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La cour des grands

La cour des grands Brandw10
Mar 13 Fév - 15:54

Tiens toi à carreau

Si tu ne veux pas cueillir les trèfles


Mes talons claquent avant que je ne me retourne pour quitter l’office d’Amalia. Pas de partie d’échec sur plateau cette fois, me voilà cavalier solitaire sur un terrain de jeu beaucoup plus grand. Il me faut trouver tous les pions pour mettre en échec le Roi de cette farce et récupérer notre Reine, rétablir la vérité. Mes pas me guident automatiquement jusqu'à mon bureau, je dois tout rassembler pour savoir par où commencer.
Le dossier entre les mains, je commence à fureter le long des couloirs. Amalia m’a déjà dégrossi le tableau : une cargaison de plusieurs centaines de nascents en provenance d’Opale a transité chez nous avant de disparaître dans l’un des entrepôts de la résistance. Elsbeth s’est dénoncée pour apaiser les tensions, contre-productif puisque son bras-droit est venue pas plus tard que ce matin dans le bureau de la Commissaire pour prévenir d’une possible émeute si leur guide n’est pas libérée. Sans oublier la puissance des nascents disparus … Ils peuvent vite mettre à mal notre pays. Mission un : apaiser les tensions, mission deux : retrouver les nascents, mission trois : arrêter les vrais coupables … Une mise à l’épreuve des plus coriaces pour la jeune Commandante du Guet. Nul doute que certains voudront me voir échouer, je leur prouverai le contraire.

Les yeux rivés sur mes pages, je ne vois pas l’homme arriver en face de moi et nos épaules se bousculent. Je marmonne une vague excuse et la voix qui me répond m’est inconnue. Je me retourne, trop tard, il a disparu. Sur le coup, je ne réalise pas vraiment et je rentre dans mon bureau où tout est parfaitement rangé. J’ai toujours apprécié l’ordre. Je pose le rapport sur la table avant de m’asseoir quelques instants. Amalia souhaite garder ses contacts avec Elsbeth et son bras droit. Je n’ai pas beaucoup de piste à part la révolution à qui m’adresser, et leurs membres sont remontés contre le Guet car nous avons leur cheffe. S’ils comprenaient qu’il s’agit là d’une question de sécurité plutôt que d’arrestation … Je n’ai pas grand chose à me mettre sous la main. Une question me taraude depuis le début de cette affaire : à qui sont destinés les Nascents ? Je ne suis pas certaine que le Magistère ait pour habitude d’en envoyer de telles quantités. Qui ? Et pourquoi ?

En refermant la chemise, je remarque une enveloppe qui n'aurait pas dû être là. “A l'attention de la Commandante Shizo Fà” peut-on y lire. En l'ouvrant, une lettre pliée, le genre de lettre officielle qui ne l'est pourtant pas la moins du monde lorsque j'en découvre le contenu. Comme une aide tombée du ciel, il est question des Nascents. Une date et un lieu de rendez-vous y figurent. Un traquenard ?
Par réflexe j'attrape le médaillon qui pend autour de mon cou, caressant la cruche de la pulpe de mes doigts. J'ai deux jours devant moi avant de me rendre, ou non, à cette rencontre.

***

L'enseigne illumine les pavés humides de la rue, se reflétant dessus. “Le Bambou Royal” est un de ces restaurants réputés et spécialisés. J'hésite encore quelques instants à y entrer, jouant avec mon médaillon. J'ai beau m’être escrimée pendant ces dernières quarante-huit heures, je n'ai pu qu'approcher quelques connaissances d’Elsbeth qui n'avait pas eu grand chose à clamer à part l'innocence de leur amie. J'attends toujours une réponse de nos amis Opalins sur cette affaire et ce qu'ils seraient à même de me révéler. Et me voilà dans le quartier Est de la Juste à parier mon avenir sur l'inconnu. Je déteste ça mais après tout, je n'ai rien à perdre. Du moins je l'espère. J'ai repéré les différentes sorties du restaurant la veille, me préparant au pire. Rangeant mon bijou sous mon kimono - autant éviter de me faire remarquer pour un rendez-vous si officieux en laissant ma tenue de garde au placard - je me dirige directement au comptoir habillé de bois laqué et de décoration dorée, comme indiqué sur les instructions laissées par mon interlocuteur.

°°Bonjour, je souhaite goûter le sushi fourré°° dis-je sans autre forme de politesse. Autant aller droit au but.

Sans un mot il acquiesce et me fait signe du menton de suivre un serveur qui s'approchent de moi. Ma senestre serre subrepticement le couteau à ma hanche. Pas d'arme à feu pour ce soir, seul ma bague ornée de son nascent et mes dagues de lancer. Suffisant pour me trouver une échappatoire, en espérant qu'il n'y en ai pas besoin. L'on m'amène en silence dans une arrière salle, traversant un couloir agrémenté de tableaux où des paysages Xandriens sont peints avec réalisme. Deux femmes m'attendent sagement, me saluant respectueusement. J'écoute de mon oreille mécanique, les sons de la salle de restauration ne me permettent pas d'identifier avec certitudes ce qui m'attend. Ils sont trois visibles mais derrière, encore d'autres personnes semblent présents. Autant de monde pour moi … ma méfiance s'accentue. Je commence à comprendre que mon interlocuteur n'est pas le poivron du coin qui aurait certaines informations à divulguer contre quelques Astras. Non, nous étions plutôt sur une organisation. Un cartel ?
Je ne me fais pas d'illusion en attendant la sentence. Je fais un pas en avant passant sous un détecteur de métaux qui ne manque pas de s'allumer, l'on me stoppe pour me fouiller.

°°Je suis Commandante du Guet, je n'ai pas à subir quelconque palpation.°° m’énervé-je en écartant les mains de la femme.
°°Vous pouvez garder vos armes, nous nous assurons seulement que rien ne puisse compromettre cette rencontre.°° dit-elle de bonne foi.

Parfois il faut savoir mettre son égo de côté, d'autant que je suis de plus en plus intriguée par cet interlocuteur mystère. Je laisse donc la garde du corps vérifier qu'aucun attirail illicite n'entrave mon entrevue avec X. Pas de geste déplacé, tout le monde reste professionnel, je prends mon mal en patience avant qu'on accepte de me conduire, enfin, à la personnalité du moment. Après deux autres portes chacune gardée par deux autres garde du corps, je me retrouve rapidement avec une dizaine d'individus dans les pattes. J'ai sous estimé la personne que je m'apprête à rencontrer, pas étonnant qu'il m'ait laissé mes trois couteaux avec tout ce beau monde.

Une grande porte s'ouvre sur une pièce luxueuse, des fleurs fraîches embaument l'air. À mon arrivée, un joueur de guqin frôle les cordes de son instrument d'où sort une douce mélopée, troublant une nouvelle fois mon audition améliorée. La table, unique, au centre de la pièce, et prête à m’accueillir, deux couverts y sont installés. La lumière des lampions est douce, laissant dans l'ombre mon hôte. Je ne m'attendais pas à un rendez-vous galant …
°°Et à qui ai-je l'honneur ?°° demandé-je, debout face à l'ombre, aussi froide que le pic de la Glace Ardente.
Dim 3 Mar - 13:47

The big league

starring Jane Kaldwin & Shizo Fà

Des nascents en grand nombre. Volés. Et avec ça la moitié d'une unité d'opérateurs tués. L'As de Trèfle avait été furieux d'une telle perte parmi les agents de terrain et demeurait depuis beaucoup plus frileux pour ce qui est d'approuver la moindre opération dangereuse impliquant la guilde. Cela avait même fois failli dégénérer en dispute entre moi et l'As de Trèfle. L'homme n'était pas un militaire de formation, il ne comprenait donc pas qu'en opération, surtout si l'on était un opérateur en mission qui pouvait devenir du combat, des pertes allaient devenir inévitables. Pour ma part, j'estimai que chaque opérateur, surtout pour une telle mission savait qu'il y avait une chance d'y rester. Toutefois, je comprenais la colère de mon collègue. Moi même je n'avais jamais été convaincue que ça valait le coup et j'ai pourtant risqué la vie d'agents expérimentés. Cela faisait partie de ce que j'avais appris en académie d'officiers militaires. S'il y avait du vilain, des pertes il y avait. Il fallait l'accepter.

Néanmoins, je ne voulais pas que mes agents soient morts en mission pour rien. Les nascents volés, il fallait savoir où ils étaient passés et surtout QUI était derrière ce vol. De mes propres yeux, j'avais vu les assassins envoyés pour nous descendre en plein casse et la cargaison disparaître alors qu'elle était censé être sous la garde de ces dégénérés de la Fosse dont nous avions d'ailleurs plus que limité les contacts depuis. En réalité, j'avais même une idée derrière la tête contre ces cons... Mais nous verrions cela plus tard, il fallait s'occuper de ce vol.

Il nous était impossible de nous en occuper nous même. Nous pouvions certes obtenir des informations mais nous devions faire les choses correctement et en cela, la reddition de la cheffe de la Révolution était une aubaine. Nos indics au sein de la bande de rebelles nous avaient informés qu'elle comptait le faire depuis le vol, vol qui s'il fallait le rappeler s'était déroulé dans une ancienne planque servant à l'organisation. En effet c'était troublant... Personne ne savait quoi que ce soit sur le vol en lui même. Je ne voulais pas amener le sujet aux autres guildes du pays, les monétaristes nous en voudraient ne serait-ce que pour la valeur des nascents, la Fosse n'en parlons pas, les autres guildes nous presseraient d'en savoir plus... Sans parler du fait que par les actions de la Révolution elle même, déstabilisaient le pays et ça, c'était mauvais pour les affaires. Il nous fallait néanmoins de l'aide et pour la première fois depuis longtemps, la guilde allait chercher son client. Nous allions faire appel au Guet.

__________

La prise de contact avait été facile. Une simple lettre à remettre par l'intermédiaire d'un de nos indics haut placé dans la chaîne de commandement du Guet et la personne qui allait être au centre de l'affaire était mise au courant. La commandante Fà avait été choisie notamment en raison de son poste, de ses différends avec la commissaire, le fait qu'elle soit sous pression et même qu'elle fasse partie d'une famille importante dans Xandrie, une famille qui avait déjà fait appel à nos services. Nous avions complètement intérêt à le faire et si Fà avait le moindre soupçon d'intelligence, elle comprendrait que nous étions son meilleur allié si elle voulait résoudre son affaire et apaiser les tensions. Le lieu de rendez-vous pour nous voir avait été soigneusement choisi.

__________

Le "Bambou Royal" était le tout premier restaurant dans lequel j'étais venu manger la première fois que j'étais venu en Xandrie. C'était aussi là que j'avais fais connaissance avec ma prédécesseure. Le restaurant était à notre botte, le patron était grassement payé pour fermer les yeux sur ce qui se passait et qui de la guilde venait, se contentant de faire tourner honnêtement sa boutique, même si au moins la moitié des clients qui se trouvaient là aux heures des repas étaient tous de près ou de loin impliqués dans la guilde. Une partie du personnel était des agents sous couverture et dont le boulot était de faire remonter les ragots et autres renseignements de comptoir. Les sushis de cet endroit étaient d'un délice rare malgré sa distance avec la mer et sa proximité avec le lac Xandrie. De plus, j'avais vu un portrait réalisé par le même indic de la belle commandante. Il fallait dire que le joli minois de la jeune femme me donnait envie de la recevoir dans un tel endroit. Tout était à présent en place.

Fà s'était pointé pile à l'heure dite. À peine avait-elle donné le code au patron que je fus prévenue de son arrivée par mon oreillette. Je ressentis mon cœur battre un peu plus comme à chaque fois de l'imminence d'une mission mais aussi sachant que j'allais voir ce portrait pour de vrai. Hmm... Je devais tâcher de ne pas me distraire tout de même... Fà passait les barrages les uns après les autres avant d'arriver dans la salle privatisée. Le chef sushi, un de mes agents sous couverture du restaurant, était déjà à s'affairer derrière le comptoir, adjacent à la petite table qui allait accueillir la policière. Non loin, des notes légères de guqin furent jouées. Le cadre était très accueillant... Ça y est, la voilà.

Elle était aussi attirante que sur le portrait que j'avais vu. Non. En fait, le portrait ne rendait que peu justice à la vraie personne. Je pris bien quelques secondes de plus pour détailler ce visage et ces longs cheveux... avant que je ne me lève de mon siège, visage découvert. Je fis quelques pas avant que mon visage n'apparaisse grâce à la lumière d'un lampion. Bienvenue au Bambou Royal, Commandante Fà. Je vous attendais, je m'appelle Jane. Venez, asseyez-vous. Un sourire qui se voulait un brin charmeur l'accueillit et je vins lui serrer la main non sans laisser une légère caresse sur le dos de sa main. Quelqu'un qui cherche aussi à éteindre le feu qui menace d'embraser Xandrie lui répondis-je à sa question alors que nous prenions place. Je fis signe au chef de nous préparer les premiers sushis alors qu'il disposait des condiments, du gingembre et de la sauce pour nous. Nous étions assises l'une à côté de l'autre.

Nous faisons partie de ces personnes qui ont intérêt à préserver la stabilité et l'ordre au sein de Xandrie. Nous ne faisons pas partie du Guet, ni de la Révolution, ni même du gouvernement du Roi Dynaste. Nous sommes indépendants. Si la commandante était futée, elle comprendrait pour qui je travaillais. Beaucoup viennent nous voir afin de savoir ce qui se passe, même des agents du Guet dis-je à nouveau, avec un sourire plus discret alors que les sushis étaient servis. Sur son visage, je vis aussitôt qu'elle comprit. Mangez ! Dès que le chef a posé le sushi dans votre assiette, il est de votre devoir de le manger immédiatement car il commence déjà à se détériorer. N'hésitez donc surtout pas. J'enfournais d'une traite le sushi avec la tranche de dorade blanche. Voyez vous commandante, nous ne sommes pas sans savoir qu'une cargaison de nascents a... disparu dans la nature et que vous êtes chargée de l'enquête du Guet à ce sujet. Nous savons aussi qu'Elsbeth, actuellement en détention, n'est qu'une diversion, les choses sont plus complexes qu'il n'y paraît. Nous ne savons pas exactement comment les nascents ont été volés mais nous disposons de renseignements de première main à propos du casse. Les miens personnels en l'occurrence. Nous souhaitons apporter notre collaboration à votre enquête, Commandante. Nous sommes ici pour vous aider et en discuter.
Dim 31 Mar - 13:05

Tiens toi à carreau

Si tu ne veux pas cueillir les trèfles


Une femme aux yeux ébène et à la chevelure aussi sombre que la mienne est blanche se présente à moi, un visage lisse, dur, sûrement habitué à diriger et pourtant radoucit par un sourire qui se veut sincère. Dans ce genre de situation, mieux vaut ne pas accorder trop de valeur à la sincérité de ce qui nous entoure. Oui, tout a été pensé pour que je me sente à l’aise, musique, émanation aromatique alléchante, courtoisie … Jane, comme elle se présente, ne tourne pas autour du pot et m’explique la raison de notre entretien. Un bon point pour elle, j’ai en horreur toutes ces fadaises de nobliaux qui sont incapables de vous regarder droit dans les yeux pour vous dire le but de leurs manœuvres. Il est d’ailleurs difficile de la fixer au fond des pupilles alors que nous sommes installées côte à côte pour déguster des sushis. Quelle étrange idée … Ses insinuations sont assez explicites pour que je comprenne à qui je m’adresse, une membre de la guilde des espions. Et je ne pense pas qu’il s’agisse de n’importe quelle collaboratrice du groupe. Je ne dis pas un mot, attendant patiemment que la brune finisse son explication. Je ne touche pas non plus au met qui se présente devant moi, bien que les fragrances sont alléchantes, je préfère écouter en observant mon interlocutrice, me tenant de ce fait de trois-quart sur ma chaise.
°°... Nous souhaitons apporter notre collaboration à votre enquête, Commandante. Nous sommes ici pour vous aider et en discuter.°°

Son visage s’est tourné vers moi et nous nous sondons du regard. Le sien est intense, profond, de quoi déstabiliser ses auditeurs, mais pas moi. Je m’attarde un peu trop sur ses expressions qui, malgré moi, ont quelque chose de … captivant. J’incline le visage d’un signe de compréhension avant de me tourner vers mon assiette. Je prends le temps de déguster le fameux sushi avec quelques manières, je l’admets. Je la fais attendre quelques secondes avant d’admettre une chose.

°°Vous avez raison, c’est excellent.°°

J’ai pensé à l’empoisonnement, mais il y a ici bien plus de personnes nécessaires pour me neutraliser, sans compter qu’il m’a été permis de garder mes armes, ce qui prouve bien que cette femme n’a aucune crainte de moi. C’est presque vexant. Je ne vois donc pas l’utilité d’user de tant de fantaisie pour finir par juste m’intoxiquer. Quoi que, les hommes et les femmes sont parfois dotés d’une perversion morbide, allez savoir ce qu’il peut bien se passer dans leur tête. Là n’est pas mon inquiétude, elle semble avoir besoin de moi autant que je risque, à mon grand désarroi, avoir besoin d’elle. Mais à quel prix ?

°°Je n’ai aucun doute sur la préciosité de votre aide, je pense que vous avez bien plus à m’apprendre que je n’arriverai à découvrir par moi-même. Qu’on se l’accorde, je ne pense pas que vous vouliez m’aider par pure bonté d’âme. Que puis-je vous apporter en retour ?°°

Je vous l’ai dit, je n’aime pas tourner autour du pot, autant mettre les choses au clair dès le début pour partir sur des bases aussi sereines que possibles. Parfois il faut faire des concessions, mais je ne suis pas prête à bafouer mes convictions pour quelques tuyaux, qu’ils soient de la plus hautes importances ou non.
Ven 19 Avr - 19:13

The big league

starring Jane Kaldwin & Shizo Fà

La table était posée. Le tête à tête était installé. Mon chef cuisinier demeura comme une fidèle ombre en retrait. La belle Shizo était comme on me l'avait décrite, forte, intègre, directe... et finalement respectueuse et pragmatique. Quelqu'un d'un peu trop à cheval sur les principes se serait senti insulté par ma proposition mais pas Shizo Fà. Elle savait, elle avait compris au fond d'elle que nous étions son meilleur atout dans le bourbier dans lequel la commissaire l'avait jeté. Elle comprenait très vite. La commandante du Guet était intelligente.

Le sushi suivant arrivait et je le trempai un instant dans la sauce soja puis l'enfournai. Je pris légèrement mon temps, j'appréciai la compagnie de la jeune femme. Vous savez que nous sommes le meilleur atout de votre enquête. Vous n'avez aucun élément. Aucun indice, aucune trace même d'une infime empreinte de doigt ou de cheveu pour vous aiguiller, balancée comme une malpropre par votre supérieure. Vous êtes dans une impasse. Je veux vous faire sortir de cette impasse. Je m'essuyai convenablement les lèvres puis je pris un morceau de gingembre. Je n'aimais guère le goût de cette racine mais qu'importe, c'était les usages de ce pays. Je repris aussitôt le fil.

Afin que nous vous apportions notre appui technique et de renseignement... Nous souhaitons connaître toute l'ampleur exacte des moyens dont vous disposerez, personnel, matériel, finances. Nous voulons savoir exactement qui est impliqué dans l'enquête ainsi que le contenu de vos échanges avec la commissaire voire jusqu'au gouvernement du Roi Dynaste si jamais il s'avère qu'il est dans le coup et il est fort peu probable que quelqu'un dans l'entourage du Roi Dynaste ne soit pas au courant de ce qui s'est passé. Je pris une gorgée de ma boisson et vit le sushi suivant arriver. Bien entendu, nous comptons sur vous et votre illustre famille qui compte parmi nos clients privilégiés pour nous accorder une juste rémunération à la hauteur des moyens que NOUS engagerons alors.

Je saisis délicatement le sushi et de le manger dans un geste élégant et habile. Ça c'était quelque chose que je savais faire... Outre un meilleur renseignement dans le Guet et un contrat que nous espérons lucratif au vu des enjeux et des risques que nous prenons, un contrat sans doute plus onéreux que ce que votre famille a déboursé jusqu'à présent pour nos services, nous vous serons reconnaissants de laisser nos agents collaborer à l'enquête auprès des vôtres, ainsi nous serons aux premières loges. Si cela peut vous rassurer, nous trouverons une couverture adéquate. En effet nous souhaitons être des acteurs de premier plan à l'enquête au vu de ce que nous savons. Je pris le sushi qui arrivait devant moi, du saumon cette fois. Nous vous appuierons dans vos actions car je pense que la force devra être employée en tous les cas. Pour ces actions ouvertes, voire musclées, nous voulons que ça soit le Guet qui soit bien en vue. Non pas par peur mais parce que les gens doivent savoir que le Guet agit et veut protéger les gens. S'ils nous voyaient, imaginez ce que diraient les gens du Guet, contraints de faire appel à nous ouvertement...

Le chef cuisinier s'affaira à repréparer du poisson aussi, il me prévint par signes qu'il ne nous resservirait pas tout de suite. J'espérai en tout cas que Shizo mangeait bien... Comme vous l'avez dit, nous n'agissons pas par bonté d'âme ou par noblesse. Notre organisation doit être pérenne car je pense que nous œuvrons, tout comme vous et certes à notre manière à ce que ce pays tienne debout. Notre aide coûte un certain prix mais notre professionnalisme sera vôtre. La Révolution, les organisations criminelles comme la Fosse, les agitateurs de l'extérieur, des cargaisons de nascents qui disparaissent... mettent à mal ce pays et par conséquent la stabilité nécessaire pour que nous continuons à œuvrer. Nos intérêts convergent donc. Je ne pus cependant m'empêcher de rougir quant à ma pensée, les joues légèrement empourprées... et profitant de la surdité de mon chef cuisinier et de la relative distance de mes gardes, je me penchai légèrement vers elle et à voix assez basse, j'ajoutai, le cœur battant. Je dois aussi l'admettre mais votre compagnie ne me laisse pas indifférente... Seriez vous aussi libre pour un moment entre nous ? Seulement nous deux... et sans gardes j'entends...
Lun 29 Avr - 10:51

Tiens toi à carreau

Si tu ne veux pas cueillir les trèfles


Jane énumère tout ce que je n’ai pas pour l’enquête, tout ce que je ne trouverai pas, et le peu d’appui qu’il me reste. Elle fait erreur sur une chose : si Amalia m’a mise sur l’enquête ce n’est pas par dépit, balancée comme une malpropre comme la femme le dit. Non, c’est parce qu’elle même ne peut s’occuper de ce bourbier et elle me juge digne de résoudre cette vaste arnaque aux tenants et aboutissants bien maigres. Je me rends compte que je suis piquée au vif, cette femme jugeant elle la seule à pouvoir me faire avancer dans cette enquête. Implacable, je l’écoute, elle a raison, elle est ma seule piste. Mais est-elle une piste fiable ?

Elle parle beaucoup, m’en demande davantage, et m’apprend malgré elle que ce n’est pas la première fois qu’elle rend service aux Fà. Malgré elle ? J’en doute, un argument habilement placé pour me convaincre de la confiance que je peux lui accorder. Les Fà, famille de retors beaux parleurs, pour quelle manœuvre ont-ils fait recours à la guilde des espions ? Je ne serais pas étonnée que ma sœur m’en apprenne un peu plus sur cette histoire qui, pour l’heure, restera au placard. Ce n’était pas un réel argument en faveur de celle qui me faisait face. Je suis pourtant intriguée par la suite de son discours, l’ardeur dont elle fait preuve pour assister le Guet et surtout, elle en première loge. Il me semble apercevoir une étincelle de revanche qui me laisse supposer que son organisation est liée, de près ou de loin, à cette histoire de nascents. Convoit-elle les précieux trésors Opalins ?

Mes responsabilités m’obligent à la méfiance, plus encore dans un tel cadre. Je ne peux m’empêcher de remettre en doute chacune de ses paroles et de ses intentions. Comme si elle lisait dans mes pensées la brune m’explicite l’intérêt qu’elle porte à notre pays et je comprends que les nascents sont une menace pour son organisation, coupant un à un les fils que les espions tirent si jamais les précieux objets de pouvoir tombent entre de mauvaises mains. Qu’en serait-il s’ils tombent entre leurs mains ?

Je l’ai écouté jusque là stoïque, laissant les différents sushis s’accumuler dans mon assiette. Je ne peux retenir un haussement de sourcil lorsqu’elle me demande à voix basse une nouvelle rencontre, bien moins formelle que celle-ci. Est-elle sérieuse ? Nous parlons de l’enjeux de notre pays et cette femme pense à … flirter ?

°°Je vais revenir sur les points que vous avez abordé.°° Dis-je comme si je n’ai pas entendu son invitation. °°J’ai les moyens que je jugerai nécessaire d’avoir. Pour le moment j’investigue, j’amasse les informations et … vous le savez, vous êtes visiblement la mieux placée pour m’en apprendre vite et bien sur cette affaire. Je ne doute pas de votre implication dans ce … désordre,°° choisis-je par politesse, essayant de provoquer mon interlocutrice, °°et j’ose espérer que notre Roi et son gouvernement ne sont pas impliqués et que je n’aurais de compte à leur rendre. Bien entendu je vais assigner quelques de mes soldats s’il y a nécessité d’une intervention plus musclée, ce qui vous semble être inévitable. Mais tout dépendra de ce que vous allez m’offrir comme informations. Vous connaîtrez leurs noms, sachez que les membres de notre police ne sont pas choisis au hasard.°° Je pris quelques secondes avant de poursuivre, la noirceur du regard qui me fait face me sondant, je fixe mes pupilles aux siennes. °°Considérez que tout ce que j’apprends sur cette enquête sera dévoilé à la Commissaire par mes propres soins. Quant aux coûts de vos services, il me faut les connaître pour vous les accorder. Il ne s’agit pas là d’un service que ma famille vous demande, mais bien d’une collaboration avec le Guet, qui, comme vous vous doutez, n’a pas des fonds illimités. Étant donné que vous tenez absolument à être en première ligne, les frais liés à cette demande n'engagent que vous. Il me faudra également quelques informations sur vos agents qui partageront le terrain avec les miens, et sur vous. La confiance doit s’accorder dans les deux sens.°° Je pris une gorgée d’alcool dont la chaleur coule le long de ma gorge. °°Quant à un éventuel tête à tête …°° je laisse ma phrase en suspens, décryptant l’expression qu’elle me laisse entrevoir. °°Je pourrais pleinement l’apprécier une fois que cette enquête sera classée.°° Je souris, mon regard la défiant avant de froncer les sourcils, tournant la tête vers la porte par laquelle je suis arrivée.

Je me lève, la main sur mon arme. °°Il semble que quelqu’un de pressé passe vos barrages un à un.°° dis-je alors que ma prothèse auditive ne me trompe pas.