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You should save your eyes, a thousand voices howling in my head - Feat Sybille

You should save your eyes, a thousand voices howling in my head - Feat Sybille Brandw10
Ven 13 Jan - 2:48

You should save your eyes

a thousand voices howling in my head

Feat l'oracle d'ombrelune


So you feel entitled to a sense of control
And make decisions that you think are your own
you are a stranger here, why have you come ?


Ses lèvres étaient si sèches. Son corps entier semblait lui peser si lourd, il avait la sensation d’avoir été transformé en pierre. Oui… Un fossile, posé au fond de la mer il y a des milliers d’années. Recouvert par les strates et le poids de l’océan. Balayé encore et encore par les remous, un ressac violent qui l’aura érodé. Immobile. Apaisé. Guerlain aurait pu mourir comme ça et en un sens, il aurait certainement préféré. Un autre golem oublié, comme ces statues de divinités silencieuses qui semblent recroquevillées sur leurs corps immenses et figés. Ils se protégeaient eux-mêmes à présent et non les autres.
Il ne manquerait à personne.
Mais ça, c’était sans compter la petite flamme qui l’habitait, celle qui vivait en lui depuis sa plus tendre enfance, qui ne s’était jamais éteinte. Il l’avait cru et pourtant, il avait suffit de souffler un peu dessus.


Lève toi, homme.

La voix paraissait étouffée et pourtant, si claire. Imperceptiblement, ses doigts venaient de se crisper sur l’herbe.


Tu veux vivre ? Lève toi. Marche. Lève toi. Marche. Lève toi. MARCHE.

Guerlain prit une large inspiration. Il eut soudainement conscience du poids de son corps étalé contre la terre, de ses vêtements trempés de rosée. De la douleur engourdie et sourde dans sa jambe droite. Du noir. Il était toujours aveugle. Les liens de ses mains dans son dos le brûlaient, ses bras étaient dans un angle désagréable. Il gémit de douleur en posant son front contre la tendresse du sol, ramenant ses genoux sous son torse pour se redresser. Les sensations affluaient comme des vagues sur la falaise, sa carcasse ramenée à la surface semblait reprendre vie.

-Tu es là ?

Appela-t-il, sa gorge était sèche, sa voix rauque mais l’étrange présence semblait se taire. Il considéra que c’était son imagination qui lui jouait des tours. Il y a quelques instants, il se serait cru mort, mais une étrange énergie affluait dans ses membres. Il s'efforça de se lever titubant dans l’inconnu. Pourquoi son corps était-il si lourd…? Soufflant, sifflant entre ses dents serrées, il avança avec prudence. L’air était poisseux, tellement humide qu’il était difficile de respirer correctement. Il n’avait aucune idée d’où il était et il avait du mal à recoller les morceaux sur ce qu’il s’était passé ces dernières heures.
Dépouillé et jeté dans la nature c’était une chose, mais cette voix ? L’avait-il réellement inventé ? C’était très étrange quand il y songeait, elle était… Entrée EN lui ? Un frisson de dégoût le secoua mais il devait éviter de régurgiter ses dernières ressources. Guerlain avançait avec un peu plus d’assurance à chaque minute, se fiant aux bruits, aux odeurs.


Attention


-QUE-
Le jeune homme rentra brutalement dans un arbre, tombant à la renverse en gémissant de douleur. Il s’était cogné la tête et ce qu’il supposa être des épines lui tombèrent en pluie dans les cheveux. Il se secoua, agacé.

-Hé !

Pas de réponse.

-Je vire fou… Mais si c’était moi comment aurais-tu pu savoir… Tu voudrais pas m’aider un peu non ?!

pas de réponse. Quoique c’était, ça se jouait de lui. Furieux, il se releva en donnant un coup de pied dans le tronc, s’appuyant dessus en gémissant. A quoi bon ? Il était complètement perdu, désorienté, mains et yeux inutiles ? Comment pouvait-il espérer s’en sortir dans la BRUME. la BRUME. La vraie, pas celle décrite dans les ouvrages qu’il aimait tant. Guerlain renifla bruyamment et s’apprêta à repartir malgré tout. Il trouverait un moyen, d’arracher ces stupides liens.

Arrête.
-AH ! T’veux pas arrêter d’me parler en monosyllabe espèce de-
SILENCE.

Guerlain ferma la bouche. Un frisson désagréable lui hérissa l’échine et il écouta. Des étranges cris résonnaient dans le lointain, mais un bruit, plus proche, inconnu lui perçait les tympans. Il entrouvrit les lèvres


Ne parle. Pas. IL te traque, depuis plusieurs heures.

Le brun sentit ses bras trembler et il pinça les lèvres. Mais qui ? Après plusieurs minutes de silence, des bruits de pas. Guerlain se plaqua contre le tronc, désirant de se faire le plus petit et discret possible. Mais ils se rapprochaient. Ils tournèrent quelques instants, en cercle autour de lui, à la manière d’un animal. Au bout d’un moment, ils semblèrent changer en teneur, en consistance, en… poids ? La chose se rapprocha de lui, il savait que même s’il fuyait, il ne pourrait pas aller bien loin. Retenant sa respiration, une onde glacée le parcouru alors que des doigts se posaient sur sa poitrine. Des… Doigts ? Ils remontèrent lentement jusqu’à son visage, glissant sur son menton, puis sa joue comme sur une surface morte, la main tira le bandeau. Guerlain était bloqué. Ses yeux, éblouis, mirent un temps à s’habituer à la luminosité. Mais là. A quelques centimètres à peine de son visage.

C’était lui.

Son propre visage.

C’était son visage.


L’archiviste se retint de hurler. Comment était-ce possible ? Avait-il perdu l’esprit ? Ses prunelles noires détaillèrent cette face si familière. C’était ses vêtements, son corps, tout était parfaitement identique. Après quelques instants ou les deux Guerlain se jaugèrent, l’original songea qu’il en avait assez et il respira. L’autre souleva lui aussi ses épaules, les relâchant dans un faux mouvement d’inspiration. Guerlain se décala et la créature l’imita, tout. dou.ce.ment.

Il ne savait pas pourquoi, mais il sentait que s’il bougeait trop brusquement, essayait de fuir, l’autre n’hésiterait pas une seule seconde. C’était surréaliste. Un mot lui vint à l’esprit, une vieille histoire pour enfant. Il murmura

-Miroitant.

Son double eut un étrange sourire. Guerlain se détacha de l’arbre et commença à avancer sans le quitter des yeux. Une nouvelle fois, l’entité l’imita à la perfection. C’était étrange de se voir, de se contempler. Mais Guerlain avait plus la sensation de voir la mort que lui-même. Et maintenant…?
Le brun détacha un instant les yeux du simulacre pour voir où il était, évaluer la situation. Et c’était la milliseconde de trop.

L’autre se jeta sur lui, sa vitesse l’empêcha de faire le moindre mouvement. Sa main, d’une puissance écrasante, entoura son cou et serra. Guerlain ouvrit des yeux affolé, poussant un cri étranglé. Il tenta de le renverser, les deux roulèrent dans l’herbe et la bête sourit. Encore. Et encore. Et encore. Sa bouche s’était étirée des deux côtés de son visage, jusque sous ses yeux. L’archiviste se débattit de toutes ses forces avant de planter ses dents dans son bras. Etrangement, cela eut plus d’effet qu’il ne l’aurait cru et l’immondice le lâcha en poussant un cri abominable. Guerlain se releva mais l’autre était trop rapide. Ses doigts s’étaient étirés en maigres pointes qui vinrent lacérer son visage. Il se jeta au sol, rampant dans une tentative d’échapper à son emprise. Son hurlement se coupa dans sa gorge alors qu’elle se jetait de nouveau sur lui en poussant un sifflement suraigu, écrasant son poing dans son dos. Dans ses yeux noirs, étirés comme deux sphères exorbitées, une haine sans limite.

Guerlain était persuadé qu’elle lui avait brisé tous les os du corps, mais cela faisait moins mal que ce qu’il pensait… Depuis quand était-il devenu si résistant ? Les coups qu’il prenait, le forcèrent à se tortiller au sol, haletant dans un état de semi-conscience. Cette fois-ci… C’était certain. Il avait eu au moins le mérite d’essayer. Simplement, tant de désirs inachevés, il espérait vraiment… Ne pas…Devenir.. Un spectre. Son œil valide commença à partir vers les ombres de la forêt. Les arbres si sombres semblaient se rapprocher, se pencher sur lui. Et la lueur bleue… Qui grossissait.

Look at the sun and once I hear them clearly, say
Who, who are you really ?



notes


Dernière édition par Guerlain Hydris le Ven 13 Jan - 20:35, édité 1 fois
Ven 13 Jan - 19:59
ft. Guerlain Hydris
You should save your eyes, a thousand voices howling in my head


I'll seek you out
Flay you alive
One more word and you won't survive
***


« Aïe ! »
Le cri avait attiré tous les regards vers la nouvelle archéologue comme une nuée de mouches. Celle-ci avait fait tomber la brosse qu’elle utilisait pour nettoyer une céramique à demi-enfouie et s’était levée d’un bond, se tenant la cuisse avec une grimace. Tous l’interrogeaient du regard, mais elle ne répondit pas. Que regardez-vous ? Disaient ses yeux qui lançaient des éclairs avant de tourner les talons et de quitter le site des fouilles, suivie de ses étranges compagnons aux ailes bleues.

Sibylle avait l’habitude de ressentir de lointaines émotions dans la Mer de Brume – elle faisait abstraction, il y avait toujours de la chair à canon pour aller s’y perdre. Elle n’y prêta pas attention au début. Les relents de cruauté étaient d’une banalité dramatique– elle était dans le cœur de tous les hommes, comme elle avait fini par le comprendre. Tous les mêmes foutus cœurs bouffés par la rouille. Penchée sur des vestiges qu’elle époussetait avec une petite brosse, elle tentait de faire abstraction des émotions intruses qui vibraient dans un coin de sa tête. Mais la peur elle… Ténue, lointaine, mais présente. Puis cette douleur soudaine qui déclencha en elle un instinct animal – cet instinct ancien qui autrefois l’animait, qui la guidait jusqu’aux animaux blessés et jusqu’aux intrus qu’elle devait éliminer.

Quelqu’un, quelque chose, luttait pour ne pas être arraché à la vie. Oh, elle avait goûté ce sentiment à de nombreuses reprises, avant de devenir une femme, alors qu’elle regardait les corps que la vie quittait sombrer dans les eaux noires de son marécage. Une pointe de culpabilité – la sienne, cette fois – vint la pincer au cœur et lui arracher une grimace.  Elle passa des heures à flairer cette feinte horreur dans la Brume comme un chien affamé. La traque commençait – c’était plus fort qu’elle, dans son habitat naturel, ses instincts triomphaient toujours.

Plus elle approchait, plus elle sentait, ressentait ce que sa cible vivait. La peur lui battait aux tempes, cognait contre sa cage thoracique, hurlait dans ses oreilles, une sainte horreur se dessinait alors qu’elle approchait, entendant au loin les cris, les gémissements et les hurlements inhumains – irréels. Elle s’arrêta sur ses pas à quelques mètres de la scène, tremblant, haletant, manquant de faire volte-face et fuir – ce puissant instinct tombait sur elle comme une pluie torrentielle.

Souviens-toi, Être, cette peur n’est pas la tienne.
Peut-être était-ce sa pensée qui avait formé ses mots, peut-être était-ce son éternelle, incorporelle amie.
Souviens toi, Être, de ce que tu es. Toi seule a ta place ici.

Dans la Brume, les monstres ne manquaient pas. Elle en était un elle aussi, et elle évoluait parmi ses pairs sans crainte. Mais il y avait pire que des monstres, bien pire.
Il y avait les anomalies. C’était sur l’une de ces choses que la mena sa piste.
Celles qui n’étaient pas de ce monde.
Celles qui essayaient de s’y frayer un passage avec leurs griffes crochues et leurs sourires déformés.
Ceux-là allumaient en elle un instinct animal, carnassier. Les Ailes virevoltaient violemment autour d’elle en un furieux essaim miroitant.

LES ANOMALIES DOIVENT ÊTRE ELIMINEES.
Le credo simple du monde animal fusa d’elle sans qu’elle ne lève la voix. Elle parlait sans parler, voix désincarnée qui n’existait que dans une dimension pathétique, une dimension ressentie qui se passait de ses lèvres. Ses mots assénés comme des coups de poignards dans le corps de la Chose qui s’en prenait à l’humain qu’elle avait flairé et lui arrachèrent un cri suraigu.

MENSONGE ! SIMULACRE !
Elle s’avança lentement dans la clairière tâchée du sang de l’humain qui se tenait entre la vie et la mort. Le Miroitant tourna ses yeux déformés vers elle en feulant, troquant son rictus pour une grimace – mais la jeune femme ne cillait pas, ses yeux luisant d’un inquiétant éclat turquoise.

TU N’AS PAS TA PLACE DANS CE MONDE. TOI QUI CHERCHE A T’INCARNER, CONNAIS-TU SEULEMENT LES SUPPLICES DE LA CHAIR ?
Un grondement sourd émana de la Chose qui jeta l’humain contre une pierre comme une vulgaire poupée pour s’approcher d’un pas claudiquant vers l’Hespéride qui demeurait impassible.
La douleur de l’humain fut invoquée. Roué de coups, la chair transpercée, sa douleur était le fléau que brandissait Sibylle contre le Miroitant. Tout ce qu’il avait ressenti jusqu’à arriver ici étaient autant d’armes entre les mains de l’Hespéride – car le Miroitant ne craignait rien plus que la chose-même qu’il convoitait : la vie. Condamner à imiter, il allait traverser les pires supplices de l’existence. Était-il prêt à en payer le prix ?

CONNAIS-TU LES OS QUI SE ROMPENT ET SE TORDENT ?
L’humain avait été jeté au sol, frappé, ses os réduits en miettes par le chemin comme par la Chose. Des craquements retentirent, suivis d’un glapissement. La créature se tordit de douleur alors que ses vertèbres poussaient et poussaient, transperçaient sa chair. Ses bras s’allongèrent dans un bruit atroce, ses longues mains traînant au sol comme un primate déformé.

CONNAIS-TU LA PEAU QUI SE DÉCHIRE ET SE DÉFORME ?
La chair de l’humain avait été griffée, arrachée, trouée. La créature hurla alors que sa peau sembla se calciner par endroits, ouvrant des trous béants sur son corps dont suinta un liquide sombre qui perla au sol.

CONNAIS-TU LES CHAIRS QUI POURRISSENT A CHAQUE INSTANT ET LE CORPS QUI SE MEURT DES QU’IL NAÎT ?
Ces émotions étaient celles de Sibylle – être transcendantal et au-dessus de toute loi, elle avait découvert avec horreur que la conscience avait un prix. Elle se sentait mourir dans ce corps trop étroit en permanence. Aucune créature de la Brume n’était vouée à se contorsionner dans la peau d’un humain. Le visage du Miroitant sembla fondre sur ces mots, ses chairs dégoulinant sur son crâne immonde. Sa peau n’était plus que cire coulant lentement dans des plis de chair pendant de ses os – les yeux, le nez, la bouche, tout disparu dans une coulée de chair en fusion. Des bubons poussèrent et pourrirent sur sa peau alors qu’il se trainait au sol, la respiration lourde, ses grandes mains hideuses crispées.

TOI QUI PRÉTEND POUVOIR VIVRE DANS CE MONDE, CONNAIS-TU LA PEUR ET LE REGRET ?
La peur – celle de l’homme ; le regret – un sentiment partagé. Autrefois, Sibylle n’avait rien à regretter. Dorénavant, elle vit condamnée à connaître ses crimes et à passer une demi-éternité à les regretter. Les regrets dévoreraient son âme avant que son corps ne se meure enfin. Ces dernières émotions achevèrent la créature déformée qui se releva et pris la fuite sur ses appendices déformés dans une fanfare de sifflements furieux . Sibylle demeura murée dans le silence, attendant la disparition totale de la chose avant de bouger le moindre muscle. Elle ignorait comment tuer un Miroitant – mais elle avait su le faire fuir en lui donnant un goût de l’expérience mortelle. Ces êtres condamnés à imiter sont assujettis aux émotions de celui qu’il imite. Quelle pitoyable existence.

Sa propre froide colère s’apaisa peu à peu lorsque la créature retourna dans les Limbes dont elle venait. Elle reporta son attention sur l’humain, recroquevillé au sol.
« Vous vivrez. »  Dit-elle simplement alors qu’elle s’approchait, sa pâle silhouette drapée dans les ondes de sa ténébreuse chevelure, suivie des papillons qui se posèrent un à un sur le corps de l’homme.

And I'm not scared
Of your stolen power
I see right through you any hour
***

Ven 13 Jan - 21:10

You should save your eyes

a thousand voices howling in my head

Feat l'oracle d'ombrelune



Une nuée de papillons.
Ce fut la première chose qui perça les ténèbres de la semi-conscience de Guerlain. Des petites ailes délicates mais agressives palpitantes autour de lui contre sa peau, l'agitant d'un grand tremblement. Mais ce n'était pas de la peur. C'était... Autre chose. De la pure sauvagerie. Ses oreilles sifflaient de douleur et il était sourd à tout ce qu'il se passait, du sang venait poisser ses paupières, son nez, ses lèvres, entrait dans sa bouche. Il tentait de frotter son visage lacéré dans l'herbe, désirant d'échapper de nouveau à la chose. L'archiviste sentait sa présence dans les moindres pores de sa peau, là, tout prêt. Mais pour une raison qu'il ignorait encore, elle s'était stoppée dans son élan.
Une voix si forte qu'elle en fit frémir ses entrailles résonna dans la clairière et il gémit. Il voulait se relever, il voulait fuir, la volonté qui l'animait n'était plus de l'ordre du désir, c'était un sentiment plus puissant, plus profond. L'adrénaline avait beau irradier le moindre de ses muscles, ses jambes ne le portaient plus. Stupide ! STUPIDE ! Lève toi ! Lève toi ! STUPIDE ! La voix d'Andrea hurlait encore et encore dans ses oreilles, dans la réminiscence de cet homme qui s'amusait à lui tirer les cheveux, à le frapper par amusement, à le pousser sur les plus fines limites de ce qu'un homme pouvait supporter. Guerlain savait qu'il l'entendrait jusqu'à la fin et jamais il n'aurait cru que ce serait sa voix qui le pousserait à ouvrir les yeux de nouveau.

Un dieu.

Sa bouche s'ouvrit dans un souffle entrecoupé mais il n'eut pas le temps d'y songer plus qu'une main glaciale se serra sur sa nuque. Guerlain se sentit soulevé dans les airs sans qu'il n'en prenne réellement conscience. Hein ? Le choc contre sa colonne l'étrangla et il roula a terre dans un parterre de petites fleurs bleues. Haletant, il sentait ses pensées filer. Encore agité de spasmes, ses nerfs à vif et son corps de proie vulgaire si désireux de s'éloigner de la menace, de la mort. Les fleurs. Sa paupière ouverte papillonna sur la délicatesse d'une goutte posée sur un pétale aux reflets irisés, juste devant son œil. C'est avec une certaine horreur que Guerlain songea. Il n'en avait jamais vu. Des fleurs. Les minutes qui suivirent lui parurent distordues. Il entendait la voix sans comprendre ce qu'elle disait, les hurlements, les bruits de la chair qui se déchire, se déforme, se liquéfie et fond avant de se replier sur elle-même. ça lui paraissait soudainement bien futile. Moins important que la beauté de cette Centaurea cyanus, elle ressemblait à un grand œil contemplatif.

Et puis soudain, plus rien. Le silence. Guerlain tâchait de respirer, il devait se concentrer sur cette tâche qui ne lui avait jamais parue aussi ardue. Quelque chose. Quelque chose est cassé. Était-ce lui ? Ses os ? Où saignait-il ? Il était incapable du moindre geste, ses mains toujours liées dans son dos lui semblaient atrocement absurdes et lourdes. Non, c'était son corps entier qui semblait lui être étranger. Et qu'était-ce ces battements si légers contre sa joue ? De légers bruits de pas s'avancèrent dans son dos et il tenta de tourner la tête dans sa direction. Son souffle s'accéléra et il hoqueta en entendant une voix si placide et féminine.

Vous vivrez.

Vraiment ?


Guerlain cilla de son œil valide, parvenant enfin à le lever sur le spectre entouré de brume qui le contemplait. Son visage pâle lui semblait bien irréel, la vision le laissa un long instant silencieux. Il détaillait ses contours semblables a ceux d'une jeune femme. Ses yeux profonds semblaient vides, lointains, la douceur de ses traits lui donnait une allure inquiétante. Il savait qu'elle n'était pas humaine. ça lui semblait soudain évident, c'était la mort. Et il ne la croyait pas.

-Vo-

Une quinte de toux le laissa pantelant, le goût de la rouille lui imprégnait le palais.

-Vous ne me prendrez pas ?

Reprit-il d'une voix croissante, rauque. Il tenta de bouger, mais impossible. Un léger rire agita ses épaules et il tourna son visage contre l'herbe grasse qui lui détrempait la joue.

-Centaurea... Cyanus... Elles sont.. vraiment belles.

notes
Ven 13 Jan - 21:49
ft. Guerlain Hydris
You should save your eyes, a thousand voices howling in my head

I won't soothe your pain
I won't ease your strain
You'll be waiting in vain
I got nothing for you to gain
***

Sibylle revenait peu à peu à l’état de pleine conscience. Elle n’avait que rarement utilisé son pouvoir à pleine puissance – elle se sentait étourdie, comme une funambule qui marchait sur le fil ténu entre la dimension pathos dont elle jouait comme d’une harpe, et la dimension sensible qui la dépassait souvent, mais où elle était condamnée à errer. Mais elle retrouvait peu à peu ses esprits, la colère divine qui s’était abattu sur elle la quittant, la laissant seulement perplexe devant la cible qu’elle avait traquée grâce à la peur qu’elle émanait encore. Les papillons voletaient paisiblement autour d'elle et de l'homme, se posant dans ses cheveux comme sur la silhouette inerte, caressant de leurs ailes soyeuses sa joue piquante.

Maintenant qu’elle avait l’individu sous les yeux, il était plus simple de faire la part des choses. Bien sûr, elle ressentait toujours ses émotions – mais elles ne l’envahissaient pas, tant qu’elle prenait garde à ne pas le toucher. La première phrase de l’homme qui lui fut adressée la laissa cependant perplexe. Elle haussa un sourcil en regardant l’homme étendu dans les fleurs, sans la moindre sympathie.

- Vous prendre ? Si vous vous imaginez que je vais vous porter jusqu’au campement parce que vous êtes blessé, vous… Oh.
L’homme, plongé dans la trance de celui qui avait frôlé la mort faisait certainement appel à ses croyances, délirait. Si Sibylle était vaguement familière avec le folklore strigoi, elle ignorait tout des croyances humaines et n’avait pas la moindre idée de ce qu’il voyait en elle.

- Les humains… Soupira-t-elle avant de s’accroupir au chevet de l’inconnu. « Quoi que vous vous imaginiez sur mon compte, vous avez tort. » Répliqua-t-elle sèchement en dégainant son couteau de poche pour délier les poings du pauvre bougre. Doucement, elle le fit rouler sur son dos, afin qu’il puisse voir autre chose que le sol- et ces fleurs, dont il connaissait le nom, et afin d’évaluer son état général, qui était déplorable, mais tant qu’il pouvait utiliser ses jambes... Il était rare que les humanoïdes connaissent la végétation de la Mer de Brume, nota-t-elle. Quant à leur beauté… Le concept la dépassait encore, elle n’avait pas d’avis sur le sujet. Elles étaient bleues, comme ses papillons, et elles lui étaient familières – cela suffisait pour que l’Hespéride les apprécie.
Toujours accroupie, tendit une main gantée à l’homme au visage tuméfié.

- Je viens d’un site de fouille non loin d’ici, il y a un médecin sur place qui pourra s’occuper de vous. Pouvez-vous marcher ?

Sam 14 Jan - 0:12

You should save your eyes

a thousand voices howling in my head

Feat l'oracle d'ombrelune



Un tressaillement irradia ses membres lorsque l'inconnue s'accroupit à ses côtés, ses sens continuaient de lui envoyer des messages de détresse. Il l'avait entrevu et cette femme... Elle était dangereuse. Un léger spasme agita sa poitrine et il serra les dents, fermant les yeux en la voyant sortir un couteau du coin de l'œil. Il avait reconnu sans mal l'éclat, le fil rasoir de la lame. Franchement, si ça devait se finir comme ça, il préférait largement se faire achever par ça plutôt qu'un usurpateur à la face aussi déformée que ses pires cauchemars. Le jeune homme se figea en sentant l'arme s'approcher de son dos, un hoquet l'agita alors qu'elle tranchait les liens qui retenait ses poignets. Ses épaules étaient si douloureuses qu'il mit un moment avant de ramener ses mains vers sa poitrine, la laissant le faire rouler sur le dos.

C'était un SUPPLICE.

Jamais il n'avait ressenti de telles douleurs. Et au pluriel. Elles irradiaient des quatre coins de son corps, sauvages, envoyant des signaux peu délicats. Cassé. Cassé. Brisé. Coupé. Déchiré. A vif. Guerlain garda son unique œil ouvert fixé sur le ciel tentant vainement de fixer son attention sur AUTRE chose que les atrocités qui l'habitaient pour ne pas tourner la carte. Oiseau. Feuilles. Arbre. Gris. Et on souffle... Non, vraiment, ça n'avait rien à voir avec les bavures de son oncle.
Guerlain sentait que l'autre l'observait en silence, semblant réfléchir. Il la regarda discrètement, toujours méfiant, analysant malgré lui. Au premier coup d'œil, il l'avait prit pour une déesse, mais maintenant qu'il regardait bien... Sous le rideau d'encre qui lui servait de chevelure, des vêtements sombres bien serrés sur sa personne qui lui parut beaucoup plus petite soudainement. De toute évidence, jamais elle n'aurait pu le porter. Ca n'enlevait rien à son visage qui était aussi désincarné et figé qu'une statue de cire, dardant sur lui deux puits sans fond d'un vif turquoise. Quoiqu'elle puisse lui dire, il s'était fait son idée. Il sursauta lorsqu'elle bougea, tendant sa main gantée dans sa direction. Il passa de ses doigts à son visage avant de lentement lever son bras pour s'en saisir. Guerlain fut étonné de voir à quel point il tremblait. De tous ses membres, il se sentait plus faible et fébrile qu'un faon venant de naître.

-Je vais essayer... Vous n'avez pas fait tout ça pour me laisser, pas vrai ?

Il avait rigolé nerveusement d'une voix faiblarde, n'osant pas la regarder dans les yeux. Et si la bête revenait ? Et si elle se décidait à l'achever ? Cette seule pensée suffit à qu'il se redresse, balançant son poids dans cette unique bras au poignet brûlé par la morsure des cordes. A peine fut il assis que Guerlain poussa un cri déchirant, se penchant sur sa cuisse. Son autre main se pressa sur son pantalon et des larmes montèrent, incontrôlables.

-Saleté !

Gémit-il, la salive remplissait son palais alors qu'il observait d'un œil flou la tache sombre et déjà terne sur le tissu, un petit trou percé. S'ils l'avaient touché un peu plus à droite, il se serait vidé de son sang sur place. Les larmes gouttèrent et il renifla bruyamment avant de s'appuyer sur le bras frêle de l'inconnue pour se relever. Elle avait plus de force qu'il ne l'aurait cru.

Miracle.


Il ne savait même pas comment il tenait debout, ses os auraient du être réduits en poussière ? Non, en fait, c'était simple, il aurait du être mort. Guerlain ne comprenait pas encore comment, mais il se dit que c'était cette voix. Il fut tenter de l'appeler mais se dit qu'il devait paraître déjà assez étrange pour cette jeune femme qui l'avait si gracieusement sauvé alors il tint sa langue. Ses doigts, tremblants et agités, effleurèrent la partie droite de son visage qu'il ne sentait même plus. Le rouge vif détonnait tant sur sa peau cireuse. Il respira bruyamment avant de faire un pas. Guerlain perdit presque immédiatement l'équilibre, s'accrochant à la veste de la femme à l'air sombre. ... ça va être long cette histoire.

-Vous... êtes... Archéologue ? vot'.. nom...

Haleta t-il pour essayer d'effuser la panique qui lui serrait les entrailles. Il était vivant. Il était VRAIMENT vivant. Mais allait-il survivre à ça ? Aucun humain n'aurait dû... Surtout pas lui... Oui. Un médecin. Il lui fallait un médecin. Oh par tous les saints de l'ancien temps, il allait tourner de l'œil.


notes
Sam 14 Jan - 13:05

Un rictus tordit le visage de Sibylle quand une douleur violente s'empara de l'inconnu. Elle avait peut-être commis une erreur en déplaçant le corps, il fallait dire que son savoir médical était inexistant. Les humains étaient si... Fragiles. Friables. Le moindre heurt rompait leurs os et les faisait trembler comme une feuille. Elle n'était pas forcément de condition physique supérieure- mais elle savait se garder des coups. Bien qu'il soit un fardeau, son pouvoir lui sauvait la vie de bien des façons.
L'homme se releva tant bien que mal, se dépliant vertèbre apres vertèbre avec de sinistres craquements. Quand il saisit son bras, c'est là qu'elle remarqua...
"Vos ongles..." murmura-t-elle, en remarquant leurs couleurs chatoyantes et leur dureté... Anormale, alors qu'il s'enfonçaient dans le tissu de sa veste. Bah, ce n'était pas le moment, elle l'interrogerait peut être sur le sujet plus tard, s'il s'avérait être du moindre intérêt pour elle.

- Non, je n'ai pas traversé la Brume et combattu cette chose pour vous abandonner. Ça fait des heures que je suis votre piste et je ne compte pas rentrer bredouille. Répondit-elle avec nonchalance.
Le cœur de l'Hesperide bondit dans sa poitrine au cri de douleur arraché au corps de l'homme, elle inspira vivement pour se détacher de la violente émotion. Elle le regarda pleurer, une expression partagée sur le visage- inquiétude, perplexité. Enfin, une émotion qu'elle ressentait elle-même. Quand il se rattrapa de tout son poids sur elle, elle comprit qu'ils n'iraient pas loin. Elle avait encore une fois surestimé un humain.

- Mmh. Nous n'irons pas loin comme ça. Comment a-t-elle face au spectacle miraculeux de l'homme endolori qui tenait pourtant sur ses jambes, ce qui la surprit quelque peu. "Vous êtes dans un état lamentable, et vous êtes de petite constitution. Le camp n'est pas loin pour moi, mais pour vous" ... Elle porta une main à son menton, ses yeux analysant froidement l'état de l'homme qui gisait au sol, réfléchissant à une solution possible. Sa petite démonstration de pouvoir l'avait affaiblie elle aussi, elle doutait qu'elle pourrait soutenir l'homme jusque là-bas, par ailleurs le trajet prendrait des heures et les exposerait à d'autres dangers auxquels ils ne seraient pas capables de fuir. "Quelle idiote, j'aurai dû le prendre avec moi." marmonna-t-elle, pour elle-même.
- Tout compte fait, j'ai une solution, mais nous allons devoir attendre ici un moment. J'ai donné à cette chose une bonne leçon, elle ne reviendra pas. Aucune créature ne se permettrait de lever la main sur moi, alors ne vous inquiétez pas pour votre sécurité. Ajouta-t-elle, se tenant toujours droite, laissant l'inconnu s'accrocher à elle. Sur ces mots, les papillons se mirent à virevolter activement autour d'elle, formant une nuée bleue qui n'attendait que ses ordres.
Allez chercher Morpheus.
Ordonna la même voix désincarnée qui avait triomphé du miroitant. Dans un vrombissement d'ailes, la nuée s'exécuta, disparaissant dans la Brume dans un éclat bleuté.
-... Asseyez vous, essayer de vous reposer. J'ai fais appeler du secours. Ah, et mon nom... Sibylle. Archéologue n'est que l'une de mes occupations-mais c'est celle qui m'amène aujourd'hui. Le vôtre ?
Il n'avait pas besoin de connaître son complet. Moins il en savait, mieux c'était.
Sam 14 Jan - 15:28

You should save your eyes

a thousand voices howling in my head

Feat l'oracle d'ombrelune



Le discours de la jeune femme apaisa un peu ses émotions conflictuelles. La tête de Guerlain vacillait, il avait la sensation d'être tenu par un fil depuis le ciel. Il suffirait d'une brise pour le couper. Etat lamentable... Petite constitution... L'archiviste senti le rouge lui monter aux oreilles et il détourna les yeux. Lisait-elle si bien que ça en lui ? Sous ce regard froid et intense il se sentait presque mis à nu, exposé dans toute sa faiblesse d'homme blessé. Et son corps ne lui avait jamais paru aussi inutile. Même pas bon à attaquer, ni à défendre. Sa main se serra un peu sur son bras, il hocha simplement la tête, soulagé qu'elle ne comptait pas lui faire marcher des kilomètres dans cet état. Si se lever ne l'avait pas achevé, ça l'aurait certainement fait.
Guerlain avait posé son œil entrouvert sur sa main en se rappelant la remarque discrète de sa sauveuse, hoquetant de surprise. Ses... Ses ongles ?! Leur couleur le fit pâlir. Était-ce les coups qu'il avait reçu ? Les nuances en petites strates se découpaient sur chacun d'eux en couleurs opalines. Beurk... Une moue dégoutée tira sa bouche mais les paroles de l'inconnue le sortirent de son observation mi impressionnée mi répugnée.

Aucune créature ne se permettrait de lever la main sur moi.

Plus les secondes passaient, plus Guerlain avait de questions. Mais il ne se sentait pas en position de les poser et de toute manière, il souffrait trop pour palabrer. Le jeune homme poussa un cri en sentant une nuée de petites ailes battre contre lui comme des cils sur la peau alors que des papillons sortis de nulle part s'agglutinèrent autour de la jeune femme. Il la lâcha, reculant en titubant, son bras se pressa contre son visage pour s'en protéger. Et puis en un instant, ils disparurent dans le vrombissement délicat qui accompagnait leur passage.

Perplexe, Guerlain se mit à fixer la brune d'un air suspicieux. Sy...bille. Etrangement, il trouva qu'il n'y aurait pas de meilleure nom pour elle. Elle terrassait un monstre abominable sans lever le petit doigt et en plus elle parlait aux papillons ? Elle pouvait appeler des secours avec des.. DES... DES PAPILLONS ? Quel genre de pouvoirs possédait-elle ? Il sursauta lorsqu'elle lui retourna la question, sur le qui-vive.

-Heu...

Guerlain déglutit, se décalant avant de s'appuyer contre un arbre pour glisser au sol. Une grimace lui contracta la mâchoire lorsqu'il déplia sa jambe dans le parterre d'épines. L'arrière de son crâne rencontra le tronc et il inspira. Lorsqu'il fermait les yeux c'était pire, l'espace semblait se déformer sous ses paupières et les sensations de son corps étaient autant amplifiées qu'engourdies. Il observa sa main qui continuait de trembler. Un rire secoua ses épaules, avait-il eu si peur que ça ? C'était risible. Il pouvait bien lui dire son nom, car ça n'avait plus d'importance.

-Je ne peux qu'vous croire...

Une petite pause ou il la contempla, indécis. Guerlain.

Si madame ne désirait pas lui donner son patronyme, il en ferait tout autant. Il leva doucement la tête vers elle, incertain. Mille nuances se confrontaient en lui. Mais pour l'instant il ne devait pas y songer trop longtemps, si déjà il survivait... Son oeil se posa sur sa manche détrempée de sang, sur sa jambe et sa veste déchirée. Ses deux bras se serrèrent autour de sa taille et il inspira lentement. Tout tournait.

-Il faut pas que je dorme... Parlez moi. S'il vous plait.

Finit-il par lâcher, un peu a contrecœur. Il se méfiait d'elle. Mais avait-il le choix ? Elle était sa seule issue, alors autant faire bonne figure. Un petit sourire pâle éclaira son visage abimé.

-Je ne vous ai pas remercié. Comment... Avez vous fait ? Je pensais que ces bêtes étaient invincibles.

Un souffle souleva ses épaules, un léger rire perça sa poitrine.

-Enfin.. Dans... les contes.

notes
Sam 14 Jan - 20:25
ft. Guerlain Hydris
You should save your eyes, a thousand voices howling in my head

L’homme ne répondit pas à sa question – Sibylle ne s’en formalisa pas. Elle lui avait surtout demandé son nom à cause de cette politesse qu’elle singeait en permanence, de ces manières qu’on lui avait inculquées en l’espace de quelques semaines qu’elle répétait de façon robotique chaque fois qu’elle rencontrait une nouvelle personne. Comme un papillon, son esprit voletait d’un sujet à l’autre aisément et le prochain était… Il lui demandait de lui parler. Pourquoi ? Enfin, s’il pouvait rester conscient jusqu’à l’arrivée de Morpheus, elle ne se plaindrait pas, mais elle sentait dans la détresse qu’il s’agissait plus d’une supplication que d’une demande, comme s’il était question de vie ou de mort, et ça, elle ignorait comment l’interpréter.

Elle-même se sentait fatiguée, et elle finit par s’asseoir sur un rocher, les jambes l’une contre l’autre et ses mains gantées posées sur ses cuisses, dans une posture presque de fillette bien élevée. Elle observait toujours l’inconnu, mais avec une certaine confusion, une pensivité sur son visage qui s’inclina légèrement sur le côté. Les contes, les histoires… Tous des fabriques à superstition pour lesquels elle avait un certain mépris. Elle avait du mépris pour beaucoup de constructions de l’esprit, à vrai dire.

- Rien n’est invincible. Ni les dieux, ni un golem né du diamant, ni les Miroitants. Tous ont un point faible, qu’il s’agit de connaître.
Elle cessa d’observer l’homme et son regard s’adoucit, se perdit dans le vague à mesure qu’elle réfléchissait.

- Pour beaucoup, ce point faible est la peur. Personne ne le sait mieux que les Miroitants – et moi. Ils sont eux-mêmes vulnérables à la chose qu’ils exploitent pour affaiblir leurs victimes. Ces êtres sont animés par la jalousie et le désir pour quelque chose qu’ils ne comprennent pas, et la vérité est que leur plus grande peur est l’objet-même de leur désir : la vie. Ils ont beau être d’une violence inouïe… je les trouve pathétiques.

Elle avait craché ces derniers mots avec le dédain d’une créature qui était consciente que ces choses ne devraient même pas exister. Leur existence à l’envers, paradoxale, troublait sa conscience et ne manquait jamais d’allumer une pointe de colère en elle.

- Pour ma part… Je n’ai pas fait de miracle, je suis simplement dotée d’hypersensibilité. Ce pouvoir, quand il est maîtrisé, a bien des usages. Celui de refléter la peur de mes opposants en est un. Je n’ai eu qu’à lui renvoyer vos propres émotions, les miennes aussi, pour lui donner un goût de l’expérience humaine qui l’horrifia tellement qu’il en fuit. C’est également mon hypersensibilité qui m’a mise sur votre piste. Le voilà, votre mystère.

Elle posa à nouveau son regard sur l’homme, espérant qu’elle l’avait éloigné de la piste de son identité non-humaine, avant de reprendre ses explications.

- Les Miroitants sont condamnés à imiter – mal. Tout ce que j’envoyais à ce monstre, il le reproduisait, le déformait, et son corps se désagrégeait peu à peu. Je me demande s’il j’aurai pu le tuer s’il avait été plus têtu, je n’aurai hélas pas de réponse à cette question. Il est du moins retourné dans les Limbes dont il vient et il n’en sortira pas de sitôt.

Elle poussa un soupir en repensant à la créature déboitée, déplacée, inversée et déformée. Cette vision d’horreur ne laissait pas indifférent même quelqu’un comme elle : les erreurs qui n’appartenaient pas à la nature était ce qui la répugnait le plus.

- En ma qualité d’exploratrice, je sais toutes ces choses depuis longtemps, j’ai vu plus de monstres que je ne puisse les compter. Mais j’ai un mépris tout particulier pour ces choses – elles ne devraient pas exister. Elles n’ont pas leur place dans ce monde.

La voix plate, distante à nouveau alors qu’elle psalmodiait ces mots. Elle se ressaisit quand son regard se posa sur la tâche rouge sombre sur la cuisse de l’homme, qui lui sauta aux yeux et la ramena à la réalité, hors de sa propre haine.

- …Mais elle n’a pas pu vous faire cette blessure. Qui vous a vous ça ? Étiez vous seulement dans la Brume par choix ?
Elle darda ses yeux sur l’inconnu avec un froncement de sourcil : c’était à elle d’exiger des réponses.

Sam 14 Jan - 21:19

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Feat l'oracle d'ombrelune



Dans le froissement des étoffes, Guerlain tenta de s'installer un peu plus "confortablement" pour écouter Sybille. Il ferma les yeux, serrant ses bras contre son ventre comme pour se tenir lui-même. Il avait froid. Mais ce n'était pas l'air glacial et réconfortant des débuts de l'hiver, c'était... Autre chose. Son souffle. L'air qui entrait dans ses poumons. Les mots de la jeune femme. Elle avait une voix douce, quoique, aussi distante que son apparence. Tout semblait sortir avec méthode, de la plus cartésienne et honnête des manières. Il songea qu'elle ne devait pas souvent mentir. Pas comme lui.
Un point faible... Il ne s'était pas acharné à les connaître, lui. Jamais Guerlain n'aurait cru penser mettre un pied dans cet enfer.

La peur.

N'était-ce pas là le point faible de tous les êtres vivants ? Les gens sont tous pareils, ce ne serait pas humain de ne pas avoir peur ici. Si certains pensent qu'elle est un choix produit par la réalité, de nos propres pensées, l'archiviste la croyait inhérente. Elle l'avait habitée toute sa vie. Peur de mourir. Peur de vivre. Vivre mal. Ou trop confortablement. Peur des autres. De la trahison. Elle nous empêche de grandir, d'aimer. Elle nous paralyse, jusque dans le moindre de nos os. Oh non, il ne s'agit pas seulement de fuir le danger mais de ce qu'il incarne. La peur d'être sans espoir. Guerlain avant que le miroitant ne se montre, l'avait perdu.
"Tout semble sans issue ! Jamais je ne sortirai d'ici !" C'était bien là son erreur, il avait baissé les bras l'espace d'un instant. Et la bête en avait profité. La vision de son visage déformé sous ses paupières le força à rouvrir l'œil. Sa respiration s'était sensiblement accélérée et il se concentra sur ce qu'elle disait. La vie, oui, c'était le plus effrayant. Cette lumière si vive mais soufflée avec aisance. Mais c'était un cadeau aussi, il comprenait qu'on puisse le jalouser. Le visage de Sybille lui semblait flou par endroit, mais elle semblait plus expressive à présent. Plus... Humaine.

Elle possédait donc un pouvoir. Guerlain souffla du nez mais contint un ricanement. ça expliquait son... Mépris. Ce n'était pas étonnant pour lui, tous les possesseurs qu'il avait rencontrés n'étaient que des imbéciles bien trop surs d'eux. Elle n'était sans doute pas bien différente quoique, réaliste. Son œil noir se détourna d'elle pour observer les ombres vaporeuses dans les méandres de la forêt. Sybille semblait parler plus pour elle-même que pour lui, ses pensées se déballaient comme un graphique précis, formé d'hypothèses, de conclusions. Elle était donc une exploratrice, de ceux qui lui ramenaient toutes ces reliques. Il en était reconnaissant et il comprenait ce besoin de partir toujours plus loin, mais avec de tels dangers... Guerlain savait qu'il n'aurait aucune chance dans cette partie du monde, bien impitoyable. Il était inutile.

Le brun frémit lorsqu'elle planta de nouveau son regard sur lui. Il avait rarement vu quelqu'un avec de tels yeux, si clairvoyants. Ses bras se serrèrent et il trembla. Ahahhh la fameuse question. Elle ne pouvait que le remarquer. Il supposa qu'il lui devait une explication.

-Je... Me nomme Guerlain.

Bon, il supposa que finalement il n'y avait pas de mal à lui dire son nom, comment l'appellerait-elle sinon ? Homme ? Monsieur ?

-Archiviste. Je me rendais à Opale lorsque j'ai été attaqué pour ce que je transportais et-... Gnn

Sa voix cassa au milieu de sa phrase et il se pencha en avant, agité d'un spasme douloureux. Il prit quelques secondes à se reprendre. Souffler. Inspirer. Les arbres. Les fleurs. Sa respiration sifflait entre ses dents serrées. Merde, il avait tellement froid.

-Ils m'ont tiré dessus. Jeté ici. Ces sales... Pardonnez les mots, mais ces sales rats.

Un sale sourire avec éclairé sa face en même temps qu'une lueur glaciale dans ses yeux. Il ne mentait pas, ce n'était pas un mensonge s'il ne faisait qu'omettre. Elle ne dura qu'un instant et une main se plaqua sur sa bouche. Bon sang, qu'est-ce qui lui faisait mal comme ça ? ça s'empirait de minutes en minutes. De la sueur froide coula le long de sa nuque et il tapa l'arrière de sa tête contre le tronc pour se maintenir éveillé.

-J'ai.. Marché.. Je ne sais pas oh.. Des jours. Si le miroitant ne m'avait pas..hu.. Attaqué, je serais mort de faim.

Il avait tendu son poignet devant lui, observant dans le bord de sa manche la marque de ses liens. Il étouffait. Inspirer. Souffler. Les arbres. Les fleurs. Sybille.

-Vous..hm.. venez d'Opale ?

notes
Sam 14 Jan - 22:08
ft. Guerlain Hydris
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La fatigue la gagnait peu à peu. Celle de celui qui se nommait Guerlain – la sienne. Toute utilisation délibérée de son pouvoir avait un coût, et elle sentait peu à peu ses membres s’engourdir, ses paupières s’alourdir. Elle sursauta quand la voix de l’homme se brisa – elle sentait ses entrailles qui se tordaient, il avait… il avait froid. Ah, c’est vrai que c’est ce qui arrive quand les humains perdent du sang. Parfois même quand ils ont peur. Elle avait déjà vu ça. Sans un mot, elle déboutonna sa veste, se leva – elle tituba quand ses pieds touchèrent le sol - et se pencha sur l’homme dans un coulis de mèches noires qui effleurèrent son visage. Sans un mot, l’Hespéride posa sa veste de laine sur le thorax de Guerlain, ne le regardant pas un seul instant dans les yeux avant de reculer lentement et d’aller s’asseoir un peu plus prêt, se laissant glisser le long d’un tronc d’arbre, au milieu des fleurs bleues, laissant sa tête rouler sur son épaule alors qu’elle ajustait machinalement son foulard.

- Guerlain… Je tâcherai de m’en souvenir. Souffla-t-elle, songeuse, son regard vague posé sur l’homme mais regardant comme au travers de lui. Elle devait rester éveillée elle aussi, mais elle ne put retenir un bâillement aigu qu’elle couvrit de sa main avec quelques secondes de retard – se souvenant subitement que c’était la chose polie à faire.

- Archiviste… ? Dans ce cas, votre cas me concerne plus personnellement que je ne le songeais. J’imagine que vous transportiez quelque chose de précieux pour qu’on vous attaque de la sorte, voilà une nouvelle qui déplaira à ma mère… La cupidité des hommes n’a-t-elle donc aucune limite ? Elle soupira, elle connaissait déjà la réponse à cette question, mais l’humanité trouvait toujours de nouveaux moyens de la décevoir. Comme elle méprisait devoir vivre en société quand elle avait été pure vie autrefois, inconsciente de la cruauté, de la conviction. Oh, simplement être à nouveau... Ce rêve qu'elle savait condamné.

Plus elle parlait, plus elle se fatiguait, plus les mensonges préfabriqués pour répondre aux questions banales sur son identité lui éludaient. Elle répondait sans réfléchir, le regard perdu dans la Brume, ses doigts brossant machinalement sa chevelure d'encre.

- Opale ? J’y vis, et j’en viens. Mais la Brume fut mon berceau, et elle sera mon tombeau. Souffla-t-elle à mi-voix.

- Je sais tout ce qui se passe ici… Contrairement à Opale.
Elle bailla à nouveau.

- Excusez-moi, j’imagine que vous allez devoir me tenir éveillée aussi. Mon pouvoir me coûte énormément. L’hypersensibilité est toujours… toujours active, mais je n’ai qu’un corps et qu’un cerveau pour la supporter. C’est… pesant, surtout quand je l’invoque de moi-même.
Dim 15 Jan - 1:00

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Feat l'oracle d'ombrelune



Ses muscles se crispèrent lorsqu'elle se leva en s'approchant lentement de lui. Guerlain la suivit du regard alors qu'elle enlevait sa veste, la déposant sur sa poitrine. Elle laissa sur son passage une trainée d'une odeur de sous-bois et petrichor, accompagnée de nombreuses autres nuances. L'archiviste avait toujours eu le nez fin, tout comme l'ouïe ou la vue. Rien a voir avec l'hypersensibilité, simplement, son attention était constamment soutenue et demandée lorsqu'il travaillait sur de gros objets ou même l'odeur racontait une histoire. Ses mèches brunes chatouillèrent son visage et il retient son souffle, se laissant faire. Il fut presque déçu lorsqu'elle s'éloigna car ses barrières commençaient à s'abaisser. Et il avait besoin d'une présence au cas ou il... Cette pensée le fit déglutir, mais ses tremblements s'apaisèrent indiciblement. Elle s'assit contre un arbre elle aussi et il lui trouva l'air fatigué. Ah. Il avait tant sommeil lui aussi, ça aurait été si simple de s'allonger dans l'herbe humide, de s'y assoupir au son du vent dans les branches, de cette voix discrètement féminine.

Le blessé se racla la gorge, se redressant un peu pour essayer de se focaliser sur son discours. Il avait envie de se foutre des baffes, mais ça aurait été s'infliger une douleur supplémentaire étant donné son état. Il sentait son front et sa poitrine brûler et transi, il savait que cette fine étoffe gracieusement offerte ne durerait pas.
Décidemment... A chacune de ses paroles, une nouvelle question silencieuse naissait. Et si elle se mettait à parler de la cupidité des hommes, ils en auraient pour des jours de palabre tant le discours était de taille. Non, sérieusement, il y avait tant à dire. Guerlain en était la preuve vivante. Un peu amusé par cette voix soupirante bercée de douce ironie, sa tête s'inclina un peu sur son épaule dans un sourire. Il avait du mal à garder l'œil ouvert.

Et puis, il y eu cette phrase. Mais la Brume fut mon berceau, et elle sera mon tombeau.
Comme elle était étrange. Elle sonnait si tendue, si pleine d'un sens que Guerlain ne pouvait comprendre. Son berceau ? Mais quel genre d'homme naissait dans la brume ? Les monstres, il n'y avait que les monstres. Ou les divinités. Dans un souffle, il resongea à la vision qu'il avait eu en la voyant surgir des ténèbres, ses cheveux comme des toiles spectrales s'étendant autour d'elle et ses yeux... D'un bleu...

-Opale... Oui, j'y emmenais... Le cristal.

Murmura t-il, agitant un peu la tête pour ne pas sombrer. Que c'était difficile.

-Vous protégez les hommes, alors, une divinité d'uhr.

Ajouta Guerlain une nouvelle fois, d'une voix presque innocente, comme celle d'un enfant sans en enlever sa gravité. Il n'était pas panthéiste, ou du moins, en secret il y songeait parfois. Car c'était prohibé à Epistopoli, mais le dire simplement le rassurait. C'était comme mettre un mot sur quelque chose qu'il ne connaissait pas, pour le rendre plus tangible. Mais en réalité, la fièvre qui commençait à le prendre tout entier ne lui faisait pas faire la part des choses.

-Mais votre mère, vient-elle de la brume ?

Il parlait, mais c'était ce qui lui passait par la tête. Tout était bon pour franchir la barrière de ses lèvres tant que c'était possible. Sa main toucha le sol et son coude se plia alors qu'il s'y étendait, tirant un peu sur la veste de Sybille pour la ramener sous son menton. Il resta un moment immobile, le corps toujours agité de spasmes silencieux.

-Hm.. ça a l'air.. Difficile.. Les humains, ils ne savent rien contrôler.. Tous des stupides. Mais dites moi, que je n'oublie pas... Comment vous aider, Sybille ? Je veux.. Vous remercier.

notes
Dim 15 Jan - 2:01
ft. Guerlain Hydris
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Un sourire doux-amer courba les lèvres de Sibylle, son regard perdu au loin alors qu’elle écoutait Guerlain à nouveau l’appeler une déesse. Il y avait quelque chose de … Flatteur, en un sens, que cet homme lui voue une admiration telle – elle ignorait beaucoup de choses, mais pas les dieux, et leur poigne sur les esprits. Un léger rire s’échappa de sa gorge sèche.

- Je n’ai rien accompli d’assez important pour prétendre à la divinité, Guerlain. Les dieux sont ceux qui ont changé le monde à jamais…  Mais je ne suis pas plus humaine que strigoi, vous n’êtes pas dupe. Je n’en suis pas moins une femme bien vivante et mortelle, pétrie d’émotions et de faiblesses. Je choisis ce que je protège… Et j’ai décidé de vous protéger vous.

Sur cette confession, elle ramena ses genoux contre sa poitrine et les enlaça, reposant sa tête qui pencha sur le côté. Une certaine pudeur s’était emparée d’elle, qu’elle ne s’expliquait pas alors qu’elle se dévoilait peu à peu. La pudeur… horrible émotion qui la privait de vivre pleinement. Connaître la pudeur, c’était avoir perdu son innocence, elle le savait bien.

- J’ai senti votre peur a des kilomètres. Votre douleur. L’horreur que vous étiez en train de vivre… J’ai senti la cruauté de vos tortionnaires, aussi. Ça m’a écœurée, cette jubilation si sale qu’ils éprouvaient et qui se collait à ma peau. Immonde…  C’était plus fort que moi, j’ai suivi votre trace par instinct. Quand je suis dans la Brume, il m’est difficile de les réprimer. Mais je ne regrette pas de vous avoir… tiré de ce mauvais pas. Et maintenant que je sais qui vous êtes…
Elle leva ses yeux vers lui, avant de déclarer abruptement:

- C’est vous qui deviez emmener le cristal au congrès de l’Institut, n’est-ce pas ? J’ignore si ma mère a déjà eu vent de votre enlèvement, mais la perte du cristal… c’est très grave. Je pense que la perte d’une vie l’aurait été davantage, mais ma mère et moi ne sommes pas toujours du même avis sur … certaines choses. Les cristaux ne m’inspirent pas confiance. Ces choses ont été fabriquées il y a si longtemps et les hommes comprennent si peu ceux qui les ont précédé…

Elle soupira, anticipant déjà des explications épuisantes, avant de se gratter la tête avec dépit.
- Je suis bien plus âgée que celle que j’appelle ma mère. Il s’agit simplement de la femme qui m’a adoptée. J’en ai déjà bien trop dit, mais j’imagine que vous avez eu vent d’Ekaterina Excelior. Elle ne vient pas de la Brume non, mais elle s’y est perdue par le passé. Je l’ai retrouvée comme je vous ai trouvé aujourd’hui. Je vis à Opale avec elle depuis. Je ne serai plus jamais celle que j’étais maintenant que je porte son nom.

Elle resta silencieuse un long moment, ses mains effleurant les doux pétales bleutés pensivement alors qu’elle réfléchissait. Elle finit par se redresser pour observer l’homme, le jaugeant avec appréhension.

- Vous voulez m’aider, Guerlain ? Pouvez-vous garder un secret ? Mon secret ? J’aimerai… J’aimerai que quelqu’un se souvienne de qui je suis – ce que je suis. Opale, les hommes, le tourbillon quotidien de leurs émotions… me fait perdre pied parfois. Je crains qu’un jour vienne où je me serais oubliée complètement.
Ses yeux étaient grands ouverts, observant la face blafarde de l’homme comme un enfant hébété et craintif – comme une bête sauvage curieuse et inquiète, sur la défensive.
Dim 15 Jan - 22:40

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Feat l'oracle d'ombrelune



Ah. Elle souriait.
Vous n'êtes pas dupe.

Effectivement, Guerlain savait percer les gens à jour, même si là c'était plus visible qu'une page cornée au milieu d'un ouvrage. Sans en prendre réellement conscience, il y avait passé le doigt, avait ouvert quelque chose qu'il ne comprenait pas encore. Mais vivre dans le mensonge était une chose qu'il connaissait si bien qu'il avait apprit à le déceler chez les autres. Un petit rire l'agita, se transformant en une quinte rauque qui le recroquevilla. Il eu envie de souffler que c'était un bien inutile de sauver quelqu'un comme lui. Il allait certainement perdre son travail. Il n'avait nulle part ou aller, même s'il sortait de la brume... Pour le moment, il devait se contenter du fait qu'il était en vie. Sa prunelle tremblante fixait les moindres gestes de Sybille qui semblait avoir froid sans sa veste. Ou du moins, il l'interpréta de cette façon, il aurait aimé se lever pour lui rendre mais il était incapable de bouger. Même lever un bras lui demandait un effort considérable.

Alors elle avait senti tout ça. Et elle ne le regrettait pourtant pas ? Mais n'était-ce pas une torture que de subir les pires atrocités sans les vivre ? Guerlain resongea à toute la douleur, la peur, l'angoisse accumulée dans ces dernières heures. Et cette épée de damoclès qui était tombée sur ses épaules. Il cilla, tentant de se concentrer en l'entendant mentionner le cristal.
Le cristal. Sa... mère. SA MERE ? Un petit hoquet l'agita, Guerlain eu soudain bien trop conscience de ce qu'il venait de perdre. Lui, l'incapable. L'archiviste renifla, troublé par cette information. Sa mère était-elle.. La grande dame Excelior ? La vague de révélation qui suivit le laissa pantois. Pourquoi lui disait-elle tout ça ? Il n'était pas exactement en position de lui répondre de la plus claire et pure des façons, mais justement. De là où il était, il ne pouvait qu'écouter. Elle confirma ses pensées et il se mordit la lèvre. Il venait de tomber sur un bien drôle d'oiseau, comme ce qu'il pouvait attendre de la Brume.

Le brun redressa un peu la tête pour écouter sa confession. Cette jeune femme qui semblait si solide, d'une puissance écrasante à combattre l'immonde créature a peine une heure plus tôt semblait se diminuer d'instant en instant. Ses cheveux glissants sur ses épaules, ses yeux bleus grands ouverts, comme ceux d'une enfant. Sa froideur s'était écoulée d'elle, comme un fleuve, elle semblait si vulnérable. Tout comme Guerlain qui n'avait jamais été aussi faible.

J'aimerai que quelqu'un se souvienne de qui je suis.


Guerlain sentit les larmes lui monter aux yeux, mais son autre paupière, gonflée et abimée le faisait trop souffrir pour en verser.

-Moi aussi.

Lâcha t-il finalement après quelques instants de silence. Il ne savait pas exactement pourquoi il disait ça, peut-être que lui aussi craignait de juste... Disparaître. Il n'y aurait plus aucune trace de lui dans ce bureau, dans cette ville. Andrea, ou d'autres, avait balayé sa vie d'un revers de main. Un mot, certainement, prononcé d'entres les ombres. Et lui, rien. Pas d'enterrement. Pas de tombe. Il serait devenu un spectre parmi tant d'autres dans cette Brume. Si cela avait été son destin, il aurait eu tant de rancoeur. Alors... Cette requête...
L'archiviste se redressa en grognant de douleur, tendant sa main tremblante vers la jeune femme.

-Oh Sybille, jamais je n'oublierai. La Brume est votre berceau. La Brume est votre tombeau. Puisqu'il ne sera pas le mien. Mais je l'emporterai dans la mort.

Il s'arrêta de parler, cherchant son regard dans le flou de sa vision.

-C'est une promesse. Il y a bien peu que je puisse faire.

Sa tête retomba au sol et il resta là, fermant de nouveau les yeux. Un soupir.

-Votre vie ressemble a un conte... Mais vous avez du beaucoup souffrir. La mienne est... Ce serait mentir que dire que j'ai été, un jour, un homme bon. Je me suis fermé il y a des années. J'aurais du faire plus. Mon secret ne repose pas sur un désir noble, ou quelque chose qui n'est pas de mon dû... Il repose sur des mensonges. Je crois que... J'ai des regrets.

Ou des rancunes. Voulait-il réellement se venger ? Là, il était seulement... épuisé. Le brun sentait son souffle s'amoindrir dans sa poitrine. La veste de sa sauveuse lui apportait étrange réconfort.

Ne dors pas, homme.

Guerlain sursauta et tendit l'oreille. La petite voix. Dédoublée, désincarnée, il songeait qu'elle était un produit de son esprit. Il avait déjà entendu parler de ça, avec la peur, le choc. Sybille l'avait-elle entendu elle aussi ? Il guetta sa réaction mais rien, tentant de calmer les battements de son coeur. Peut-elle fallait-il mieux l'écouter.

notes
Lun 16 Jan - 13:45
ft. Guerlain Hydris
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Sibylle ferma les yeux un instant, laissant la promesse s’enfoncer dans son cœur. Une promesse qu’elle savait, qu’elle sentait sincère. Elle soupira de soulagement, serrant contre son cœur ses mains gantées, pressées l’une contre l’autre à cause du froid.

- Merci. Souffla-t-elle à mi-voix. Un remerciement sincère lui aussi.

- … Et ne vous inquiétez pas pour ma mère. Quand nous rentrerons à Opale, je plaiderai votre cause. Vous êtes la seule personne à avoir vu ce cristal et la seule à détenir des renseignements cruciaux… Elle pourrait faire usage de vous, et elle vous épargnera. Elle n’oserait pas me refuser ça. Ajouta-t-elle, réfléchissant déjà à ce que pourrait être la vie, après cette rencontre. Guerlain était promis à Opale et si elle ne croyait pas au destin… Elle croyait aux opportunités.

- Ce sera pour vous une chance de recommencer. Les regrets… Sont la pire affliction humaine. J’ai passé la majeure partie de ma vie en ignorant le regret mais aujourd’hui… Je regrette moi aussi. Ce regret, je le porterai pendant des siècles et des siècles. Mais vous… Je vous souhaite d’arriver à les apaiser. Opale est une ville cruelle, mais elle recèle ses trésors, et ses opportunités, tâchez de savoir les saisir. J’ignore qui vous étiez autrefois, cela m’importe peu. Qui serez-vous demain ?

Un léger rire s’échappa de sa gorge alors qu’elle levait la tête vers les cieux grisâtres, contemplant le ciel gris qui semblait si bas et ou spiralaient en silence la Brume. Elle ne commenta pas sur la notion de conte, bien qu’elle remuât des questions, des idées. Quelle sinistre histoire ferait sa vie – quelle leçon pour les enfants humains qui l’écouteraient ? Peut-être qu’un jour, son passage sur Uhr serait réduit à ça : un conte.

Alors qu’elle réfléchissait, elle la sentit. L’autre présence, qui s’agitait mollement dans un élan de conscience, émanant une émotion d’urgence. Elle se redressa, dardant un regard vif sur l’homme. Oh, elle comprenait mieux les ongles… Et comment il avait pu survivre à l’attaque maintenant.

- Oh. Vous n’êtes plus seul.
Vous ne serez plus jamais seul, répondit son être empathique à la Nebula. Elle se releva lentement et s’approcha à nouveau de Guerlain, se penchant sur lui, posant une main sur son épaule recouverte de la veste qu’elle lui avait prêtée.

- Guerlain. Restez avec moi. Les secours ne vont plus tarder. Appela-t-elle, réalisant qu’elle le perdait.
Elle supplia intérieurement son destrier de se dépêcher. Heureusement pour eux, ce dernier était ponctuel.

La nuée de papillons ouvrait la marche. Apparût promptement derrière elle la splendide bête dorée aux ailes bleues qui piaffait et s’impatientait, trottant vivement dans la clairière pour rejoindre sa maîtresse. Derrière lui, avançait d’un pas lourd un énorme alligator noir, qui prit forme humaine l’instant où ses yeux froids se posèrent sur les deux jeunes gens.
Sibylle enlaça la grande tête du pégase – sa seule source de réconfort, la seule créature qu’elle pouvait toucher sans souffrir. Alors que l’animal pressait sa tête contre elle, toute la peur et la douleur qu’elle avait encaissée de cœur avec Guerlain lui tombèrent dessus. Tremblante, elle serra l’animal contre son cœur et enfouit sa tête dans ses crins blonds, tentant de dissimuler ses silencieuses larmes. L’animal souffla doucement, l’air chaud revivifiant quelque peu Sibylle, et enveloppa ses grandes ailes autour de sa frêle silhouette.

- … Mademoiselle. Appela le zoan-alligator.

- Oh, Marcus. Merci d’être venu aussi. Elle renifla, essuyant ses larmes du revers de sa main avant de tourner son regard vers le grand homme sombre.

- Mon devoir est de vous protéger, Milady. Quand j’ai vu Morpheus s’affoler, j’ai su que vous aviez besoin de moi. Et je voulais m’assurer que rien ne s’en prenne à votre… précieux destrier sur le chemin.

- Je vous en suis fort gré. Pouvez-vous m’aider à soulever cet homme ? Demanda-t-elle, retrouvant sa nonchalance alors qu’elle se redressait. En appuyant sur le garrot de l’étalon, elle ordonna à ce dernier à se coucher au sol.

- Oui, Madame. Mais qui est-ce… ? Dieux, que lui est-il arrivé ? Heureusement qu’aucune artère n’a été touchée, ne savez-vous donc pas faire un garrot ?

- Un quoi ? Et je vous expliquerai en route, cet homme est avec l’Institut. Il faut le ramener au campement avant qu’on ne le perde.

Le zoan acquiesca.
- A vos ordres, Madame.

Le grand homme souleva Guerlain comme s’il ne pesait rien et le hissa sur le dos du cheval qui attendait nerveusement alors que Sibylle caressait son encolure en lui murmurant des mots doux. Le cheval se releva lentement, et gonfla ses ailes afin de maintenir l’homme quasi-inconscient sur son dos – a la façon d’une mère cygne portant ses petits. Les plumes chaudes enveloppèrent Guerlain comme un nid. Sans plus attendre, l’étrange délégation se mit en route.

- Ne vous l’avais-je pas dit ? Murmura Sibylle à l’intention de Guerlain, marchant à côté du cheval.
Vous vivrez.

Eyes on fire
Your spine is ablaze
Felling any foe with my gaze
And just in time
In the right place
Steadily emerging with grace
***