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Sous le vent du désert

Sous le vent du désert Brandw10
Dim 2 Juin - 14:50

Sous le vent du désert

Ft. Ahavah Sahaqiel

Le vent chaud s’engouffrait dans ses ailes, l’emportant à plusieurs milles d’altitude comme s’il ne pesait pas plus qu’une plume. Loin, au-delà du désert, le soleil brûlant entamait sa course, parant le paysage de mille nuances d’ocre. Le sable s’étendait vers l’infini sans discontinuer et la chaleur serait bientôt trop forte pour qu’il puisse continuer ainsi son voyage, mais Maël ne s’en inquiétait pas. Après tout, il possédait des capacités et des pouvoirs qui dépassaient l’entendement du commun des mortels. Il se laissait donc porter par les courants ascendants, plein d’insouciance, méditant sur l’existence du continent. Dans ce monde où tout allait si vite, un simple siècle laissait place à des changements difficiles à envisager pour un être tel que lui. Il lui semblait n’être arrivé parmi les hommes qu’hier, et pourtant le monde avait été chamboulé plus d’une fois. Des guerres avaient fait rage. De nouvelles villes étaient nées. Plus récemment, les événements n’avaient fait que s’accélérer. Il y avait à peine trente minutes que la Mer de Brume avait avalé Dainsbourg, et voilà qu’à son tour, Opale se retrouvait sur le point d’être engloutie.

Et pourtant, malgré ce danger, malgré cette cause commune contre laquelle lutter, le monde continuait de se déliter. Les tensions entre les factions n’avaient jamais été si fortes. Aramila et Epistopoli étaient sur le pied d’une guerre plus froide que les Sept Glaciers, Xandrie menaçait d’un jour à l’autre de se laisser emporter par le mouvement révolutionnaire qui grondait dans ses mines et Opale se préparait tant bien que mal pour sa plongée dans la Brume. Seul Panoptès, Chancelier de l’Alliance, continuait de se soucier du plus important : le sort du monde, le Mandebrume et son objectif, Zénobie. Outre la route qu’il traçait vers le nord, d’autres initiatives étaient nées de cet objectif de stopper le faux dieu. Celui, par exemple, des origines de l’Arbre-Dieu et de son lien avec l’enclave. Et bien que le panthéisme n’eût jamais paru aussi bancal que depuis les révélations de la dernière année et la montée du kobolisme, les textes sacrés conservaient malgré tout de nombreux secrets. Comment, et surtout pourquoi, était né le panthéisme ? Qu’est-ce que cette religion pouvait expliquer sur ce qui s’était passé lorsque la Brume avait envahi le monde ?

Cela faisait un moment que Maël menait des recherches pour le compte de l’Alliance. Son rôle de diplomate s’était récemment mué en celui de chercheur. Un chercheur dont la mémoire sans faille et l’expérience de la Brume étaient beaucoup trop précieuses pour être gaspillées, en ces temps troublés où la fiabilité n’était plus une valeur sûre. Il avait mené ses recherches d’abord dans les lieux les plus évidents : les bibliothèques des grandes cités, celle d’Andoria, les ruines de Dainsbourg... mais il lui semblait évident qu’il ne trouverait pas de réponses à des questions aussi mystérieuses dans des endroits aussi iconiques. Ainsi, il avait entrepris de trouver des endroits moins connus, susceptibles de cacher de petits trésors de connaissances. C’est là qu’il en avait entendu parler. La Veilleuse. On disait qu’elle était là depuis longtemps, et que même les vieillards l’avaient toujours connue ainsi, jeune et érudite. La Veilleuse. Elle tenait une librairie dans le quartier de Khar-Toba, une librairie religieuse où, comme personne, elle arrivait à promouvoir les valeurs du panthéisme. La Veilleuse. Un nom donné aux rares grigoris qui foulaient le sol d’Uhr.

Le soleil maintenant haut dans le ciel, Maël se fondit dans ses rayons, se déplaçant vers la cité à l’aide de son cristal de lumière avant d’atterrir à l’ombre d’un palmier. Le Rempart de la Foi, comme à son habitude, semblait être d’un autre monde. Ici, pas de fils électriques, pas de vrombissement de voiture ou d’éclairage artificiel. La ville prenait vie avec le soleil, étirant sur les visages des habitants des sourires sympathiques et une simplicité unique en son genre. Le temps semblait figé quelque part dans un passé plus primitif et Maël en était presque mal à l’aise. Pourtant, il était souvent venu dans la cité du sable au cours du dernier siècle, mais il ne s’était jamais vraiment habitué. Il n’arrivait pas à se sentir chez lui. Mais se sentait-il jamais chez lui ? Camouflant ses ailes sous une cape, il s’engagea dans les rues de terre battue. Il demanda à un marchand où se trouvait la fameuse librairie. Celle-ci était visiblement connue, car une dame qui passait par là s’exclama sur la bonté de la jeune Veilleuse et se proposa de le conduire chez elle.

Il ne savait presque rien de la propriétaire, mais quelque chose au fond de lui le poussait à vouloir la rencontrer. Était-elle vraiment une grigori ? La plupart des Veilleurs étaient des eshims qui n’avaient rien connu de la grande Zaravoda. Mais quelque chose lui disait que celle-ci était différente. Et, au delà de sa mission, quelque chose en lui brûlait de la rencontrer.

Bonjour, s'exclama le grigori en poussant la porte. C'est ouvert ? On m’a dit qu’il était possible de faire des trouvailles incroyables ici !
Lun 3 Juin - 1:07


Le quartier de Khar-Toba faisait tâche face à la mer de bruit et d'affairement qu'était Aramila, qui elle-même faisait verrue face à l'océan de sable qui l'environnait. Ici, nul moine entamant des mantras, nul vendeur de babioles hurlant ses prix. Les commerces ici n'étaient fréquentés que par les riverains, à l'exception d'un seul- l'on n'y reviendra bien assez tôt.
Les odeurs de nourriture émanant des foyers dominaient les ruelles du quartier à cette heure-ci, dont relents épicés et les effluves de pain chaud tout droit sortis du four rappelaient aux estomacs qu'il était temps de rentrer pour la pause déjeuner.
Celui de Rachel ne faisait pas exception, mais, hélas, la librairie de Khar-Toba était ouverte toute la journée et, contrairement aux autres établissements de Khar-Toba, accueillaient tout le monde en tout temps -et ce même quand la propriétaire, sa tante, s'absentait, prétextant quelque emplette d'appoint.

La jeune fille s'armant de patience, passait le temps en lisant l'un des nombreux livres collectant la poussière. Sa mère et sa fratrie, étaient, de toute leur famille étendue, ceux qui avaient la relation la plus étroite avec ladite "tante". Sans doute parce que maman ne pouvait pas s'occuper de nous tous seule, pensait-elle. Rachel était peut-être jeune, mais elle était loin d'être dupe. Sans doute la qualité qui lui a valu ce poste, d'ailleurs, accueillant et assistant moultes prêtres, marchands et autres lettrés curieux venus des quatre coins du monde habité à trouver l'ouvrage qu'ils cherchent, souvent caché dans une montagne de poussière -mais toujours trouvés.

Et, c'est assise derrière le comptoir, trop courte pour être vue, qu'elle répondit au client potentiel sans même le voir :

"Oui, nous sommes ouverts ! Bienvenue !"

Et avec l'enthousiasme innocent propre aux enfants d'avant l'adolescence, Rachel récita le discours de bienvenue en descendant de sa chaise.

"Bienvenue dans la librairie Khar-Toba ! Nous vendons, achetons, louons, tous types d'ouvrages écrits, livres, parchemins authentifiés ainsi que..." Son entrain disparut net.

"Ainsi que..."

Des ailes noires. Il a des ailes noires !

"des arbres généalo...." fit-elle, la fin du mot à peine inscrite sur ses lèvres silencieuses.

La jeune fille fit un pas en arrière, complètement abasourdie, les yeux écarquillés. Des ailes noires... Comme tantine !

Il y eut un instant de flottement, durant lequel une autre personne passa le pas de la porte, essoufflée. Rachel cru d'abord que c'était sa tantine, avant de voir le visage bourru et parsemé de cicatrices d'un des "notables" du quartier, un dénommé Dustum. L'homme en question eut une expression de surprise similaire en voyant le client en question, avant de se tourner vers Rachel.

"Rachel, ça va ?"

Elle hocha la tête. "Tu as vu ?" essaya-t-elle de chuchoter, en pointant le client du doigt, comme si le grigori ne remarquerait rien si elle parlait à voix basse, à l'instar des créatures des légendes. "Il..."

"Shht. Viens ici." l’interrompit-il. La gamine s'exécuta promptement, voyant que le visage sévère du malfrat ne souffrirait d'aucun commentaire ou désobéissance. La poussant vers la sortie, elle courut vers une figure sombre, couverte de robes, qui la serra dans ses bras, la cachant derrière elle.

Maintenant, Dustum se tourna lentement vers le problème, une main ostensiblement derrière son dos, une main armée qui ne se voulait pas escalade d'agression mais une assurance si quoique ce soit tournait au vinaigre.  

"Efendim,", déclara-t-il directement à Maël, "je vais devoir vous demander de décliner votre identité, et de sortir les mains en l'air. Ne faites pas de mouvement brusques -il y a une demi-douzaine d'hommes, tous armés, dehors."

Dustum se tourna vers la figure encapuchonnée. "Qeyuma, je crois que c'est lui. On vous a dit des ailes, c'est ça ? Noires, pas blanches ou quoi ?"

"Oui. S'il a des ailes noires, faites-le sortir. Et gardez-le en joue, où par Ceux qui tiennent nos âmes dans leurs Mains, il nous tuera tous." fit Ahavah.

Rachel frémit, mais elle ne savait pas si c'était à cause de ses paroles funestes, ou de l'expression de terreur qu'elle entrevut sous sa capuche -une expression qui n'avait pas traversé le visage de sa "tantine" depuis un millénaire.
Mar 4 Juin - 12:58

Sous le vent du désert

Ft. Ahavah Sahaqiel

La jeune fille qui l’accueillit brillait d’enthousiasme et de bonne humeur. Elle récita avec un grand sérieux ce qui semblait être le parfait message d’accueil... avant de se figer brusquement, une expression horrifiée sur le visage. Sourcils froncés, Maël se retourna pour voir ce qu'elle fixait... et comprit. Sa cape, mal ajustée, ne camouflait pas comme elle l’aurait dû ses grandes plumes noires. Il voulut retourner un sourire rassurant à l’enfant qui l’avait accueilli. Ses ailes avaient de quoi surprendre, mais jamais elles n’avaient provoqué une telle expression ! Car c’était la peur qui se peignait sur les traits de la fille, et le grigori eut immédiatement l’envie de la rassurer. Celle-ci avait été rejointe par un homme qui l’observait avec la même méfiance. Il échangea à demi-mot avec la petiote avant de se tourner vers lui et d’exiger qu’il décline son identité. Une expression sérieuse occupait désormais le visage juvénile du grigori. Il ne s’était pas attendu à un tel accueil, mais ce qu’il entendit l’éclaira suffisamment pour qu’il comprenne, au moins un peu, de quoi il retournait. Il leva les mains en signe de bonne foi.

Je suis Maël, diplomate de l’Alliance et messager de Panoptès.

Voilà des noms qui devraient leur parler. L'Alliance, cette organisation qui chapeautait les recherches de la Brume et avait fondé la Guilde des Aventuriers, et l’honorable Panoptès à sa tête, reconnu pour sa sagesse profonde et son intelligence vive. Une femme prit alors la parole et, son regard attiré par elle, il sut qu’elle était celle qu’il cherchait. Elle possédait les traits aériens de ceux de leur race, et quelque chose dans sa voix, malgré son accent irréprochable, laissait croire que l’uhrois n’était pas sa langue maternelle. Il ne voyait pas ses ailes dans l’ombre où elle se tenait, mais il demeurait convaincu.

Je ne suis pas ici pour vous, assura-t-il doucement. Le Roi des Rois a autant de raisons de m’en vouloir qu’à vous. Le Céleste m’en soit témoin, je ne vous ferai pas de mal.

Il se laissa guider vers l’extérieur sans discuter. Mieux valait se montrer coopérant, même si le diplomate ne craignait nullement pour sa vie. Après tout, ses cristaux étaient plaqués sur sa peau, et il ne lui suffirait que d’un soupir pour se fondre dans les ombres. Malgré ses déclarations, la méfiance était palpable. N’étant pas réputé pour être taciturne, Maël se mit à papoter avec légèreté.

Je ne m’étais pas attendu à ce que ma visite cause tant d’émoi ! expliqua-t-il d’un ton candide, sans sembler s’inquiéter des armes pointées sur lui, mais coopérant sans protester à leurs demandes. Si cela avait été le cas, je me serais annoncé en avance, cela nous aurait évité toute cette inquiétude, n’est-ce pas ? Veuillez accepter mes excuses. Puis-je reprendre du début ? Je suis Maël. Erelim, certes, mais répudié depuis longtemps par notre chère mère patrie, grimaça-t-il avec dégoût. Je mène des recherches sur l’origine du panthéisme, voyez-vous. L’Alliance croit pouvoir trouver des réponses à la situation actuelle, avoua-t-il d’un ton plus grave. Lorsque j’ai entendu qu’une Veilleuse – Une veilleuse, vous vous rendez compte ! - tenait une librairie qui renfermait des trésors inestimables, il m’a semblé impensable de ne pas m’y arrêter. Peut-être, et son regard rencontra celui de la grigori, possédez-vous les informations que je recherche, dit-il avec envie, ses yeux illuminés d’une lueur passionnée.