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Un autostoppeur ne devrait pas s'arrêter | Pamyfja & Lillie

Un autostoppeur ne devrait pas s'arrêter | Pamyfja & Lillie Brandw10
Ven 26 Mai - 19:24
Elle marchait le long d'une petite route qui allait vaguement dans la direction du nord, en direction de Xandrie. En vérité, elle gambadait plus qu'elle ne marchait. Elle sautillait, zigzaguait entre des obstacles invisibles et dévalait avec envie les pentes douces. Pamyfja semblait aux anges et, d'un seul coup, elle explosa… de joie bien sûr.

-Oh je ne peux plus me retenir, s'écria-t-elle. Il y a tant de choses à découvrir en dehors de la ville, c'est tout simplement merveilleux ! Ces courbes dans l'horizon, ces paysages, toute cette végétation folle et libre, cette route tout à fait banale, ce… CE LÉPORIDÉ ADORABLE !

Ou lapin, entre autres mots. L'automate couru après l'animal terrifié et perdit de peu cette course improvisée qui se termina dans un terrier, ou plutôt, selon l'imagination de la bête à longues oreilles, dans un bunker hautement sécurisé. Heureuse de cette rencontre tout à fait fortuite, elle reprit son voyage sans destination en guettant les coins sombres d'un œil avide ; un autre compagnon de jeu pourrait très bien s'y cacher.

- - -

Une camionnette vrombissait et progressait sur les graviers à une vitesse raisonnable. Le conducteur, un barbu qui mettait beaucoup d'ouvrage pour avoir l'air quelconque, plissait les yeux alors qu'une forme se détachait au loin. Une sueur froide lui courut le long du dos alors qu'il imaginait le pire. Après quelques secondes d'attente insoutenable, il remarqua que c'était une jeune femme qui se tenait ni plus ni moins au beau milieu de la route, le poing serré en sa direction et le pouce en l'air. Une autostoppeuse ? Ici ? N'ayant le choix qu'entre s'arrêter et la percuter, il choisit la première option. La jeune femme se glissa jusqu'à sa fenêtre avec un air ravi. Le bonhomme cru d'abord qu'il allait devoir baisser les yeux pour la voir, comme il en avait l'habitude avec n'importe qui d'autre, mais non, elle était là, juste en face de lui, à hauteur d'yeux.

-Bonjour ! S'exclama-t-elle avec une joie capable de saper toute énergie à d'autres.

-Salut ma petite… grande dame. Dites-moi, c'est plutôt agressif comme manière de faire du stop, vous trouvez pas ?

-Oh ?

-Et bien oui, d'habitude, on reste sur le bas-côté. Au cas où l'on ne voudrait pas vous prendre, vous comprenez.

L'expression de Pamyfja dégringola et se renversa entièrement, passant du bonheur, à la détresse.

-Je suis profondément désolée, s'excusa-t-elle, toute penaude. Vous… vous ne voulez pas me prendre alors ?

Il se gratta la nuque et grimaça.

-Ça dépend où vous allez bien sûr, mais je peux toujours vous déposer dans le premier patelin qui passe.

-Merci beaucoup !

-Et donc, vous allez où comme ça ?

-Vers le nord.

-Ah. Je me demande pourquoi j'ai posé cette question. Écoutez, à l'arrière j'ai déjà une passagère et une cargaison. Si vous n'embêtez pas la première et que vous ne touchez pas la dernière, alors on fera un petit bout de chemin ensemble, d'accord ?

-C'est promis ! Je vous remercie monsieur le contrebandier, vous avez un grand cœur.

-Oh, et bien c'est gentil de le dire. Euh attend quoi ?

Elle s'était déjà rendu à l'arrière du véhicule.

- - -

La porte arrière s'ouvrit brutalement et donnait sur rien. Rien dans le sens où il n'y avait rien sur la route qui aurait pu ouvrir cette porte. Puis d'un seul coup, une tête souriante apparut.

-Bonjour ! fit-elle, toujours avec le même entrain.

La jeune femme ensuite ne se fit pas prier et se glissa à l'intérieur. Un poids considérable s'ajouta à l'arrière du camion et les suspensions des pneus protestèrent un instant avant de retrouver leur équilibre. Elle prit place sur la banquette, celle qui se trouvait en face de l'autre personne qui allait devoir la supporter durant une période encore indéterminée et y déposa aussi son sac qui émit un bruit de ferraille atroce à l'atterrissage.

-J'espère que je ne vous dérange pas. Voyez-vous, j'ai toujours rêvé de faire du stop et je n'ai pas pu m'en empêcher lorsque que j'ai entendu un véhicule approcher.

En dépit du désarroi du conducteur, le véhicule redémarra et reprit sa route vers ce nord fantastique et merveilleux où tout le monde se rend. Trois personnes, en gros.

-C'est une journée merveilleuse pour arpenter les petites routes, pas vrai ? Loin des péages, des douanes et des autorités. À l'abri de tous les regards indiscrets et au contact d'une nature foisonnante capable de nous dissimuler en cas de "pépin". Je vous en prie, appelez-moi Pamyfja.

Subtilité d'automate ou provocation délibérée ? Difficile à dire…
Mar 30 Mai - 10:11
Lillie n'avait jamais vraiment aimé voyager. Ou plutôt, elle n'avait jamais aimé voyager autrement qu'à pied. Sans doute son corps avait-il gardé les souvenirs de son exil à Xandrie, quand elle avait forcé ses pieds d'enfant à battre les plaines opaliennes jusqu'à sa terre d'accueil. Ou sans doute ne supportait-elle tout simplement pas les soubresauts irrégulier causés par une bonne partie des modes de transport motorisés. Ses responsabilités grandissantes au sein de la Révolution s'accompagnaient pourtant de déplacements à l'étranger quasi obligatoires. Elsbeth avait entamé les discussions avec Epistopoli, c'était désormais à Lillie d'en assurer le suivi.

Elle n'était pas diplomate pour un astra, n'avait pas réellement été formée aux courbettes et, si elle savait faire illusion le temps d'une réunion, la situation à Epistopoli ne la révoltait pas moins que celle de Xandrie. Mais la fougue de la jeunesse avait laissé place à une Lillie plus réfléchie, moins bouillonnante. Uhr ne s'était pas fait en un jour. La Révolution, elle aussi, prendrait son temps. Xandrie avait besoin d'Epistopoli pour allumer la mèche avant que le feu ne se répande hors de ses frontières.

Ce voyage-ci n'avait rien apporté de plus à Lillie : ni certitudes, ni questions. Ce n'était qu'une minuscule pierre ajoutée au sommet du cairn d'un combat de longue haleine. Elle avait regagné les portes d'Epistopoli où l'attendait son contact : un marchand peu regardant sur l'origine ou la destination de ses marchandises qui lui avait plusieurs fois permis d'effectuer le trajet depuis et vers Xandrie moyennant une petite somme d'astras. À l'arrière de la camionnette bringuebalante, Lillie avait repris ses traits d'enfant, évitant à son corps de grand escogriffe de trop souffrir du caractère exigu de la cabine.

Elle fut pris d'une légère angoisse en sentant le véhicule s'arrêter. Un contrôle ? De qui ? Pourquoi ? Il lui fallait trouver une histoire crédible au plus vite. Elle n'entendait que le son de voix distantes sans distinguer le moindre mot précis. Elle posa la main sur son revolver, dissimulé derrière une caisse de marchandises. Quand la porte s'ouvrit, elle s'étonna de voir apparaître le visage presque trop parfait de la jeune femme qui monta à bord. Elle relâcha son emprise sur la crosse de son pistolet et adressa un hochement de tête méfiant à l'encontre de la nouvelle venue. Elle pouvait jouir de ses traits d'enfant pour ne pas susciter un intérêt trop important.

- Ce... Ce n'est pas très confortable, le stop. Surtout sur ces routes défoncées. Si j'avais pu, j'aurais marché.

Elle ne pouvait pas encore déterminer avec précision la nature de sa voisine. Quelque chose la dérangeait sans qu'elle ne puisse mettre le doigt dessus. Sans doute un brin d'uncanney valley qui taisait son nom. À la dernière phrase prononcée par la votageuse, Lillie se raidit de nouveau.

- D'accord, Pamyfja. Tu peux m’appeler Elle. Tu... Vas à Xandrie, toi aussi ? Pour quoi faire ? On quitte rarement la glorieuse Epistopoli pour la pauvre Juste. Moi je n'ai pas le choix, j'aide simplement Albert à faire ses livraisons.

Elle se voulut convaincante, adressant un signe de menton vers l'avant de la camionnette. Si Pamyfja était plus qu'une simple voyageuse – comme elle le craignait – mieux valait ne rien lui révéler de trop important pour le moment.


Dernière édition par Lillie Moynihan le Lun 5 Juin - 7:00, édité 1 fois
Mer 31 Mai - 22:33
L'imagination de l'automate était fertile, trop peut-être. Dans son esprit, elle se trouvait actuellement dans le cœur d'un film noir au goût de tabac et au temps pluvieux. À l'avenir, ne laissez pas trainer vos automates devant la télé, cela ne se termine jamais comme on le voudrait.

  Apparemment, l'on n'était pas de son avis sur les trajets en voiture. D'ailleurs, le chahut de l'engin confirmait parfaitement ces propos. L'automate n'avait jamais aussi vite changé d'opinion de toute sa vie.

  Pamyfja écoutait la jeune femme aux traits juvéniles avec attention. "Elle", certainement un pseudonyme à la fois respecté et craint dans le milieu. Milieu qui, pour l'instant, lui échappait totalement, mais qui paraissait cependant délicieusement illicite. L'automate se sentit bête d'avoir donné son nom immédiatement. Peut-être aurait-elle pu se faire appeler Fauchon Ivre, Ferraille Dansante, ou encore, Pelle Affamée pour devenir, elle aussi, une figure à la fois crainte et respectée dans l'infiniment obscure Milieu.

  -Oh, vous savez… Elle, dit-elle sur un ton de conspirateur pas du tout exagéré, je vais là où le vent me porte. Je suis un esprit qui ne porte plus chaînes, un "électron libre", comme on dit dans le Milieu.

  En réalité, elle n'avait aucune idée de sa prochaine direction. Au départ, sa priorité avait été : loin d'Espitopoli. Le hasard l'avait porté vers le nord, et maintenant, le nord restait mathématiquement parlant l'endroit le plus éloigné de la ville. Xandrie devenait donc une destination toute trouvée, or, même si cela devenait l'évidence, était-ce véritablement une bonne idée ? Pamyfja connaissait les humains, du moins, une très vilaine facette de ceux-ci, et elle pouvait très bien retomber en enfer si elle cherchait l'exile dans un lieu peuplé. Encore une fois, ce n'était qu'une histoire de statistique.

  -Sacré Albert, il a de la chance de vous avoir pour ce coup.

  Mine de rien, son ton avait grandement changé. Toute contente au début, et maintenant, elle essayait de prendre la voix la plus grave qu'elle pouvait tout en imitant un accent qui n'avait jamais existé sur toute la surface d'Uhr. Tout ça n'avait rien de naturel, loin de là. Ai-je déjà mentionné le fait qu'elle essayait de se faire passer pour une organique ?

  -Vous appelez Epistopoli glorieuse, mais tout ce que j'y vois, ce n'est qu'un tas d'hypocrites assoiffés de pouvoirs marchant sur les rêves brisés de filles comme nous.

  Elle secoua la tête avec lenteur alors que les muscles de son visage donnaient tout ce qu'ils avaient pour lui donner une mâchoire plus carré.

  -La colère… La violence… La voix du peuple finira par devenir un raz de marée qui lavera cette ville de tous ses péchés.

  Pour donner un peu plus d'effet à ses propos, elle croisa les jambes, révélant au passage une jambe dépourvue de pied venant de sous sa cape de voyage, et s'accouda à la banquette tout en posant son regard sur le minuscule hublot tellement crasseux qu'il aurait très bien pu ne pas être là.
Lun 5 Juin - 6:59
La route entre Epistopoli et Xandrie était dans un état correct aux abords de la première cité, qui s'employait à déployer sa supposée magnificence dans tous les domaines le plus loin possible de son épicentre. Cela dit, les astras voyageaient parfois moins vite que les Hommes et plus on se rapprochait de Xandrie, plus l'absence totale d'entretien du réseau routier se faisait ressentir. Albert était désormais obligé de faire des grands écarts pour éviter les nids de poule qui jalonnaient la route, obligeant les corps de ses deux passagères à se heurter contre les parois du véhicule et contre les caisses de marchandises que ce dernier transportait.

L'étrange sentiment qui habitait Lillie ne se dissipa pas avec le temps. Au contraire, ses quelques échanges avec Pamyfja le renforcèrent. Qu'est-ce qui n'allait pas avec cette jeune fille ? Comment pouvait-elle passer de ce ton léger, presque moqueur, à cette étrange fureur en évoquant Epistopoli ? La dernière phrase résonna comme la drôle de prophétie d'une oracle qui s'ignore. L'espace d'un instant, la Générale de la Révolution se demanda si son interlocutrice n'était pas en train de tester ses réactions, évoquant avec ces mots à peine voilés ce qui se tramait à Xandrie. La voix du peuple, hein...

Soudain, à la vision de cette jambe qui disait tout de sa véritable nature, Lillie put enfin mettre le doigt sur cet étrange sentiment qui l'habitait depuis l'arrivée de la jeune fille. Une automate ! Lillie ne put s'empêcher d'ouvrir des yeux ronds. Non seulement les automates ne couraient pas les rues à Xandrie, mais même parmi ceux qu'elle avait croisé à Epistopoli, celle-ci faisait figure d'exception. Elle était parfaitement humaine, semblait habitée des mêmes doutes, des mêmes rages, semblait promise aux mêmes enfers que ses semblables organiques. Et puis, elle n'était sans doute pour elle pas moins humaine que Lillie. Les filles comme nous...

- Je l'espère, Pamyfja. Dit Lillie pour rompre le silence. Je l'espère à Epistopoli, à Xandrie, et partout où des filles comme toi et moi se sentent brisées. Il est souvent plus facile de croire que la violence du monde lui est inhérent. Ça permet de se dédouaner, de se justifier, d'éviter de trop réfléchir. Parce que le beau demande des efforts, qu'il est souvent caché. Mais il y a largement de quoi réparer tout ce qui a été cassé, partout, tout le temps. Il faut juste que les filles brisées y croient.

Elle avait eu vent de la révolte qui avait soufflé sur Epistopoli pendant son court séjour, de la colère de ces ouvriers sans le sou, de comment celle-ci s'était muée en drame dans une boulangerie. Elle ne s'en était pas tellement inquiété. Les révoltés avaient de quoi l'être, évidemment, et l'envoi d'automates pour les calmer n'avait rien de très diplomate. Mais qui est le plus cruel entre le donneur d'ordres et celui qui n'a pas d'autres choix que de les respecter ? Les automates, réalisa-t-elle, ne sont pas des ennemis de la révolte. Ils sont un pare-feu de plus, une délégation supplémentaire, une décharge à basse besogne, la preuve ultime de la lâcheté des puissants. Ils doivent eux aussi être libérés.

Le véhicule s'arrêta. Au loin, quelques voix s'élevèrent. Il y avait celle d'Albert, évidemment, et celles de deux hommes. On ne pouvait pas clairement distinguer de quoi il était question jusqu'à ce qu'elles atteignent l'arrière de la camionnette.

- Que de la marchandise, Albert ? Tu sais bien qu'on est obligés de vérifier. Rien que la semaine dernière, on a intercepté une cargaison entière d'armes clandestines. On va pas t'apprendre que les assoiffés de sang de la Révolution projettent de cramer la ville, si ?

Et merde ! Sans aucune hésitation, Lillie se changea en l'enfant qu'elle était à onze ans. Ses vêtements d'adulte lui tombaient maintenant trop grands. Elle regarda Pamyfja et lui chuchota.

- Joue le jeu si tu veux éviter les ennuis.


Dernière édition par Lillie Moynihan le Jeu 8 Juin - 18:21, édité 1 fois
Jeu 8 Juin - 18:13
Aussi stupide que cela pouvait paraitre avec son acting des plus révoltants, l'automate ne pensait pas moins de ce qu'elle venait de dire. Elle avait récemment perdu ses chaînes. Epistopoli était un horrible endroit. L'humanité aura un jour la monnaie de sa pièce. Sans oublier ce sacré Albert, oh oui, le veinard.

  Les yeux de Pamyfja se remplirent d'étoiles, pas littéralement non plus, et elle en oublia son rôle de détective bourru pour redevenir la joyeuse heureuse.

  -Vraiment ? Vous le pensez aussi ?

  L'automate crut pendant un instant avoir trouvé quelqu'un d'autre à qui Parler, avec un p majuscule. Or, elle se rappela qu'Elle était une organique et que tous n'avaient pas la vision particulière de mademoiselle Øystein. N'importe qui pouvait se révéler allergique aux automates ; s'ouvrir trop rapidement et révéler sa nature pouvait causer beaucoup de mal et aucun bien du tout.

  Les freins s'activèrent et la camionnette ne bougeait plus. Un contrôle inopiné se produisait à l'extérieur et les choses ne semblaient pas se passer comme prévu. Sans que Pamyfja ne s'en rende compte, Elle devint une petite fille d'une dizaine d'année toute flottante dans ses vêtements maintenant trop grands pour elle. Sa petite frimousse d'enfant aurait donné envie de lui pincer les joues si la gamine n'avait pas un air aussi sérieux.

  Pamyfja hocha vivement la tête pendant que sa bouche faisait un O qui exprimait la surprise et la joie. Excitée comme une puce, l'automate décida de reprendre son ancien rôle et pour ça quel meilleur costume que le plus simple des appareils pour elle ? Rapidement, elle balança en vrac sa tenue de voyage, révélant ainsi son corps mécanique, et ôta délicatement son visage avant de le déposer tout en douceur dans son sac. Elle fit de même pour le bloc supérieur de son crâne sur lequel tenaient ses cheveux. Une fois prête, elle descendit à la suite d'Elle.

  Son "déguisement" était on ne peut plus authentique. Aux allures de T-1000 après un bref passage dans un lac de lave, l'apparence d'un AMFA sans sa peau avait de quoi donner quelques frissons. Le seul brin de couleur au niveau de sa tête étaient ses deux yeux qui brillaient d'un bleu intense. Ainsi, elle ressemblait presque à une unité classique, cependant, il restait encore des détails qui la démarquait du reste. Des doigts articulés couleur chair. Une silhouette indéniablement féminine. Des jambes de bouquetins qu'on ne voit nulle part ailleurs, sauf chez ces derniers évidemment. Un "PAMFA-00" sur l'épaule qui ne faisait évidemment référence à aucune unité connue sur le marché.

  Faudrait que je pense à l'effacer celui-là…

  Un peu tard pour ça. Ai-je déjà mentionné qu'elle était recherchée ?

  En imitant un pas maladroit et saccadé, elle alla à la rencontre des gars qui avaient arrêté le convoi. Deux hommes étaient en prise avec Albert et un autre se tenait un peu plus loin sur la route. Il n'était pas vraiment étonnant de voir une douane entre la frontière des deux pays, mais tout de même, sur une telle route et à une telle distance de la maison, pardonnez mon langage, mais ces gusses là devaient se faire chier.

  Ils levèrent des yeux ahuris sur les deux nouvelles venues, mais surtout pour la petite qui luttait pour tenir ses vêtements en place.

  -Albert tu déconnes là, une gamine ?

  Le conducteur répondit à grand coup de aaaa, de euuuh et de maiiiis. Avec l'aide d'Elle, ils arrivèrent à apaiser le douanier. Les temps étaient dur après tout.

  -Quoi qu'il en soit, on va devoir jeter un œil à l'intérieur. Même si on te connait, on a reçu des ordres clairs, tu comprends ?

  La panique commençait à s'installer dans le regard d'Albert. L'automate s'incrusta au milieu de la conversation en s'avançant brutalement vers le douanier.

  -Je regrette, mais je vais devoir interjecter en votre défaveur, déclara le tas de ferraille avec une voix grésillante. La livraison en cours a déjà "UNE" heure et "CINQUANTE-TROIS" minutes de retard.

  -Qu'est ce qui nous veut ce machin ? T'as les moyens d'acheter un truc pareil ?

  -Oh vous savez, minauda Albert, là-bas, ça ne coûte plus grand choses les automates. Et puis c'est pratique quand on a mal au dos, enfin, quand la fichue machine veut bien fonctionner.

  La machine reprit en criant.

  -Tout retard de "DEUX" heures de la part du conducteur "ALBERT" conduira à une perte de contrat. Les temps sont durs vous savez ?

  La dernière phrase sonnait bizarre. Le collègue du douanier qui s'était tut jusqu'à maintenant se manifesta.

  -Peut être que si vous nous laissiez faire notre taf alors vous arriverez à l'heure, hein ?

  Une goutte de sueur roulait sur le front du conducteur. Pamyfja en aurait fait autant si elle avait connu les joies de la transpiration.
Mar 13 Juin - 9:19
La porte s'était ouverte sur trois hommes manifestement très heureux de trouver un convoi à immobiliser. Lillie avait rejoint la terre ferme, non sans un regard derrière elle pour s'assurer que l'automate l'avait bien suivie. Elle forçait les traits d'une petite frimousse salie par un long voyage, les cheveux mal coiffés et les lèvres mordillées. Ses mains ne quittaient pas son pantalon trop large, qu'elle remontait en reniflant comme n'importe quel gamin des rues qu'on pouvait croiser dans la basse ville de Xandrie. De ce point de vue là, l'imitation était parfaite. Elle secoua vivement la tête quand le conducteur se fit interroger pour la première fois.

- C'est moi que j'ai voulu aider Albert. Je devais rentrer à Xandrie voir maman de toute façon alors ça me faisait plaisir. Albert, il nous a aidés quand on en a eu besoin alors moi je l'aide aussi.

Elle tirait sur les pans du pantalon d'Albert, attendant de pouvoir planter son regard émeraude dans le sien. S'il n'était pas trop bête, Albert jouerait le jeu. Il hésita – pas assez longtemps pour éveiller des soupçons – et fourragea dans les mèches violettes de Lillie de sa grosse main.

- Brave petite. C'est une brave petite, vous voyez ? Ses parents sont des braves gens aussi, elle est juste allée leur chercher quelques médicaments à Épistopoli. Hein, Kila ?

Lillie hocha vivement la tête. Elle n'avait évidemment jamais révélé son identité à Albert. Plus loin, l'automate répétait son faux message d'alerte. Lillie se précipita à ses côtés en manquant de se prendre les pieds dans son pantalon.

- Alors on peut vous montrer le dedans du camion si vous voulez, y'a rien que des trucs nuls. Dit-elle en tirant sur le bras de Pamy pour l'inciter à la suivre jusqu'aux portes ouvertes du véhicule.

Celui-ci était relativement bien chargé. Des caisses empilées négligemment montaient jusqu'au plafond. Lillie remonta à bord, prise d'un léger sursaut de panique. Son revolver était resté en évidence dans le fond du convoi. Elle s'assit dessus et passa la tête entre deux caisses.

- Vu comme elle sent celle-ci, je pense que c'est du poisson séché. Et là vous pouvez regarder, c'est de la pécini... Pédici... Pé-ni-ci-lline. C'est le médicament. PAS VRAI ALBERT ?

Elle avait haussé la voix pour se faire entendre par le conducteur. La puissance de son cri l'avait elle-même surprise. Elle avait vraiment une voix insupportable gamine. Pourvu, pensa-telle, que celle-ci soit moins pénible à entendre aujourd'hui. Elle garda un sourire mutin en toile de fond, espérant que la patte blanche qu'elle présentait aux douaniers suffirait à les faire lâcher l'affaire. Le convoi de contenait rien de sensible – il servait avant tout de moyen de transport à Lillie – mais s'ils venaient à trouver son revolver, quelques questions leur viendraient forcément à l'esprit.
Sam 17 Juin - 15:42
La petite Elle semblait plutôt sereine à l'idée de dévoiler la cargaison de la camionnette. Finalement, peut-être n'y avait-il rien d'inquiétant là-dedans et qu'ils allaient tous s'en sortir avec une gentille tape sur la tête. L'automate hocha brutalement la tête alors qu'on la trainait à l'arrière du véhicule.

  -Je vous prie de vous dépêchez. Le ratio "HEURE/ASTRA" espistolien actuel est de "ONZE VIRGULE CINQUANTE-DEUX".

  On notera l'habilité de la fausse gamine pour cacher sans hésitation une arme à feu qui trainait sur une banquette, le tout, avec son postérieure. Pamyfja, elle, et non Elle, resta à l'extérieur et jeta un regard inquiet en direction de son propre sac. En effet, à l'intérieur, on pouvait y trouver l'équivalent de deux armes à feu. Pourquoi l'équivalent ? Parce qu'elles étaient en pièce détachés en plus d'être noyés au milieu d'un nombre innombrable de pièces de toutes formes. Quant aux munitions, elles étaient dissimulées dans un compartiment de l'avant-bras gauche de l'automate ; c'était un vieux système subtilisé à Crystech qui avait pour but de donner la possibilité aux machines de provoquer un feu nourri et ininterrompu de plomb, ou pire encore. C'était bien ce genre de petit gadget qui nous faisaient réaliser que les chercheurs étaient des êtres terriblement pragmatiques.

  Un des gaillards fit le tour des caisses, creusa un peu à chaque fois pour s'assurer qu'il n'y avait aucune contrebande qui gisait au fond, jeta un œil aux parois du véhicule, ainsi qu'au plafond et au plancher. Satisfait, il était sur le point de sortir jusqu'au moment où il remarqua le sac de l'automate. Il donna un coup dedans et le contenant répondit avec un gligli beaucoup trop grave pour être innocent. Pamyfja était tout de même fière de son coup ; démonter ses armes pour passer incognito n'était pas à la portée de tous. En effet, il fallait savoir les remonter derrière. Heureusement pour elle, en quinze secondes chrono elle pouvait avoir entre les mains un pistolet de petit calibre et un lance grenade.

  Un visage d'horreur s'afficha sur le douanier. C'était le même visage qu'on avait lorsqu'on tombait sur un visage qui se trouvait à un endroit où il n'aurait pas dû être. Ici, en l'occurrence, c'était dans un sac.

  -Qu'est-ce que c'est que ça ? Bredouilla-t-il en pointant du doigt une horreur innommable.

  Pamyfja prit un ton vexé. Elle était fière de son minois et personne n'avait le droit de le traiter de "ça" impunément.

  -Ce visage est à moi, alors faite attention parce que c'est le seul que j'ai et…

  Et quoi ? Que tu allais le remettre ensuite et dire "Coucou je suis une organique", comme si tout le monde avait oublié ce qu'il y avait en dessous ? Tu te rends bien compte que les humains ne peuvent pas le retirer à tout va, ou du moins, pas sans en payer le prix.

  Oh…

  Bah oui "Oh…" espèce de cruche. Quand on veut jouer un rôle, faut le pratiquer un minimum. D'ailleurs, ton rôle d'automate était parfait, parfait jusqu'au moment où tu as oublié de le jouer.

  -Ah… fit elle.

  Le deuxième douanier mit l'automate en joue.

  -À genoux, mains sur la tête et ne discute pas ! Cette histoire me plait pas. Hey ! Lança le douanier à l'intention du troisième qui s'assurait que la camionnette ne partait pas en catastrophe. Tu peux vérifier la dernière description qu'on a reçu ?

  -Ouais, je l'ai sur moi, deux secondes, répondit une voix au loin.

  La flicaille qui était encore à l'intérieur saisit Elle par le bras et tenta de la soulever de son siège.

  -Sort d'ici et vite, tu n'es pas en sécurité.

  En même temps, à l'extérieur, l'automate s'agenouillait doucement, réfléchissant à une solution pour ce beau merdier. Elle était solide, quelques balles ne pouvaient pas lui faire bien mal, mais c'était la sécurité d'Elle et d'Albert qui l'inquiétait, et accessoirement celle des forces de l'ordre. On lui avait appris à tuer, pas à restreindre. Quelle quantité de force lui fallait-il pour les soumettre sans les envoyer dans un fauteuil roulant ?

  -On peut discuter si vous voulez ?

  -SILENCE J'AI DIT !

  La description de l'automate fit écho. Epistopoli n'avait pas perdu une seule seconde avec cette histoire. L'excitation d'une course poursuite avec les forces de l'ordre laissait place à la terreur alors que la réalité l'avait rattrapé. On en voulait pour sa vie, encore une fois, et elle n'aurait cette fois-ci pas le droit à une seconde chance.
Lun 26 Juin - 9:42
Les douaniers n'avaient pas été les seuls à être surpris par leur découverte. Certes, Lillie avait déjà plus ou moins compris que son accompagnante n'était pas une humaine comme les autres, si elle était seulement humaine. Mais trimballer un visage au fond d'un sac n'avait rien de banal, même pour une automate. Lillie lui lança un regard étonné avant de jauger la réaction des hommes qui polluaient toujours l'espace autour du convoi.

Le pauvre Albert était complètement paniqué. Il n'avait jamais rencontré le moindre problème en acceptant Lillie comme passagère clandestine. Elle le payait à chaque fois grassement et rien dans son quotidien ne s'en retrouvait bouleversé. Mais cette fois, tout était différent. Il essaya de garder son calme, adossé contre sa camionnette. De grosses gouttes de sueur perlaient le long de sa nuque et sous son juste-au-corps blanc. Comme s'il était déjà coupable, le vieux bougre leva lui aussi les mains en l'air quand l'automate fut mise en joug.

Quand Lillie fut attirée hors du convoi, elle ne sut pas comment réagir. Le revolver sur lequel elle était assise resta là et elle se retrouva face à une Pamy agenouillée sans trop savoir quoi faire. Elle n'était pas une automate mais elle était soumise à des règles étrangement similaires. Sa position au sein de la Révolution lui interdisait toute prise de décision précipitée et inconsidérée. Elle savait bien que n'importe quelle tête brûlée d'un mouvement dissident aurait déjà réglé la situation en logeant du plomb dans la cervelle de chacun de ces messieurs mais elle ne pouvait pas les imiter. Aussi bête étaient-ils, ces soldats étaient xandriens et auraient vocation, tôt ou tard, à être sauvés de l'emprise du Roi. Sans compter que le moindre écart violent ne lui serait sans doute pas pardonné par Elsbeth. Lillie devait-elle aussi trouver la solution au problème établi : comment restreindre sans tuer ?

La situation déjà compliquée devint inextricable lorsque tout le monde découvrit les antécédents de l'automate désormais condamnée. Il ne fallut pas plus d'une seconde à Lillie pour se décider à tenter quelque chose. Elle risquait de trahir une partie de son secret en prenant la parole ainsi sous les traits d'une petite fille, mais qu'importe.

- Attendez ! Il faut... Enfin... On s'en fiche non, d'Epistopoli ? Ma maman elle dit que Xandrie c'est toujours... Le dindon d'une farce ou je ne sais quoi, parce qu'on est toujours les derniers en tout. Si elle c'est une belle automate toute neuve qui peut faire plein de trucs, on ferait pas mieux de la garder pour nous plutôt que de leur obéir ? Vous pouvez la ramener chez nous et on aurait enfin quelque chose de trop trop bien !

C'était sa seule option. Appuyer sur le sentiment d'injustice ressenti par la majorité des xandriens, même parmi les militaires. Si elle réussissait son coup, ils seraient escortés jusqu'à la Juste. Elle n'aurait plus qu'à donner sa potion d'invisibilité à Pamy et elle serait de nouveau libre.
Ven 30 Juin - 21:05
Parfois, une situation dégénère sans que l'on ne comprenne pourquoi. Un milliard d'événements provoquent, par la magie de la causalité, une infinité de conséquences à la fois imprévisibles et parfaitement banales. Un homme se vide de son sang, il meurt. Une mère crie "À table !", un troupeau affamé accoure avec voracité. Un enfant oublie un lego par terre, un hurlement terrible s'en suit. Il est amusant, le papillon, à broder l'existence avec des rebondissements parfaitement cohérents et inspirés. D'ailleurs, il est tellement doué, que les écrivains finissent toujours par baisser la tête avec respect devant son génie inhérent. Qui aurait pu croire, voir même imaginer, qu'un événement s'étant produit il y a vingt itérations de là, nous aurais conduit ici, dans le maintenant, ainsi que dans le banal et l'imprévisible. Peut-être qu'une prochaine fois, nous aurons le déplaisir de nous ennuyer et de bâiller devant une scène que nous nommerons de cliché, mais en attendant, voyons ce que le papillon nous réserve. Il n'y a aucune raison de s'en priver n'est-ce pas ?

  La petite Elle, à ne pas confondre avec la grande Elle et encore moins avec elle tout court, entama un petit jeu qu'elle ne maitrisait que trop bien. Bidouiller le sentiment de frustration du peuple de Xandrie était, après tout, sa vocation, bien qu'on ne le sait pas encore. Motiver des mauvaises troupes, ou bien, inciter les forces de l'ordre à fermer les yeux devant l'évidence ; tout compte fait, c'était à peu près la même chose. De plus, l'acte de farcir un dindon, ou l'inverse pour ce qui nous importe, a toujours eu le don d'amuser la galerie en cuisine, mais jamais un pays entier.

  Trois hommes, ou trois flics selon le jargon. Le nerveux tenait en joue l'automate et grinçait des dents sans trop savoir de quoi serait faite la prochaine action. Le prévenant se tenait devant la petite Elle en bouclier et cogitait (cette notion est importante). Le tire au flanc tirait, bien évidemment, au flanc tout en surveillant le véhicule. C'était alors que le prévenant arrêta sa réflexion au beau milieu de sa conclusion ; quelque chose venait de parasiter le fil de ses pensées. Il posa un regard inquiet en direction de la gamine. L'automate, se sentant obligé d'être plus futé qu'à l'habitude au vu de son échec total d'un peu plus tôt, comprit ce qui fallait faire.

  -Xandrie est inférieure sur la totalité de ses paramètres socio-économique quand comparée à ses voisins, tout le monde sait ça, où qu'on aille.

  Un coup de feu retentit, le nerveux en était l'auteur et ce n'était en rien un tir de sommation. Sous l'impact, Pamyfja avait eu un mouvement de recul et avait failli tomber en arrière, cependant, après quelques secondes, elle se redressa pour reprendre la position de soumission qu'on lui avait ordonné d'avoir. La machine reprit avec un ton monocorde devant le nerveux pour qui la nervosité n'était plus un mot suffisamment intense pour décrire son état.

  -Que valent des hommes face à des machines ? Combien d'entre vous devront mourir pour m'arrêter ? Y arriverez-vous seulement ? Qu'est-ce qui vous promet que d'autres ne me suivront pas ? Ceci n'est qu'un seul problème créé par Epistopoli parmi tant d'autre. Dois-je aussi évoquer la menace Opaline qui pèse sur vous ?

  Le paresseux approcha rapidement la scène, son arme au poing.

  -Je peux vider mon chargeur, je pense que la question est vite répondue, éluda le nerveux.

  -Attend, intervint le tempéré, où tu veux en venir ?

  -Ma véritable question est : Pourquoi assister Epistopoli dans cette affaire ?

  Avec autant de répondant, plus personne ne remettait en question l'intelligence de la machine. On s'adressait à elle comme si cela avait été un criminel lambda, un meurtrier tout ce qu'il y a de plus banal. Chose bienvenue car même si l'idée d'un automate rebelle ne choquait pas autant les xandriens que les epistote, cela restait dérangeant malgré tout.

  -Nous arrêtons un meurtrier sur la frontière de notre pays, est ce qu'on a vraiment besoin d'une raison supplémentaire pour vous mettre en pièce ?

  Pamyfja, c'est ton moment. Ne le gâche pas.

  -Je ne sais pas ce que vous pensez croire sur moi, mais je peux vous assurer que tout ceci n'est qu'un tissu de mensonge. La présence d'un prototype, ici, en route vers Xandrie est évidente. Je ne suis que le produit d'un espionnage industriel maladroit. Une tentative de votre pays pour trouver des solutions, redresser son économie et pour relancer la recherche.

  Léger silence.

  -Je ne condamne pas votre ignorance sur ce sujet, mais sachez qu'il est impossible pour un automate de réaliser autre chose que ce qu'on lui ordonne. Une unité ne peut espérer désobéir sans être détruite l'instant d'après.
Mer 5 Juil - 10:26
Le coup de feu bourdonna un long moment dans les jeunes oreilles de Lillie. Elle regarda l'automate flancher et se redresser avec une stupéfaction qu'elle avait bien du mal à cacher. Elle n'avait pas été en mesure de désamorcer la situation. Les douaniers semblaient à bout de nerfs et rien ne pouvait apparemment les apaiser. Lillie attrapa Albert par le bout de la manche et se déplaça lentement quelques mètres plus loin, à l'avant de la camionnette, sans que le soldat le plus calme ne les lâche des yeux. Elle leva les mains en signe d'apaisement.

- On veut pas prendre une balle, c'est tout... Murmura-t-elle.

Elle regarda Pamyfja à nouveau, non sans une certaine pointe d'anxiété. Elle avait compris, durant le court trajet partagé avec elle, que cet automate n'avait rien d'ordinaire. Elle semblait jouir d'une intelligence qui finirait probablement par la mener à sa perte. S'il y a bien quelque chose que rien ni personne ne devrait envier à la race humaine, c'est bien son esprit malade, certes parfois capable du meilleur, mais trop souvent coupable du pire. En glissant une main dans sa poche, Lillie mit la main sur une petite fiole au verre gravé.

Elle comprit rapidement le petit manège de sa camarade. Ce n'était pas si bête, sans doute un peu trop désespéré face à des hommes aussi nerveux. Le passif-agressif n'avait encore jamais été accepté comme une méthode diplomatique de renom. Dans le cas contraire, Lillie régnerait déjà sur Uhr. Les soldats échangèrent plusieurs regards interrogatifs. Comme souvent, ils attendaient tous que l'un d'eux prennent une décision. C'est là l'apanage des lâches : noyer toute réflexion sous l'ordre donné par un tiers. La morale est et restera toujours étranger à ceux qui la place sous l'obéissance aveugle.

- Dans ce cas... Tu vas... Tu vas monter avec nous et on va te reconduire à Xandrie tranquillement. Et... Et tu vas promettre de ne pas faire de vagues sinon... Sinon on s'occupera de toi, d'accord... ?

Le plus nerveux des soldats avait pris la parole. Ses compagnons acquiescèrent lentement. Tous s'approchaient de l'automate. Lillie la regarda à son tour puis, profitant sans doute des nombreuses heures de cours de théâtre qu'elle n'avait jamais prises, elle haussa un rien la voix.

- Est-ce que je peux au moins lui dire au-revoir ? Moi je... Moi je l'aime bien...
- Tu as dix secondes. Et toi Albert, tu ramènes cette gamine chez elle et tu te présentes au Guet immédiatement après. On a ton signalement, et on veut tirer cette affaire au clair.

Lillie se précipita dans les bras de Pamyfja. Dissimulée sous le pan de sa manche trop grande, la fiole passa de sa poche à celle de l'automate. Elle n'eut qu'une seconde pour glisser à son oreille quelques mots qui, espérait-elle, seraient entendus.

- Fais-en bon usage. Une fois à Xandrie, demande Elles. On se retrouvera. Bon courage.
- Allez, ça suffit !

La jeune générale se détacha de l'automate. Elle lui adressa un dernier signe de la main, priant pour que cette dernière obéisse et la retrouve.
Jeu 6 Juil - 15:11
Pitié pitié pitié pitié pitié…

  Quoi de plus simple, que de tenir le rôle de l'automate froid, insensible, inhumain. C'était, après tout, son meilleur rôle depuis sa naissance. Allier les pensées et la réalité concernant une machine dernier cri. Une expérience qui ne va pas au-delà de nos espérances, qui répond à nos ententes sans jamais nous réserver de surprise. L'on pourrait décrire ce prototype comme étant une… intelligence rutilante. Jolie à l'œil avec une odeur de neuf satisfaisante, rien de plus.

  Après une éternité, ou peut-être quatre secondes, le nerveux prit la parole et sembla accepter cette nouvelle vérité, ou du moins, lui donna le bénéfice du doute. D'une certaine manière, cette histoire à dormir debout, celle qui parlait d'espionnage et de nationalisme, n'était pas plus improbable que l'était la réalité. Un automate meurtrier en cavale ? Du jamais vu qui ne sera jamais vu ; on ne mettait pas des bombes dans ces machins-là pour rien. Oui, après réflexion, cela devenait évident. Epistopoli essayait d'empêcher une fuite technologique, rien de plus.

  Stupide et optimiste était l'automate ? Peut-être, mais même si les germes du doute finiront par mourir sous le poids des mensonges, au moins, cela lui aura accordé du temps pour réfléchir à une meilleure stratégie. Survivre était le maître mot de chaque instant ; une poignée de seconde valaient tout l'or du monde.

  La gamine se jeta sur l'automate pour l'étreindre. Prise de court, Pamyfja lui répondit en s'accrochant à elle comme si elle avait été une bouée de sauvetage. Elle fut bien obligée de desserrer son emprise pour se saisir de la fiole qu'on lui tendait. Quelques gravures parcouraient le verre : Potion d'invisibilité. Voilà qui était bienvenue. D'un simple geste de son poignet, l'objet disparu à l'intérieur de son bras pour rejoindre la charmante compagnie de balles 9mm et d'adorables grenades explosives.

  -Lapin. Terrier. Soleil. Maison. Marmonna Pamyfja, de retour avec sa voix de conspiratrice.

  Elle gratifia la petite d'un clin d'œil et la repoussa doucement alors qu'on venait lui passer les menottes.

  -Vous devriez emporter mon sac. Faites-y très attention, dit l'automate à l'attention de la maréchaussée.

  Cela l'agaçait profondément de se pavaner sans son visage. De plus, il lui faudra remplacer cette épaule abîmée par le coup de feu d'un peu plus tôt. Dire que son voyage venait à peine de commencer et qu'elle essuyait déjà des dégâts. Jusqu'où pourrait-elle aller comme ça ?

  Avec peine, le tire au flanc souleva le sac de la voyageuse et le traina jusqu'à un autre véhicule. Elle lança un sourire - qu'on ne pouvait pas voir - à Albert et à Elle avant de se tordre pour entrer dans la petite cabine faite pour les petites frappes. Avec fébrilité, les hommes lui jetaient de brefs regards avant de démarrer. L'automate était parfaitement immobile, aussi sage qu'une image. Enfin prêts, la camionnette et la voiture démarrèrent et soulevèrent un large nuage de poussière avant de reprendre chacun sa route.

  Pamy regardait le paysage défilé au-delà de la vitre.

  D'une certaine manière, c'est encore du stop ce je fais, non ?

  C'était indéniable. Quel que soit le chemin qu'elle prenait, tous menaient à Xandrie.