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Dériver de son chemin

Dériver de son chemin Brandw10
Lun 6 Mar - 0:32

DÉRIVER DE SON CHEMIN

Ft. Halie


Le train filait à toute vitesse à travers le pays de Xandrie.  

Le regard perdu dans le paysage qui défilait, un verre à la main, Lian était plongé dans ses pensées. Cela faisait trop longtemps qu’il ne s’était pas rendu à Opale, trop longtemps qu’il n’avait pas revu ses vieux amis, trop longtemps qu’il n’avait pas entretenu ses liens avec ses vieux amis opalins. Il aurait pu réfléchir aux retrouvailles qui l’attendaient, aux soirées auxquelles il assisterait inévitablement, aux négociations qu’il devrait mener. Toutefois, ce qui occupait ses pensées, c’était plutôt cette commande d’yhsem qu’il devait faire parvenir à Xandrie. Oh, bien sûr, il s’était assuré que les communications en ce sens demeurent discrètes. Ce n’était pas du roi, qui désapprouvait pourtant ce genre de dépravation, dont Lian se méfiait. Non, c’était plutôt de ses pairs, les autres ministres, mais aussi de la noblesse qui avait tendance à mettre son nez partout et de la révolution qui avait des espions à chaque tournant.  

Il toucha sa poche, comme pour s’assurer que le petit boitier s’y trouvait toujours. Il avait évité d’en consommer, aujourd’hui, car le train allait bientôt arriver à sa dernière gare et il lui faudrait alors voyager de manière plus rudimentaire. Pour autant, les petites fleurs dans sa poche lui démangeaient et pour noyer l’envie d’embaumer son wagon de vapeur, il buvait. Sans doute plus qu’il l’aurait dû. Ainsi, lorsqu’on annonça la fin imminente du voyage et qu’il se leva pour la première fois en plusieurs heures, il se rendit compte que son pas était chancelant. Cela ne l’empêcha pourtant pas de glisser une bouteille d’un merveilleux alcool vieilli sous sa veste. Il eut quand même la présence d’esprit de boire un peu d’eau avant de sortir, histoire de reprendre contenance, ainsi que de s’asperger le visage avant de descendre de la rame. Là, près du quai, se trouvait une file de voitures. Actant de son mieux la sobriété, il se dirigea vers l’une d’elles, laissant à son homme de main le soin de transférer ses bagages dans le prochain véhicule.  

Il observa les véhicules un à un, impressionné par les prouesses mystiques des opalins. Ces véhicules étaient à la fine pointe. Il se pencha pour observer les jantes, apprécia la ligne de la carrosserie, aperçu les réserves de myste qui les alimentait. À Xandrie, les voitures étaient rares, et celle-ci, la dernière de la file, était particulièrement impressionnante. Moins conçue pour le confort que pour le plaisir de conduire, elle avait des lignes agressives et un style sportif qui plut rapidement au ministre. Il l’observa de longues minutes, sous tous les angles, avant qu’un homme s’approche de lui, souriant.  

– Beau bolide, n’est-ce pas ?  

– En effet, acquiesça Lian en le saluant d’un mouvement de tête. Je n’en ai jamais vu de tel.  

Ils discutèrent pendant de longues minutes des évolutions que la compagnie des Excelior avait apportées dans le domaine de l’automobile dans les dernières années et des pointes de vitesse impressionnante que pouvaient désormais atteindre les plus sophistiqués des véhicules, dont celui-là. Plusieurs minutes plus tard, un homme s’inclina devant ces messieurs, invitant Lian à rejoindre le véhicule qui lui avait été réservé.  

– Ne voudriez-vous pas voyager avec moi, monsieur...  

– Wu. Hé bien, ce serait un honneur que d’expérimenter la conduite de cette petite merveille, fit le ministre, enchanté.  

– Mais, monsieur, ce n’est pas...  

D’un geste de main, Lian somma son subordonné de le laisser tranquille.

– N’ayez crainte, Hugon, nous nous retrouverons à Opale, fit l’homme, obnubilé par l’idée de cette expérience.  

La voiture, qui n’avait que deux places, n’eut pas à attendre que les autres véhicules soient prêts. Ainsi, ils partirent avant les autres et Lian passa la première heure à complimenter le chauffeur qui faisait profiter à son passager de tous les petits détails qui faisait de sa voiture un véhicule tout à fait exceptionnel. Flatté par l’intérêt du ministre qui ne dérougissait pas, il lui proposa de prendre le volant, lui assurant que la région était sûre. Enthousiasmé, ils échangèrent leur place. Cependant, sans doute aurait-il dû réfléchir davantage à ses capacités avant d’accepter l’offre. Sous influence de l’alcool, sa conduite devint vite erratique.  

– Je crois que ce sera suffisant, monsieur Wu, tenta poliment de le prévenir le propriétaire du véhicule qui tenait la charpente à deux mains, visiblement effrayé par la conduite de son nouvel ami.  

– Allons, encore un peu, fit Lian, en nage, donnant un énième et désagréable coup de volant.  

L’aventure ne se poursuivit pas longtemps. Lian accéléra encore, galvanisé par la vitesse impressionnante du véhicule. Quelques minutes plus tard, il perdit inévitablement le contrôle et le véhicule dévia de la route. Il fit quelques mètres dans l’herbe et Lian, sous l’adrénaline et les réflexes embrouillés par l’alcool, tenta de ramener le véhicule sur la route sans penser à ralentir d’abord. Ils roulèrent chaotiquement de longues minutes avant que Lian se rende compte, sous les cris effrayés de son passager, qu’ils s’éloignaient de la route plutôt que de s’en approcher, et que ce qu’il avait pris pour celle-ci dans la pénombre était en réalité... une rivière. À la dernière seconde, il tenta de redresser la voiture qui ne put lui obéir. Celle-ci fit une embardée avant de heurter un obstacle et de faire quelques tonneaux, terminant sa course dans le cours d’eau.  

Sonné, Lian mit quelques secondes avant de reprendre ses esprits. Il s’était légèrement cogné la tête et son index lui faisait affreusement mal. Sans doute était-il cassé. Pourtant, miraculeusement, il allait bien, ce qui n’était pas le cas du propriétaire du véhicule, qui avait perdu conscience et se trouvait toujours dans les vapes. Sans s’occuper de lui, Lian entreprit de s’extirper du véhicule qui n’avait plus grand-chose à voir avec la beauté qu’il avait contemplée à la gare. Une fois sorti, il s’éloigna rapidement du véhicule, craignant que les réservoirs de myste aient été touchés et causent une explosion. À aucun moment il n’eut de pensée pour le propriétaire qui s’y trouvait. Le choc passant, il entreprit de regarder autour de lui.  

Si le soleil n’était pas encore couché, il disparaissait peu à peu à l’horizon, couvrant le paysage d’or et allongeant les ombres. Lian contempla le véhicule, ouvrit la bouteille d’alcool, qui avait survécu au crash et en prit une grande lampée pour juguler la panique qui montait en lui. Il était au milieu de nulle part, dans la nature, sans ses effets personnels et trop déboussolé pour se rappeler dans quelle direction se trouvait la route. Le retrouverait-on, s’il restait là ? Cela était peu probable. Il était parti devant et ses hommes ne s’inquièteraient pas avant d’avoir atteint Opale, ce qui était prévu pour le lendemain soir. Poussant quelques jurons colorés à l’intention de la situation, Lian regarda autour de lui, en quête de quelque chose pour t’aider. Mais en bon citadin, le ministre n’avait aucune idée comment se repérer.
Lun 6 Mar - 11:20
La clairière résonnait des chants des oiseaux. Perchée sur l'une des branches de son arbre, une pomme dans la main, prête à débuter son repas, Halie observait leur envol. Certains parents initiaient leurs petits au vol, d'autres se promenaient ou partaient en quête de nourriture. Cette paix convenait parfaitement à la demoiselle. Seule au milieu des oiseaux, elle ne s'était jamais sentie plus à sa place. Jusqu'à ce qu'elle soit témoin d'un drame. Un oisillon, visiblement trop peu préparé, chuta peu après avoir quitté le nid. Bienveillante, elle le récupéra dans le creux de sa main. De son autre main, elle mordit à pleines dents dans la pomme, en arranchant un morceau, qu'elle offrit au rescapé.

- Désolée, je me doute que tu aurais préféré les graines. Tu pourras les avoir, mais quand j'aurai fini le reste. En attendant, partageons, d'accord ?

Elle déposa alors l'animal et sa nourriture sur ses genoux pour pouvoir se concentrer sur son propre repas. Tout se passait bien, jusqu'à ce qu'un bruit inconnu vienne troubler cette paix si chère à son coeur. Agacée, mais faisant de son mieux pour ne pas juger sans savoir, elle assista à l'accident depuis les hauteurs. Mais, lorsque le véhicule termina sa course dans SON ruisseau, Halie vit rouge. Se contenant pour ne pas inquiéter l'oisillon, elle le redéposa dans son nid, puis plaça le morceau de pomme qu'elle lui avait offert près de lui. Puis elle descendit de l'arbre. Et, rapidement, apostropha l'homme, qui, étant le seul être qu'elle pouvait voir, lui semblait être le propriétaire de cette immondice qui souillait ses bois :

- Merci de retirer IMMEDIATEMENT cette chose de mon ruisseau. Nous sommes nombreux à y boire, je ne vous permettrai pas de l'empoisonner ! Et pas de "c'est trop lourd pour moi" ou je ne sais quoi. Vous l'avez amené, maintenant, vous vous debrouillez, vous me l'enlevez ! TOUT DE SUITE !

Puis, sans lui accorder plus d'attention, elle entra elle-même dans le cours d'eau et entreprit de pousser le véhicule hors de son lit... Du moins, c'est ce qu'elle tenta. Evidemment, elle en était incapable, mais il ne serait pas dit qu'elle laisserait sa forêt se faire polluer sans rien tenter ! Soudain, elle perçut une signature émotionnelle supplémentaire. Ils n'étaient donc pas que deux humanoïdes ?

Alors, ignorant complètement le poids de ses vêtements en train de se gorger d'eau, elle se fit un devoir de dégager cette autre personne. Elle fut rapidement capable de l'extirper de l'intérieur du véhicule, néanmoins, il semblait que ce dernier le bloquait et empêchait l'hespéride de le déplacer. Alors, elle se contenta de lui maintenir la tête hors de l'eau pour l'empêcher de se noyer, alors que, ses yeux lançant des éclairs, elle attendait que l'autre homme fasse au moins semblant de tenter de libérer le passage.

- C'est quand vous voulez !
Mar 28 Mar - 0:01

DÉRIVER DE SON CHEMIN

Ft. Halie


L’éclat de voix dans le calme relatif des boisés le fit sursauter. Il se retourna vivement, sous le choc, et mit un moment à comprendre ce qu’il voyait.  
Une jeune femme dotée d’impressionnants bois qui semblaient sortir directement de son crane venait de passer devant lui et l’invectivait pour avoir... mis sa voiture dans le ruisseau ? Hébété, il l’observa se rendre jusqu’à la voiture et tenter de la pousser.  
Que faisait-elle ici, en pleine nature ? À bien l’observer, il s’agissait peut-être d’une créature des bois. Malgré leur proximité avec Opale et son accent indubitablement semblable à celui de la Ville lumière, ses vêtements semblaient témoigner d’une vie sauvage.

– Vous devriez vous éloigner, elle pourrait exploser, dit-il, irrité, faisant même quelques pas en arrière pour appuyer ses propos.  

Il croisa les bras sur sa poitrine. Son doigt cassé l’élançait particulièrement et une grimace passa furtivement sur son visage. Décontenancé par l’arrivée soudaine de la... zoan, décida-t-il, il avait momentanément oublié sa situation. Désastreuse, la situation. Devant l’insistance de la jeune femme, il secoua la tête.

– Je ne vois pas comment je pourrais l’enlever de là, fit-il en pinçant les lèvres, contrarié. Il faudrait la force d’un saraph pour le déplacer. Ça fait au moins une tonne.  

Malgré sa silhouette fluette, la jeune femme, qui avait aperçu l’autre homme dans la voiture, entreprit de l’extirper de l’habitacle à la force de ses petits bras. Pourquoi se donnait-elle tant de mal pour un homme qu’elle ne connaissait pas ?

– Je me suis cassé le doigt, s’obstina le ministre pour excuser son inaction.  

Pourtant, en la voyant peiner pour maintenir la tête du conducteur hors de l’eau, Lian finit par s’approcher. Visiblement, le myste contenu dans le véhicule demeurait stable. De plus, cette petite créature semblait bien connaître l’endroit : avec un peu de chance, elle pourrait le guider vers la route. S’il faisait vite, peut-être pourrait-il l’atteindre avant que ses hommes ne l’empruntent.

Il tenta d’abord d’atteindre la jeune femme et l’homme sans se mouiller, s’agenouillant au bord de la rivière et tendant le bras pour tenter de saisir le propriétaire du véhicule. Quel était son nom ? Lian savait qu’il le lui avait dit, mais il avait si peu prêté attention qu’il n’en avait aucun souvenir. Chancelant sous l’effet de l’alcool, ses tentatives demeurèrent vaines et il soupira avant de se résigner à plonger à son tour.

Se débarrassant de ses bottes, il entra précautionneusement dans la rivière. L’eau était si froide que le douillet ministre faillit renoncer. Cependant, la crainte de se retrouver seul l’emporta et il se décida finalement. Maladroitement, il nagea jusqu’à l’étrange duo, saisit l’autre homme par le col et entrepris de le remonter sur le rivage. Sans attendre, il y grimpa lui-même, maugréant contre l’eau et la saleté qui imprégnait à présent ses vêtements.  

Il mit de longues secondes avant de réaliser que la jeune femme avait peut-être aussi besoin d’aide. Il se retourna vers elle, prêt à l’aider si elle galérait à rejoindre la rive. Sans doute ne se rendait-il pas compte de son manque de savoir-vivre, lui qui avait l’habitude qu’on exécute le moindre de ses caprices. Aucun remerciement, aucune excuse : ce n’était pas lui qu’elle avait aidé et ce n’était pas non plus son véhicule.

– Une fois en ville, j’enverrai une équipe la démanteler, promit-il malgré tout. Si ça peut vous rassurer, c’est un véhicule opalin, il n’y aura pas d’écoulement d’essence, tenta-t-il pour la rassurer, sans avoir conscience que cela ne signifiait probablement rien pour la jeune fille. Le ruisseau demeurera potable, précisa-t-il ensuite.

Le métal mettrait du temps à polluer l’endroit : si elle l’aidait, alors il tiendrait sa promesse. Enfin, il en ferait la demande, et si ce n’était pas trop couteux, il assumerait les coûts. Il était presque dommage que l’homme soit toujours vivant, même si encore inconscient : il devrait l’indemniser grassement pour éviter que cette affaire s’ébruite et il n’avait aucune envie de vider sa bourse pour contenter cette créature des bois.
Dim 2 Avr - 18:46
S'éloigner ? S'ELOIGNER ? Alors qu'une vie était en danger ? Mais d'où sortait-il, celui-là ?! C'était la première fois qu'on lui ramenait quelqu'un avec aussi peu de capacité d'observation. Ne voyait-il pas que sa propre vie lui importait peu, au moment d'en sauver une autre ? Puis le voilà qui disait exactement les mots qu'elle lui avait interdit de prononcer. S'il voulait l'énerver encore plus, c'était gagné. Néanmoins, elle ne prit pas la peine de lui répondre. Il ne le méritait pas. Rha, elle rageait. Pourquoi l'avoir rencontré en ce lieu ? Il était réservé à elle-même, et à ceux qu'elle appréciait. Si elle devait dire qui elle était prête à inviter au Havre, elle répondrait instantanément Artémis et Lewën. Pas cet être ignoble. Lui, elle voulait l'envoyer au coeur de l'espace le plus hanté de cette forêt, et le laisser là-bas, à mourir de folie. Pour un peu, elle aurait peur d'elle-même. Elle, qui clamait incarner la vie, elle enverrait volontairement quelqu'un à la mort ? Mais il avait touché à la forêt. Et ça, c'était impardonnable.

- Votre doigt ne vaut rien face à une vie.

En temps normal, elle lui aurait indiqué des herbes pour soulager la douleur en attendant qu'elle se soit occupée du cas plus grave. Mais ça, ça aurait seulement été si elle pensait qu'il ne méritait pas de souffrir pendant qu'il patientait. Mais ce moment n'était pas normal. Elle voulait qu'il souffre. Aussi ne lui accorda-t-elle pas plus d'attention, s'efforçant de se couper de ses émotions pour se concentrer sur celles de son protégé inerte. Tant qu'elle en percevait, cela valait toujours le coup de se battre pour lui.

Finalement, Monsieur Je-suis-au-dessus-de-tout finit sans doute par réaliser qu'ici, celui que ne faisait rien n'obtenait rien, car il.... Sembla... Tenter d'aider... Elle grogna et lui balança une gerbe d'eau :

- Si vous voulez que je vous considère ne serait-ce qu'assez pour vous soigner, arrêtez ces simagrées. Vous n'êtes pas en ville, ici. Ici, si vous voulez qu'on vous aide, vous devez prouver que vous le méritez.

Visiblement, il avait compris où elle voulait en venir. Bien que son geste manque de délicatesse selon l'hespéride, elle ne pouvait nier qu'il avait été efficace. Elle suivit le duo, s'assurant que celui qui était visiblement noble ne fasse pas de coup bas. Lorsqu'il revint vers elle, elle afficha un sourire ironique.

[colo=#00ff80]- Ah ben. Venant d'un noble, je me serais plutôt attendue à un sermon sur le thème du savoir-vivre. Ne vous en faites pas, ici, on n'est pas si stricts.[/color]

Elle prit le temps de remonter sur la rive avant de continuer.

- Vous avez intérêt à tenir vos engagements. Je vais vous faire confiance pour cette fois. Mais n'oubliez pas : les hespérides savent faire payer ceux qui les trahissent.

Elle avait prononcé ces mots d'un ton calme, mais froid. Aucun doute, elle mettrait sa menace à exécution s'il lui en donnait l'occasion. Puis elle s'approcha et lui prit la main :

- Bien, à votre tour. Montrez-moi ce doigt.

Non, elle n'avait aucune envie de l'aider. Mais une guérisseuse se devait de soigner ceux qui en avaient besoin, qu'elle les apprécie ou non. Alors, ce serait à contre-coeur, mais elle le ferait.
Sam 6 Mai - 15:14

DÉRIVER DE SON CHEMIN

Ft. Halie


Elle avait du caractère, mais elle ne semblait pas bien méchante. Lian doutait qu’elle soit vraiment en mesure de lui faire du mal, même s’il aurait sans doute dû éviter de la sous-estimer. C’est donc avec un sourire satisfait qu’il abandonna sa main blessée aux bons soins de la jeune femme. Visiblement, celle-ci ne pouvait s’empêcher d’aider ceux dans le besoin, ce qui arrangeait bien le citadin.  

Ce dernier perdit cependant bien vite son sourire lorsque la jeune femme replaça son doigt dans la bonne position. Un cri de douleur lui échappa, suivi immédiatement d’un soupir de soulagement. Son doigt lui faisait déjà beaucoup moins mal. La jeune femme tressaillit en même temps que lui et Lian se souvint des histoires qu’on racontait sur ceux de son espèce.  
On disait les hespérides particulièrement proches de la nature, un fait que le ministre avait eu l’occasion de constater. On racontait aussi qu’ils avaient une perception aiguë de leur environnement et qu’ils avaient un lien particulier avec tous les êtres vivants qui constituent cette terre.  

Un silence s’installa momentanément, un silence différent de ce à quoi le ministre était habitué. Ici, aucun mur ne le coupait de l’extérieur : la forêt n’était jamais complètement silencieuse. Un oiseau chantonnait à l’horizon, le vent bruissait dans les feuilles, la rivière clapotait paresseusement. Le crépuscule dotait l’endroit d’une couleur incandescente qui apportait une ambiance presque magique. Lian, l’esprit toujours aussi embrumé, profitait niaisement du moment.

Alors qu’elle terminait les soins nécessaires, un râle se fit entendre. L’autre homme se mit alors à tousser, crachant une gerbe d’eau au passage. Roulant péniblement sur le côté, il tenta de se redresser une première fois, tomba en raison de la faiblesse de ses bras, puis réussit finalement à s’asseoir. Il regarda autour de lui, puis son regard tomba sur la voiture.

– Oh non, dit-il d’une fois rauque, le visage torturé. Non, non, non, non...

Il rampa jusqu’au bord de la rivière, visiblement ébranlé, continuant sa litanie avec désespoir. Derrière, Lian s’était figé. Il ne manquait plus que ça ! Le ministre aurait, de loin, préféré qu’il ne se réveille pas. Il sembla mettre un moment à se rendre compte de l’endroit où il se trouvait et à se tourner vers Lian et l’hespéride. Lorsque son regard tomba sur Lian, la colère remplaça le désespoir sur ses traits.

- Toi ! rugit-il en tentant de se lever. Il dut s’y prendre à deux fois, ce qui laissa le temps à Lian de reculer de quelques pas.  

– Du calme, tenta Lian en levant les mains en signe de paix, tout va bien.

– TOUT VA BIEN ?! hurla l’homme. Et la voiture ?

L’homme l’invectiva avec hargne, le blâmant pour sa conduite irresponsable et pour les dommages causés à sa voiture. Son visage était devenu rouge de colère et il criait sur Lian avec force, sa colère entrecoupée par des quintes de toux. Après avoir tenté quelques mots pour le calmer, le ministre le saisit par les épaules.

– Regardez-moi. Regardez-moi ! Bien. Tout cela n’était qu’un malheureux accident. Je n’ai rien fait de mal, ce n’était pas ma faute.

L’homme s’était figé et fixait le regard de Lian avec intérêt, comme incapable de se détacher de celui-ci. Lentement, il hocha la tête, comme hypnotisé. Puis, il se secoua. Il fronça les sourcils, regarda à nouveau la voiture, puis Lian, visiblement confus. Il s’était instantanément calmé. Son regard s’arrêta alors sur l’hespéride comme s’il venait tout juste de remarquer sa présence et le ministre s’empressa de sauter sur cette occasion pour changer les idées du propriétaire de la voiture.  

– Je suis Lian Wu, annonça-t-il à l’hespéride. Et voici...

Quel était son nom, déjà ?

– Wictor Duprêtre, se présenta à son tour l’autre homme en jetant un regard irrité à Lian. Qu’est-ce que...

Toute colère oubliée, Wictor s’approcha d’un pas prudent et se pencha pour être au niveau de l’hespéride. Il plongea son regard dans le sien, visiblement fasciné. Il leva la main pour toucher ses bois, se retint toutefois, questionnant l’hespéride du regard.  

– Incroyable... chuchota-t-il. J’ai entendu des histoires. Vous êtes... êtes-vous... la Protectrice du Havre ? demanda-t-il avec révérence.
Dim 7 Mai - 18:33
Dès que l'autre homme reprit conscience, Halie fut à ses côtés. Elle l'aida à se redresser à chacun de ses essais, n'accordant plus aucune attention à celui qu'elle n'aimait pas. Elle n'avait d'ailleurs jamais cherché à cacher son animosité. En effet, même si elle ne l'aimait pas, elle devait bien admettre qu'elle ne le pensait pas assez idiot pour ne pas le remarquer si elle tentait de lui mentir... D'autant plus qu'elle ne savait pas mentir. Et qu'elle n'en voyait pas l'intérêt.

Et tandis qu'elle soutenait toujours celui qu'elle avait choisi d'aider jusqu'au bout, elle ne put retenir une mine satisfaite en réalisant qu'il se trouvait être un allié. Visiblement, ce noble de pacotille n'était même pas apprécié par ses pairs. Alors, comment pouvait-il imaginer s'entendre avec des étrangers ? Elle profita néanmoins d'un moment pour glisser à son protégé :

- De toutes façons, ici, un tel engin ne vous servirait à rien. En sachant ça, j'aimerais vraiment l'enlever d'ici. Faites-en ce que vous voulez, réparez-le si vous voulez, mais sortez-le d'ici, je vous en prie. Enfin, pas tout de suite. Quand vous le pourrez.

Puis ils se présentèrent. Ignorant royalement le dénommé Lian, qui, selon elle, n'avait toujours pas fait ses preuves, elle se préparait à répondre à... Comment avait-il prononcé, déjà ? Victor ? Mais n'en eut pas le temps, lorsqu'il happa son regard, irradiant la curiosité et un respect bien inutile. Alors, elle rit à sa question :

- Je ne me savais pas connue au-delà de ma forêt ! Mais c'est bien ça ! Et je vous en prie, faites-moi le plaisir d'abandonner toute cette politesse. Je ne suis pas votre supérieure, je ne suis même pas votre compatriote.

Elle baissa doucement la tête pour le laisser toucher ses bois, puisqu'il semblait en mourir d'envie. Elle ne voyait pas en quoi cela pourrait l'intéresser, mais il n'avait rien fait pour attirer sa méfiance. Elle profita de ce mouvement de tête pour jeter un coup d'oeil à ce Lian :

- Observez et apprenez. Lui m'a spontanément donné les preuves que vous peinez à me montrer. Vous pouvez encore améliorer votre cas. Vous pouvez obtenir mon aide. Mais prouvez-moi que vous le méritez.

Se dégageant alors doucement, elle se releva pour aller pointer un doigt accusateur vers son adversaire du jour, alors qu'elle avançait inexorablement vers lui :

- Vous ne m'avez pas incitée à vous faire confiance, mais je vous ai quand même soigné. Sachez que vous m'êtes redevable. Mais je ne veux pas de compensation matérielle. Un peu d'honnêteté et d'empathie me suffira. Et sachez que je le saurai si vous mentez.
Ven 19 Mai - 18:59

DÉRIVER DE SON CHEMIN

Ft. Halie


L'attitude de l'hespéride changea du tout au tout lorsque Wictor se réveilla. Amusé par la révérence dont faisait preuve l'Opalin envers la créature des bois, Lian se tint en retrait, un sourire moqueur aux lèvres, trouvant la révérence envers cette drôle d'ermite totalement grotesque.

L'Hespéride - peu importe les titres ronflants que l'autre guignol lui attribuait – lui fit la morale sur son attitude, ce qui provoqua un sourire encore plus grand sur les lèvres de Lian.

– Ah, donc il faut vous vénérer pour obtenir votre aide, c'est ça ? la nargua-t-il en s'inclinant grossièrement.

Il rigola, récoltant une fois de plus un regard courroucé de l'autre homme qui se tenait aux côtés de la jeune fille. Cette dernière ne se laissa pas intimider et l'intima de faire preuve de plus de respect s'il souhaitait obtenir de l'aide. Peu enclin à comprendre ce que lui demandait la jeune femme et surtout pas du tout reconnaissant, Lian secoua la tête.

– Vous devoir quelque chose ? Eh bien, je ne vous ai rien demandé, figurez-vous ! Vous m'avez aidé de votre propre volonté, je n'ai aucun compte à vous rendre.

La mâchoire de l'Opalin était tombée. Celui-ci était stupéfait de l'attitude du noble xandrien.

– Ne comptez pas sur moi pour m'aplatir à vos pieds. Vous aiderez notre cher ami ici présent, de toute façon. Il me suffit de vous suivre et je retrouverai mon chemin.

Il fit quelques pas, sortit sa bouteille de sous sa veste et en but une grande lampée. Autour d'eux, la nuit s'installait durablement. Il regarda autour de lui, pensa à l'Yhsem qui se trouvait dans sa poche. L'envie de consommer le tenaillait, surtout avec le stress provoqué par cette escapade.

– Il se fait tard, retourner à la route maintenant ne servirait à rien, décida le ministre. Nous devrions plutôt faire un feu.

Lian, cependant, n'avait aucune intention d'aider à l'allumer. Le noble et l'Hespéride allaient aussi en avoir besoin, non ? Ils se débrouilleraient très bien à deux. Il lui suffisait de ne pas les perdre de vue. De toute façon, on partirait certainement à leur recherche bientôt.
Mar 23 Mai - 20:14
Elle n'en croyait pas ses oreilles. Sérieusement ? Si sa première remarque n'eut aucun effet sur Halie, la deuxième, en revanche, manqua de la faire bondir. Il ne lui avait rien demandé ? Vraiment ?

- Oh, très bien, j'aurais donc dû vous laisser souffrir et vous plaindre dans votre coin... Ou vous achever.

Plus le temps passait, plus cela lui semblait une bonne idée. Enfin... Commettre un meurtre dans ce lieu censé être synonyme de paix n'était pas non plus une bonne idée.

Puis il revint sur le sujet de la vénération. Ooh, mais il était doué pour l'agacer, lui !

- Bonne idée. Je ne suis pas une déesse. Et essayez seulement de nous suivre !

En disant ces mots, elle fusionna ses deux cristaux, créant une brume opaque autour du ministre. Ainsi, il aurait du mal à voir les deux autres, quoi qu'ils fassent. Puis elle ajouta à son cocktail une bonne dose de confusion qu'elle instaura dans l'esprit de sa cible. Ou comment faire bon usage de l'ensemble de ses capacités.

Après quoi, elle fit signe à l'autre homme de la suivre, espérant que le détestable soit mené loin du Havre par cette confusion totale dans laquelle il devait se trouver. Une fois hors de portée d'oreille de ce dernier, elle s'adressa à son protégé :

- Honnêtement, je ne sais pas ce qu'il a pu vous raconter pour que vous lui fassiez confiance. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'il soit très prudent pour vous de passer la nuit ici. Opale est dans cette direction. Je peux vous y accompagner si vous le voulez, ou simplement vous donner de quoi éclairer votre chemin.

C'était vrai, cela. La nuit jouait en sa faveur, ayant probablement achevé de détruire les repères de cet insupportable humain. En attendant la réponse du plus conciliant des deux, elle laissa les flammes jouer avec ses doigts, alors que, du regard, elle cherchait de quoi constituer une torche si tel était ce qu'on lui demanderait.
Mer 24 Mai - 12:30

DÉRIVER DE SON CHEMIN

Ft. Halie


Alors là, il ne l’avait pas vu venir.  

Paumé entre les arbres, Lian était un moment demeuré là, immobile dans le brouillard artificiel de l’hespéride qui n’avait heureusement rien à voir avec la véritable Brume. Les hespérides possédaient donc réellement les pouvoirs de la nature ! Peut-être avait-il eu tort de la sous-estimer ? Que pouvait-elle encore faire, s’il ne respectait pas ses engagements ?  

Anxieux, il tenta de voir autour de lui. Certain d’avoir entendu l’hespéride et l’autre homme partir dans une certaine direction, il tenta de les suivre. Cependant, au bout de quelques pas, le terrain le ramena à la réalité : une pierre mal placée le fit tomber, l’obligeant à se rattraper sur sa main blessée pour éviter de se casser le nez.  

Il se laissa choir au sol, la douleur pulsant dans sa main. Constatant sa solitude, il tenta de noyer dans l’alcool la bouffée d’angoisse qui remontait dans sa gorge. En fait, il ne prit que quelques minutes pour vider entièrement la bouteille. Lorsqu’il eut terminé, le brouillard s’était dissipé autour de lui, mais celui de son esprit s’était épaissi. Son angoisse, elle, persistait.  

Il tenta de se relever, encore plus chancelant qu’il ne l’avait précédemment été. Son esprit embrumé tenta de saisir la situation. Que faire, maintenant ? Il faisait si noir que seules les étoiles lui apportaient un peu de réconfort. Le son calme de la rivière, habituellement apaisant, vrombissait à ses oreilles tel le moteur d’une voiture et les doux hululements des chouettes lui semblait plus inquiétants que les monstres de la Brume.  

Ce fut son corps qui se rappela à lui d’un puissant frisson qui le sortit de la transe dans laquelle son irrationnelle peur l’avait enfermé. Il avait parlé de faire un feu, il devait bien se rappeler comment faire, non ? Il n’avait pas fait cela depuis son adolescence, mais selon les souvenirs qu’il lui restait, cela n’était pas bien compliqué.  

Obsessionnel, il passa un moment à ramasser des branches, cherchant inutilement à ce que celles-ci soient toutes de la même taille. Cela lui prit un moment : la luminosité était au plus bas et il devait chercher à tâtons pour arriver à trouver ce qu’il cherchait. Pas faits pour résister à ce type de traitement, ses pantalons furent bien vite déchirés au niveau des genoux.

Il rassembla finalement les branches qu’il avait trouvées, mit encore plusieurs minutes pour tenter de créer une petite tente avec celles-ci, inspiré des toiles qu’il avait pu observer à Xandrie. Il tenta de frotter deux branches l’une contre l’autre pendant de trop longues secondes avant de réaliser que cela ne marcherait pas.  

Il eut une nouvelle pensée pour l’yhsem dans sa veste et il se souvint soudainement du briquet dans sa veste. Celui-ci était encore humide, mais au bout de plusieurs tentatives, il réussit à avoir une flamme, ce qui lui fit pousser un petit cri de contentement. Il alluma alors son enchevêtrement de branches, plutôt satisfait de lui-même.  

Lian, cependant, n’était pas un homme de la nature et il ne connaissait même pas la base de la survie. Jamais il n’avait envisagé de creuser avant de faire son feu, ou encore délimité la zone par des pierres, ou même dégagé les brindilles et feuilles mortes autour de l’emplacement. N’importe qui d’autre s’y serait attendu. D’ailleurs, Lian aurait sans doute remarqué son erreur bien avant s’il n’avait pas été aussi éméché.  

– Au feu ! hurla-t-il en tentant de se relever, la précipitation le faisant tomber à nouveau avant qu’il ne parvienne à se relever complètement. Au feu !  

Car effectivement, le feu s’étendait, et rapidement. Paniqué, Lian tenta d’utiliser ses mains pour puiser l’eau de la rivière et arroser les flammes. Malheureusement, celles-ci étaient déjà bien trop puissantes pour qu’une quantité d’eau aussi minime aide vraiment.  

– Je suis désolé, hurla-t-il, j’ai besoin d’aide, au feu !!!
Dim 28 Mai - 13:45
L'odeur l'alerta avant que les cris de l'homme ne lui parviennent. Cette odeur, annonciatrice de l'ennemi suprême pour toute créature des bois. Sans se poser de question, uniquement concentrée sur l'urgence de la situation, Halie planta là son compagnon, lui accordant quelques mots d'excuse avant de se hâter. Il fallait retourner au niveau du ruisseau. Mais l'herbe des rives commençait déjà à roussir. Néanmoins, elle se fraya un passage jusqu'à se retrouver, une fois de plus, les pieds dans l'eau. Puis elle se saisit de son cristal et récupéra autant d'eau que possible dans le fleuve pour arroser copieusement l'ensemble de la clairière... Et de ses occupants. Mais elle se moquait royalement de ces derniers, elle-même comprise. La priorité était de sauver ce qui pouvait l'être parmi les arbres.

Le flot se déversa pendant plusieurs longues minutes, avant de laisser la moitié de la clairière noircie et fumante, l'autre trempée et dégoulinante. Elle poussa un soupir de soulagement. Finalement, les dégâts étaient moins importants que ce qu'elle avait craint. Elle put alors diriger son attention (et toute sa rage) vers ce détestable ministre. Encore assise au milieu du ruisseau, elle l'apostropha :

- C'est vous qui avez créé cet incencie, hein ? Vous n'avez donc pas appris la leçon ?! Donnez-moi une seule bonne raison de ne pas vous abandonner dans la partie maudite de la forêt ! Je ne peux plus croire que vous êtes simplement un imbécile, à ce point, c'est une véritable volonté de nuire !

Il ne faisait décidemment rien pour améliorer son cas. Elle serrait ses cristaux, chacun dans une main, prête à se défendre à nouveau s'il esquissait le moindre geste. Que ce dernier soit suspect ou non n'importait plus, à présent. Elle était face à un danger public. Elle pourrait tenter de briser son esprit. Mais elle en connaissait le contre-coup, et n'était pas certaine d'être capable de le supporter, après avoir utilisé autant de magie en si peu de temps...
Jeu 8 Juin - 20:39

DÉRIVER DE SON CHEMIN

Ft. Halie


Elle était revenue.

Il avait peine à y croire, avait cru voir sa fin se dessiner devant lui. Il la regarda avec une admiration penaude manipuler l’eau de la rivière, naturellement en harmonie avec l’environnement. Ce n’était qu’une petite fille et pourtant, elle faisait face avec courage et abnégation pour sauver cette forêt. Quel était ce sentiment étrange qui l’envahissait ? Pourquoi, d’un coup, se sentait-il si mal ? Était-ce... de la culpabilité ?  

Il la noyait habituellement dans l’alcool, cette culpabilité. Il refusait de l’affronter, niant son existence, la refoulant dans un coin de sa tête. Il la noyait dans toutes ces distractions, dans la souffrance des autres, dans la brume qu’apportaient drogues et alcools. Il n’avait jamais eu ce courage, celui de se remettre en question, celui d’admettre ses erreurs. Pourtant, il le savait bien. Tout était de sa faute.  

Tout était de sa faute.  

Lentement, alors qu’elle lui criait dessus pour exiger des explications, Lian s’effondra. Telle une poupée de chiffon, il s’écroula sur l’herbe roussie. Il n’était qu’un homme, après tout. Un homme rattrapé par ses péchés. Un homme qui sombrait peu à peu dans la folie, aidé par toutes ces substances qui souillaient son âme. Soutenu par une nebula perverse, il avait perpétré les pires horreurs, se prenant pour un dieu, se croyant tout puissant.

Pourquoi tout cela lui tombait dessus maintenant ? Oh, de l’extérieur, cela semblait évident, mais l’esprit obtus du ministre cherchait encore à s’échapper. S’enfuir. De la douleur. De l’échec. Ce n’était pas de sa faute ! Ce n’était jamais de sa faute. Mais alors, pourquoi se sentait-il aussi mal ? Pourquoi est-ce qu’une telle douleur envahissait sa poitrine ?

Il dérapait.  

Il se releva lentement, comme si quelque chose le guidait. Qui était-il ? Que faisait-il ici ? Son esprit se détraquait. Plus vraiment lui-même, il s’inclina respectueusement devant l’hespéride, le regard de son œil unique perdu dans le vague. Il s’exprima alors d’une voix grave et caverneuse qui ne semblait pas être la sienne.  

– Halie des hespérides, fit-il dans un salut étrangement solennel.  

Ce fut les seuls mots qu’il prononça, lui qui pourtant ne s’était pas vu offrir ce nom. Comment le connaissait-il ? D’où cela venait-il ? Son regard était toujours perdu dans le lointain. Tout sentiment s’était effacé de son hargneux visage. Dans ses yeux, la nebula papillonnait. D’un pas mécanique, il traversa la rivière, ne se souciant plus de l’eau, plus de rien.  

Il disparut à l’horizon, mené par un instinct qui oblitérait tout. L’errance le guettait, le menait vers le nord. Vers la Brume. Il ne se réveillerait de sa transe que bien plus tard, lorsque la route se redessina devant lui et que les étoiles firent place au soleil. Jamais il ne put être certain.

Avait-il rêvé, ou avait-il réellement vécu ce moment ?