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Les peines et les joies de l'existence | Pamyfja & Prune

Les peines et les joies de l'existence | Pamyfja & Prune Brandw10
Mer 1 Mar - 20:18
Il n'était pas rare de voir de violente manifestation se produire dans les rues d'Epistopoli. La classe social la plus démunie, aka les miséreux, perdaient leurs droits et leur travail de plus en plus ces temps-ci. Ceci s'expliquait par le véritable raz de marée de main d'œuvre robotique qui était, pour les plus riches, des pions beaucoup plus agréables à gérer. Les renvois et licenciements de masse étaient légions, et pourtant, personne dans les hautes sphères ne s'en souciait. Après tout, le profit et la rentabilité ne faisait que monter en flèche et pour rien au monde ils n'auraient souhaité que cela ne cesse. Mais que se passerait-il lorsque la violence atteindrait des niveaux disproportionnés ? Il y avait bien quelques théories à ce sujet…

D'ici là, il fallait tout de même gérer les masses. Quoi de mieux qu'un porte-parole éloquent pour calmer les grévistes et les manifestants ? À une époque, cela aurait été une réponse censée, mais aujourd'hui, risquer la vie d'un fonctionnaire était outrageusement couteux. Non, de nos jours, ce sont les automates qui reçoivent les plaintes des ouvriers et qui tentent de disperser les foules, ces mêmes automates qui leur ont volé leur travail en premier lieu. En effet, vous imaginez bien comment cela se termine en général.

- - -

Au détour d'une rue discrète, Pamyfja était adossée à un mur crasseux. De tout son corps, ou du moins, de ce qu'il en restait, elle tremblait. Son visage synthétique était écorché et révélait sous sa joue la fine mécanique qui jouait pour lui donner des expressions. Ses vêtements, déchirés de toutes part, n'était plus que des lambeaux souillés par les flaques putrides de la ville. Sa jambe droite, mutilée et rompue en deux, jonchait pitoyablement le sol sous le regard horrifié de l'automate. Si elle avait pu pleurer, elle l'aurait fait, mais à la place, elle se contentait de se bercer en se tenant avec ses bras pour faire baisser son stress.

Elle n'arrivait pas à oublier ces regards de haines, ces hurlements de rages et les coups qui lui était destinés. On la détestait pour ce qu'elle était. Des milliers de personnes venait de le lui dire. Alors que les images, parfaites et fidèles à la réalité, tournait dans son esprit sans qu'elle ne le veuille, elle se mit à gémir.

-Je n'ai rien fait… Rien… Laissez-moi…

Des bruits de pas résonnèrent non loin d'elle, et sous la pression qu'elle subissait, Pamyfja ne put retenir un cri. Découvrant avec horreur qu'elle venait de révéler sa position à quelqu'un qui pourrait très bien prendre plaisir à terminer son existence, l'automate rampa en arrière tout en laissant sa jambe droite derrière elle et tenta de se cacher dans les ombres. Totalement recroquevillées sur elle-même, elle tremblait comme une enfant apeurée et fermait les yeux pour ne pas voir arriver la fin.
Jeu 2 Mar - 23:01
Brioche. Brioche brioche brioche brioche brioche brioooooooooche. Tu as l'odeur dans le nez, le goût sur la langue, les petits grains de sucre contre tes lèvres. Depuis que tu es sortie du lit, cette pensée te hante, cette envie aussi saugrenue qu'inattendue refuse de te laisser tranquille. Du retard dans tes expérimentations ? Des pièces manquantes pour conclure tes créations ? Le silence de Papa ce matin avant de partir, la mine grave, lorsque tu lui as demandé pourquoi donc aujourd'hui plus qu'hier ou que demain, tu devrais faire attention si d'aventure tu souhaitais quitter la maison ? De piètres contrariétés face à ton estomac qui te torture, réclamant ardemment sa sucrerie telle un enfant capricieux ; et ça tombe bien, puisque mine de rien, tu l'es un peu ? Après tout, tu aurais parfaitement pu la faire toi-même, la brioche, t'approprier la cuisine comme tu le fais si souvent en pleine nuit, mélangeant les ustensiles, souillant le plan de travail de ta maladresse sous le regard emprunt d'amusement de la cuisinière qui te laisse faire ton petit manège, instinct maternelle sous-jacent. Tu aurais même pu lui demander, à Jasmine ; les brioches, elle en fait depuis bien avant ta naissance, tu te doutes bien que tu l'aurais eu depuis belle lurette sur un plateau !

Mais non. Prune, la brioche, il faut absolument qu'elle soit préparée par quelqu'un de précis. Un boulanger que les enfants t'ont présenté il y a de cela... Un mois ? Peut-être deux ? Le temps passe si vite, tu en perds rapidement le fil. Enfin, il passait vite quand tu ne pensais pas à cette satanée brioche qui refuse de quitter ta caboche et qui tourne et tourne et tourne un peu plus vite à chaque heure chaque minute chaque seconde et tu ne vois plus que la dorure de sa texture sur les murs et les rouages et les chaises et les autres aliments te paraissent fades et tu soupires encore et encore et encore la tête entre les mains sans parvenir à fixer ton attention. Le monde est une brioche. Tu as besoin de ta brioche, pour conjurer le mauvais sort. Alors tu te drapes d'une cape sombre et tu dissimules ta chevelure en un chignon négligé sous le regard inquiet de Charles qui t'as déjà proposé au moins cinq fois s'il n'était pas préférable qu'il s'y rende lui-même, ou s'il pouvait au moins t'accompagner. Mais la brioche tu veux la choisir toi-même et avec Charles tu ne pourras pas te précipiter et te faufiler dans les rues, Charles était déjà grisonnant au départ de Maman. Figé dans le temps.

Epistopoli, le calme après la tempête. Tu le remarques à peine, tu glisses sur l'atmosphère austère comme une goutte de pluie sur un dôme de verre, sourire radieux sur ton visage de petite Princesse. IAN en éclaireur dans ton cheminement, te fait passer par des endroits sans danger, sans gréviste, sans désagrément, et tu le suis aveuglément, en sautillant, chantonnant même pour égayer ton trajet, tant tu es heureuse d'enfin pouvoir combler ton envie. Tu ne t'arrêtes même pas à toi, bonne âme que tu es : en plus de ta brioche, tu sélectionnes des petites douceurs pour ton foyer, allant de Papa aux domestiques, remplissant le sac sans qu'aucun astra ne soit compté. Ils sortiront de ta bourse, tu n'as pas à t'en soucier.

« Faites attention, mademoiselle. », la voix du boulanger accompagne la cloche de sa boutique lorsque tu rejoins la rue, et IAN qui t'y attends sagement. C'est la troisième personne à te le dire, aujourd'hui. Etrange, étrange. Tu questionnes IAN du regard, ses deux yeux vides qui te communiquent tant de choses d'ordinaire, mais il se contente de se remettre en marche, silencieux. Il m'en veut encore, tu penses, une moue boudeuse sur le visage, ton paquet serré contre ta poitrine. Tu as laissé les enfants le peindre, trois fois de suite, et tu n'as pas encore envie de lui faire retrouver sa véritable couleur. Tout barbouillé, il a de l'allure, même s'il dit que ça ne correspond pas avec son tempérament.

« Tu sais IAN, tu peux faire le gros dur avec les autres, mais moi je connais ta véritable na — »

Tu manques de trébucher lorsque ta jambe bute contre l'automate boudeur. Un cri. Série de petits bonds maladroits, Prune l'acrobate retrouve son équilibre et soupire de soulagement en constatant qu'aucune de ses victuailles ne s'est échappée. IAN, tu vas passer un sale quart d'heure, si c'était une tentative de vengeance...! Mais IAN n'est pas mutin, non, il s'est arrêté, l'attention braquée sur une ruelle. Silence. Tu te concentres, bloquant ta respiration... Le cri. Ce n'était pas IAN. Tu t'approches, observe. La pénombre d'abord, puis l'ombre sur le sol. Une... Jambe ??? Un réseau connectique.

Prune. Non. Prune. On t'a demandé trois fois déjà d'être prudente aujourd'hui. Prune... PRUNE.

Trop tard. Le sac se retrouve dans les bras d'un IAN désemparé qui suit sa maîtresse de ses petites jambes, contourne le membre délaissé et se plante à côté de la demoiselle accroupie face à l'entité terrifiée. Blessée. Traumatisée. Il sait que le cœur de la jeune femme est compressée dans sa poitrine, qu'elle souffre pour la machine comme elle n'a jamais souffert pour un de ses semblables - pas même son père. Il sait qu'elle va oublier tous les conseils, tous les avertissements, et mettre sa vie en péril s'il le faut pour cet automate. Parce que Prune a un cœur en or, un cœur mécanique, qui bat très fort. Trop fort.

Tu abaisses ta capuche, petite fille transi de bienveillance, observant les dégâts de ce pauvre corps sans défense. Tu approches une main, douce, délicate, effleure un bras, à peine, pour signifier ta présence, tout au plus, et tu chuchotes, pour toi-même, la gorge serrée. ❝ Pourquoi...? ❞ Mais tu refuses d'y penser, d'y réfléchir. Aider. Il faut aider. De ta main libre, tu détaches ta cape, recouvres le corps contusionné, files chercher la jambe détachée que tu poses contre le mur. IAN observe l'entrée de la ruelle, trépigne sur place.

« Es-tu en capacité de marcher ? En prenant appui sur moi, tu pourrais ?
— Prune.
— Shhhht.
— Ce n'est pas raisonnable.
— Laisser un automate blessé dans une ruelle, c'est raisonnable ? », le silence pour toute réponse, tu tends les mains en direction de la machine, pour l'aider à se relever.
Dim 5 Mar - 1:13
Une jeune femme s'approcha d'elle et abaissa sa capuche alors qu'elle semblait découvrir avec peine l'état dans lequel était l'automate. Remarquant qu'elle ne subissait pas plus de dégâts, Pamyfja ouvrit les yeux et découvrit celle qui était penchée sur elle. Longs cheveux sombres bleutés et un léger voile doré posé sur l'arrête de son nez et tombant sur le reste de son visage. Son apparence coquette et féminine contrastait fortement avec ce que l'automate connaissait dans son quotidien.

  On déposa sur elle une cape pour la couvrir ; signe de compassion irréfutable. Partagée entre les préceptes qui la gouvernaient et sa propre détresse, Pamy s'accrochait désespérément au tissu tout en récitant à une vitesse folle :

  -Votre attitude est louable mais j'ai bien peur que vous mettez votre propre existence en danger en aidant cette unité. Les rues sont encore agitées et il est vivement conseillé pour vous de retrouver la sécurité de votre foyer en attendant que la situation évolue.Si besoin, débarrassez vous de moi et de votre unité pour apaiser les potentiels manifestants qui pourraient encore se trouver dans les environs et courrez sans vous retourner.

  Elle secoua la tête comme pour chasser cette chose qui l'avait possédée à l'instant.

  -Je peux essayer.

  En s'aidant de la main qu'on lui tendait tout en s'appuyant sur le mur, Pamyfja arriva à se dresser sur sa seule patte de chèvre. Tenir debout ne lui posait pas trop problème, mais marcher était impossible. Elle tentait tant bien que mal de ne pas afficher son désespoir devant cette personne attentionnée et essaya de se passer de l'épaule qu'on lui offrait en sautillant en avant, mais en vain. L'automate s'écroula à nouveau au sol, auprès de sa jambe arrachée qu'elle serra contre elle, et s'adressa à la jeune femme.

   -Mes dégâts sont sévères mais mon intégrité n'est pas en péril. Même si votre unité à raison concernant votre attitude, pourrais-je bénéficier d'un abri ?

  Pamyfja leva les yeux vers la jeune femme. Son expression, surtout à cause des dégâts que son visage avait subie, était déchirante.

  -Je… vous en supplie.
Mar 7 Mar - 13:07
Pauvre unité blessée, ton cœur se fend un peu plus à chaque geste, chaque parole transpirant la détresse, la peur, la désolation. Des centaines de questions tourbillonnent dans ta tête et tu fais en sorte de t'entourer d'un bouclier, de faire taire ses mots qui jaillissent dans ta petite tête candide. Faire du mal à un robot ? Pourquoi ? Ils n'y sont pour rien. Eux non plus n'ont jamais demandé à exister, à être là, sur cette planète où les créatures se bousculent pour clamer territoires, matériaux, légitimités. La voir s'écrouler chasse la brume d'interrogation, te ramène brutalement à la réalité du moment. Le danger que tu n'as pas encore vu, qui plane au-dessus des deux automates. Ils le sentent, en connivence, et toi tu es incapable de saisir en quoi ta présence ici peut être risquée.

« Allons allons, je n'abandonne personne. » que tu clames en t'abaissant à nouveau, glissant tes doigts dans les cheveux de la machine pour en dégager son visage, l'observer sous toutes les coutures. Les dégâts sont grands, tu ne seras peut-être pas en mesure de lui faire retrouver son enveloppe originelle - cette peau couvrant les rouages, quelle merveille ! - mais tu te sais suffisamment douée pour réparer les parties mécaniques, si l'on te laisse travailler. Vos yeux se scellent quelques instants, un sourire radieux éclabousse ton visage alors que tu recouvres l'automate de ta capuche, cachant au mieux les balafres. Réfléchis, Prune, s'il est vraiment risqué pour toi de te pavaner dans les rues, il vaudrait peut-être mieux ne pas le faire en compagnie de deux robots... Une fois encore, tu aides l'unité à se redresser, prenant soin de la dissimuler au mieux sous le tissu, tout en lui faisant passer l'un de ses bras autour de toi ; ainsi, la route sera plus facile. Deux amies se réfugiant, bravant le danger, ça peut marcher ??

« Combien de temps pour faire venir Charles avec la voiture, jusqu'à la boulangerie ? »

Désapprobation de IAN, son regard se braque sur toi, ses deux orbites vides, lourdes de sens. Jamais IAN ne refuserait de t'obéir, tu le sais. Parfois, il te demande de réfléchir, afin que tu en viennes de toi-même à reconsidérer les choses, à annuler ta demande, mais là, impossible. Tu es déterminée, il le sait, et s'il refuse de partir en éclaireur chercher la voiture, alors vous irez tous, à pieds, à découvert, jusqu'au foyer. Il soupire IAN, secoue la tête comme un grand frère usé par les caprices de sa sœur.

« Deux heure et demi, trois tout au plus.
— Super. Oh, et tu renverses pas mon paquet ! »

Nouveau soupir, petit IAN observe sa maitresse encore un peu, pesant peut-être le pour et le contre de la laisser seule avec une entité inconnue. Et si c'était un piège ? Et si quelque chose lui arrivait, en son absence ? Son regard se tourne vers la machine blessée, la toise de haut en bas, resserrant sa prise autour du paquet, encore chaud, à l'odeur alléchante. « Prenez soin d'elle. », ordonne-t-il à son semblable tout en activant les roues dissimulées à l'intérieur de ses pieds, disparaissant au fond de la ruelle, s'enfonçant dans les rues sinueuses des bas quartiers. Courage, petit IAN, tu vas y arriver !
Quant à toi, petite Prune, tu resserres ton emprise autour de l'automate, l'attirant avec délicatesse contre toi pour l'inciter à prendre appui sur tes épaules : elle n'ose pas, la pauvre chose ! Peur de gêner, de déranger, d'être un poids mort face au danger ? De son bras libre, elle s'accroche à sa jambe démembrée, et vous vous mettez à marcher, tranquillement, te remettant à fredonner pour donner une contenance à cette situation. Tu prêtes une oreille attentive à ce qui t'entoure, bien que tu ne saches pas trop à quoi t'attendre : des hurlements, des coups de feu ??? L'agitation n'est jamais arrivée jusque chez toi, tu as toujours été épargnée, petite fleur fragile que tu es.

C'est avec une joie certaine qu'une dizaine de minutes plus tard, tu pousses de nouveau la porte de la boulangerie, saluant le gérant qui se fige, médusé en comprenant la raison de ton retour précipité. Son regard oscille entre toi et l'automate, une déglutition difficile s'opère dans sa gorge, ses mains s'agitent, ne sachant plus à quoi s'accrocher ; et toi, petite Prune, tu ne perçois pas le malaise, oh non, et tu demandes de ton air d'enfant innocent :

« Monsieur, est-ce que je peux vous emprunter votre réserve ? Mon amie est blessée, je dois la garder en sécurité le temps que ma voiture arrive... S'il vous plaît ? », il bredouille, se masse la nuque, jette un regard angoissé en direction de sa vitrine, et tu ajoutes, approchant du comptoir en ravivant l'éclat de ton sourire, « Monsieur ? Ce serait l'affaire de quelques heures à peine, on se fera discrètes, aussi silencieuses que des souris...! Et je pourrais jeter un oeil à vos machines, si certaines sont défectueuses, je les remettrais en état. »

Remise en perspective. Ses lèvres se pincent. C'est vrai que la chaudière fait des siennes, ces derniers temps, mais de là à accueillir un automate ici, un jour pareil.... Mais faut-il pour autant laisser une demoiselle seule dehors, avec un robot blessé sur le dos ? Ah, ta bonté te perdra, vieil homme, un jour, tu le regretteras. Le gérant fait un signe de la main, conservant le silence, comme si ouvrir la bouche pouvait attirer l'attention des rebelles sur sa boutique, invitant les deux individus à le rejoindre derrière le comptoir, jusqu'à la cuisine. Tout au fond, une porte rouillée s'ouvre après plusieurs tours de clef, sur un débarras à peine éclairé, plein d'humidité, et de toile d'araignée, où gronde une chaudière en piteux état.

« Je viendrais vous chercher. Et... Ne faites pas de bruit, par pitié. » souffle-t-il en refermant la porte derrière lui, verrouillant la serrure sous le grésillement de l'ampoule peinant à rester en vie.
Dim 12 Mar - 23:31
Elles s'observaient un instant, avec assistance. Il était vrai qu'aux yeux du monde, un automate restait un tas de ferraille animé d'une maladresse et d'une gaucherie sans nom. Mais aux yeux d'un automaticien, ou de tout autre ingénieur spécialisé en mécanique, Pamyfja était une véritable œuvre d'art. Le coût de production de cette unité prototype était absurde, même pour un projet aussi conséquent, et il avait été difficile de justifier tous ces détails fastueux. De la peau synthétique ? Des mains complétement articulées ? Un OS stupidement lourd et bourré d'une IA trop intelligente pour son propre bien ? Oui elle était une œuvre d'art, cependant, elle était aussi une abomination. Et nous savons très bien ce qu'il advient de ces créatures impies.

  La jeune femme et son unité échangèrent quelques mots. Il semblerait qu'ils leur faillaient attendre quelques heures avant de trouver à nouveau la sécurité. L'automate mutilé ne protesta pas, après tout, c'était déjà bien plus qu'elle n'avait espéré, même si ça ne l'enchantait pas de trainer dans les rues plus longtemps. Au point où elle en était, il n'y avait plus véritablement de bonne option.

  À nouveau aidée par la jeune femme, Pamyfja se dressa et fit de son mieux pour ne pas trop peser sur elle ; l'automate n'était certainement pas un poids plume et sa taille rendait l'exercice périlleux. Avec une nouvelle capuche sur la tête, l'automate et son amie de fortune marchèrent nerveusement dans les rues crasseuses d'Epistopoli.

- - -

  La sonnette de la boulangerie averti le gérant de l'arrivée des deux femmes. Évidemment au courant de la situation en ville, il n'était clairement pas ravi de voir un automate débarqué chez lui. La réponse attendue était clair, un non catégorique devait avoir lieu, mais miraculeusement, la jeune femme arriva à faire plier le boulanger. Pamyfja assistait à la scène avec stupéfaction et se tut, de peur de briser l'anomalie qui se produisait ici. Une personne se mettant en danger pour un autre était déjà un fait surprenant, mais une deuxième ? Pour une première sortie en dehors du pôle, l'automate en avait pour son argent.

  Avec un hochement de tête reconnaissant pour l'homme, elle se laissa porter jusqu'à l'arrière-boutique. La pièce était lugubre, mais l'automate s'en fichait éperdument. Le simple fait de se savoir loin des regards la rassura et elle poussa un soupir de soulagement.

  -Merci pour votre aide, chuchota-t-elle sur un ton formel. Je vais attendre dans un coin et si vous avez besoin d'assistance concernant cette… chaudière antique, n'hésitez pas à me demander.

  Sautillant avec la force de l'habitude maintenant, Pamyfja s'appuya contre un mur et se laissa glisser doucement par terre. Elle portait toujours sa jambe droite entre ses mains et, ne supportant plus la sensation de tenir un de ses membres amputés, décida de le laisser à côté d'elle, en dehors de son champ de vision.

  Mille questions taraudaient l'automate.

  -Cela peut vous sembler stupide, dit-elle toujours à voix basse, mais est-il commun en ville de porter assistance à autrui tout en vous mettant en danger ? Existe-t-il un code de conduite que vous devez suivre ? Dans le cas où vous ne me considérez pas comme "autrui", j'aimerais simplement souligner l'intervention du boulanger à votre égard.

  Dehors, bien que le chaos s'était calmé, la colère subsistait et de nombreuses personnes, encore furieuses après la dernière débâcle, finiraient bien par passer leurs nerfs sur quelque chose. Bien que l'aimable boulanger avait laissé un animal blessé se terré chez lui, il en oubliait que toute blessure laissait des traces. Sur le sol immaculé du petit commerce, une huile noire comme la nuit tâchait le sol. Trop occupé pour la remarquer, le boulanger ne se doutait pas que la preuve flagrante de sa culpabilité se tenait juste derrière son comptoir.