verts de Maëlstrom et la tapisserie au mur derrière n'était pas claire. Faire sens sur ces visages comme entités séparées du décor demanda encore de la patience.

Vulnérable au possible, il se laissa aider, ressentant un étrange réconfort à cette main bienveillante qui entourait son dos pour le soutenir. L’eau portée à ses lèvres lui rafraîchit les idées. Toute cette attention resserrée autour de sa personne était inhabituelle. Seraphah l’enveloppant de sa présence, il aurait voulu s’y soustraire, la réponse à sa question était trop embarrassante. Son silence parlait de lui-même, bien que la faim et la soif ne soient peut-être pas complètement étrangère à sa faiblesse. Il s'alourdit instinctivement dans les bras de Maëlstrom, dans un repli involontaire.

Il avait un peu honte de gâcher ce capital d’intérêt qu’on lui portait en se montrant si faillible. Seraphah l’aida finalement à s’asseoir dans le canapé et Keshâ ne s’imaginait plus le quitter avant un moment, plus à cause des remous de ses émotions que de son état physique. C’est alors que la confession fit irruption, signe que Seraphah aussi savait jouait de surprises pour s’attirer la pleine attention de ses voisins.

-« Comment ? » s’entendit-il dire, les mains enroulées autour de son verre dos, posé sur ses genoux.
C’est ce que l’on appelait souffler le chaud et le froid.

« Vous avez l’air tellement jeune, vous deviez être de l’âge de mes frères à l’époque. »

Lun 4 Sep - 23:45



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Keshâ'rem Evangelisto

Atmosphère

Cette sensibilité qui transparaissait à travers toi était une offrande à mon coeur. Tu n’étais pas de la Haute-ville et pourtant, même si tes paroles avaient l’odeur des Hibiscus de l’Automne, elles chantaient à mon oreille comme ton chant l’avait fait avant elles. C’était rare qu’un être aussi jeune que toi puisse venir perturber mes sens par tant de délicatesse. Écoute. Le danger était en effet partout. Il transpirait de la Basse-Ville aussi sûrement qu’en pleine expédition. Alors échanger la suie et la crasse contre la beauté des paysages sauvages...Je ne pouvais être qu’en accord. Surtout qu’après tout, j’avais envie de croire en toi du fait d’avoir connu tes parents. Et au vue de tes paroles, c’était comme s’ils existaient toujours à travers toi, cette volonté de s’ouvrir au monde au lieu de se laisser engloutir par ce dernier. « Tu n’as peut-être pas de famille aujourd’hui...tout peut se créer rapidement en ce monde, pour celui qui ne cherche pas à se protéger sans cesse. » Et pour celui qui avait des yeux pour voir. Autant avec Maelström notre lien m’était évident. Autant par le passé c’était vertigineux à quel point j’étais entouré sans même m’en rendre compte. Même si au final, personne n’avait été présent quand j’en ai eu le plus besoin.

Tout cela fut totalement effacé suite à ton évanouissement. Mon attention était tournée vers toi, comprenant que ton esprit t’avait imposé un souvenir assez affreux pour que ton cerveau préfère couper court. Peut-être aurais-je du agir autrement, peut-être aurais-je du te demander si tu désirais en parler – bien que la tentative nous montra l’inverse – mais au lieu de ça j’exprimais ce qui me brûlait les lèvres depuis un moment. Depuis le nom de ton père. Toutefois je remarquais ta fébrilité en reprenant la parole venant m’assener une vérité qu’on ne pouvait nier à me voir. C’est à ce moment-là que surgit Maelström, tel un prince : « Seraphah paraît beaucoup plus jeune qu’il ne l’est. » Il n’alla pas jusqu’à prétendre que j’avais des gênes particuliers, il te donna une réalité que tu pouvais voir, essayant de faire paraître cela totalement normal. Mais après tout, pourquoi cela ne le serait-il pas? « Mon physique me joue parfois des tours dans mes fonctions diplomatiques...un effet de surprise que je dois bien avouer assez savoureux. » Un rire léger s’échappa d’entre mes lèvres.

« Tu as réellement connu ses parents. » renchérit Maelström, une façon comme une autre de m’inviter à poursuivre. Je crois qu’à date il est toujours impressionné des relations que je possède à travers ce monde. « Nous avons fait quelques voyages ensemble suite à l’intervention de votre père envers ma personne. » Mal à l’aise. Je n’étais pas habitué de raconter ces histoires où je me retrouvais sauver par la Providence qui avait pris ici le visage de ton père. « J’avais perdu mon Pégase et me retrouvais à pieds à marcher sur les routes entre Le Bois des Loups et la forêt de Rakimson. Je revenais d’une expédition qui s’était bien déroulée, en cela que j’étais toujours en vie et possédais un objet de valeur. Même si tous mes compagnons y avaient laissé leur vie. » Suis-je un monstre à vos yeux de parler ainsi de tout un équipage qui avait périt comme si c’était la chose la plus naturelle au monde? Mon regard s’était un instant détourné avant de revenir cueillir les tiens. « Des brigands m’avaient vu revenir, remarquant ma sacoche...et ils tentèrent le tout pour le tout pour me la dérober en se mettant à 4 contre moi, m’empêchant toute tentative de fuite. » J’aurai pu me transformer en brasier, et c’est ce que je m’apprêtais à faire, quand l’un d’eux me tira dessus avec une balle remplie d’eau. La douleur fut intense, et l’option de tous les cramer s’envolait. « L’un d’eux me tira dessus. Je ne réussis pas à éviter la balle et je pensais qu’il allait en être fini de moi. » Un sourire à ce souvenir étira mes lèvres. Je ne pouvais décemment dire de but en blanc que ton père ne pouvait pas distinguer de là où il était en quoi était ces balles. Il avait juste vu des bandits et un homme seul. « Un premier homme tomba à terre. Puis les autres suivirent. Ce fut fulgurant! Votre père les a tué sans hésiter avant de me rejoindre pour s’assurer de mon état. » Voyais-tu comme tes origines étaient nobles?

« Depuis ce moment-là nous devînmes amis...toutefois, j’ai toujours une dette envers lui que je n’ai pu honorer en raison de sa disparition tragique. » Mon ton était devenu plus grave, les souvenirs des premiers moments avec ton père laissant la place à ceux de l’annonce de sa mort...la sienne et toute sa famille. « Les rumeurs disaient que vous aviez tous péris. Qu’il ne restait aucun enfant. Et pourtant vous êtes là. Me permettrez vous d’honorer ma parole? »

Mon regard s’était logé dans le tien sans possibilité de m’en soustraire tant que ta bénédiction ne tombait pas. Maelström se rendant compte du cérémonial de l’instant – ambiance que je n’avais de cesse d’installer – prit la parole : « C'est tellement improbable qu'aujourd'hui tu tombes sur le fils de ton ami Seraphah...Est-ce que Kesha, tu acceptes cet héritage? » Oui, il aimait le melo-dramatique. Il était doué là dessus. Alors que je restais en attente de tes paroles, on sonna à notre porte. Ström revint avec un plateau dont les plats étaient fumants. « J’ai pensé que tu pouvais avoir faim Kesha. » Je remarquais son sourire à ton encontre. Cette attention aussi. Ce n’était pas chose habituelle.

Mar 5 Sep - 5:25



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Séraphah Von Arendt


L’élémentaire avait des airs de mentor. Mais, peut-on croire quelqu’un qui venait à l’origine pour éliminer les fuites d’informations. Le fait que le réceptacle de l’Art t’ait plu est-il gage de confiance ? Ou ne traduit-il qu’un égocentrisme déguisé dont se croient dépourvus les êtres destinés à se fondre dans une boule nuageuse prédatrice et peut-être consciente recouvrant toute la planète ? Si Keshâ avait chanté moins juste, s’il était moins beau ou s’il n’était tout simplement pas le descendant direct de ton ami regretté, Hani Evangelisto, qui sait ce qui serait advenu. Sa vie n’aurait pas plus de valeur que celle de n’importe quel miséreux.

Et les miséreux ne sont que des bougies qui défilent... Elles s’allument et s’éteignent... C’est cela, le vice des puissants : décider quelle bougie mérite d’être protégée du vent, laquelle doit être oublié dans l’abside.

N'aie pas peur Keshâ, tu es du bon côté de la barrière. Tu n’usurpes pas ces traitements de faveurs. Que tu le saches ou non, l’amitié a cette fois encore une dimension transactionnelle. Le prix de la culture, le prix du passé, le prix de la loyauté et de la beauté. N’est-ce pas tout ce dont on pourrait rêver? Le luxe, l’aventure, plus, peut-être, qui peut le savoir.

La diversion offerte par Maëlstrom en écho à sa question gênante le laissa pantois. On ne pouvait pas dire qu’il était à demi convaincu, mais botter en touche était toujours une manière de couper court à la direction que prenait la conversation. Autant dire que cet élément vint ajouter à la légende que Keshâ commencerait bientôt à construire autour de la figure de Seraphah Von Arendt.

Un sourire simplet répondit à celui plus énigmatique de Seraphah. C’était sa façon de valider leur théorie.

-« J’imagine que les technologies avancées en cosmétique et chirurgie esthétique sont imparables à Epistopoli. Le Grand Sapiarque lui-même n’a-t-il pas dit un jour que la mort était la nouvelle frontière ? » exprima-t-il poliment.
L’interjection de Maëlstrom mit l’accent sur le caractère exceptionnel des événements. Sa survie était déjà en soi hautement improbable le jour du Massacre et même au-delà. Se retrouver dans un hall de gare abandonné à cause de sa voix défiait toutes les probabilités. Une chance que même cette criminelle qui l’avait sermoné ne saurait dénier.

Keshâ était à présent totalement absorbé dans le récit de Seraphah qu’il trouvait fascinant. Il voyait à travers ses mots tous les détails haletant de la scène, ressentait à nouveau le bras protecteur de son père qu’il n’avait jamais laissé de chercher à travers les hommes depuis. Plongé dans les yeux et la gestuelle colorée de Seraphah, il recueillait chaque détail qui pouvait lui réchauffer le cœur. Après tout, cela faisait bien longtemps que sa famille et toute personne ayant connu son père avait quitté ce monde, au moins sa vie. Le sentir aussi réel maintenant, c’était comme rallumer les lumières chez soi après un très long voyage.

-« Je le reconnais bien dans vos mots. Il a toujours été d’une telle bonté. C’est aussi ce qui nous aura perdu. S’il avait préféré fuir en pensant seulement à lui et à sa famille, plutôt qu’à son bataillon et à la défense de l’expédition... Il est resté le même, jusqu’au bout. »

Cette figure tutélaire de bravoure qui avait mené des dizaines d’expéditions avant de périr par l’épée ne pourrait jamais être égalée. Être de sa lignée avait un prix écrasant, celui de ne jamais lui arriver à la cheville.

Tout à coup, Keshâ était intrigué par la mention d’une dette. Même en tant que sauveur et ami, comment un simple citoyen Contadien avait-il gardé pour débiteur un personnage importante d’une haute cité ? Pas n’importe quelle haute cité, ni n’importe quel membre de l’élite visiblement.

-« C’est un plaisir de savoir que mon père vie encore dans le cœur de certains de ses vieux amis. Je ne pensais pas avoir la chance de rencontrer qui que ce soit en lien à notre passé. D’ailleurs, je dois vous corriger sur un point. » annonça-t-il sur une note de mystère tout en reprenant une lampée d’eau pour se rafraîchir le gosier.

« Il se peut que je ne sois pas l’unique descendant de Hani Evangelisto encore en vie. Pour être plus précis, je ne saurais pas vous dire si mon frère aîné Maleek est en vie ou non… nos routes se sont séparées il y a longtemps. » précisa-t-il avec pesanteur.

« Je n’ai aucune idée de ce qu’il est devenu. Mais il est venu ici avec moi, à Epistopoli. Si vous tenez à honorer votre parole envers ma famille, peut-être est-il aussi concerné. Nous avons été porté disparu, car je me suis caché plusieurs jours dans la Brume pour fuir les attaquants de l'expédition de retour au village. Mon frère avait aussi erré de son côté. Et nous avions tout perdu, y compris nos papiers. »

Cette clarification pouvait lui coûter cher. Il n’avait aucune idée de ce que Serapha souhaitait offrir. D’autant qu’il n’avait jamais été en bon terme avec son frangin. Celui-ci le méprisait ouvertement et s’était même transformé en son proxénète avant qu’il ne l’abandonne pour de bon. Peut-être avait-il péri dans une bataille de bar pour les yeux d’une fille, car il était très porté sur la boisson. Peut-être était-il reparti. Peut-être était-il devenu un brigand sans scrupules comme Béliard, ou encore, peut-être avait-il acheté sa citoyenneté avec l’argent des passes de son jeune frère. Keshâ n’en savait rien et il ne voulait rien y entendre.

Ce spectre ainsi invoqué, les yeux de Keshâ se firent aussi changeant que le pléchroïsme d’un cristal de corindon traversé par un orage. Maëlstrom avait l’air de se dérider. On lui voyait tout à coup des phrases plus spontanées et des manières enjôleuses, tandis qu’il se réjouissait pour eux et lui offrait un repas. L’attention touchait vraiment Keshâ qui ne pouvait refuser sa générosité.

-« Merci, Maëlstrom. C’est vraiment très gentil. J’apprécie énormément, surtout quand cela vient du cœur. Vous voudrez peut-être manger un morceau avec moi ?» répondit-il en le regardant avec le plateau.
« Cela te va bien de sourire. Tu devrais le faire plus souvent. » La phrase pouvait paraître un peu étrange, car il ne le connaissait pas, une intuition, disons. Enfin, ce n’était pas plus bizarre que leurs entrechats d’il y a quelques minutes sur la jeunesse de Seraphah. Ce faisant, son visage avait retrouvé un éclat plus lumineux alors qu’il rendait son sourire à Maëlstrom, en admirant ses beaux yeux verts. Il n'avait certainement pas réalisé le glissement vers le tutoiement.

L’élémentaire avait perdu la vedette l’espace d’un instant. Mais Keshâ replongea dans ses yeux miroitant le désert qui n’avaient pas bougé d'un iota.

-« Je ne sais pas de quoi il s’agit, mais j’accepte, Seraphah. J’ai beaucoup de reconnaissance pour vos histoires sur mon père, mais aussi pour votre accueil, alors quoi que cela puisse être, ne vous sentez pas contraint. »
Mer 6 Sep - 1:21



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Keshâ'rem Evangelisto



Peut-on seulement croire que le monde est juste? Peut-on seulement nier que les liaisons qui se créaient de par ce monde ne soit pas l’oeuvre d’attraction qui se devaient d’être mutuelles pour exister? C’est cela la base de l’intérêt. Ceux qui croient en un amour inconditionnel envers et contre tout se trompent lourdement et ne peuvent vivre que déceptions et trépas. Je n’ai jamais été un idéaliste de l’âme humaine. Uniquement un amateur de beauté qui aimait se laisser bercer d’illusions au point d’avoir failli y perdre ma vie. Le souvenir d’Opale, avant ma défunte épouse, me revint à l’esprit et me fit frissonner. Ils avaient su ma faille et l’avaient utiliser pour leur intérêt justement. Est-ce vil de ma part que de ne pas te condamner grâce à la justesse de ta voix? Ne devrais-tu pas reconnaître cette différence qui est tienne et la voir comme un cadeau plutôt que comme un piston? Je ne me suis jamais caché d’être égoïste. Si je ne l’avais pas été, personne n’aurait cherché pour moi d’où je viens...Et rien que cette quête des origines et du sens de cette existence dénotait une forme d’égocentrisme… N’est-ce pas là la clef de voûte de tout un chacun? Je me souviens de toi au-delà de ces appartements. Au-delà de la Haute-Ville, au-delà de ce territoire que je considérais comme mien car porteur d’une illusoire sécurité. De ce moment fugace où tu as pensé à toi, en voulant nous laisser l’espace. Éviter tout conflit. Disparaître pour mieux exister. Mais à quoi cela servait d’exister sans vivre? Et vivre passe inexorablement par ces instants éphémères où la beauté m’est donné à voir et où faute de la laisser simplement disparaître, je tente de la rendre éternelle le temps d’une vie. De la tienne.

À tes paroles concernant mon étonnante jeunesse à ton regard, Maelström partit à rire tout en me regardant. L’ambre de mes yeux se fit quelque peu assassin, ce qui le fit taire immédiatement. Nous ne te prenions pas pour un idiot, mais je ne pouvais pas sciemment te dire ma vérité. Déjà que cet épisode de ma vie en compagnie de ton père était une rareté. Simplement car personne ne me questionnait sur mon passé et quand cela était le cas, je ne pouvais remonter bien loin ce qui rendait la conversation quelque peu stérile sur ce sujet. Toutefois, ce récit sembla te captiver, et pour cause vu que je venais t’introduire un souvenir dont tu ne pouvais avoir conscience. Quand tu pointas la bravoure de ton père et le fait que cela vous a mené à votre perte, je ne pus m’empêcher de déposer une main sur ton épaule avec une légère pression en signe de soutien. Il y avait du vrai dans tes paroles.

À l’annonce de la possible survie de ton frère, mes sourcils marquèrent deux arcs en signe interrogatif. Tu poursuivis et c’est avec attention que je gardais en mémoire tout ce que tu pouvais ainsi m’offrir. Jusqu’à cette précision concernant tes papiers. C’est ainsi que tu semblais réellement heureux que je puisse honorer ma parole, et de mon côté je m’abstins de te partager ce qui me venait spontanément en tête et qui pourrait t’être utile. « Je ne me sens nullement contraint. Je trouve qu’honorer sa parole est une chose importante, tout simplement. Je ne sais pas encore comment je vais faire cela, mais en attendant, vous pouvez séjourner dans une des chambres de l’hôtel. Pas question de vous renvoyer dans les rues, sauf si vous en exprimez la volonté. » Après tout, peut-être vivais-tu avec une personne que tu appréciais…

J’observais ensuite le plateau devant toi et l’envie de partager ce repas avec Maelström. J’eus un sourire sans équivoque, avant de me lever. « Je vous souhaite un très bel appétit. Je vais accompagner votre repas en allant jouer un morceau de musique. » Et ainsi vous laisser un peu d’espace, notamment à toi...Je ne savais pas encore s’il valait mieux que je te dise toute la vérité de notre venue dès ce soir, ou si cela pouvait attendre. Élégamment, je me dirigeais vers l’instrument d’un noir miroir avant de déposer mes doigts sur les notes qui se mirent bien vite à chanter.

Xxx

Étonné. De ta franchise à son égard. Il n’aurait jamais pu imaginer qu’en venant sur cette mission avec le diplomate, il serait tombé sur un être tel que toi. Tout en délicatesse. Comme une fleur dont on craindrait que les pétales ne s’étiolent. Grincement. Il ne pouvait pas croire qu’une fleur ait pu survivre dans ces bas quartiers. Malgré lui, comme le soldat qu’il avait été jadis, il gardait une certaine réserve. Il y avait eu bien trop de désillusions. Bien trop de personnes qui n’étaient pas ce qu’elles prétendaient. Et lui? Sans doute n’était-il pas mieux. La brume qu’il portait savait prendre possession de lui par moment, quand il ne montait plus la garde. Il ne devrait donc pas. S’asseoir à la place de Seraphah et accepter ton invitation à souper. « Tu me donnerais presque l’impression de me draguer. » Son sourire s’élargit quelque peu, avant de détourner son regard de tes prunelles lilas.

C’est là qu’il souleva un premier couvert, découvrant de la viande fumante, ainsi que des légumes et des féculents dont l’assaisonnement venait titiller vos papilles. Il découvrit ensuite un second plat où se trouvait une soupe de couleur verte. Du pain se trouvait aussi là, ainsi qu’une paire de couvert. « Je vais me contenter du pain. J’ai mangé en début de nuit. » Il découpa ainsi un morceau, avant de poursuivre : « Dis-tu toujours tout ce que tu penses? » Tu lui apparaissais pourvu d’une certaine naïveté moulée en franc parler. Mais comme dit précédemment, il avait le flair que tu étais bien plus que fragile.

À un moment, Seraphah brillant dans son art maintint son attention, l'amenant à faire glisser ses yeux de toi à lui. La musique se voulait enveloppante pour ne pas dire hypnotisante pour ceux qui y étaient sensibles. Maelström était particulièrement sensible aux sons....pourtant son art à lui se situait ailleurs. Et naturellement, il ne put que revenir te contempler, remarquant l'ovale de ton visage et en même temps le caractère de ton nez...Les notes s'enveloppaient tandis que son regard fondait dans le tien, ses doigts - silencieux - mémorisant le moindre traits, prêt à le reproduire.


Air joué par Seraphah au piano

Jeu 7 Sep - 6:22



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Séraphah Von Arendt


-« Si cela vous convient, je ne veux pas être capricieux, mais je voudrais rester. »

Il ne pouvait pas revenir à la pension, peut-être jamais s’il ne voulait pas avoir la gorge tranchée. La vie l’amenait de toute manière à changer de lieu assez vite, même s’il pensait plutôt à squatter un de ses hangars secrets le temps que la vapeur retombe. Peut-être alors pourrait-il risquer une incursion pour récupérer ses quelques effets personnels.

La réaction des deux compères le surprit. Qu’avait-il fait sinon proposer de partager un repas tous les trois ? Mais sans doute Seraphah n’avait-il plus d’appétit à cette heure. Seraphah se coulait en de multiples costumes, celui de l’aventurier, celui de l’esthète, de l’entrepreneur et apparemment aussi celui du musicien. Keshâ avait encore du mal à comprendre la succession de tableaux oniriques qu’il vivait ce soir. Ils semblaient plus juxtaposés que découlant réellement du précédent. Entre cette résurgence des souvenirs familiaux, son sanctuaire profané, la perspective d’une vie meilleure et maintenant un repas intimiste au son du piano. Tout ceci était d’un luxe qu’il n’aurait même pas espéré.

Enveloppé par les notes sinueuses, il se laissa bercer, sans réflexion, avec l’innocence de l’instant, aussi improbable puisse-il être. Il était après tout en territoire ami, une sorte de fief de son clan, puisque cet homme, son bienfaiteur, se sentait si proche de son père. Il pouvait baisser la garde.

La remarque de Maëlstrom le mit mal à l’aise. Ses joues s’empourprèrent. Ce n’était pas exactement ce qu’il avait voulu dire, cependant sa manière de parler sous-entendait qu’il n’était pas totalement fermé à l’attirance masculine.

-« Non… mais… »

La proximité chaleureuse de Maëlstrom ne lui facilitait pas les choses quand il cherchait ses mots. « C’est juste que tu m’avais paru très réservé. Mais apparemment pas tant. »

Le portebrume souleva les plateaux, aussitôt des fumets d’odeurs délicieuses envahirent ses narines. Il commença à saliver devant l’explosion de couleurs et de textures finement présentées par un authentique chef cuisinier. Certainement, ces plats seraient les plus succulents de sa vie.

Il commençait à se servir avec enthousiasme quand Maëlstrom le questionna. « Oui, je crois. Les gens diraient que je suis assez silencieux, je n’ai pas souvent de grande conversation. Pourtant, si l’on choisit de parler, autant dire ce que l’on pense vraiment. Tu n’es pas de cet avis ? »

Ce n’était pas tout à fait vrai. S’il se croyait à dominance introvertie et mutique, c’était principalement en raison d’un environnement austère et peu stimulant où la rivalité sans foi ni loi était reine. Puisque ses mastications allaient requérir le gros de son attention et qu’il ne voulait pas s’étouffer ou passer pour un sagouin, il préféra lancer Maëlstrom pour faire la conversation, même si les pauses musicales étaient bienvenues.

-« Alors, comment en êtes vous arrivés à vivre ensemble ? Tu connais Séraphah depuis longtemps ? Et puis, parle-moi un peu de toi, je ne connais rien du tout d’Aramila, mais même si on se moque, ce doit être un pays merveilleux avec tous les temples au milieu de la jungle et des dunes… enfin si! Je connais ces épices. Écorce de cannelle et cardamome, j'en utilise tout le temps en cuisine!  »

Le potage vert était un alliage des plus surprenant, vitaminé et velouté, un mélange de sucré et salé. La viande était onctueuse. Une part de lui ne pouvait pas s’empêcher de se demander s’il existait une contrepartie à tout cela, quelque chose qu’il n’aurait pas saisi.

En train de rire à quelque chose de spirituel que disait Maëlstrom, il leva sa fourchette avec animation, c’est alors que son regard fut attiré par la vision surnaturelle du fabuleux pianiste, auréolé de son insolente chevelure et de ses soieries, dont les doigts dansaient avec frénésie en roulant sur les touches du clavier. L’impression d’être là sans être là l'habitait. Comme s'il glissait dans une autre dimension où l’espace et le temps se dilatent, par la magie vibrante de sa mélodie et de son regard en émulsion avec le sien, au-delà de toute pensée. Une perle d’éternité.

-« Tu écoutes ce que je dis ? » relança Maëlstrom ?

« Pardon, j’ai été distrait. C’est que c’est tellement chouette par chez vous. Tout mériterait une exposition. Tu peux répéter ? … ça me rappelle la fois où j’ai dû sauter tout nu dans un buisson d’orties alors que je faisais ma toilette dans la rivière pour me cacher d’un sanglier-rage ! "

Il s’esclaffa tellement qu’il manqua de s’étouffer. Ses abdominaux et son grand zygomatique lui faisaient mal, ce n’était pas tous les jours qu’il trouvait autant à rire. Le goût du bonheur, c’était peut-être tout simplement cela, rire sans savoir pourquoi.
Ven 8 Sep - 0:34



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Keshâ'rem Evangelisto



Différent. Tu l’étais par bien des aspects. Ton jeune âge. Tes manières malgré le temps passé dans la Basse-Ville. Différent de tous ces autres que Maelström avait l’habitude de croiser dans les quartiers où ils t’avaient trouvé. Sans parler de la couleur de tes cheveux ou de tes yeux. Bien que l’exotisme existait dans les rues d’Epistopoli ce qui ravissait le regard du peintre qu’il était. Il savait comme Seraphah adorait la rareté. Tu l’étais. D’autant plus que désormais tu avais un lien avec son passé. Et s’il y avait une chose qui semblait adoucir l’élémentaire étaient ses souvenirs. Il adorait raconter à qui pouvait l’entendre ses nombreuses aventures. Maelström a été pendant les premières années de leur vie commune, son auditeur privilégié. Il a sincèrement aimé ça. Seraphah ne l’avait jamais obligé à rester auprès de lui. Il en ira pareillement pour toi. De ça, il ne pouvait toutefois te souffler mot. Tu le découvriras par toi-même.

Rougeurs. Il oubliait qu’on projetait souvent sur lui. Qu’on le croyait beaucoup plus réservé qu’il ne l’était. Quelque part, il était comme ça avant. Quand il fallait se tenir à carreaux parmi les Sentinelles. Il avait trouvé cela impressionnant cette force d’âme qu’ils avaient tous quand il a rejoint leur rang. Très vite – pour sa survie – il a endossé un masque d’acier où aucune expression n’avait le droit d’exister. C’est ainsi que ses dessins se firent plus discrets. Il en était même venu à dessiner mentalement avant de s’endormir dans l’immensité de son esprit afin que ses doigts, son poignet, ne perdent en rien ce qu’il avait toujours eu pour lui. Comme un don qui lui serait tombé dessus à la naissance. « Ah ce n’est donc que ça. Dommage. » Autrefois il aurait été moins direct. Il se souvient de la première fois où il avait vu deux sentinelles entre eux. Il avait alors su. Mais l’attirance est une chose volage. Il le sait aussi. Alors bien qu’il te disait les choses telles qu’il les pensait, cela faisait bien longtemps qu’il n’attendait rien d’autrui. Pas les humains en tout cas. Seraphah avait réussi à lui montrer qu’il pouvait être vu au-delà de son physique, de son pouvoir, ou de sa fonction. Mais d’après ses expériences, il restait bien le seul.

« Pourtant la majorité préfèrent se taire face aux inconnus rencontrés il y a quelques heures. » Bien sûr qu’il était en accord avec toi. « J’aime que tu parles franchement... » Il te laisse commencer à manger afin d’aller chercher une bouteille de vin rouge qui se trouvait dans le bar. « Je crois que ce repas mérite un peu de vin aramilan. » Il commença à servir trois verres avec générosité tandis que tu commençais à lancer la conversation. Son regard revint sur Seraphah quand il commença à parler de leur rencontre : « C’était en pleine brume qu’il m’a secouru. On m’avait laissé pour mort. » Son regard se brouilla et le verre de vin tendu vers toi pour que tu t’en saisisses, sembla lui donner contenance pour poursuivre : « Ses talents en médecine firent des merveilles et l’ingénierie d’Epistopoli fit le reste...pour aider à la cicatrisation de mes différentes blessures. » Il se leva, interrompant son discours, afin d’aller offrir son verre à Seraphah qui par un signe de tête – ses mains virevoltant sur le piano – le remercia avec un fin sourire. Celui de Maelström à ce moment-ci était particulièrement vivant. La complicité et l’amour les unissant était indéniable.

Quand il vint te rejoindre, il se posa sur le canapé, attrapant son verre au passage et le levant : « Trinquons à notre rencontre. » Une fois cela fait, il reprit : « Une dizaine d’année maintenant... » Il ne parla pas des Sentinelles, pas maintenant. Avoir été rejeté par les siens avant cela était un tiroir qu’il n’avait pas envie d’ouvrir ce soir. « Ah Aramilla...beaucoup de rumeurs à son sujet. » Son regard pétilla toutefois. Il était indéniable qu’il l’adorait. « Beaucoup parlent d’Aramila sans y avoir mis les pieds...le soleil a beau être de plomb, il permet au moins de voir le ciel contrairement au spectacle que nous avons ici. » Ses yeux se posèrent sur la circulation qui ne semblait jamais cesser au sein d’Epistopoli. « Le Palais du Concile et la Tribune à ses côtés sont, en plus des pyramides, ce qui enjôlent le plus les regards...surtout ceux appauvris des épistotes. » Même s’il avait été laissé pour mort par les Sentinelles qui n’avaient pas cru Seraphah quand il leur avait dit qu’il reviendrait sur pied, Maelström ne gardait aucune rancoeur envers la terre qui l’a vu grandir. « Mais ce qui est le plus marquant est la générosité ambiante...les gens ne sont pas agressifs sans raison vois-tu. » L’entraide. Il y en avait tellement.

Après, tout comme toute ville avec un minimum de prétention, il y avait des hiérarchies à respecter et les jeux de pouvoirs allaient bon train. « Mais...tu cuisines comme ça? » Le regard du porte-brume suivit le tien jusqu’à celui de Seraphah. Hypnotique. Tout autant que la mélodie. « Tu m’écoutes? » Le charme a été rompu. Au même titre que la musique qui se transforma en un nouvel air. Suite à tes excuses, il rit également à tes propos avant que votre discussion ne se poursuive.

Cela dura le temps d’une autre musique au piano. Musique en question Derrière l'enchantement. Voici le nom de la mélodie qui se jouait là...comme pour souligner l'instant magique qu'ils partageaient et qui pourrait à tout instant rejoindre la dureté de la réalité qui les entourait et les enviait.

Xxx

Les dernières notes moururent sous mes doigts, mes cheveux encadrant mon visage tandis que ma tête était légèrement penchée vers les touches. Je vous entendis rire. Je tournais mon attention sur vous et je souris à cette vue. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas organisé de réception et eu l’occasion d’ainsi converser avec bon coeur. Il y avait tellement de drames, d’explosions, de tourmentes qui montaient des rues, que ces moments-là se faisaient rares. Surtout que malgré mes manières que beaucoup jugeraient aériennes, j’étais pas mal préoccupé par une future aventure que Maelström m’avait déconseillé en raison de mon statut. Mais pouvais-je vraiment résister à ce qui pourrait me rapprocher de mes racines...si tant est qu’elles se trouvaient quelques parts sur cette terre, détenue par un homme?

Le verre de vin à la main, après y avoir trempé les lèvres, je vins me déposer sur un fauteuil, vous faisant face : « Je vois que vous avez fait connaissance...J’espère Keshâ’rem qu’il ne t’a pas dévoilé tous mes secrets. » Regard plein de malice avant de regoûter à cet arôme épicé et mate en bouche.

Ven 8 Sep - 3:41



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Séraphah Von Arendt


Le Marquis était très différent de ce tout ce qu’il avait pu imaginer de la haute ville. Insensible. Guerrière. Financiariste. Cependant, cela tenait peut-être plus à la bulle de familiarité et d’élégance que générait Séraphah autour de lui. Il ne se rendait pas compte qu’il était rare, sa gentillesse avait trop souvent été dépeinte comme une crédulité maladive qui aurait tôt fait de l’entraîner par le fond. Ceux qui se voulaient de bons conseils l’invitaient plutôt à se ragaillardir, et à faire monter la testostérone jusqu'à rendre coup pour coup. Tout au plus se voyait-il comme une anomalie.

Et le voilà encore pris au piège de sa propre dépendance aux charmes du corps. Un sourire, un geste séducteur et il se sent transporté avec des papillons dans le ventre. Maudit soit son caractère, que pourrait bien penser ses hôtes alors qu’on lui proposait des choses très sérieuses, comme élucider son passé, construire son avenir et développer de nouvelles qualités, s'il ne pensait toujours à batifoler ? Il s'en voulait, mais il était incorrigiblement sensible aux avances qu'on pouvait lui faire.

Le diable devait conspirer, car ses deux hôtes se voyaient pourvus de traits particulièrement attrayants chacun à leur manière. Dont l’un qui regrettait que sa phrase précédente ne vise pas explicitement à le draguer. Ses yeux se baissèrent dans une timide fuite, pour se soustraire à son regard affûté en train de le dévisage de rmanière assumée. Son inclination était passablement visible. Le fait que la Sentinelle soit un peu esquintée de corps et avec pas mal de bobos à l’âme ne faisait qu’augmenter son pouvoir d’attraction sur le vagabond.

Le repas allait bon train, prenant le temps de savourer chaque bouchée sans en mettre de partout, tandis que Maëlstrom lui fit la surprise de rapporter du vin rouge, élixir rubis au combien marqueur social et de frivolité, auquel il n’avait donc jamais vraiment goûté. Le fait qu’il lui arrive dans un réceptacle cristallin d’une facture et de la main de Maëlstrom venait rajoutait quelque chose à l’expérience, d’autant qu’il s’agissait d’un vin de sa patrie. En le dégustant, il aurait l’impression d’apprendre à un peu mieux le connaître. Ses doigts effleurèrent ceux de Maëlstrom pour attraper la coupe avec précaution. Il n’avait pas manqué ce voile fugitif dans ses yeux.

-« Ah parce qu’il est aussi médecin en plus de diplomate. Décidément, je commence à comprendre ce que l’on évoque quand on parle des sapiarques. C’est à se demander quand ils rencontrent le sommeil.»
Il était rare pour Keshâ de constater de première main un lien si fort et a priori désintéressé unissant deux êtres. Il peinait encore à comprendre la nature de leur relation. De son côté, il donnait assez facilement mais ne recevait jamais ou de manière assez éphémère, au point de se demander si quelque chose clochait chez lui.

Trinquant avec Maëlstrom, il aperçut brièvement leur réflexion dans un grand miroir à dorures derrière le piano de Seraphah et se jugea très dépenaillé pour ce cadre luxueux. Sa première gorgée du liquide capiteux accueillit le récit de Maëlstrom. Dix années. Toute une tranche de vie. Il hocha de la tête en plongeant son regard dans celui de Maëlstrom, songeant seulement qu’il avait de la chance de pouvoir entretenir une aussi vieille amitié.


-« Tu marques un point. Ce n’est pas avec le ciel que se démarque Epistopoli. »


Invité à suivre l’observation des voitures par le portebrume, il semblait prendre pour la première fois conscience du balai incessant des automobilistes recrachant leurs fumées pouacres dans l’atmosphère. Il se rappela alors la pureté virginale des cieux aperçus depuis le pont supérieur de la Rapière. C’était ça respirer.

-«Comme tu le décris, il y a certains côtés qui ont l’air de se rapprocher de l’Isthe. Des voisins attentionnés, des merveilles de pierre. Je ne sais pas si j’aurais l’occasion d’y aller un jour, mais tu vends bien ton affaire. »
Au milieu des anecdotes aléatoires et ensorcelé par la musique, il avait perdu le fil, mais les irirs péridot de Maëlstrom l'arrimèrent de nouveau à sa présence chaleureuse.


-« Oui. Sans doute pas de manière aussi acrobatique que le chef cuisinier de l’hôtel. Mais je me débrouille avec tout ce qu’on peut sauver du marché ou que je peux cueillir pour nourrir les troupes. J’ai toujours aimé préparer des repas. C'est très gratifiant de transformer les ingrédients en mêlant leurs saveurs et leurs couleurs.»


La situation était assez exceptionnelle. Keshâ n’était pas assez crédule pour ne pas le voir. Au-delà de sa normalité, Seraphah et Maëlstrom ne devaient pas recevoir dans leur intimité le premier venu. Il s’étonnait encore d’avoir été péché au milieu de cette gare abandonnée, après des années et des années à répéter son rituel musical solitaire sans événement perturbateur. Il se sentait à présent réchauffé et nourri de viande, de vin et de sourires. Le visage gargotant de sang de Mathieu avait momentanément disparu très loin dans une trappe sans fond.

Seraphah les rejoignait, ce qui signa la fin de ce charmant aparté.

-« Loin s’en faut. J’ai récolté plus de questions que de réponses. J’ai tout de même compris que vous étiez très amis et un excellent médecin en ce qui vous concerne. » Il prit lui aussi une grande lampée de vin, n’étant pas accoutumé à la manière de le déguster avec noblesse.

« Il vous reste tout le loisir de dire ce que vous voudrez. Mais quel sera la suite du programme de ce soir ? J’imagine que tout le monde doit commencer à fatiguer. Je dois vous dire que cet hôtel est fabuleux. Peut-être pas autant que les pyramides de Maëlstrom, mais on s’en approche. »

Il était de son côté vaincu par le moelleux du canapé et les lumières feutrées des appartements, ajoutées à la douceur que ses hôtes lui inspiraient. Après ses chants et un verre de vin, toutes ses émotions commençaient à réclamer leur dû sur son corps laborieux.



Dernière édition par Keshâ'rem Evangelisto le Mar 12 Sep - 3:51, édité 6 fois
Sam 9 Sep - 20:04



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Keshâ'rem Evangelisto



Transe. Quand mes doigts caressaient les touches du piano je n’étais plus là. Je devenais littéralement la musique. Au point qu’aucune miette de votre discussion n’était venu jusqu’à moi. Il n’y avait eu que les regards, les langueurs, ces images de vous liant vos énergies par les mots autant que les yeux. Comme une bulle dont la sérénité et la joie se devait d’être protégée de ce rempart mélodique. C’était rare de recevoir dans mes appartements. Habituellement je me contentais de rencontrer le monde au sein de mon bureau, de l’autre côté du couloir. Est-ce qu’une part de moi avait perçu mon vieil ami, ton père, à travers ce regard délavé qui était le tien? Peut-être. La mémoire faisait parfois faux bon au cours des siècles que je ne pourrais en être totalement certain. Ce qui l’était, c’était que tu allais désormais rester là. Au Marquis. Autant de temps que tu le voudras. Et déjà j’avais quelques idées pour ne pas te laisser partir...Simplement car j’aimais m’entourer de beau et que tu as su me démontrer au-delà de ta voix, d’une délicatesse peu coutumière.

« Je suis heureux que vous apprécie,l’hôtel...étant donné que tu vas pouvoir y habiter. » Je bus une gorgée, avant de lancer un regard à Maelström pour revenir ensuite à toi. « Maelström va vous montrer vos appartements. De mon côté, je vais en effet me retirer car il se fait fort tard. » Pas besoin de préciser que je souhaite continuer à écrire quelques missives en vue de futures expéditions, mais aussi étudier davantage mon prochain séjour à Aramilla. De cela, aucun mot n’est prononcé, et je finis mon verre tandis que Maelström prend la parole à son tour. « Je vais te montrer tout ça de ce pas...J’ai comme l’impression que le vin aura raison de toi sans ça. » Clin d’oeil, avant qu’il ne se redresse, suivit par un même mouvement de mon côté.

Presque solennellement, une fois que tu fus debout, je m’approchais de toi, au point que mon parfum revint te caresser les narines. « J’espère que votre nuit sera douce...Nous avons encore beaucoup à nous dire tous les deux. » Promesse d’un moment futur où je devrais asseoir certaines vérités afin de m’assurer de ta loyauté concernant ces chants dont les paroles ne devaient pas tomber dans n’importe quelle oreille.

Un dernier sourire envers toi puis Maelström, avant de me diriger vers une porte en bois sculptée qui menait dans le reste des appartements.

Xxx

« Tu n’as plus qu’à me suivre. » te glissa-t-il avant de prendre les devants, à l’opposé de là où Seraphah venait de disparaître. Cette porte menait à un couloir dans les teintes assez chaudes. « Là, ce sont mes appartements. » La porte se trouvait en face de cette de l’élémentaire, et il ouvrit une autre porte qui menait à un escalier de pierre. « Tu seras installé juste un étage plus bas. » Maelström ne pouvait s’empêcher de te prêter une belle attention, ne sachant pas à quel point tu tenais encore bien le vin.

Arrivé à l’étage, il sortit un trousseau d’une de ses poches et il inséra une clef. Quand il ouvrit la porte on arrivait sur un salon plus modeste, mais avec d’immenses bibliothèques et une vue imprenable sur Epistopoli...comme sans aucun doute toutes les chambres ou suites de l’hôtel. « Tu peux te servir dans la bibliothèque...ce sont de vrais ouvrages de référence au point que moi comme Seraphah avons tendance à venir en piocher de temps à autres. » Assez étrange dit comme cela, mais cet appartement n’était que rarement loué sur de longues périodes car destiné aux proches des deux compères.

Il te laissa découvrir les lieux un moment avant de faire quelques pas vers une porte qui menait à une salle de bain : « As-tu l’habitude d’utiliser ce type de baignoire? » L’eau devait être apporté dans un genre de récipient qui trônait à côté de la baignoire en question. De nombreux boutons se trouvaient là, prêts à tester tout nouvel arrivant. « Aimerais-tu prendre un bain ce soir? Je peux te faire couler l’eau de façon à ce qu’elle soit chaude. » C’était une idée sommes toute pertinente. Seraphah n’avait pas eu besoin de lui dire en détails comment prendre soin de toi. Te laver afin de te glisser dans des draps propres était une mesure quasi obligatoire, même si rien ne te serait dit en ces termes. Ton parfum n’avait échappé à personne et il était plutôt très agréable.

Une fois cela éludé, il te devança pour te montrer ta chambre. « Et c’est là que tu vas pouvoir te prélasser. » Un beau sourire aux lèvres, il était sincèrement heureux que tu puisses profiter de ce confort. Tu lui rappelais lui quand il était arrivé à Epistopoli...découvrir ces machines, ce bâtiment qui tenait debout on ne savait trop comment l’avait ouvert à de sacrés possibles.

Dim 10 Sep - 5:08



Les chants anciens d'Andoria

Ft. Séraphah Von Arendt


-« Y habiter ? »

L’écho se fit silence après avoir ricoché. Pourtant, le propos était sans équivoque. Si au début de leur échange, Séraphah avait émis l’avis de lui offrir le gîte afin de lui éviter de croiser tous les chats gris qu’abritaient la nuit dans la basse-ville, il parlait maintenant de vivre ici. Il n’allait pas se faire plus idiot qu’il n'était, néanmoins son âme devait avoir gagné à la loterie cosmique. A peine cinq semaines auparavant, Reyes avait fait une entrée fracassante pour révolutionner sa vie de prolétaire. Il venait de le faire grimper de deux marches au-dessus du niveau de l’égout, lui offrant pour abri une chambre de bonne dans quartier sinistre, mais pas trop mal fréquenté, en échange d’une palette de services dont les limites restaient à définir. Et maintenant… maintenant, il ne savait plus trop. On avait dépassé les limites de sa carte mentale de l’arbre des possibles. Le vagabond était monté à bord d'un ballon en direction des étoiles.

Maëlstrom avait raison. Le vin apportait une ivresse bienheureuse. Il n’avait pas vraiment senti venir ce sentiment de rondeur qui ornait ses lèvres d’un sourire paisible. Où était-ce seulement ce plaisir inédit de se sentir pouponné comme un objet précieux ?

-« Je me tiens à votre disposition quand vous voudrez, Seraphah. Bonne nuit à vous aussi. » répondit-il avec la même gravité.  Tout juste s'il ne fit pas une révérence, devant la majesté soyeuse de son hôte. Il avait bien hâte d’en savoir plus sur l’origine et la nature des chants d’Andoria, de même que sur l’éclectique personnage qui était venu le chercher dans la fange. Sa sortie fut portée par la grâce et le mystère entre ces sculptures de bois d’un raffinement irréel.

Keshâ trouvait quelque chose d’apaisant dans le fait de voir les événements se déployer devant lui avec facilité. Tout était pensé et organisé. Il était guidé, par un très beau guide, tout aussi prévenant à la démarche féline. S’il avait pu lire ses pensées, il aurait pu être tenté de feindre un étourdissement ou un rire égaré pour rendre des mesures d’accompagnement un peu plus nécessaires. C'était peut-être mieux ainsi. Un évanouissement de trop et on le prendrait pour un gâteux avant l'âge. Il suivit Maëlstrom dans ce couloir où l’espace ne conjurait pas le sentiment d’intimité, avant de noter l’emplacement des portes de chacun

-« C’est ici que je dois te rejoindre demain matin pour recevoir mes instructions ? » demanda-t-il avec sérieux. Une part de lui ne se voyait pas pleinement comme un invité et il allait de soi que même si on lui disait l’accueillir par plaisir, il devrait se rendre utile d’une manière ou d’une autre. Il ne s'était pas passé un jour à Epistopoli sans que quelqu'un lui aboie des ordres urgents et prenne le contrôle de son emploi du temps.

« Au moins je ne serai pas loin. »  Ils traversèrent une distance qui lui parut conséquente, comparée à l’exiguïté coutumière des classes populaires. La densité des portes n’étaient pas si grande sur les murs. Il marchait dans les pas de Maëlstrom, comme s’il ne savait pas où se mettre. Un instant d’inattention, imaginez bien, et il aurait pu se perdre !

Les appartements qu’on lui réservait… étaient des appartements. Non juste par le nom, mais par leur agencement, il existait plusieurs pièces reliées entre elles, pas juste une petite pièce avec un lit, un coffre et un point d’eau. Si l’espace était plus modeste que celui de Seraphah, savoir qu’il existe des rivières d’or et de diamants, et constater qu’il y en a un pour soi étaient deux choses différentes. Il appréhendait pour la première fois qu’il allait se réveiller en haut d’une tour avec cette vue grandiose.

Allait-il se brûler les ailes à monter trop vite vers les hauteurs ?
« Tu… Tu en as à me recommander ? » esquissa-t-il timidement devant les rayonnages en formant le vœu que certains contiennent des images pour l’aider à faire sens. Ses cours de lectures avançaient, mais Keshâ était toujours d’une prodigieuse lenteur et il se fatiguait rapidement sur de longs passages. Un ouvrage technique serait un défi, mais il devait se trouvait des trésors parmi ces livres en nombre infinis à l’échelle de sa vie. Quel paradoxe quand on y pense, pour un analphabète, vivre dans une bibliothèque. C’est con.

« Bien sûr… que non. » Non il n’avait jamais utilisé des baignoires d’une espèce similaire, ni même de parenté éloignée. Des douches tièdes dos au mur par sécurité était le mieux qu’il avait pu espérer la plus grande partie de sa vie. Par chance, il travaillait depuis un moment avec des automates et des prothèses pour essayer de deviner l’utilisation de cette machinerie délurée.

-« Comment l’eau arrive-t-elle jusqu’ici ? Il y en a une quantité astronomique. »
Mécano ou pas, il ne voyait pas bien à quoi servaient tout ces bidules et ces leviers inutilement compliqués. Sans l’assistance de Maëlstrom, il aurait sans doute contemplé la vue dans l’obscurité du salon, avant de se replier sur lui-même dans le canapé et de tomber endormi.
« C’est une bonne idée. En plus l’eau est déjà là, hein. Par contre, heureusement que tu sais faire, car je n’aurais jamais su par quel bout commencer. »

Il s’assit au bout du lit le dos bien droit, le regard neutre. Un peu comme s’il ne savait plus quoi faire à présent. Dormir paraissait une option trop facile après une soirée aussi incongrue que merveilleuse. Le couvre-lit était pourtant doux comme la peau d’un bébé Poodie et entretissé de fils de soie brillants.

« Ta chambre ressemble à celle-ci ? » demanda-t-il enfin en retirant ses chaussures pour libérer ses pieds endoloris et sa talonnette. Il lui faudrait sans doute deux ou trois jours pour réussir à ne plus être incrédule à tout ce qu’il voyait. « Et toi, qu’est-ce que tu comptes faire demain, quand je serai avec Seraphah ? Tu travailles aussi pour l’hôtel ? »

En filigrane, il se demandait s’il aurait à évoluer dans ce dédale de couloirs inconnus qu’il avait complètement escamoté en empruntant l’ascenseur secret de Seraphah. Il n’aimait pas arpenter un territoire qu’il ne connaissait pas à découvert sans en connaître les issus. Que dirait-il s’il croisait quelqu’un et qu’on lui demandait ce qu’il faisait là ? Il aurait bien voulu que Maëlstrom reste encore un peu dans cette chambre trop grande pour lui le temps qu’il s’habitue. Mais quoi, il n’allait pas lui masser les épaules dans la baignoire et lui lire une histoire avant de s’endormir.