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L'Outremonde

L'Outremonde Brandw10
Dim 6 Aoû - 17:55
L'ascenseur de la mine tremblote avec ses occupants, ses cordages hurlent comme s'ils s'apprêtaient à lâcher. Remontant lentement à la surface, à son bord, Otto Strauss et ses trois fidèles chefs de chantier. Ils reviennent d'une inspection. Ceci est le premier ascenseur de la mine Valence "Fleur des dunes", située au nord des dunes d'Oman, dont la construction n'a démarré que depuis un mois maintenant.

C'est un chantier très excitant, rempli de rebondissements. Le site est riche en de multiples minerais, des sommes énormes ont été investies ici : mais imagine ! Du myste, du fer, du charbon, cet endroit est tout simplement magique, un paradis souterrain qui attire les gros nombres, les astras par millions. Otto a eu du flair, il a trouvé cet endroit quasiment seul ; il est comme ça, Otto, il te trouve des gisements monstrueusement bons en utilisant sa simple intuition. Otto c'est un clébard dont le pif est taillé pour creuser la roche.

Sur le visage d'Otto, un sourire niais qui ne semble jamais disparaître, peu importe qu'il soit blanc comme un cadavre ou noir de suie. Il a l'esprit vagabondant ailleurs durant l'ascension, et son cerveau, une boule d'asticots, construit quelques douces pensées à l'attention de Maman, à l'attention de la Brume. Celle-ci est omniprésente dans ces profondeurs. Crois-tu que c'est normal ? Oui, évidemment que ça l'est. Qui dit Myste dit Brume !

- Wow. Putain. Putain. Wow.

Rocky, l'un des chefs de chantier qui accompagnait monsieur Strauss dans son inspection. Cette inspection a révélé quelques... surprises, qui laissent les trois acolytes d'Otto pantois. Terrorisé par l'étrange spectacle auquel il vient d'assister, les dents de Rocky claquent encore. Il ne sait pas s'il a halluciné ce qu'il a vu ? Peut-être que le boss pourra lui confirmer qu'il n'est pas en train de sombrer dans la folie ?

- C'était quoi ça ? Putain de merde ! Boss, qu'est-ce qu'on vient de voir ?

Monsieur Strauss répond d'abord par un petit ricanement. Ensuite, il tente de rassurer son subordonné :

- Des squelettes d'animaux qui se baladaient dans les cavernes, comme s'ils avaient oublié qu'ils étaient morts depuis des siècles ! C'est ce qu'on appelle un Miracle, mes amis. La Brume, comme souvent, nous a gâtés.

Les chefs de chantier regardent leur patron avec de grands yeux exorbités, incrédules, tandis qu'il décrit les horreurs auxquelles ils viennent d'assister, tout en bas. Monsieur Strauss, il est comme ça, il prend tout à la légère, rien ne l'atteint. Quand il en cause, il te transforme des atrocités sorcières en contes de fée.

Ces animaux sont des pantins animés par une force occulte. Une seconde vie offerte par la Brume, qui se montre, comme à son habitude, bien généreuse.

Rien de choquant pour Otto : le Cycle de la Vie se permet parfois quelques détours, quelques pirouettes !

- Je suis impatient de montrer ça aux collègues du Magistère. Ils vont trouver ça merveilleux ! s'enthoutiasme Otto, tandis que la lourde porte de l'ascenseur s'ouvre dans un vacarme assourdissant.

Monsieur Strauss, il aime la compagnie des savants, des érudits. Ils viennent régulièrement sur ses chantiers des dunes d'Oman, c'est parce qu'ils aiment enquêter sur les phénomènes anormaux amenés inévitablement par la proximité de la Brume. Le bon Otto adore fréquenter des savants, même si son esprit simple digère rarement tout ce qu'ils racontent et tout ce qu'ils magouillent.

Les ouvriers, rassemblés à l'entrée de la mine, attendaient le retour des chefs. Eux, ils sont horrifiés, ils étaient aux premières loges lorsque ces bestioles ont commencé à émerger de la terre et à se mouvoir autour d'eux dans une sorte de ballet morbide. Quel sera le verdict du boss ?

- Fermeture temporaire du chantier ! déclare le boss, toujours grand sourire. Nous estimons que vous ne pourrez pas travailler efficacement et en sécurité dans ces conditions... "exotiques".

Je contacte tout de suite Opale pour qu'ils nous envoient quelques experts !

Les hommes sont soulagés car ils n'auront pas à affronter davantage les créatures qui se terrent dans les profondeurs, mais en même temps ils sont dévastés. Fermeture du chantier rime avec paie amputée. Les mineurs xandriens qui travaillent dans les mines de myste du magnat Hector Valence sont là pour une bonne raison : le fric. Ici, dans les dunes d'Oman, ils savent qu'ils empocheront le triple, voire le quadruple que ce qu'un autre exploitant leur proposerait dans les régions minières de Xandrie.

La contrepartie, c'est le risque. C'est la Brume. C'est les profondeurs. C'est les conditions de travail étranges imposées par Otto Strauss, le bras droit de Valence. Les ouvriers embauchés par la compagnie Valence sont, tu le comprendras, ceux qui ont besoin de rembourser des dettes urgemment, ceux qui ont une famille trop nombreuse à nourrir, ou encore ceux qui ont besoin de se faire un gros billet très vite pour se carapater loin de Xandrie et recommencer leur vie...

Tu le comprendras, les mineurs sous les ordres d'Otto Strauss sont les désespérés.

Quand un truc vraiment bizarre arrive et que le Magistère s'en mêle, c'est chômage technique sur plusieurs jours. Le désespoir se lit sur leurs yeux vitreux.

- Je m'arrangerai avec monsieur Valence pour maintenir votre salaire encore quelques jours, ne vous en faites pas ! Nous aménagerons le campement provisoire qui vous servira de zone de vie, nous y ajouterons la cantine et quelques lits. Restez bien dans le coin, frais et dispo, mes petites fourmis ! Car quand le travail reprendra, vous devrez mettre les bouchées doubles !

Strauss qui confond ses ouvriers avec des fourmis, c'est routinier. Il est comme ça, il prend tout à la légère, rien ne l'atteint. Il vole au-dessus de la détresse de ces pauvres gens, leur misère lui est étrangère, il cultive des émotions sans en saisir les racines. Strauss, toi le grand patron, dévoreur de roche, gourmet du compost....

... es-tu vraiment humain, déjà ?

*** Trois jours plus tard... ***

Tout est prêt. Aujourd'hui, on accueille les experts du Magistère. Ils pourront installer leur base et leur matériel dans de grandes tentes dressées pour eux. On sait pas exactement combien de temps ils auront besoin de rester, mais tout est prêt.

On sait pas exactement combien de temps ils auront besoin de rester, mais ce sera à leur guise ! Ils dormiront dans le même secteur que la direction, dans de belles petites cabanes dédiées qui avaient été construites au début du chantier. Celles-ci accueillent le réfectoire de la direction et leurs logements, équipées pour assurer un maximum de confort aux cadres permanents qui supervisent le chantier puis géreront la mine lorsqu'elle sera prête pour l'exploitation.

La compagnie Valence traite bien ses cadres ! Et elle a le bon goût de toujours prévoir un surplus de logements, afin de ne pas être pris au dépourvu lorsque le Magistère doit intervenir. Leurs visites sont routinières dans les mines de myste, qui regorgent d'anomalies passionnantes.

Les mineurs, quant à eux, ont leur dortoir situés sous de larges tentes, ils y logent et vivent entassés par paquets de 50 et y occupent comme ils peuvent leur temps libre. Pendant que le Magistère travaillera, les ouvriers en auront énormément, du temps libre. En espérant qu'ils n'en profitent pas pour se syndiquer !

Otto fait les cent pas devant le poste de garde, sur la route en terre à l'entrée du chantier. Accompagné par ses subordonnés de la direction, il fait preuve d'une impatience explosive.

- Ils arrivent bientôt, Rocky ?
- Je sais pas, boss. Ils ont dit 10h du matin. Il est presque 10h du matin.
- Oh, je ne peux plus attendre ! J'espère qu'ils ne sont pas perdus ! Pourquoi n'arrivent-ils pas ?
- Je sais pas, boss. Je pense pas qu'ils se soient perdus. Ils vont peut-être avoir un petit peu de retard, voilà tout.
- Je suis impatient de voir leurs voitures arriver à l'horizon, Rocky.
- J'ai bien compris, ça, boss.
- Vraiment, vraiment impatient.
- Très bien, boss.
- Rocky ! Ils arrivent !
- On dirait, ouais, boss.
- Pile à l'heure ! Ils arrivent pile à l'heure ! Merveilleux !


Oui, on les aperçoit, à l'horizon. Ces grands véhicules noirs de marques opalines, fleurons du Magistère. Monsieur Strauss se tient le long de la route, large sourire fiché sur la face. Il frétille d'excitation, tout comme les vers qui dansent dans son ventre.