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Feu et sang [PV Amara].

Feu et sang [PV Amara]. Brandw10
Dim 17 Juil - 13:53


On peut changer son présent, mais jamais renier son passé. Une leçon que j'ai apprise durant ma vie, c'est que t'as beau vouloir tout faire pour que disparaissent les tâches d'encres sur ton hier, elles resteront comme autant de mots couchés sur le vélin. Aujourd'hui encore, je me souviens de la douceur de mon foyer, d'une facilité dans les rencontres et dans la sympathie que j'attirais alors. A présent c'est terminé, ne reste plus que la réputation d'aventurier que j'me suis faite, cette image que je donne comme une carte de visite, ou bien un curriculum vitae. On m'engage pour les expéditions les plus dangereuses, celle dont on ne sait jamais si l'on va revenir. Un espoir d'ailleurs plus beau, m'a plongé dans les vanités les plus crasses de l'humanité, et c'est seul que je chemine à présent sur la route de la gloire, de la richesse et du progrès. Je vais pas m'en plaindre, c'est un chemin que j'ai choisis, il va falloir m'y faire.

Mais l'histoire que je vais vous conter aujourd'hui, appartient à ce passé doucereux, que la nostalgie teinté d'épices et de couleurs agréables au toucher, et au souvenir, vous fais parfois tourner la tête. D'abords parce que c'est un bon souvenir. Ensuite parce que les humains sont ainsi fait. Il se font la guerre, la gueule et parfois, en repensant aux années qui ont précédés, se disent qu'ils avaient mieux qu'aujourd'hui. Loin de tomber dans ce piège facile, moi, Augure Phébus, me dis simplement que les choses changent, et que ma vie évolue toujours, que ce soit dans un sens ou dans l'autre.

Il était une fois, un jeune homme, déjà masqué par le voile de la guerre et sa vaniteuse importance pour le commun, portant des vêtements de cuir et de métal, lourds tribus de la garde sacré. J'avais à peine dix huit ans, et je passais du statut d'aspirant, à celui de véritable soldat. De là découle une aventure qui restera gravé dans mon cœur, un cœur couturé de cicatrices, comme celles de mon corps meurtris.

J'avais annoncé à mes parents ma décision de ne plus croire, ni de faire révérence au sacré, ni référence ni quoi que ce soit. Le panthéisme vivait ses derniers instants, j'en étais persuadé. Et je voulais que ma famille me suivre sur le chemin de la science, et du progrès. J'avais des idéaux, des espoirs. Tous vains, puisque ma propre famille coupa dans le vif des mes idées, pour me chasser à grand coup de balais, comme une poussière sous le tapis, une crasse sur la faïence, un nuisible suceur de sang, un insecte des plus risible.

J'errais donc dans la ville, mon costume de garde comme l'étendards de ma férocité au combat, quand on me prit à partis. La nuit, tous les chats sont gris, et à minuit, heure du crime, sonne le glas des soldats esseulés. Une bataille s'engagea alors, du trois contre un. Des poignards, des armes improvisés, contre la solide épée de la garde sacrée. Une vrai gageure, un véritable massacre. La colère en moi, avait chassé toute clémence, et ne restait plus que du plomb dans mes veines. Le feu sacré s'en était allé dans mon âme, et ne restait plus que des cendres fumantes. Souffler dessus, et le feu repartirait peut être ? J'étais en perte de croyance, et en manque de croire à quelque chose d'autre pour le remplacer.

Devant le massacre, je fus pris d'horreur. Je lâchais mon épée, et ne remarquait même pas que mon propre sang coulait en abondance par l'un de mes côtés. Une piste ensanglanté menait alors jusqu'à mon corps sans conscience, tandis que dans mes rêves, quelqu'un me prenait par la main, et m'insufflais une nouvelle âme ...

Ou peut être était-ce du aux hallucinations qui venaient avec la mort, n'en étais-je pas sûr.

- Maman, pourquoi ... Pourquoi m'as-tu renié ?
murmurais-je dans le voile cotonneux qui était mon champ de vision, tandis que je me sentais comme flotter au dessus du sol, bien que mes pieds rencontraient encore des cailloux et des aspérités qui les faisaient sauter.

C'était comme ça, la mort ?
Dim 17 Juil - 18:37
TW : Descriptions sanglantes.

À la lueur de sa bougie, elle dévorait les pages de ce roman la tenant en haleine. Il aurait été judicieux de se coucher tôt, ses journées étant bien rythmées et sans temps morts. Néanmoins, comment résister à une pauvre cinquantaine de pages et la promesse d'un dénouement tout en amour ? Amara en était bien incapable. Ses lunettes de vue nichées sur son nez, elle voyait très bien. Et pourtant, pour ne pas en perdre une seule miette, elle se tenait au plus près de son livre, comme le font les plus anciens pour décrypter le journal quotidien. Quand son cœur commençait à battre la chamade et qu'elle se trouvait à quelques pages du fameux "fin", on vint toquer à la porte de sa chambre avec beaucoup d'empressement.

- Pardon Mademoiselle, mais on vous demande de toute urgence, prenez vos affaires !

Ce qui est bien avec Esteban, c'est qu'il n'a jamais le temps pour rien. Et surtout pas pour se perdre dans des détails. Ses réponses concises et précises n'ont plus de secret pour elle : si au beau milieu de la nuit, la sueur sur les tempes, il se pointe pour la demander, c'est que l'urgence n'est pas à prendre à la légère. Dans d'autres circonstances, délaisser sa romance sulfureuse lui aurait coûté, mais quand le devoir l'appel, le médecin sait prendre ses responsabilités.

Dans le désert d'Aramila, les nuits sont parfois traîtresses, si bien qu'elle enfila en toute hâte un long cardigan à ceinture pour couvrir sa robe d'intérieur. Ses souliers aux pieds, elle attrapa sa mallette d'urgence, pour parer au plus pressé. Descendant rapidement les marches de la demeure des Vespertin dans la capitale, elle tomba nez à nez avec celui qu'elle estimait comme son grand-père.

- Un règlement de comptes, des morts et un blessé grave. Personne ne voulait s'occuper de lui étant donné… Enfin, vous verrez, à vous il ne posera pas de problème.

Inutile d'en demander plus, Esteban "n'a pas le temps". Il s'emparait déjà de son kit de survie et s'élançait dans la rue, avec un officier chargé de cette affaire pour les guider. Le bruit de leurs pas résonnait dans les rues bien rafraîchies de la capitale. Quelques animaux nocturnes prirent la fuite lorsqu'ils les croisèrent. Des badauds plutôt éméchés les remarquaient à peine. Après une course contre la montre au pas de course, les voilà arrivés sur les lieux du crime. Car de premier abord, il n'y a pas d'autres termes pour décrire cette scène. Un bain de sang. Trois corps sans vie gisant au sol et Amara pouvait confirmer l'heure du décès. Leur pouls s'était arrêté, il y a au moins une heure.

- Il n'y a rien que je puisse faire pour eux. Dit-elle, la mort dans l'âme.

À l'un d'entre eux, elle referma respectueusement les paupières. Ce spectacle aurait de quoi l'effrayer si elle n'était pas habituée à la vue du sang, de la chair, de la putréfaction. Amusant comme elle aime les romans d'amour et parvient à rester calme devant un tel carnage !

- Celui que vous pouvez encore sauver à laisser des petits cailloux derrière lui, rien que pour vous…

Et pour imager ses propos, son fidèle Esteban pointa du doigt les taches de sang au sol. En les remontant, escortés par l'officier, ils découvrirent un homme au sol, le flanc imbibé de sang, à moitié conscient. Aussitôt, la jeune s'agenouilla à ses côtés pour observer au plus vite son patient. Il y avait du sang ici et là, stigmates d'un combat violent et a priori peu loyal. Néanmoins, le plus important était bien cette blessure sur le flanc. Sans perdre de temps, elle retira son cardigan, le plia de sorte de le sacrifier pour arrêter le débit d'hémoglobine en comprimant la blessure.

- Je ne peux rien faire ici, il faut le transporter. Pas très loin il y a une auberge, La Sablette, dont mes parents connaissaient bien le propriétaire, il nous rendra service. Demandez à ses fils de quoi transporter un blessé grave et revenez au plus vite.

Amara "n'avait pas le temps". Elle devait être ferme et rapide. Ses mots s'adressaient à l'officier qui, surpris par la soudaine assurance de la si fragile poupée de porcelaine, hoqueta avant de se rendre à ladite auberge pour exécuter ses ordres. Revenant à son patient, elle se pencha vers lui, sans modifier la pression sur sa blessure. D'une voix rassurante, elle tenta de le ramener vers les vivants.

- N'ayez crainte. Je pourrai recoudre cette blessure et vous resterez parm…

Sa phrase n'eut jamais de fin. Ainsi penchée vers lui, malgré les éclairages nocturnes archaïques d'Aramila, elle reconnut un visage de son passé. Un coup d'œil vers Esteban et puis elle revint à son patient. Voilà, elle comprit enfin les paroles de son ami et serviteur. La victime n'avait pas trouvé d'autres médecins pour la soigner, car elle était traitée en paria, en rejeton, mal vue, non désirée ici. Revoir son ami dans cet état lui provoqua immédiatement un pincement au cœur. Des images de son passé, lorsqu'elle admirait Cardan et Augure, fiers et puissants dans leurs tenues respectives de recrues, inondaient son esprit.

Peut-être rassuré par sa voix angélique ou la présence d'une personne ne lui voulant aucun mal, le blessé se mit à délirer. Peinée, Amara voulut une nouvelle fois lui confirmer son soutien.

- Non Augure, ce n'est que moi, Amara… L'ombre de Cardan, la poupette de service. Je te promets que j'ai gagné en savoir depuis la dernière fois que l'on s'est vu, je vais m'occuper de toi, tiens bon.
Dim 17 Juil - 19:19
Amara ... Amara la douce, Amara la petiote de Cardan, mon ami pendant mes classes, celui avec qui je faisais les quatre cent coups, et écopais de punitions toutes plus débiles les unes que les autres ; Au point qu'une sorte de concours, ou de collection commune, avait commencé entre nous. Celui qui arrivait à frôler le plus de fois le renvois pure et simple, quitte à finir en geôle pour une bêtise ou une autre, serait le grand gagnant. Mais a cet instant, étendu sur le sol dur et graillonneux d'un quartier mal famé, errant depuis plusieurs jours sans personne pour m'aider, car la rumeur de mon hérésie s'était répandu comme une trainée de poudre ... On savait déjà que j'avais des idées progressistes, et que je pestais régulièrement contre nos manques de moyens de défense, surtout contre les Epistotes, qui nous avaient déjà pris des villages limitrophes, et n'hésiteraient pas à prendre plus si on leur laissaient le loisir. Cela n'étonna donc personne que je ne crois plus en nos dieux, nos esprits tutélaires, nos lois sacrés. Pourtant, je faisais partis de la garde, et cela gênait, et je me demandais même maintenant si ses bandits sur mon chemins, n'étaient pas le fruit de mes idées embarrassantes pour le chef de la garde. Même à trois contre un, mes chances contre de simples pequins moyens, étaient élevées. Or, j'avais quand même dû sortir mes plus belle passes d'armes afin de me sortir de ce mauvais pas, usant de toutes les arcanes secrètes que nous avions développé, Cardan et moi. Sans vouloir nous vanter, nous étions clairement plus dégourdis que la moyenne, et tout deux sujets à de grands avenirs de guerriers.

Moi, par ma taille démesurée comparativement au commun des mortels, ainsi qu'à un entrainement quotidien à ne pas négliger. Lui par ses compétences martiales hors normes, et un sang froid à toute épreuve. Les cancres étaient devenus rapidement des modèles pour les nouvelles recrues, tant et si bien qu'il paraissait normal de faire le mur pour aller en ville, boire des canons et discuter avec le commun, comme une sorte d'initiations qui se transformerait en tradition, à n'en point douter.

- Amara ... C'est toi ... Dans le voile de mes pensées obscurcies, et de mes plus vils cauchemars, ou tout le monde se détournaient de moi, du plus profond cachot de ma paranoïa naissante, elle apparaissait comme un grigori salvateur, un être de lumière et d'amour apaisant ma peine. C'est vraiment toi ? Je rêve pas ?! Je reprenais contenance, le flot d'hémoglobine étant à présent contraint de rester dans mon corps, ne s'écoulant plus, me donnant un regain de conscience et d'énergie ...

- Ne reste pas là, continuais-je... C'est dangereux comme coin tu sais. Que je finis par dire, avec un clin d'oeil sur mon regard émeraude. Je me voulais rassurant, comme un deuxième grand frère, qui s'occuperait de la rassurer. Pourtant j'étais perdus, mais rien ne me ferait lâcher ce rôle de protecteur envers Amara. Ma fidélité était déjà toute acquise à sa cause, et nous partagions tous les trois le même point de vue sur le progrès, et la médecine de la jeune femme s'en ressentait.

Une charrette apparut bientôt au bords du chemin, et mon inquiétude grandit, n'aimait pas les surprises que je ne pouvais contrôler, ou dont je n'étais pas l'instigateur. Pour autant, devant le calme de la blondine, je me devais de rester stoïque et de lui faire confiance. Je n'avais jamais eu à en pâtir auparavant, pourquoi cela changerait ?

Parfois, dans les coins plus terribles du monde, se cachent les plus beaux morceaux de vie, les souvenirs d'une époque douce et pleine de vie. Ce souvenirs, encore douloureux lorsque je passe le doigts sur mes cicatrices, reste le début d'une belle année passées aux côtés des Vespertin. Mais laissons d'abords le choses commencer par une ruelle, des morts, du sang et de la sueur.
Dim 17 Juil - 22:33
Pendant qu’elle tentait de le réconforter, Esteban était aux aguets, surveillant que rien ne se trame dans l’ombre. Le quartier n’étant pas des plus fameux, il craignait pour leur vie à tous. Il ne fallait pas compter sur Amara pour se défendre en cas d’attaque : non seulement, elle serait capable de demander pardon si elle parvenait à infliger la moindre blessure, mais en plus, elle risquait plus de se mutiler que de faire du mal à autrui. Bref, son accompagnateur n’avait aucune envie d’assister à une scène entre le drame et la comédie. Il vaut mieux prévenir que guérir, trois personnes avaient déjà trouvé la mort en cette nuit fraîche, c’était plus que suffisant. Ainsi, il laissa tout le loisir à la jeune femme d’être bienveillante pour deux tandis que ses pupilles scrutaient le moindre mouvement suspect.

- C’est bien moi, Augure !

Ne pouvant dégager ses mains du vêtement déjà bien tâché par la blessure, elle planta son regard dans celui de son ami. Réaliser qu’ils se trouvent dans une ruelle douteuse semblait lui faire reprendre ses esprits et s’accrocher au présent, à la réalité, plutôt que de succomber à l’envie de tourner de l’œil. Malgré la gravité de son état, il trouvait le moyen de s’inquiéter pour la jeune femme. Ce détail, bien qu’il n’aurait pas dû s’en préoccuper, avait le don de rassurer le médecin. Son patient était conscient, souffrant certes, mais pas sur le point de donner son dernier souffle. Peut-être qu’elle extrapolait un peu trop, pour se rassurer, bien déterminée à ne pas lui refermer ses paupières, pas comme avec ce parfait inconnu quelques minutes auparavant.

- Ne t’en fais pas pour moi, je vais très bien. Et puis Esteban est là.

Ce prénom ne résonnerait sûrement pas tout de suite en lui, son corps et son esprit étant bien plus préoccupés par le fait de survivre. Néanmoins, Amara était certaine que ce détail serait suffisant pour être confiant et s’en remettre à eux. Il faut bien dire que peu de choses l’inquiètent tant elle croit en tout, en tout le monde et surtout en l’humanisme. Une attaque, en pleine nuit, sur un blessé mourant, un adulte plus en fin de vie qu’en début et une minette faible et fragile pleine aux as, qui cela intéresserait, voyons ?

- Un officier de la Garde Sacrée nous escorte également. Je l’ai envoyé chercher des connaissances non loin. Je lui fais confiance, tout va bien se passer.

Son optimiste n’était en rien feint. Augure pouvait bien être moins confiant, tout comme Esteban qui pesta dans son coin, affligé par l’attitude de sa protégée, rien ne pourrait atteindre le tempérament solaire de la jeune femme. Son sourire était chaleureux, malgré la gravité de la situation, car elle avait confiance. Confiance en l’humanité, confiance en cet officier, confiance en ses capacités à recoudre et à soigner Augure, tout simplement.

- Je crois que… Commença Esteban, hésitant, avant de reprendre : Oui c’est ça, l’officier, deux gus avec des gros bras et une charrette. Y’en a vraiment qui ont le cul bordé de nouilles !

De qui parlait-il en ces termes grossiers ? Du blessé dont la civière approchait ? De la jeune femme qui obtenait ce qu’elle désirait avec une facilité déconcertante ? Peu lui importait, à vrai dire, le résultat était là en temps et en heure. Les deux fils du tenancier, deux adolescents à la peau mate et aux bras musclés firent leur apparition au côté du soldat. Amara, toujours à genoux pour maîtriser l’affreuse blessure, papillonna des yeux pour attirer l’attention des preux chevaliers répondant à son appel.

De qui parlait-il en ces termes grossiers ? Du blessé dont la civière approchait ? De la jeune femme qui obtenait ce qu’elle désirait avec une facilité déconcertante ? Peu lui importait, à vrai dire, le résultat était là en temps et en heure. Les deux fils du tenancier, deux adolescents à la peau mate et aux bras musclés firent leur apparition au côté du soldat. Amara, toujours à genoux pour maîtriser l’affreuse blessure, papillonna des yeux pour attirer l’attention des preux chevaliers répondant à son appel.

- Par ici ! Vite, aidez-moi à le déplacer chez votre père pour que j’arrête au plus vite l’hémorragie. Je ne manquerai pas de vous rémunérer pour vos services !

Car, bien qu’elle ne soit pas une grande dépensière, Amara le sait, deux choses régissent le monde : l’argent et une autre qu’elle n’a pas encore connue et ne découvre qu’au travers de romans légèrement honteux. Motiver ces hommes de la sorte les rendrait sans doute plus prompts à obéir. Après tout, ils pourraient bien la planter dans cette ruelle que cela ne changerait en rien leur vie, mais avec l’appât du gain, c’est autre chose. Et il est connu que les Vespertin ont de quoi faire et n’ont jamais connu la disette.

- Enfin, Amara…

Il fallait bien qu’un énième reproche sorte de la bouche d’Esteban, mais elle n’y prêta guère attention. Cette dernière était plutôt préoccupée par la manipulation d’Augure. Un mauvais mouvement, un peu trop brusque et une blessure pourrait prendre des proportions dramatiques qu’elle ne pourrait pas ou peu contenir dans ces conditions.

- Faites bien attention. Oui, comme ça… Bien. Augure, tout va bien ? L’interrogea-t-elle avant de faire signe aux deux frères de pousser la charrette, rassurée par la réponse de son ami.

Il ne fallut pas plus de trois minutes au petit groupe pour se retrouver à l’entrée de La Sablette. A cette heure de la nuit, seuls les plus grands buveurs de boissons se trouvaient encore sur le plancher, à vaguement tenter de ne pas sombrer dans un coma éthylique. Une vision peu glorieuse du genre humain.

- La cuisine, s’il vous plaît !

C’était un ordre, mais un ordre poli. Au moins, elle y aurait accès à l’eau courante, et à un espace à l’abri des regards pendant qu’elle s’attaquerait à la blessure au flanc d’Auguste. Sur place, on les regarda évidemment de travers, jusqu’à l’arrivée du tenancier, un vieil ami de ses parents.

- La p’tite Verspertin, si j’avais su, on aurait passé un coup de balai !

- Je vous emprunte dans l’urgence votre cuisine, mais promis, vous serez dédommagés pour votre aide généreuse.

Le tenancier ne sut quoi répondre, haussant vaguement les épaules tant cette nuit prenait un tournant étrange pour lui. Quant à Esteban, le mythe dit que jusqu’à Xandrie ont pu entendre le bruit de sa paume claquant sur son front avec exaspération. Combien de fois lui avait-il répété que promettre de l’argent à tout bout de champ était une idée stupide et qu’elle était bien trop naïve ? Pas le temps de cogiter, avec des mouvements brusques, on débarrassait une grande table pour qu’Augure puisse s’y allonger.

- Je vais avoir besoin d’un alcool, n’importe lequel, de l’eau et de linges propres, s’il vous plaît. Pour les aiguilles et le fil, j’ai ce qu’il faut.

Cela faisait beaucoup d’ordres, il fallait bien le reconnaître. Certains diront que son aura devint extrêmement plaisante et solaire pour se faire pardonner son attitude et charmer ces gens, mais nenni, il lui était tout simplement naturel de sourire de la sorte pour remercier ses héros pour leur bonté.
Dim 17 Juil - 23:37
La voir se démener comme un beau diable pour moi, c'était quelque part réconfortant. Je comptais encore pour quelqu'un. C'était le cœur un peu honteux également, que je la laissais prendre les décisions qui s'imposaient pour notre survie. Même si j'avais l'égo des hommes de guerre, j'avais également apprit à faire confiance, et à laisser aux autres les rennes du pouvoir décisionnaire sur ma vie, c'était ça, après tout, la vie de soldat. Obéir aux lois et aux ordres, sans jamais se poser de questions, taper aux portes quand on vous le demandait, secouer untel ou un autre quand il le fallait, mais aussi des choses dont on pouvait s'enorgueillir, comme défendre les faibles et les opprimés, contre leur propres frères et sœurs parfois. Et moi, je m'étonnais, après tout ce que ''avais vu, et entendu, que ma propre famille me trahisse ? La colère en moi refroidissait, et plus la morgue s'emparait de mon cœur. Les cendres seraient difficile à digérer, ce n'était pas comme si un copain m'avait insulté, ou bien qu'on m'avait manqué de respect. Ma propre famille ne croyait pas en moi, pire, elle avait répandu le poison dans les esprits des plus grégaires et sectaires de nos habitants.

Et puis quoi après ? On m'effaçait de l'histoire, du registre des noms qu'on retenait ? Mon seul désir égoïste, ma seule réelle foi, mon seul but avait été de marqué les écrits, et de transcender le temps. Qu'on se souvienne d'Augure Phébus, qu'on me voit rentré au panthéon, même qu'on me dise visionnaire s'il le fallait vraiment. Je voulais laisser une empreinte, pas devenir un anonyme, un invisible, une quantité négligeable. Vanité ? N'était-ce pas la preuve de mon humanité ?

On avait bien créer une religion pour glorifier l'humain et ses ascendants, on avait bien fait des guerres saintes et tuer des hommes pour s'approprié le penchant victorieux, et sa prérogatives la plus courue : Ecrire l'histoire. Alors qui pouvais me juger ? Qui en avait le droit ? Ses pensées tournoyaient dans ma tête tandis que la charrette avançait au rythme des cahots et de la cavalcade des chevaux de traits. Il me semblait que le temps passait plus lentement qu'à l'accoutumé,  ou bien étais-ce mon esprit qui me jouait des tours ? Je me tournais vers Amara, elle, l'angélique sauveuse de mes tourments, et je me sentis reconnaissant.

- Je suis solide Amara, et j'ai toute confiance en toi, disais-je, conscient que la suite serait un mauvais moment à passer. De toutes les blessures que l'on peut recevoir, celle aux côtes sont les plus douloureuses à traiter, de par leur emplacement, et de par la sensibilité de la peau. J'allais avoir mal. J'allais en vouloir même à ma sauveuse, peut être, de s'acharner sur mon corps qui ne demandait qu'à se reposer et dormir. Pourtant, je luttais contre le désir de fermer mes paupières, et de me laisser aller vers le flou, vers le monde des rêveries, sucrés et bien mérité. Conscient que pleins de jeunes de mon âge mourraient chaque jour, sûrement précisément au moment ou elle appliqua ses linges alcoolisés sur la plaie à vif, que je n'osais pas regarder. J'avais déjà été blessé, mais jamais aussi gravement.

La peur m'enserrait le cœur. Je ne voulais pas mourir. Pas tout de suite. Je devais accomplir des choses. Du mieux.

- Cardan,  il faut que je lui dise .... Il doit savoir ... Il doit y avoir une autre solution, que la lente agonie, l'asphyxie ... A mesure que je parlais, je sentais que je perdais mon souffle, que je m'époumonais. Amara ... Il doit savoir que je suis... pas ... un hérétique. J'avais du mal à articuler, la douleur affluant sur mes côtes à mesure que la petite blondine s'acharnait à recoudre mes plaies. J'avais perdus beaucoup de sang, mais si j'étais encore conscient, c'était que le pire était passé ?

Je fermais les yeux, m'enfonçant dans une demie conscience ou l'on me triturait le bide. J'avais connu de meilleures fins de soirées.
Ven 22 Juil - 18:52
Encore perturbé de revoir « la ptite Vespertin » débouler dans son établissement et lancer des ordres, le tenancier hésitait à s’exécuter. Finalement, lorsqu’il comprit qu’il ne s’agissait ni d’une lubie de bourgeoise, ni d’un spectacle improvisé, il s’activa de son côté. Mademoiselle voulait un alcool et, d’un coup d'œil vers le blessé, bien qu’il ne soit guère médecin, il avait compris qu’elle utiliserait cette boisson pour désinfecter ses instruments ainsi que les chairs du blessé. Un picrate imbuvable ferait l’affaire. Cela tombait assez bien, il avait quelques bouteilles d’une cuvée ratée qu’il n’arrivait à écouler qu’auprès d’ivrognes que l’alcool a privé du goût.

- J’ai c’qu’il faut, ma p’tite ! Dit-il tout fier de se débarrasser de cette vinasse infâme.

Occupée à aider Augure à s’allonger, elle remercia tout de même d’un sourire le gérant de l’établissement. Ce dernier, visiblement intrigué par la scène, s’adossa dans un coin de la pièce, alors qu’une cuisinière faisait bouillir de l’eau et que l’un de ses fils apportait une panière de linge plus ou moins propre. Cela devrait faire l’affaire. Le visage du blessé perdait peu à peu ses couleurs et ses pupilles étaient bien moins réactives aux lumières des bougies allumées ici et là. Il se vidait de son sang, malgré les précautions d’Amara.

- Ne bouge plus s’il te plaît. Lui souffla-t-elle, de la voix la plus rassurante possible.

Avec des gestes sûrs, elle badigeonna d’alcool les instruments qu’Esteban lui donnait, un à un. À force de la suivre dans ses déplacements, il était naturellement devenu un genre d’assistant pour le médecin, repérant ce dont elle pourrait avoir besoin et devançant ses demandes, bien souvent. Il était un soutien dont elle aurait bien du mal à se séparer, à vrai dire. C’était peut-être pour cela qu’elle était aussi tolérante avec ses remarques et autres pics. Les compromis, elle en connaît un rayon !

Vient alors le moment de passer à l’acte. Tamponner de l’alcool aussi fort sur une plaie est certes la meilleure des solutions pour la désinfecter et stopper une septicémie, mais c’est aussi une affreuse source de souffrances. La blessure était un calvaire pour Augure, mais la voie de la guérison, pourtant essentielle, ne serait pas une promenade de santé. Malgré toute la délicatesse de la jeune femme, le tiraillement sur son visage était parfaitement visible. L’homme se retenait sans doute de battre des jambes, par pur réflexe face à la douleur. Ses bras semblaient lutter contre l’envie de la repousser.

- Je sais, je sais… Dit-elle à haute voix, avec un air coupable. Faire du mal à ses patients n’était jamais quelque chose de plaisant. Je suis obligée d’en passer par là.

Rongé par la douleur et se sentant défaillir, Augure lui tint des propos qui n’avaient pas lieu d’être. Malgré les encouragements d’Amara pour qu’il garde le silence, il semblait bien décidé à lui parler. Il y avait cette chose qui lui brûlait les lèvres. Ce besoin de s’assurer que son frère était au courant, ce besoin de rétablir la vérité, son honneur et de récupérer sa réputation. Prenant quelques secondes pour s’approcher de lui, tout en tenant fermement son flanc blessé, elle constata que très vite qu'elle ne pourrait plus lui parler : le sommeil, l'inconscience, le menaçaient.

- Cardan et moi savons la vérité. Tu n’as rien à craindre, nous ne pensons pas le moindre mal de toi.

Et déjà, ses paupières étaient closes. Amara n’était pas certaine qu’il avait eu l’occasion de l’entendre, ou peut-être pas jusqu’au bout. Elle avait fait ce qu’elle avait pu et le regard d’Esteban le lui confirma, alors qu’il dodelinait de la tête lentement, comme pour approuver ses paroles.

La femme, l’amie, laissa place au médecin. Elle avait besoin de toute sa concentration, de toutes ses connaissances. Une telle blessure était la plupart du temps mortelle et son pronostic vital était déjà bien engagé. Elle passa ses mains dans une eau fraîche pour les nettoyer grossièrement, puis elle se badigeonna elle-même d’alcool. Son ami et serviteur lui tendait l’aiguille pour qu’elle puisse s'atteler à son ouvrage. Pas de broderie, pas de somptueux points. Coudre des chairs n’est en rien comparable avec l’art de la couture. L'esthétique n’est pas son but premier, ce qu’elle désire, c’est la survie de ses patients. Profitant du sommeil d’Augure, elle tâta ici et là, pour déceler ou non une fracture des côtes. En constatant qu’il grimaçait malgré l’inconscience, elle s’adressa à Esteban.

- Mettez un linge dans sa bouche pour étouffer les cris s’il y en a.

Le vieil homme s’affairait, selon ses ordres. Lui non plus n’avait pas envie de l’entendre gémir de douleur, ou de le voir avaler sa langue. Durant ce temps, la jeune femme ne sentit rien d’anormal sous la pulpe de ses doigts. Il avait donc gagné une vilaine blessure saignante, mais pas de fracture. Un mal pour un bien. Ainsi, elle pouvait tout de suite se mettre à le recoudre. Et dès le premier point, Auguste se manifesta bruyamment, plongeant la cuisine dans un certain malaise.

- C'pas un spectacle à regarder, ouste. Une vraie boucherie.

D’un geste de la main, le gérant fit signe à ses fils de quitter la pièce. Amara, trop concentrée sur sa tâche, n’était pas bien sûre d’avoir entendu le dernier commentaire. Imperturbable, elle continua son travail avec le plus de délicatesse possible, étant donné qu’elle ne cessait de piquer et de modeler les chairs de ce pauvre Auguste. Peinée par les réactions du patient, la cuisinière abandonna de rincer les linges plein de sang dans l’eau bouillante, pour apporter un peu de soutien au malheureux. Avec ses petits moyens, elle lui tamponna le visage à l’aide d’un tissu imbibé d’eau fraîche, tout le long de l’opération.