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Entrée à Opale [Délia]

Entrée à Opale [Délia] Brandw10
Lun 17 Avr - 15:06
Très bien. Alors, elle devait se trouver son futur époux elle-même ? Très bien. Mais elle n'irait pas chercher à Xandrie, oh non, ce serait trop facile. D'un autre côté... Elle n'avait pas non plus envie d'en parler à ses parents. Sa mère la soutiendrait, elle le savait. Mais elle savait tout aussi bien que son père ne le verrait pas d'un aussi bon oeil. Pour lui, il était évident qu'il choisirait son premier gendre lui-même.

Alors, elle attendit. Elle attendit que la famille au grand complet soit invitée à une réception chez une famille prestigieuse de leur voisine, Opale. La famille entière devait être présente, mais les domestiques n'avaient pas le droit de venir, sous le simple prétexte : "nous nous occupons de tout". Il était évident que la famille hôtesse voulait faire étalage de sa richesse, peut-être pour impressionner les Xandriens, qu'ils regardaient probablement de haut. Cela faisait enrager Liana. Mais elle ne dit rien.

- Très chère, je pense avoir entendu que la famille qui nous accueille a un fils respectable, est-ce que je me trompe ?

...

Vraiment ? Son père commençait déjà ? Ils avaient à peine entamé leur voyage ! Elle échangea un regard excédé avec sa mère, qui finit par lui faire un signe d'apaisement.

- Liana ne sera probablement pas la seule candidate, vous savez.

- Qu'à cela ne tienne ! Je leur prouverai qu'elle vaut mieux que les autres !

Allons bon. Comme s'il en savait quoi que ce soit. Ils n'avaient pas beaucoup d'interactions... Mais la demoiselle préféra se détourner de cette conversation. Son frère et sa soeur s'étaient déjà endormis, sur le banc de l'attelage face à elle. Elle se retrouvait donc seule, entre des alliés potentiels actuellement incapables de l'aider et une bataille la concernant qui ne prenait même pas la peine de l'inclure. Qu'elle avait hâte qu'ils arrivent !



Après une route qui lui parut interminable, le carosse pénétra enfin sur la propriété hôtesse. Les enfants, à présent réveillés, entouraient leur soeur, observant les lieux, et les commentaires allaient bon train. Ravie, Liana se prêtait volontiers au jeu, sous le regard sévère de son père et bienveillant de sa mère. Mais à présent, peu lui importait. Ces deux enfants étaient la seule raison pour laquelle elle n'avait pas encore fui leur domaine. Mais, après sa discussion avec Ekiel, qui n'avait heureusement pas été ébruitée, elle y pensait de plus en plus.

Il sembla qu'ils n'étaient pas les derniers arrivés, même si la plupart des invités semblaient déjà présents. Sans leur laisser le choix, on leur fit visiter la propriété. Oui, le but était vraiment de leur montrer à quel point cette famille était plus riche, plus respectable, plus... tout qu'eux. Mais, la bienséance oblige, ils ne pouvaient pas se permettre de rétorquer. Même le chef de famille Elerior dut se tenir coi. Liana tentait de cacher sa satisfaction. Pour une fois, il ne pouvait pas répandre son venin à tort et à travers. Car, ici, il n'était plus le chef suprême.
Sam 22 Avr - 15:59





Entrée à Opale [Délia] Sans_t12



Trente-deux. La façade principale du vaste et très prestigieux manoir Sanlys comptait trente-deux fenêtres. Des ouvertures larges et hautes qui se couronnaient de parures florales sculptées dans le grès rose des carrières alentours. Mise en valeur par le travail d'un sculpteur de génie, la pierre emblématique parvenait à capter la lumière du jour pour se teindre d'une palette de couleurs remarquables. Des couleurs aux reflets rosés, captivantes et presque féériques qui, selon l'inclinaison du soleil, en venaient à ravir l'oeil au point de l'envouter. Et de ce spectacle, que la plupart des convives n'avaient pas même remarqué, Délia ne voulait rien manquer. Elle le savourait avec innocence et s'en délectait avec un ravissement non feint. Ainsi restait-elle immobile, au milieu de l'allée bordées de ses ifs taillés et soigneusement entretenus, le nez relevé vers le haut mur de la demeure qui accueillait la réception.

Bien des gens l'avaient alors contournée pour se glisser à l'intérieur du châtelet. Même ses accompagnateurs s'étaient lassés de l'attendre. Ne restait plus que sa chaperonne désignée, pour couver sa silhouette d'un regard agacé, tandis que le jour déclinant s'effaçait dans le souffle d'une brise crépusculaire. Un frisson éveillé par la caresse venteuse l'avait toutefois rappelée à l'ordre et Délia s'était résignée à rejoindre la fête, et ses invités.
Elle n'avait jamais participé à aucune réception auparavant. Tout du moins, pas sous cette forme-là. Et alors qu'elle s'osait à pénétrer dans le gigantesque hall d'entrée du manoir, Délia se remémora les conseils et recommandations de sa tutrice.

Les Sanlys étaient affiliés aux Caumont, eux-mêmes apparentés aux Vere et aux Briel. Des familles nobles et très riches, qui formaient un socle incontournable pour qui espérait s'élever au sein de la belle société. Aussi, être convié à l'une de leurs réceptions tenait du privilège.
Cependant, alors que tous se pressaient déjà pour saluer, remercier et féliciter la maîtresse de maison pour le grandiose de sa réception, Délia réalisait qu'il était également aisé de se trouver ici en mauvaise posture. Un faux pas, une simple erreur, un égarement et même une étourderie pouvaient ruiner une réputation durement acquise. Et qui se voyait ici mis à l'index, se trouvait là-bas et partout ailleurs affiché parmi les proscrits, et les indésirables. Mieux valait donc se fondre dans la masse, faire profil bas et ne surtout pas attirer l'attention. 

Délia avait choisi sa tenue en conséquence, simple et sans fioriture. Une robe de style Empire, rose pâle et joliment brodée de fleurs pour mettre en valeur ses épaules fines, un chignon bas et piqué de perles irisées pour souligner la ligne d'un cou gracile, et des gants de satin blancs pour parfaire une tenue qu'aucun bijou n'entendait sublimer. Au milieu des invités bigarrés et scintillants, faisait-elle alors figure d'exception. Une anomalie que la foule des convives entendait noyer sous sa masse de tissus brillants et chamarrés. Cette simple idée lui coupa le souffle. Elle n'était pas prête à faire son entrée dans le Monde. La peur au ventre, elle glissa un regard à droite, puis à gauche en quête d'un visage familier. Cependant, l'évidence voulait la frapper rapidement, tandis qu'elle comprenait se retrouver seule.
Aussi, lorsqu'un groupe de convives prêts à s'éloigner de la cohue mondaine passa dans son dos, Délia choisit de se glisser parmi eux. Au programme, la visite du domaine annoncée par un domestique spécialement dédié à la tâche lui parut soudainement salutaire.

"Bonsoir." Osa-t-elle donc souffler dans une courte révérence à l'attention des personnes présentes, avant de se porter au côté d'une jeune femme qui paraissait avoir son âge.
Sam 22 Avr - 16:41
Une personne les rejoignit. Alors que son père l'aurait assassinée avec ses yeux s'il l'avait pu, Liana était enchantée de ce nouveau dénouement. Après tout, elle était sur le point de s'endormir devant cet étalage de richesses sans aucun réel intérêt pour elle. L'Ennemi approchait à grands pas. Et si cette inconnue pouvait l'aider à le combattre, ce serait avec plaisir qu'elle lui en donnerait l'occasion. Elle la salua donc d'un signe de tête lorsqu'elle vint se placer près d'elle. Mais elle ne pouvait pas lui parler. Pas encore. Trop d'oreilles indiscrètes se trouvaient aux environs pour qu'elle se permette d'oser parler d'autre chose que de la grandeur et de la magnificience de ces hôtes, qu'elle n'avait d'ailleurs même pas vus depuis son arrivée. Etait-ce ainsi qu'on recevait, à Opale ? Clairement, elle préférait largement sa propre nation.

Le tour lui parut infini. Lorsqu'ils passèrent dans les jardins, elle eut envie de courir entre les plantes, mais dut, la mort dans l'âme, empêcher son frère et sa soeur de le faire. Ils représentaient ses espoirs déjà morts depuis longtemps, et à présent, c'était elle qui devait tuer les leurs ? Vraiment, elle allait finir par fuguer. Et les emmener avec elle. Elle prendrait un faux nom, changerait peut-être d'apparence, pour ne plus être associée à son tyran de père. Mais là n'était pas le moment de se laisser aller à de telles pensées.

Après la visite du jardin, ils furent enfin laissés tranquilles. Jusqu'à l'heure du repas, qui ne tarderait de toutes façons plus tellement. Alors, elle en profita pour entraîner sa nouvelle (future) amie à l'écart, pour parler plus calmement.

- Alors, qu'avez-vous pensé de cette visite ?

Personnellement, elle n'en avait absolument rien retenu, si ce n'était que les Opaliens lui semblaient particulièrement imbus d'eux-mêmes...
Mar 25 Avr - 14:45






Le cheveux rose, l'oeil pétillant et le teint de porcelaine, son ancienne camarade de promenade avait l'allure romanesque d'une fée malicieuse. Délia l'observa, silencieuse, alors qu'elle sentait les doigts graciles de la noble presser ses avant-bras et tandis que cette dernière l'interrogeait.
Qu'avait-elle pensé de la visite ? Les premiers mots qui voulaient parer sa langue de compliments, s'étiolèrent dans le flot de sa pensée soumise au souvenir émerveillé de ses découvertes. Les vastes jardins de la propriété Sanlys tenaient du merveilleux. Leurs bassins gavés de poissons exotiques, leurs fontaines majestueuses, les bosquets taillés pour représenter quelques créatures fantastiques et les sculptures qui l'ornementaient avaient enchanté son regard.

Délia voulait alors dire son ravissement, mais cependant qu'elle ouvrait la bouche pour répondre à son interlocutrice, elle se rappela les sévères recommandations de sa tutrice.
Une jeune fille bien éduquée ne devait pas se montrer trop enthousiaste. Elle ne devait pas paraître exubérante et ne devait pas non plus parler à tort et à travers. La tempérance, la modestie et la discrétion étaient les seuls apanages indispensables à sa bonne réussite en société.

"Divertissante." S'entendit-elle donc répondre, tandis qu'un timide sourire voulait étirer ses lèvres. "Et j'ai apprécié pouvoir profiter des jardins en votre aimable compagnie. Délia Vaulne." Elle esquissa une brève révérence - comme elle l'avait déjà vu faire - et se redressa tandis que les premières notes d'une musique de chambre lançaient le début officiel de la réception.

Les haut-candélabres suspendus au-dessus des tables richement parées s'illuminèrent aussitôt et des applaudissements jaillirent de part et d'autre de la grande pièce. Rapidement, une rumeur admirative enfla parmi les rangs des convives, alors qu'une nuée entière de domestiques se déployait pour servir les premiers plats d'un dîner d'apparence grandiose.
A droite et à gauche les invités s'élancèrent en direction du banquet. Des rires, quelques gloussements et un cri ou deux accompagnèrent le mouvement de foule. Tous voulaient avoir l'opportunité de choisir la meilleure place possible pour leur avenir. Une place à côté d'un grand d'Opale, un siège en face d'une riche beauté à marier, ou une chaise au plus près des plats visiblement délicieux.

Un rire nerveux s'échappa des lèvres de la Zoan. "Il me semble que tous ici sont affamés." Elle pencha la tête sur le côté. "Venez, si les places ne sont pas déjà attribuées, nous pourrons nous installer ensemble et continuer notre discussion à table."
Mar 25 Avr - 15:34
"Divertissante" ? Vraiment ? Elle ferma les yeux pour s'empêcher de proférer une remarque trop acide. Néanmoins, les jardins étaient agréables, ça, elle ne pouvait pas le lui enlever. Elle reprit donc un sourire poli.

- Honnêtement, je l'ai trouvée ennuyeuse à mourir. Mais en effet, les jardins sont bien plus intéressants. Enchantée, je suis Liana Elerior. Oh, avez-vous entendu parler de ma famille, ici, à Opale ?

C'était l'occasion de tester leur réputation. Et, si elle avait atteint Opale, ce dont elle doutait, elle aimerait savoir en quels termes. Maintenir une bonne réputation partout où elles étaient connues était vital pour les maisons nobles.

Mais bientôt, il fallut se soumettre au rituel du dîner. Probablement encore un moyen de les humilier. Les places avaient été attribuées. Et, bien avant d'entrer, elle entendit son père.

- Ah mais c'est pas vrai ! Il va encore nous faire honte !

Plantant là sa compagne si elle ne décidait pas de la suivre, elle se hâta vers la salle de la réception, pour assister à une altercation entre son père et le maître de maison. Apparemment, il était inadmissible que les pires places leur aient été attribuées, et bla bla bla... Elle croisa le regard de sa mère, qui ne savait visiblement plus où se mettre. Mais d'un autre côté... C'était peut-être l'occasion pour elle de briller. Si elle arrivait à faire meilleure impression que son père, peut-être pourrait-elle sauver l'honneur de sa famille, en donnant l'image d'une héritière plus responsable que le patriarche ?

Elle rejoinit alors les belligérants et, après avoir offert sa plus belle révérence au maître de maison, osa, pour la première fois, élever la voix face à son père.

- Veuillez nous pardonner, Sieur Sanlys. Père a eu une longue journée, il ne réalise pas la portée de ses mots. En tant qu'héritière, permettez-moi de parler en son nom en ces temps troublés. Je vous assure de la reconnaissance de ma famille envers votre volonté de nous faire découvrir les fastes d'Opale. Soyez assuré que votre famille aura bonne réputation à Xandrie.
Ven 28 Avr - 18:36






Elerior. Le nom ne lui disait rien, ce qui - en toute objectivité - n'avait rien de surprenant. Plus étonnant, en revanche, fut de se retrouver abandonnée par ladite Elerior, avant même d'avoir eu le temps de lui répondre. Délia en papillonna des yeux, interdite. Était-ce ainsi que se comportaient les humains durant leurs fameuses réceptions ? De toute évidence, la Zoan ne s'était pas attendue à pareille attitude. D'aucuns auraient parlé d'impolitesse, quand d'autres n'auraient pas manqué relever l'injure dans le comportement de la Xandrienne.
Délia, cependant, préféra considérer l'événement sous le sceau de la maladresse. Une très inélégante étourderie qu'elle aurait pu commettre, elle aussi, si elle n'avait pas été correctement préparée. Pour autant, la change-peau se garda d'emboîter le pas de Liana. Elle n'avait pas la moindre intention de la suivre.

Elle choisit donc de rejoindre la table des invités mais, se faisant, elle capta à son tour l'agitation qui lui avait volé l'attention de son interlocutrice. Curieuse et intriguée, la Zoan tendit l'oreille et tout en cherchant la place qui lui avait été attribuée, elle laissa son ouïe de fauve lui rapporter les paroles venimeuses de la rixe qui opposait le maître de maison à l'un de ses invités.
Se disputer pour une place était chose courante, surtout chez les humains. Elle se souvenait de ces spectateurs qui, aux abords de l'arène, en venaient presque à se battre pour pouvoir se presser contre les grilles. Elle se rappelait également de ceux qui appréciaient de se retrouver au premier rang et qui, pour cela, étaient prêts à dépenser des fortunes. Combien d'entre eux en étaient venus à remplir les poches de son ancien maître ? Combien lui avaient promis quelque service en échange d'une place privilégiée pendant un combat ?

Elle secoua la tête et contourna la grande table de banquet, à la recherche - toujours - du siège qui lui avait été attribué. Trois marque-places plus loin, Délia le trouva coincé entre deux vieilles aristocrates. Toutes occupées à commenter l'événement qui, à présent, avait attiré l'attention de tous, les nobles ne lui prêtèrent que peu d'intérêt.

"Il s'agit de Godred Elerior.
- Vraiment ? J'avais effectivement entendu dire qu'il serait invité avec sa famille. J'ai osé croire à une plaisanterie.
- Oh mais voyons ma chère, il s'agit bien d'une plaisanterie. Le pauvre, seulement, n'en a pas conscience."


Elles gloussèrent de concert et se félicitèrent d'une œillade entendue, avant d'attraper leurs couverts.

"Oh, voilà sa fille.
- Sa fille ?
- Oui, Liana Elerior. Il se dit qu'elle a un certain tempérament.
- C'est qu'elle a de qui tenir ! Vous entendez ce qui se dit ?
- Malheureusement, non."


C'est le moment que la Zoan choisit pour s'annoncer.

"Liana Elerior présente des excuses au maître de maison." Les mégères se retournèrent de concert pour fixer Délia. "Je lis sur leurs lèvres." Se sentit-elle forcée de mentir dans un sourire. "Délia Vaulne. Me permettez-vous de prendre place à vos côtés ?" Les nobles s'écartèrent, visiblement enchantées, tandis que la Zoan s'installait à la table des convives.
Sam 29 Avr - 11:52
Et voilà. Ce qu'elle voulait éviter était précisément en train de se produire. Elle avait attiré tous les yeux sur eux. Le maître de maison se donna l'apparence d'un hôte exemplaire en acceptant ses excuses, mais elle avait bien vu son sourire satisfait. Si elle l'avait pu, elle l'aurait giflé. Mais ce serait une erreur impardonnable. Bien plus que d'avoir abandonné cette femme... Enfin, elle avait plus important à faire. Il lui fallait à tout prix préserver l'honneur de sa famille. C'est sur ces pensées qu'elle croisa le regard de son père... Et ne put s'empêcher de reculer. Les nuages s'amoncelaient dans son ciel. Une dispute se profilait à l'horizon. Mais il ne prendrait pas le risque d'exploser en public, n'est-ce pas ? Il s'était déjà bien assez fait remarquer... À présent, elle le craignait bien plus que d'habitude. Elle savait parfaitement ce qu'il allait lui reprocher. D'avoir parlé à sa place. De l'avoir ridiculisé. Mais ce qu'il ne semblait pas voir, c'était qu'elle l'avait empêché de se ridiculiser encore plus ! Elle lui avait sauvé la mise, et voilà comment il la remercier ! C'était désespérant.

Enfin, elle pouvait au moins espérer qu'il se tiendrait tranquille pendant le repas.

- Liana, tu as été très courageuse, je ne l'aurais jamais osé !
- Bon courage, tu vas le payer... Mais sache que je suis avec toi !
- Moi aussi !
- Taisez-vous, les enfants.

Les félicitations de son frère et de sa soeur s'interrompirent aussitôt sous l'injonction de leur mère. Etrangement, elle avait moins de difficulté que leur père à se faire obéir, alors qu'elle était plus douce et compréhensive. Même cet ordre s'était accompagné d'un sourire bienveillant. Etrangement, la sévérité marchait moins bien que l'empathie... Son père le voyait-il seulement ? Elle soupira. Pourquoi les femmes ne pouvaient-elles pas diriger leur maisonnée ? Sa mère y arriverait probablement bien mieux que son tyran de mari, qui n'était de toutes façons jamais là.

Elle chercha alors du regard la demoiselle qu'elle avait laissée en plan. Après avoir cherché pendant quelques minutes, elle la trouva, coincée entre deux commères. Oh, la pauvre... Elle lui adressa un petit signe compatissant. Entre elle-même qui devait supporter son père et Mademoiselle Vaulne qui était probablement déjà bien plus qu'abreuvée de potins, elle ne savait pas qui était la moins bien lotie.
Mer 10 Mai - 22:46






Coincée entre les deux aristocrates, Délia ne tarda pas à connaître le nom et les habitudes de chacun des convives. Régina Sapiens était enceinte, encore, mais pas de son mari, encore. Victor Sarosse avait changé de partenaire de crosse pour ses entraînements. Mais cela n'avait pas amélioré son jeu. Serena Chastel avait porté du rouge au bal de Pthelior. Pour se faire remarquer, bien sûr, puisqu'elle espérait y trouver un époux. Mila Rhâle avait, Gesuh Fanche disait, et ainsi de suite jusqu'à voir engloutie la dernière part de gâteau.

Quand les premiers danseurs se rassemblèrent pour ouvrir le bal, Délia en soupira d'aise. Oh, elle n'était pas douée pour virevolter sur une piste, mais elle était prête à écraser n'importe quelle paire de pieds, seulement pour échapper à la torture du commérage.  
Aussi se releva-t-elle d'un bond - tout en sourire et en excuses - dès lors qu'un bras lui fut offert. Et tandis qu'elle avançait vers un autre supplice, elle chercha sa presque amie du regard.

Elle la trouva rapidement, toujours installée à la table des convives malaimés et lui adressa un signe discret de la main. Comprendrait elle qu'il s'agissait là d'un appel à l'aide ?
Trop occupée à se maudire, alors que les notes d'ouverture d'une valse l'obligeaient à s'incliner devant son partenaire de danse, Délia ne pouvait que l'espérer.


Dernière édition par Délia Vaulne le Dim 14 Mai - 0:17, édité 1 fois
Sam 13 Mai - 18:40
Les choses s'enchaînaient rapidement. À présent, l'heure était à la danse. C'était son moment. Elle devait briller, pour redorer un peu plus le blason de sa famille, comme elle le pouvait. Après tout, la danse, c'était l'une des seules activités qui possédaient le double avantage d'être intéressantes et convenables pour une femme de son rang. Elle se leva donc, répondant discrètement au signe de sa potentielle complice. Elle s'approcha donc, bien décidée à lui piquer son partenaire, lorsqu'elle fut presque jetée dans les bras d'un autre. Probablement un nouveau coup de son père. Pensait-il vraiment que qui que ce soit voudrait encore d'elle après la scène survenue plus tôt ? Néanmoins, elle ne pouvait pas se plaindre. Pas maintenant. Elle avait un rôle dont elle devait s'acquitter. Et c'était d'être la meilleure sur cette piste de danse. On voulait ridiculiser sa famille ? Soit. Mais pas elle.

Elle se coupa donc du monde, oubliant tout hormis la musique et son partenaire qu'elle ne connaissait pas. Elle ne savait absolument pas comment elle se débrouillait, mais peu lui importait. Elle revoyait ses leçons de danse, sans oublier de s'amuser au passage. Finalement, ce partenaire n'était pas si horrible qu'elle l'imaginait... Elle ne se sentait pas bridée par sa présence, au contraire, il l'accompagnait. C'était ce qui était censé se passer, non ?

Une fois la danse terminée, elle salua et remercia son partenaire avant de revenir vers sa destination initiale et s'adressa au tortionnaire involontaire :

- Bonsoir ! M'accorderiez-vous la prochaine danse ?

Elle en profita pour faire un clin d'oeil à l'autre demoiselle. Normalement, ce n'était pas aux femmes d'inviter, mais elles se trouvaient dans un cas de force majeure.
Jeu 25 Mai - 11:48






Trop tard, l'intervention toute bienveillante de la jeune Elerior arrivait quelques pas de danse trop tard. Delia ne l'en remercia pas moins d'un sourire et tandis que son cavalier arquait un sourcil de surprise face à l'audace de la xandrienne, la Zoan s'osa à l'encourager d'une révérence. Il avait été charmant. Prévenant quand elle lui avait confié ne pas maîtriser l'intégralité de la chorégraphie. Il l'avait rassurée tout en veillant à ne pas la mettre en difficulté. Un gentleman, à n'en pas douter. Il l'avait complimentée sur sa tenue, s'était attardé à lui confier sa propre maladresse, avant de lui avouer sa fascination pour la couleur de ses yeux mauves. Une entorse à la bienséance qu'elle lui pardonnait bien volontiers dans la mesure où, elle n'en avait strictement rien à faire de leurs fichues convenances.
A être parfaitement honnête, elle devait également admettre se trouver lassée par le jeu de faux-semblants qu'elle s'imposait ici. Au centre de la pièce de réception, au coeur de ce trop luxueux poulailler, Delia n'aspirait qu'à sortir les crocs. Et elle sentait le fauve s'impatienter dans sa cage de chair. Elle devinait ses rugissements contenus et la lassitude qui aiguisait ses griffes. Ô comme elle aurait aimé, déchirer les robes, le brocart et la soie d'un coup de patte joueur. Comme elle aurait apprécié courir après ces dindes effrayées, les bousculer, les mordiller et, pourquoi pas, les éventrer. Elle en aurait probablement jubilé, comme elle aurait exulté de les entendre hurler... Ah, si seulement elles avaient su !

Un soupir dépité s'évada depuis la prison de ses lèvres. Combien de temps pouvait bien durer une telle soirée ? Dans son monde, tout du moins dans celui qu'elle avait fréquenté jusque-là, l'agonie n'était pas encouragée. La souffrance, si elle était monnaie courante, s'abrégeait d'un dernier coup fatal. Là se figurait-elle l'heure défiler plus lentement. Là imaginait-elle l'aiguille du temps avancer plus mollement.
Dans le creux de ses entrailles, la bête s'ennuyait. Elle ronronnait son impatience et n'aspirait plus qu'à briser ses chaînes. Tempérer son ardente pression devenait compliqué et ses oreilles, si elles avaient d'abord bourdonné, se mettaient désormais à siffler. Rha, qu'elle détestait finalement se cacher.

A l'approche d'un nouveau prétendant, elle leva les yeux au plafond. Elle avait déjà dansé tout son saoul. Un grognement sourd coincé dans sa gorge, elle toisa le pauvre hère qui avait tendu vers elle sa main gantée de blanc. Il ne broncha pas et après un simple coup d'oeil vers son visage devenu inquiétant, il retira son offre pour silencieusement se tourner vers une rosière plus avenante. Un impair que Delia devrait assumer, mais sans doute lui trouvera t-on quelque excuse quand elle expliquerait avoir été vexée par l'impudent comportement de la xandrienne. Après tout, elle lui avait "volé" son cavalier.
Rejetant un éclat de rire dédaigneux par-dessus son épaule, Délia ignora les quelques murmures réprobateurs qui accompagnèrent son retour vers la table des convives. Cependant et alors qu'elle s’apprêtait à reprendre place, son oreille se mit à frémir au son d'une voix qu'il lui sembla reconnaître. Une voix aiguë, pinçante, désagréable.

La prédatrice en elle aussitôt s'éveilla. Elle connaissait cette voix et sa propriétaire. Elle les connaissait pour avoir déjà croisé la jeune femme. Elle se souvenait de ses mains agrippées à la cage qui la gardait alors prisonnière et se rappelait également de ses mots ; "Tu m'as fait perdre mon argent." Des mots qu'elle lui avait jeté rageusement au museau, avant de cracher sur son pelage maculé de sang. Oh oui, elle se souvenait...
Lentement, discrètement, Délia entreprit de contourner les groupes d'invités pour rejoindre celle qu'elle prenait désormais pour cible. Elle l'observa d'abord de loin. Elle la suivit, sans chercher à attirer son attention. Parfois se glissait-elle parmi un trio de bavards, quelques-fois longeait-elle un mur paré de toiles, mais toujours restait-elle dans le sillage de la brune. Et quand enfin l'occasion se présenta, elle la poussa. Clandestinement mais violemment, suffisamment fort pour qu'elle trébuche et tombe de tout son long sur la piste de danse, au milieu des valseurs qui s'indignèrent de sa maladresse, aussitôt que l'hôtesse de la soirée bascula par-dessus son corps étalé.

La musique cessa, tandis que la "malhabile" se redressait en criant : "ce n'est pas ma faute ! Quelqu'un m'a poussée !"

Délia cependant se trouvait déjà loin et pendant que tous s'offusquaient, la Zoan s'avança pour venir en aide à la Sanlys qui, bien évidemment, la remercia très chaleureusement.

Ah, la vengeance... Quel bon goût elle avait !
Dim 28 Mai - 16:36
Une fois de plus, l'environnement disparaissait alors qu'elle s'absorbait dans la danse. Finalement, elle semblait avoir trouvé une activité à son goût qui ne lui vaudrait aucun regard mécontent. Elle ne faisait que ce qu'on attendait d'elle dans un tel contexte.

Cette parenthèse enchantée prit brusquement fin lorsque la maîtresse de maison s'étala au sol au milieu des danseurs. Prévenant, son cavalier l'écarta du centre de l'agitation. Elle le remercia, mais ne put s'empêcher d'observer ce qui se passait avec curiosité. Quelqu'un l'avait poussée ? Vraiment ? Etrangement, Liana en doutait. Pleurnicher comme une gamine, ce n'était pas digne de l'hôtesse d'une réception prestigieuse. Autour d'elle, les murmures montaient. Il n'y avait nul doute quant au fait que la réputation de cette famille allait en souffrir. Liana glissa un regard à son père. Bingo. Sa mine satisfaite était évidente. Pour une fois, père et fille étaient d'accord. Cette femme avait ce qu'elle méritait.

Elle rejoignit Délia lorsqu'elle s'éloigna. Après tout, si elle l'avait aidée, elle savait forcément ce qu'il s'était passé.

- Bonsoir de nouveau. Avez-vous vu ce qu'il vient de se passer ? Honnêtement, je ne crois pas en son "on m'a poussée". Mais peut-être savez-vous ce qu'il s'est vraiment passé ?
Ven 22 Sep - 10:08






Accueillant les remerciements de la Sanlys d'un sourire poli, Délia lui offrit une gracieuse révérence. L'incident, sans aucun doute, aiderait à sa notoriété. Tout du moins se le figurait elle, tandis qu'elle voyait la maîtresse de maison s'éloigner. Penchant la tête sur le côté pour mieux savourer le tableau de son méfait, ses yeux papillonnèrent en se posant sur la silhouette de la malheureuse qu'elle avait très discrètement condamnée à l'opprobre. Elle pleurait, de rage et d'amertume, mais aussi et surtout parce qu'elle réalisait l'insurmontable du scandale à éponger.

Elle avait beau prétendre avoir été poussée sur la piste de danse, personne ne semblait goûter à sa version des faits et bientôt la pauvresse fut amenée à l'écart des autres convives, avant de disparaître.

La satisfaction ressentie par Délia s'estompa aussitôt qu'elle n'avait plus l'occasion d'admirer le spectacle de cette déconfiture. Mais avant qu'elle n'en vienne à réaliser sa cruauté pour enfin la regretter, la jeune Elerior l'accosta à nouveau.

Si la Zoan savait et avait tout vu de ce qu'il venait de se passer, elle n'en préféra pas moins garder le silence. Elle secoua donc la tête et d'un bref haussement d'épaule, chassa ce questionnement malvenu pour lui préférer quelques politesses insipides.

"Je m'en vais vous décevoir, Madame, mais j'ignore tout bonnement comment une telle chose a pu arriver. Notre hôtesse est tombée et elle s'est très vraisemblablement blessée. D'après ce qu'affirment les autres invités, la responsable serait une certaine Camille de Langevin." Un sourire contrit s'invita sur ses lèvres. "J'ai bien peur que la soirée ne s'achève sur ce triste événement. Je m'en vais donc prendre congé. J'ai néanmoins été ravie de faire votre connaissance.

Et sur ces mots, la Zoan quitta la fête.