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Mensonges de soie (Asha]

Mensonges de soie (Asha] Brandw10
Lun 29 Avr - 5:04



Mensonges de soie

Asha Pryce



Xandrie, c’est tout un poème.
Les gens y sont âpres comme le climat qui les scie de froid. Acide comme les eaux de leur mer. On y meurt à la pelle. On y naît à l’envie. Curiosités fanées, les édifices ploient sous les poids des gloires ancestrales. Ellendrine s’y attarde. Un jour, peut-être deux. En revenant des montagnes. Le train d’Opale pourra attendre, finalement.

A la place, elle s’imprègne des ruelles infinies faites de caisses empilées, de bric et de broc. A deux pas, un théâtre miteux, autrefois grandiose, où l’on danse où l’on chante, où les soieries se froissent. Le mur attenant jouxte une maison de plaisir où les soupirs s’égarent. Leur mélodie lancinante sert de toile de fond aux effeuilleuses orfèvres.

-« Mon bon Sadik* (ami) Te voilà déjà de retour. » glisse-t-elle dans un murmure en soufflant un rond de fumée à la pipe. Ce qu’elle fume n’est pas très panthéiste mais pas très Mandebrume non plus.

Elle porte un hanfu de couleur vert amande au liseré émeraude parsemé de fleurs de pivoines à peine écloses. Dans cet apparat, elle aussi ressemble à une poupée Xandrienne. Sa coiffe est rehaussée d’un plateau d’où s’échappe un rideau de perles grises, qui lui voilent le visage et dodelinent à chacun de ses mouvements. C’est pourquoi, il est d’usage pour les discrètes donzelles issues de la noblesse de parfaire leur immobilité.

Seul réchappe de ce masque perlé les angles de sa mâchoire et une bouche peinte d’un rouge volupté.

-« Des nouvelles de mon bon ami, Gerald d’Omanie ? »
Un mince sourire. La lumière brille dans l’éclat des perles facettées.
-« Aucune. »
-« Leur as-tu montré le portrait que j’ai dessiné. »
-« Oui. »
-« Et ? »
-« Il va falloir différer la cousinade des Omanides. »
-« Moi qui me faisait une joie de répondre à cette invitation de palais. Peut-être que j’ai raté le contour de son arcade sourcilière. J’ai le trait toujours trop épais à cet endroit. »

Ce n’est pas comme si ce nom d’emprunt avait été une surprise.

Mais puisqu’elle était là, autant s’amuser de la situation. Le jeu du chat et de la souris pouvait s’avérer dangereux, si l’on déterrait les mauvaises personnes. C’est pourquoi, l’Aramilane se fondait dans les standards de beauté locaux.
La suite du plan était très simple. Contacter un membre de la Guilde des espions pour traquer notre furet albinos. S’il n’appartenait pas lui-même à la guilde des espions, elle le trouverait peut-être.

L’archéologue ne soupçonnait guère Gerald d’être membre du XIIIème cercle, compte tenu de son engouement à saboter leur sabotage de Zeppelin. Mais après avoir surmonté l’étrangeté de mettre les pieds au quartier général de la Guilde des Maraudeurs, elle n’avait plus peur d’envoyer Farouk à la Guilde des espions. Il s'agissait de mettre à l’épreuve leurs compétences.

Revêtu à la mode des soldats du nord, Farouk déposa ainsi un avis de mission avec l’aide du scribe de la guilde noire. On voulut connaître un moyen de le contacter. Mais il insista pour attendre en personne dans le couloir jusqu’à ce qu’on vienne le rencontrer. Il guiderait lui-même l’espion jusqu’à sa cliente. Dans une posture méditative, on aurait pu le croire endormi. Le calme absolu de son front et sa respiration imperceptible aurait pu laisser croire qu’il était endormi. Il était néanmoins ouvert à ses cinq sens et bien réveillé.

Lorsque l’agent arriva, il se leva sommairement. Toujours très droit. Sans émotion lisible. Et se mit simplement en marche dans la nuit xandrienne, sans se presser. Il arriva bientôt au bordel qui bordait la salle de spectacle et s’insinua dans les salles d’où s’échappaient les vapeurs d’Yhsem.

Après avoir frappé, il fit coulisser des panneaux de bois laqué et exposa la salle de futons où une courtisane servait du thé sur une table basse. La silhouette masquée de perles et parée de son hanfu vert invita l’espionne à s’agenouiller sur les coussins en face d’elle d’un geste de son éventail.
Mar 7 Mai - 10:29




Ca fait maintenant quelques jours que je profite d’un calme relatif dans mes missions. Après mon entretien avec notre cheffe, appelée la Courtière, mes missions ont pris un nouveau tournant. Non sans me déplaire mais je préférais tout de même avant. Un léger rictus se pointe au coin de mon visage et je me surprends à me dire que je parle comme une vieille comme je pouvais l’entendre de la bouche de collègues beaucoup plus jeune. Ma nature de strigoi n’aidant pas, beaucoup pense que j’avais simplement une dizaine d’années de plus avec une plastique bien entretenue par ma nature de soldat qui maintient son corps tout le long de la journée. C’était malheureusement faux et je pouvais remercier mes gênes d’avoir cette apparence toute à fait délicieuse pour appâter mes proies. Ca aussi, c’était un sujet avec la Courtière, on ne touche pas à ses collègues et ni aux clients, en fait rien qui pourrait nuire aux affaires. Cela va de soit, c’était certain mais ce n’était pas ma façon de faire, mais ce n’est pas le moment de parler de ça.

Kouru, mon loutro et fidèle destrier, me rappelle à l’ordre dans le brossage de sa fourrure. Il y a quelques jours, nous avons dû traverser un marais et encore aujourd’hui, une odeur nauséabonde persiste et je dois trouver la source.
C’est alors que j’entends des pas au loin, je perçois enfin la silhouette d’une jeune femme qui rentre dans l’espace, on va dire ecuries de notre guilde alors qu’il y a rien de ressemblant. On pourrait dire entrepôt, ça serait même plus juste mais au moins j’avais plus d’espace que chez moi pour un nettoyage en règle de Kouru qui s’impatiente.


- Hey Jiya ! Une mission pour toi.

Je tourne instinctivement la tête. Ici, mon nom de code était Jiya, tout simplement. Seule la direction connaissait mon nom comme tout espion qui m’entourait. En vrai, nous vivons tous dans un mensonge permanent, ça montrait la confiance relative qu’on avait mais ça fait des dizaines d’années que c’était comme ça et il était ainsi plus facile de séparer ma vie professionnelle à ma vie personnelle, si on pouvait appeler ça comme ça. Ma vie en dehors de ces murs était insipide au possible.

-  Bonjour Luna, j’espère que tu ne m’envoie pas de nouveau dans un lieu où Kouru ressortira encore plus sale qu’il ne l’ait déjà !  

Kouru pointe le bout de son museau et me pousse pour montrer son désaccord.

- Mais non, ‘t’inquiète.

Mon loutro plissait tout de même les yeux à son affirmation.

- Une mission solo comme tu les aimes cette fois-ci. Recherche de personnes, rien de bien méchant.
- Tu avais dis presque pareil l’autre jour.  
-Mais non, tu verras. D’ailleurs, tu as un type qui t’attends, il ne bouge pas d’un poil, on pourrait presque l’entendre ronfler.
- Encore un riche qui m’envoie chercher des infos sur un bambin perdu…  
- “Crois pas mais je n’ai pas plus de détail. Magne tes fesses
- Oui, oui. Laisse moi ranger mes affaires, j’arrive.  

Luna, dans sa jeunesse vivifiante, retourne à son bureau. Comme précisé, je range le tout, quelques caresses à mon familier avec la promesse de revenir quand quelques heures. Soit le mettre dans une pension ou à la maison. Je ne savais pas grand-chose de cette mission donc autant se préparer à quelques éventualités.

Je pars en direction d’un autre coin de la pièce, récupère mon fouet et l’accroche à ma ceinture, vérifie si j’avais mes quelques poignards, les cachent à divers endroits. Ma tenue était simple et je ressemblais plus à une mercenaire qu’autre chose. C’était un bon point et on ne me cassait jamais les pieds dans la rue.
Un pantalon en toile proche du corps assez solide pour parer à toute escalade mais à la fois souple pour le combat. Idem pour le haut du corps et j’avais le plus souvent les bras nues pour exhiber mes heures d’entraînements et rendre jaloux des centaines d’hommes avec mes muscles apparents. C’était ma fierté et que ça en déplaise à certains. Une cape pour me balader et me tenir chaud dans les ruelles de Xandrie, me voilà parti vers le fameux client.

Je traverse le couloir et arrive au point de rendez-vous. L’homme semblait dormir mais un oeil aguerri pouvait deviner le passé ou présent militaire de cet homme. Ma furtivité de strigoi n’avait pas signalé ma présence mais enfin arrivé près de lui, l’homme se leva et me regarda d’un air impassible. Est-il muet ? Aucune idée mais son invitation silencieuse m’incite à le suivre.

Nous marchons ainsi quelque temps dans les ruelles sombres de la ville. La direction que nous prenons ne m’enchante guère. Le brouhaha et le fond sonore non plus. Le quartier de la dépravation était à portée de main et j’ai l’impression que notre rendez-vous va finir dans un bordel dans ma plus grande joie.
Certe ici, les oreilles baladeuses auront le loisir de ressentir le cri de joie d’un homme et le désespoir ou autres simulacres de femmes. Chacun gagne son gagne-pain comme il le souhaite et la misère n’aide jamais, ni même la faim pour prendre les bons choix…

On s’approche d’un vieux théâtre et malheureusement, on ne s’arrête toujours, c’était le bâtiment suivant que l’homme basané finit par ralentir. Un bordel… je pouvais entendre les prouesses d’un buffle à travers une fenêtre ouverte tout comme la comédie de la femme qui lui donnait la réplique. A en vomir mais je finis par suivre mon guide. Un couloir, puis un dernier panneau de bois coulissé et me voilà devant ma cliente.
Je supposais cliente avec sa tête malheureusement masquée mais la tenue qu’elle portait épousait les formes d’une femme mais moi maintenant, je ne préfère plus m’avancer et tout pouvait être transformé en costume, je préfèrais laisser parler et voilà tout.

Cette salle n’avait rien à voir avec le lieu où du moins, par rapport à l’extérieur. Ces coussins ne demandaient qu’à être empiété tout comme la servante prête à remplir n’importe quelle tasse de son liquide chaud et parfumé.

La femme m’invite à m’assoir avec grâce de son éventail. Il était de bonne manufacture et je pouvais presque deviner le prix en fixant les détails de celui-ci. Ma “ cliente “ avait de l’argent et elle avait un homme de main qui, en regardant de plus près, j’avais le droit à aucun mauvais geste si je ne voulais pas finir étrangler par ses mains robustes. Je pourrai avoir peur dans cette situation mais je ne montrerai aucune trace d’inquiétude, c’était mon quotidien, tout le monde devait prendre des précautions. Ca serait même irresponsable qu’elle me reçoive seule donc profitons de l’hospitalité de la dame masquée aux perles qui entamait une légère musique quand elle pouvait sa tête.

La servante me demande subtilement si je voulais boire quelque chose et je fis un léger signe de tête pour mon approbation. Je pouvais toujours sentir le breuvage, pas forcément le boire mais je ne pense pas que me tuer était au programme.

Je prends alors une position plus confortable sur les coussins, replie mieux les pans de ma cape sur mes épaules pour éviter qu’elle me gêne. L’homme de main pouvait voir que j’étais armée maintenant même si je doute qu’il ne le savait pas déjà.

Ne sachant que faire, je finis par prendre la parole.

- Jiya, pour vous sévir.    

Puis je m’arrêtais là. Je ne connais même pas l’ordre de mission…