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Avec élégance, tintent les astras.

Avec élégance, tintent les astras. Brandw10
Dim 29 Oct - 12:34



Avec élégance, tintent les astras.

En compagnie de Seraphah Von Arendt


Pour une nuit et pour quelques privilégiés, la Juste rivaliserait avec le faste de sa voisine opalienne. La guilde des Monétaristes ouvrait exceptionnellement les portes de son siège en Xandrie, un bâtiment d’une envergure impressionnante mais qui avait la sagesse de laisser au palais royal l’orgueil de rester le plus haut de la cité. Si son rez-de-chaussée était habituellement accessible au public, il n’en allait pas de même de ses étages et seuls quelques élus connaissaient ses sous-sols. Si ce n’était pas la première fois de son histoire que le siège des Monétaristes se livrait au jeu des mondanités dans ses propres locaux, ces moments restaient assez rares pour devenir exceptionnels et attirer l’attention de la population locale et internationale, pour les élites les mieux renseignées. La guilde n’avait cessé d'accroître sa renommée et son influence au fil des années, ce qui suscitait admiration ou jalousie, suivant les interlocuteurs questionnés.

Certains lui reprochaient ses accointances avec la royauté, d’autres suspectaient un apolitisme seulement motivé par l'appât du gain quand les plus optimistes priaient pour un soubresaut de rébellion, d’autres encore, plus nombreux chaque jour, comprenaient. Ils comprenaient que le monde évoluait plus rapidement que les pouvoirs en place et que le futur serait généreux avec les organisations monétaires. L’argent serait la seule valeur à laquelle tous seraient loyaux. Les plus pauvres comme les plus riches avaient déjà compris une réalité simple et implacable, les rois et les régents passaient et trépassaient, les astras eux, étaient éternels.

Ils tinteraient certainement ce soir, discrètement, élégamment, sans même être présents. Douce ironie, les plus fortunés avaient les poches vides. Cela faisait d’affreux plis, voyez-vous. Sur sa robe, fourreau d’obscurité, aucune couture disgracieuse, la nouvelle maîtresse des lieux ne commettrait pas cet impair. Ce n’était pourtant qu’une novice, un chaton qui entrait dans la cour des grands sous les regards scrutateurs des vieux lions. Si jeune, sans nom, sans lignage, pas même la bâtarde d’une noblesse de seconde classe, non, rien qu’un produit du peuple. Celui qu’ils méprisent, celui qu’ils saignent, celui qui gronde sourdement sous leurs bottes mais qu’ils ne veulent pas entendre. Fallait-il louer son ascension sociale ou mépriser ses origines ? Certains étaient encore indécis alors qu’ils l’observaient déambuler comme si elle avait toujours eu sa place parmi eux.

Drapée d’élégance, la jeune femme adressait un sourire fin à ceux qui croisaient le rubis flamboyant de son regard. Sur ses lèvres parées de carmin, glisse la respectueuse malice de celle qui sait parfaitement qu’ils la dévoreraient au moindre faux pas mais qui s’avance pourtant. Elle ne craint pas de marcher sur leurs plates bandes, en réalité, son menton haut, son dos droit, elle ne semble rien craindre de ces vieux lions. C’était par l’intelligence et la stratégie qu’elle était parvenue à prendre la tête de cette vieille organisation, elle avait déjà croisé ces regards sur le chemin de son ascension. Certains de ceux présents aujourd’hui avaient revu leur jugement, les astras sonnaient entre les mains de Chāyā Lelwani et cela suffisait à nombre d’investisseurs.

Ses talons hauts claquent sur le plancher, un rythme régulier, assuré, métronome des festivités de la soirée. Autour d’elle les invités affluent par petits groupes, ils entrent dans la majestueuse salle circulaire et pour les plus orgueilleux tentent de ne pas afficher trop ostensiblement leur curiosité. Leurs yeux les trahissent pourtant alors qu’ils jettent des regards furtifs vers les lanternes au-dessus d’eux, les étranges appentis de tuiles sur le côté de la salle ou encore ce majestueux chandelier de cristal au centre de la pièce. Pour rejoindre le centre de la pièce, nombreux étaient les invités à emprunter le petit pont surplombant ce qui semblait être un bassin artificiel agrémenté de nénuphars et lotus lumineux.

En réalité, il n’y avait pas d’eau dans ce bassin mais un savant jeu de lumière et de matière donnait cette poétique impression. Le rez-de-chaussé de la guilde des Monétaristes était un hymne à l’art xandrien, passé et présent, futur peut-être aussi. L’art était après tout, un angle d’investissement intéressant, quelle que soit l’époque et quelles que soient les crises.

Si l’eau du bassin était une illusion, celle qui tombait du ciel au-dehors était elle bien réelle. La météo avait été clémente jusqu’ici malgré les nuages lourds qui s’amoncelaient au-dessus de la cité mais les cieux avaient fini par céder. Évidemment, la situation avait été anticipée et des hommes en costumes noirs flanqués du symbole des Monétaristes descendaient et remontaient la volée de marches qui séparaient la rue de l’édifice, de grands parapluies dorés déployés pour sauver les invités des insidieuses gouttes de pluie qui pourraient gâcher leur apparat.
Lun 6 Nov - 23:59



Avec élégance teintent les astras

Ft. Chāyā Lelwani




Il y avait les regards. Il y avait les salutations. Il y avait les serrements de main. Beaucoup se demandaient s’il était présent pour les arts, pour affaire, pour une histoire d’état. Aucun ne le saurait. Il n’avait pas peur d’attirer le regard. Au contraire, cela devenait une arme bien malgré lui. Ils pensaient tout savoir de lui parce-qu’il offrait tout à l’oeil. Mais ses pensées restaient interdites à la majorité. Alors ses actions parlaient pour lui. On le disait partisan du peuple. Il avait toujours mis cela sur le dos de la médecine...Alors même que les scientifiques étaient les premiers à oser braver l’éthique si c’était – soit disant – pour le bien du plus grand nombre. Était-il de cette crampe? Les années filaient telles des fétus de pailles, tant et si bien qu’il n’arrivait pas à répondre à ce genre de questions. Bien trop éphémère à son regard ambré qui se portait sur la décoration qui ravissait ses sens. Contrairement à l’ostensible majorité il ne cachait nullement son admiration.

À ceux s’étant joint à lui, il s’exclamait : « Vous rendez-vous compte messieurs de la beauté de tout cela? » Il n’attendait pas de réponse, son regard semblant épris des merveilles comme l’aurait été un enfant. Tout cela avec une prestance qui amenait admiration. C’était son pouvoir naturel, ce charme doublé de sa chevelure qui attrapait la lumière des mille et une lanternes. L’un des hommes présents vint se présenter à lui. Un amateur d’art avec qui il avait déjà eu à faire. C’est ainsi que d’autres se rapprochèrent, créant à la sortie du pont un attroupement d’environ six personnes autour de l’élémentaire qui leur contait ses dernières trouvailles. C’est ainsi qu’il te tournait le dos. Remarquant dans un premier temps que l’attention de certains membres de son public déclinait, se portant sur autre chose…

Doucement, il se tourna afin de contempler le diamant que tu étais ainsi vêtue. Il n’était pas sans savoir qui tu étais...après tout, n’aviez-vous pas rendez-vous dès le lendemain? Les rumeurs avaient été bon train jusqu’à Epistopoli concernant celle qui était mal née et qui pourtant attirait les astras – et le pouvoir – à elle. De son côté aucun jugement, ni dans sa tête, ni dans le regard qu’il porta sur toi. Un sourire naquit simplement sur ses lèvres, tandis qu’il sentait certains plus grognons à ton approche, ce qui ne les empêcha pas de te saluer avant de filer. Peut-être était-ce car il se savait l’un des plus riches investisseurs de la Guilde des Monétaristes, peut-être simplement car Seraphah restera toujours Seraphah, mais il te salua dans les règles de l’art, inclinant sa tête quand tu fus à son niveau : « Madame Lelwani. » Son regard vint se saisir de tes rubis. « On m’avait vanté votre beauté, je dois bien admettre qu’il ne s’agissait pas que de rumeur. » Bien sûr que tu savais qu’il y en avait plein sur ton dos. Bien sûr qu’il se doutait qu’il y en aurait tout autant sur votre dos. N’étiez-vous pas bien assorti, lui de sa tenue de soie rouge et noire et toi de ses éclats de doré?

« Ce que j’apprécie avec les soirées de la Guilde c’est qu’elles rivalisent de beauté les unes avec les autres...Vous auriez adoré celle d’il y a une dizaine d’années maintenant. » Son regard arpenta à nouveau tout ce qui vous entourait, avant de revenir sur ta personne. « Profitons de la soirée voulez-vous? Nous aurons tôt fait de parler affaire lors de notre rendez-vous privé...J’espère qu’en ce soir vous m’offrirez le privilège de me parler un peu de vous. » Il commença à marcher doucement, saluant d’un regard qui de droit, le reste du temps semblant réellement sous le charme du décors qui est le vôtre. « J’appréciais énormément votre prédécesseur...J’espère que notre relation ira dans le même sens. »

Désormais vous étiez un peu moins central, ce qui l’amena à s’arrêter et se tourner vers toi : « Alors dîtes moi, madame Lelwani, au-delà des responsabilités qui sont les vôtres, qu’appréciez-vous le plus dans votre vie? » Sortir des cadres conventionnels. Une chose que peu savaient de lui, et pourtant c’était l’art qu’il appréciait sans doute le plus, non loin de la musique.


Mer 8 Nov - 22:13



Avec élégance, tintent les astras.

En compagnie de Seraphah Von Arendt


Dans le bleu et l’or, au milieu d’un océan chamarré, encerclée et couvée, la Flamme demeure remarquable. Elle brille, flamboie, dans ses étoffes de soie, elle se reflète dans les regards, danse sur toutes les bouches en rumeurs passionnées. Seraphah Von Arendt est une attraction à lui seul. Une oeuvre d’art à part entière que certains rêveront de posséder, que beaucoup se contenteront d’admirer, à une raisonnable distance. N’est-il pas envoutant de le regarder, ce feu qu’on veut docile, bien éduqué, domestiqué aux valeurs humaines ? Son visage n’est-il pas charmant ? Sa physionomie toute entière n’est-elle pas calculée pour séduire son audience ? Puisqu’après tout, ses traits avaient été dessinés, pensés, pas hérités. Quel beau tableau, de rubis et d’ambre, mais où se trouvait l’artiste ?

L’attention s’égare, parasitée par la présence d’une ombre projetée en pleine lumière. Sa peau paraît plus pâle ainsi drapée de contraste, l’ébène de sa robe tombe parfaitement sur ses courbes, le rouge sang de ses lèvres semble faire écho à la parure de la Flamme qui s’est tournée vers l’Ombre. L'alliage précieux qui constitue les seules décorations de sa tenue semble bien pâle face au faste de l’élémentaire mais peut-être est-ce dans ce contraste que se trouve l’harmonie. Ainsi l’un à côté de l’autre, ils forment un nouveau tableau et il devient évident, qu’innée ou non, la beauté est un art manipulable.

La maîtresse des lieux répond par un sourire modeste au compliment de l’élémentaire, le saluant avec l’élégance travaillée et policée d’un apprentissage rigoureux.

- Comme toujours, vous honorez notre humble établissement de votre radieuse présence, monsieur Von Arendt.

Il était doux, ce feu, presque mielleux, si on se laissait tromper. Pourtant, pourtant.. N’attaquait-il pas alors qu’il rappellait à tous la jeunesse de la nouvelle cheffe des Monétaristes, son absence à la dernière soirée de la guilde, son inexpérience ? Les regards et les oreilles se tournent vers la jeune femme et son sourire imperturbable. N’a-t-elle pas saisi le double sens ? Y avait-il vraiment un sous-entendu dans les mots innocents du diplomate ?

- Je suis enchantée de pouvoir perpétuer une si ravissante tradition.

Dans la continuité de ses prédécesseurs, perpétuer un lignage auquel elle s’affiliait habilement. Quant à la tradition, cela pouvait suivre l’idée d’une suite logique, d’un attachement rassurant au passé pour les investisseurs ou une petite pique subtile à l’âge, très certainement honorable, de l’élémentaire. Dans l’assemblée, on accorde une égalité aux deux protagonistes, sans trop savoir s’ils avaient réellement cherché à gentiment tester l’habileté langagière de l’autre. Lorsqu’ils s’éloignent, au pas lent d’une discussion plus privée, on ne retient qu’une chose, ils forment, effectivement, un beau couple.

Chaya laisse un sourire amusé glisser sur le rubis de ses lèvres lorsque l’homme évoque leur rendez-vous privé et l’opportunité d’en apprendre plus sur elle. Voulait-il si résolument faire courir des rumeurs à leur propos ? Elle laissait les murmures derrière eux, se contentant de répondre à son inquiétude.

- Monsieur Huang vous tient lui aussi en très haute estime, monsieur Von Arendt, soyez assuré que je serais pourchassée dans tout Uhr s’il devait apprendre que notre relation ne vous satisfaisait pas.

Délicates flatteries, humour et modestie, paillettes d’or sur les paupières de Chaya. Avait-elle vraiment des comptes à rendre à son prédécesseur ? Certainement pas mais, la jeune femme était trop maline pour laisser penser qu’elle n’était pas la digne héritière de ce cher monsieur Huang. Elle ne l’avait pas poussé à la porte, il n’était pas mort, pas même malade, seulement vieux et fatigué, il avait placé sa confiance et les rênes de l’empire monétaire à la nouvelle génération et à celle qui était jusqu'alors Trésorière. Une femme. Cela ne faisait pas l’unanimité en Xandrie et des langues venimeuses avaient laissé entendre qu’elle l’avait séduit, amadoué, empoisonné de ses charmes. Mais voilà que les années avaient passé et monsieur Huang n’avait jamais retiré son soutien. Le poison était-il si efficace qu’il ne s’estomperait jamais ? Puis les astras avaient coulé et les vipères s’étaient peu à peu tues, englouties, dépassées par l’indéniable vérité des chiffres.

Seraphah s’arrête, tourne à nouveau son attention sur la jeune femme qui ne frémit pas sous l’iris flamboyante. La caravanière a appris bien avant de faire des courbettes à cerner les gens, à connaître leurs envies même inavouées et inavouables, à anticiper leurs actions et à deviner les réponses désirées aux questions les plus ambiguës. Que désirait cet homme alors qu’il développait sa curiosité tout autour d’elle comme des pans de soie les isolant des regards indiscrets ?

-  Je trouve beaucoup de satisfaction au travers de mon travail, j’ai cette chance.

Puisque c’était loin d’être le cas de tous. Nombreux étaient à Xandrie les hommes et femmes qui ne concevaient leur travail que comme un moyen de subvenir à leurs besoins primaires. Combien étaient-ils en Epistopoli ? Alors que la science courrait vers un avenir qu’elle prétendait radieux, combien d’âmes en peine laissaient-elle dans son sillage ? Combien mourraient de faim aux pieds de leurs automates rutilants ? Combien seraient sacrifiés sur l’autel du progrès ? Combien d’autres, comme elle.

Un frisson gagne sa nuque qu’elle réprime dans un sourire parfait, elle se doute que cette réponse ne satisferait personne. Elle porte un index ingénu sur son menton, semble se prêter plus volontairement au jeu, réfléchit un instant avant que sa main ne s’abaisse et qu’une lueur nouvelle n’illumine la myriade de facettes de ses prunelles rubis. Elle fait un léger pas en avant et la soie murmure des secrets interdits contre sa peau, sa voix se fait plus basse et la malice s’amourache de ses lèvres.

- J’apprécie les étincelles, monsieur Von Arendt.

L’étincelle. N’était-ce pas un mot magnifique ? Une étincelle avait-elle donné naissance à l’élémentaire ? Au sein de ce feu si somptueusement dompté, si sagement contenu par les codes de cette haute société dans laquelle il s’épanouit, dans le cœur de cet homme, face aux yeux grenats de la curieuse, y avait-il encore cette étincelle ? Comme soucieuse de ne pas pénétrer trop longtemps l’espace vital de son interlocuteur, la malicieuse créature se détache, s’éloigne d’un pas sur le côté, déporte l’intensité de son regard sur un autre objet d’art.

- Les étincelles artistiques, par exemple, celles qui vacillent entre folie et génie. Les étincelles inspirées, passionnées, sincères. Il y a une promesse et une forme de danger dans toute étincelle, une incertitude qui éveille nos sens, aiguise nos perceptions.

Ils contournent lentement le majestueux chandelier de cristal, constitué d’une infinité de facettes cristallines cascadant du haut plafond jusqu’au sol. Une folie financière, une aberration sociale, un génie artistique. Les reflets capturés par le cristal se réverbéraient, formant un entrelacs de couleurs volées aux tenues chamarrées des convives qui se baladaient autour de l'œuvre. Quelque part dans cette fontaine extravagante, une touche de rouge et de noir complétaient, de manière éphémère, la création artistique.

- On m’a rapporté la multiplicité de vos occupations, commençait la demoiselle avant de se tourner vers son estimé invité, vous êtes un homme aux nombreuses facettes et votre vie semble très remplie, aussi, permettez-moi de vous retourner la question, parmi vos nombreuses activités, laquelle vous apporte le plus de plaisir ?

Véritables agates de feu, il semblait difficile d’échapper aux prunelles de Chaya, un regard félin, attentif, intense, inextricable.
Sam 25 Nov - 17:41



Avec élégance teintent les astras

Ft. Chāyā Lelwani


Ambiance

Une chorégraphie n’aurait pas pu être mieux orchestrée. Chaque mouvement paraissait calculé. Chaque respiration prise sur un silence tandis que les regards chuchotaient. Des messages si privés que chacun essayait d’en deviner les contours. Il y avait toujours une intensité perceptible à toute nouvelle rencontre. Surtout celle empreinte du pouvoir de l’amour ou de celui des affaires. C’était un battement d’ailes – de coeur – si fébrile, si possiblement meurtrier en fonction des intentions des protagonistes, que pour en ressentir la fraîcheur, il convenait de rester totalement immobile à l’intérieur de soi. C’était ce qu’il faisait. En tout temps ou presque. Parce-qu’il était un feu que l’on croyait sage, alors même qu’il restait sauvage. Loin des projections des hommes, loin de leurs bassesses ou de leur volonté malhabile. Il restait à part de ce monde qu’il avait apprivoisé grâce à beaucoup d’observation et de temps qui paraissait mort pour ceux qui n’étaient point sensible au miroir. À ces reflets quasi régulier qui se percevait dans les yeux de tout un chacun.

Quand tes rubis rencontrèrent ses ambres, il reconnut ta différence. Celle qui se cachait derrière ta conscience. Parce-que celle-ci restait sur ses gardes. Parce-que le félin que tu es se croyait dans une fosse...Étaient-ils réellement des prédateurs? Tous ces êtres qui avaient soif de connaître vos échanges. Tous ces hommes et femmes qui souriaient à vos propos, pensant tout comprendre, alors que tout leur échappait. Il ne leur accordait pas d’attention. Il n’en accordait qu’à toi. Le reste devenait brumeux parce que tu savais refléter la lumière autant qu’il l’attirait. Le lustré de ta robe dévoilait tout de ta superbe et rien de tes penchants. Il les imaginait alors sombres, capricieux et nuancés. Oui, parce-qu’il voulait croire à de la subtilité en toi, sans doute davantage qu’en ton prédécesseur. Malgré ses paroles auxquelles tu répondis avec un masque d’aplomb et de courtoisie propice à la situation, il adorait le changement. C’était ce qui venait faire vibrer son feu, ce qui venait lui rappeler sa nature qui provenait de la brume et y retournerait un jour.

« Vous faites bien plus que perpétuer une ravissante tradition m’est avis. » Sous-entendu mais qui ne semblait pas malin. Au contraire, il considérait que si ton prédécesseur t’avait choisi c’était qu’il voulait offrir un nouvel élan à la Guilde. Tu pris soin de ne pas le lui préciser tandis que tu venais citer, avec un brin d’humour poli, les conséquences qui te tomberaient dessus si jamais tu n’allais pas dans une certaine direction. Seraphah sourit mais se permit d’ajouter : «Libre à vous de me percevoir comme un conservateur...mais sachez que je considère le changement comme une denrée nécessaire pour toute évolution. » Il ne cherchait pas à te rassurer. Tu ne cherchais pas à être rassurée. La vérité était une potion dont il aimait s’abreuver pour toute relation qu’il escomptait de confiance.

« Je suis fort aise que vous aimez votre travail. Monsieur Huang m’avait parlé de vous à de nombreuses reprises. Votre travail précis, assuré et surtout avec une belle maîtrise des perspectives. À l’écouter, j’entendais que personne à part vous ne pouviez prétendre à reprendre sa position. » Même si son verbe était précieux, il n’était pas flatteur comme on pouvait le croire au prime abord. Il connaissait son importance au sein de la Guilde, il savait aussi le poids de cette dernière dans l’économie et ce qu’il pouvait réaliser avec elle. Mais il ne croyait pas qu’en étant simplement habile, les affaires roulaient. Il voulait davantage que du polissage. C’est ainsi qu’il avait amené sa question qui défiait les contingences habituelles.

Ton index se porta ensuite sur ton menton. Tu mimais une femme que tu n’étais pas. Il en était persuadé à cet instant précis, tandis qu’il restait pendu à tes lèvres dans une déférence que beaucoup convoitait. C’est en premier lieu l’intimité qui répondit. Ton parfum qui vola à ses narines, tes soieries qui chantaient une cantine, et ces quelques mots qui vinrent caresser son esprit, tandis que seul un sourire d’intérêt naissait sur ses lèvres. La malice. Elle t’imprégnait tandis que tu t’évadais déjà de son aura mais non point de son esprit. Aimes-tu souffler sur le feu au point de créer une fournaise?

Déjà ton regard se posait partout, ailleurs, loin de lui. Il ne se sentait pas pour autant moins visible – il l’a longtemps été, c’est ce qui lui valait de tant rayonner aujourd’hui – mais brûlant de la suite de cet échange. « L’étincelle est ce qui marque la vie elle-même...qu’elle soit folle ou sage, elle reste éphémère. Tôt ou tard, non pas elle s’éteint, mais elle devient flamme, elle prend forme et doit accepter de mourir pour étinceler à nouveau...Ainsi vous êtes amoureuse de la vie. » En tout cas de l’intensité de cette dernière. Derrière ton parage de soie, de doré et de vermeilles, derrière ce qui semblait tamisé, hurlait une passion qui pouvait- voulait? - tout dévorer?

Il accueillit ton attention quand elle se tourna à nouveau vers lui. Il ne se lassait pas de se laisser capturer par la mer de cerises noires de ton regard quand la lumière reflétée dans le chandelier de cristal ne venait plus s’y refléter avec tant d’hardiesse que lorsqu’ensemble vous le contempliez. « Mon plaisir est dans la diversité...Toutefois – pour vous – je vais en choisir un ce soir. » Sa voix était posée et quelque peu mélodieuse. C’était une voix grave de par son calme, mais avec une douceur qui était non feinte. « Êtes-vous musicienne? Si vous l’êtes, vous comprendrez sans problème le plaisir que j’ai à laisser courir mes doigts sur les touches d’un piano...Il n’y a rien d’autres, ou presque, qui ne parvient à m’extraire de ce monde pour, pourtant, en mettre en lumière toute la beauté. »

Cet amour était né quand il était encore entrain de courir dans les dunes à écouter les nomades s’installer autour du feu – autour de lui – et laisser les chants et les instruments les posséder.

Son regard s’était délié du tien. Il se portait désormais sur l’assemblée qui se mouvait dans ce décors enchanteur. « Ne trouvez-vous pas cela étrange? Tout ce faste tandis que le reste du monde ne peut en profiter? » Son attention ne revint pas sur toi. Ses yeux suivaient les défilés des nouveaux arrivés, les politesses, les sourires pincés. Il était bien difficile de savoir encore une fois s’il faisait preuve de sincérité, d’égarement ou d’artifices.