Le grand soir était finalement arrivé, se disait Gauss. L'opération de cette nuit avait été préparée pendant de longs mois. La lune était au plus haut, sur son trône étoilé. Il avait encore quelques heures avant que le soleil ne gracie les rues d'epistopoli des ses rayons chatoyants. La cible de ce soir n'était pas une proie facile, en réalité, c'était la mission la plus dangereuse et importante qu'il ait dû accomplir jusqu'ici. Son objectif, les bureaux de Crystech. Ou plutôt l'annexe B de Crystech. Le bâtiment principal, cette haute tour de métal et de vitre, était une cible bien plus alléchante, mais encore bien mieux gardée. Il aurait pu y fouiller directement les laboratoires les plus importants de la compagnie ou, mieux encore, arpenter le bureau du grand sapiarque lui-même. Les informations ainsi glanées, auraient promis à son père des faveurs très enrichissantes de la part du régent. Cependant, ils durent se résoudre à diminuer le prospect de gain afin d'augmenter les chances d'un retour indemne du jeune Blass. L'annexe B était un bâtiment volumineux de plusieurs étages qui renfermait, entre autres, les archives de la compagnie. Il espérait y trouver là, des secrets de production ou alors des anomalies financières qui pouvaient indiquer des entreprises douteuses et dissimulées.
Deux flashes lumineux provenant de la porte d'accès central signalèrent le début de la valse. Perché sur un toit avoisinant, caché dans la pénombre, le hibou se mit en mouvement. Il descendit la façade du bâtiment, en quelques mouvements assurés avec l'aisance d'un félin. L'espion en mission fit un rapide tour d'horizon de la rue éclairé, avant de la traverser à rapides foulés. Face au mur en pierre de l'enceinte, l'agile strigoi usa de son élan pour se propulser et agripper le haut de la muraille. Quelques secondes plus tard, il chutait de l'autre côté pour se diriger vers l'origine des signaux : l'accès secondaire réservé aux livraisons.
Le plus long dans l'organisation de ce vol, a été de trouver un point d'accès et des informations sur le plan du bâtiment. Jusqu'à présent, Gauss s'était cantonné aux particuliers, dans des logements plus ou moins protégés, mais dont on pouvait toujours soit observer de loin, soit s'introduire par une fenêtre ou en crochetant une serrure. Le problème ici, c'est que le bâtiment n'avait quasiment pas d'ouverture sur l'extérieur et que les seuls accès se faisaient via un badge magnétique et étroitement gardé par du personnel de sécurité. Il a donc fallu s'armer de patience pour pouvoir implanter une taupe au sein de ce même personnel.
- Tiens, voici le badge magnétique qui te servira à déverrouiller les accès. Ça n'a pas été facile, mais j'ai réussi à subtiliser un pass de niveau supérieur. Avec ça, pas beaucoup de porte te résisterons à l'intérieur. Tu as deux heures. Après, je pars en patrouille et quelqu'un me remplacera à ce poste.
Gauss acquiesça d'un simple hochement de tête et usa de son tout nouveau sésame pour pénétrer les murs de l'annexe. A partir de là, il sait qu'il erre dans une prison qui se refermera sur lui à la moindre occasion. Il sentit son angoisse prendre le dessus, ses mains devenir moites et son cœur battre avec la clameur d'un tambour. Il se calma un moment et sortit de sa sacoche une blouse blanche qu'il s'empressa d'enfiler. Il vérifia que sa petite carte de personnel pendouillait correctement à sa poche avant. Avec cet accoutrement, sa mission devrait se dérouler plus facilement. L'indic lui avait signalé que des chercheurs en blouse déambulaient parfois dans les couloirs, issus de certains laboratoires du bâtiment. Les vigiles, ne les connaissant pas tous de tête, ne prêtaient pas attention à eux durant leur patrouille. Seule une vérification d'identité était faite à l'entrée du bâtiment. Le strigoi blafard, abaissa son masque à filtre, pour paraître moins étrange, et déambula dans les couloirs en direction des archives. Après un sursaut d'angoisse, il put témoigner de l'efficacité de son déguisement en croisant un garde qui le laissa vacer à ses occupations, non sans quelques regards curieux. Était- ce une pointe de suspicion ou bien, des regards admirateurs de la beauté efféminé du jeune homme ? Il ne s'en soucia pas plus, et arriva à sa destination. Après un nouveau coup de sésame, l'entre des archives s'offrit à lui. Une grande salle vertigineuse composée d'étagères métalliques qui rassemblait en son sein des milliers de documents relatant les faits et gestes de la firme colossale. Il avait un début de piste par où commencer sa recherche, mais il devait d'abord se repérer dans ce dédale d'étagère mécanisé.