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Dériver de son chemin

Dériver de son chemin Brandw10
Lun 6 Mar - 0:32

DÉRIVER DE SON CHEMIN

Ft. Halie


Le train filait à toute vitesse à travers le pays de Xandrie.  

Le regard perdu dans le paysage qui défilait, un verre à la main, Lian était plongé dans ses pensées. Cela faisait trop longtemps qu’il ne s’était pas rendu à Opale, trop longtemps qu’il n’avait pas revu ses vieux amis, trop longtemps qu’il n’avait pas entretenu ses liens avec ses vieux amis opalins. Il aurait pu réfléchir aux retrouvailles qui l’attendaient, aux soirées auxquelles il assisterait inévitablement, aux négociations qu’il devrait mener. Toutefois, ce qui occupait ses pensées, c’était plutôt cette commande d’yhsem qu’il devait faire parvenir à Xandrie. Oh, bien sûr, il s’était assuré que les communications en ce sens demeurent discrètes. Ce n’était pas du roi, qui désapprouvait pourtant ce genre de dépravation, dont Lian se méfiait. Non, c’était plutôt de ses pairs, les autres ministres, mais aussi de la noblesse qui avait tendance à mettre son nez partout et de la révolution qui avait des espions à chaque tournant.  

Il toucha sa poche, comme pour s’assurer que le petit boitier s’y trouvait toujours. Il avait évité d’en consommer, aujourd’hui, car le train allait bientôt arriver à sa dernière gare et il lui faudrait alors voyager de manière plus rudimentaire. Pour autant, les petites fleurs dans sa poche lui démangeaient et pour noyer l’envie d’embaumer son wagon de vapeur, il buvait. Sans doute plus qu’il l’aurait dû. Ainsi, lorsqu’on annonça la fin imminente du voyage et qu’il se leva pour la première fois en plusieurs heures, il se rendit compte que son pas était chancelant. Cela ne l’empêcha pourtant pas de glisser une bouteille d’un merveilleux alcool vieilli sous sa veste. Il eut quand même la présence d’esprit de boire un peu d’eau avant de sortir, histoire de reprendre contenance, ainsi que de s’asperger le visage avant de descendre de la rame. Là, près du quai, se trouvait une file de voitures. Actant de son mieux la sobriété, il se dirigea vers l’une d’elles, laissant à son homme de main le soin de transférer ses bagages dans le prochain véhicule.  

Il observa les véhicules un à un, impressionné par les prouesses mystiques des opalins. Ces véhicules étaient à la fine pointe. Il se pencha pour observer les jantes, apprécia la ligne de la carrosserie, aperçu les réserves de myste qui les alimentait. À Xandrie, les voitures étaient rares, et celle-ci, la dernière de la file, était particulièrement impressionnante. Moins conçue pour le confort que pour le plaisir de conduire, elle avait des lignes agressives et un style sportif qui plut rapidement au ministre. Il l’observa de longues minutes, sous tous les angles, avant qu’un homme s’approche de lui, souriant.  

– Beau bolide, n’est-ce pas ?  

– En effet, acquiesça Lian en le saluant d’un mouvement de tête. Je n’en ai jamais vu de tel.  

Ils discutèrent pendant de longues minutes des évolutions que la compagnie des Excelior avait apportées dans le domaine de l’automobile dans les dernières années et des pointes de vitesse impressionnante que pouvaient désormais atteindre les plus sophistiqués des véhicules, dont celui-là. Plusieurs minutes plus tard, un homme s’inclina devant ces messieurs, invitant Lian à rejoindre le véhicule qui lui avait été réservé.  

– Ne voudriez-vous pas voyager avec moi, monsieur...  

– Wu. Hé bien, ce serait un honneur que d’expérimenter la conduite de cette petite merveille, fit le ministre, enchanté.  

– Mais, monsieur, ce n’est pas...  

D’un geste de main, Lian somma son subordonné de le laisser tranquille.

– N’ayez crainte, Hugon, nous nous retrouverons à Opale, fit l’homme, obnubilé par l’idée de cette expérience.  

La voiture, qui n’avait que deux places, n’eut pas à attendre que les autres véhicules soient prêts. Ainsi, ils partirent avant les autres et Lian passa la première heure à complimenter le chauffeur qui faisait profiter à son passager de tous les petits détails qui faisait de sa voiture un véhicule tout à fait exceptionnel. Flatté par l’intérêt du ministre qui ne dérougissait pas, il lui proposa de prendre le volant, lui assurant que la région était sûre. Enthousiasmé, ils échangèrent leur place. Cependant, sans doute aurait-il dû réfléchir davantage à ses capacités avant d’accepter l’offre. Sous influence de l’alcool, sa conduite devint vite erratique.  

– Je crois que ce sera suffisant, monsieur Wu, tenta poliment de le prévenir le propriétaire du véhicule qui tenait la charpente à deux mains, visiblement effrayé par la conduite de son nouvel ami.  

– Allons, encore un peu, fit Lian, en nage, donnant un énième et désagréable coup de volant.  

L’aventure ne se poursuivit pas longtemps. Lian accéléra encore, galvanisé par la vitesse impressionnante du véhicule. Quelques minutes plus tard, il perdit inévitablement le contrôle et le véhicule dévia de la route. Il fit quelques mètres dans l’herbe et Lian, sous l’adrénaline et les réflexes embrouillés par l’alcool, tenta de ramener le véhicule sur la route sans penser à ralentir d’abord. Ils roulèrent chaotiquement de longues minutes avant que Lian se rende compte, sous les cris effrayés de son passager, qu’ils s’éloignaient de la route plutôt que de s’en approcher, et que ce qu’il avait pris pour celle-ci dans la pénombre était en réalité... une rivière. À la dernière seconde, il tenta de redresser la voiture qui ne put lui obéir. Celle-ci fit une embardée avant de heurter un obstacle et de faire quelques tonneaux, terminant sa course dans le cours d’eau.  

Sonné, Lian mit quelques secondes avant de reprendre ses esprits. Il s’était légèrement cogné la tête et son index lui faisait affreusement mal. Sans doute était-il cassé. Pourtant, miraculeusement, il allait bien, ce qui n’était pas le cas du propriétaire du véhicule, qui avait perdu conscience et se trouvait toujours dans les vapes. Sans s’occuper de lui, Lian entreprit de s’extirper du véhicule qui n’avait plus grand-chose à voir avec la beauté qu’il avait contemplée à la gare. Une fois sorti, il s’éloigna rapidement du véhicule, craignant que les réservoirs de myste aient été touchés et causent une explosion. À aucun moment il n’eut de pensée pour le propriétaire qui s’y trouvait. Le choc passant, il entreprit de regarder autour de lui.  

Si le soleil n’était pas encore couché, il disparaissait peu à peu à l’horizon, couvrant le paysage d’or et allongeant les ombres. Lian contempla le véhicule, ouvrit la bouteille d’alcool, qui avait survécu au crash et en prit une grande lampée pour juguler la panique qui montait en lui. Il était au milieu de nulle part, dans la nature, sans ses effets personnels et trop déboussolé pour se rappeler dans quelle direction se trouvait la route. Le retrouverait-on, s’il restait là ? Cela était peu probable. Il était parti devant et ses hommes ne s’inquièteraient pas avant d’avoir atteint Opale, ce qui était prévu pour le lendemain soir. Poussant quelques jurons colorés à l’intention de la situation, Lian regarda autour de lui, en quête de quelque chose pour t’aider. Mais en bon citadin, le ministre n’avait aucune idée comment se repérer.
Lun 6 Mar - 11:20
La clairière résonnait des chants des oiseaux. Perchée sur l'une des branches de son arbre, une pomme dans la main, prête à débuter son repas, Halie observait leur envol. Certains parents initiaient leurs petits au vol, d'autres se promenaient ou partaient en quête de nourriture. Cette paix convenait parfaitement à la demoiselle. Seule au milieu des oiseaux, elle ne s'était jamais sentie plus à sa place. Jusqu'à ce qu'elle soit témoin d'un drame. Un oisillon, visiblement trop peu préparé, chuta peu après avoir quitté le nid. Bienveillante, elle le récupéra dans le creux de sa main. De son autre main, elle mordit à pleines dents dans la pomme, en arranchant un morceau, qu'elle offrit au rescapé.

- Désolée, je me doute que tu aurais préféré les graines. Tu pourras les avoir, mais quand j'aurai fini le reste. En attendant, partageons, d'accord ?

Elle déposa alors l'animal et sa nourriture sur ses genoux pour pouvoir se concentrer sur son propre repas. Tout se passait bien, jusqu'à ce qu'un bruit inconnu vienne troubler cette paix si chère à son coeur. Agacée, mais faisant de son mieux pour ne pas juger sans savoir, elle assista à l'accident depuis les hauteurs. Mais, lorsque le véhicule termina sa course dans SON ruisseau, Halie vit rouge. Se contenant pour ne pas inquiéter l'oisillon, elle le redéposa dans son nid, puis plaça le morceau de pomme qu'elle lui avait offert près de lui. Puis elle descendit de l'arbre. Et, rapidement, apostropha l'homme, qui, étant le seul être qu'elle pouvait voir, lui semblait être le propriétaire de cette immondice qui souillait ses bois :

- Merci de retirer IMMEDIATEMENT cette chose de mon ruisseau. Nous sommes nombreux à y boire, je ne vous permettrai pas de l'empoisonner ! Et pas de "c'est trop lourd pour moi" ou je ne sais quoi. Vous l'avez amené, maintenant, vous vous debrouillez, vous me l'enlevez ! TOUT DE SUITE !

Puis, sans lui accorder plus d'attention, elle entra elle-même dans le cours d'eau et entreprit de pousser le véhicule hors de son lit... Du moins, c'est ce qu'elle tenta. Evidemment, elle en était incapable, mais il ne serait pas dit qu'elle laisserait sa forêt se faire polluer sans rien tenter ! Soudain, elle perçut une signature émotionnelle supplémentaire. Ils n'étaient donc pas que deux humanoïdes ?

Alors, ignorant complètement le poids de ses vêtements en train de se gorger d'eau, elle se fit un devoir de dégager cette autre personne. Elle fut rapidement capable de l'extirper de l'intérieur du véhicule, néanmoins, il semblait que ce dernier le bloquait et empêchait l'hespéride de le déplacer. Alors, elle se contenta de lui maintenir la tête hors de l'eau pour l'empêcher de se noyer, alors que, ses yeux lançant des éclairs, elle attendait que l'autre homme fasse au moins semblant de tenter de libérer le passage.

- C'est quand vous voulez !