Lun 21 Aoû - 16:18
Morgan Law
Epistopoli / Marin
- 24 ans
- Zoanthrope mâle
- Epistopoli
- Hétérosexuel
- Marin
- Superboy - Magdalena Pagowska (len-yan)
Description
Autrefois le garçon avait un cartilage de poupon, un visage étroit et réjouissant, et les joues essaimées de taches de rousseur. Un androgyne, dont une perruque suffisait à le confondre, - ça et une paire d’oranges glissées sous un soutif imaginaire. Il a mûri, mais ne s’est pas réellement enlaidi : ses traits de mignon ont survécu à travers des lèvres jouasses, rieuses, des canines qui se profilent à chacun de ses sourires. Des yeux du plus beau bleu, et des joues arrogantes appelant à la méchanceté de petits pincements. Son corps observe un autre genre de rigueur. Dur comme un clou de cercueil, les muscles qui lui ont poussé sont ceux d’un boxeur, toniques, fibreux. Il n’est pas le plus épais des mômes qu’il vous sera donné de voir; ce ne sera pas non plus le plus tendre. Des poings abîmés à force de battre la chair, des bras qui ont anesthésié plus d’un type sous leurs étranglements…
Le caractère, tel qu’on s’y attend, est celui d’un homme de peu de choses, pour qui la vie n’a jamais rien eu de bien sérieux. Céline disait que le bonheur se résumait à une petite chaumière et une femme de caractère. Morgan y aurait ajouté les claquements de la mer, mais serait tombé à peu près d’accord. On lui découvre une certaine astuce, quand il veut, et bien qu’il ait cette fâcheuse tendance à mâcher ses mots et leur rendre toute leur noblesse de manouche, il peut aussi bien emprunter un verbe plus pointu, des tournures de phrase plus ampoulées, pour plaire à son monde.
Tout cela, du corps jusqu’à l’esprit, s’effondre quand il apparaît. Lui.
Calamité.
Un nom fameux pour une bête qui n’en est rien. Toute sa vie de marin et de combattant l’ont dépourvu de discipline, et Morgan ne parvient pas à contrôler sa transformation. La chose qui lui succède est grande, immense, un mètre de plus que son alter ego. Une mâchoire exiguë encombrée de crocs, des membres longs, simiesques et étroits, et une poitrine colossale. Chaque centimètre de muscle semble avoir été pensé en perspective d’une parfaite prédation. La bête parle. Et elle parle bien. Une gourme de petit seigneur, de hobereau, des tournures désuètes pontifiées avec un soin de galant, et toujours, pourtant, ce corps atroce, difforme, cette bête fauve d’un blanc pur aux yeux injectés de sang.
Difficile de savoir ce qu’il en retourne. Peut-être une projection schizophrénique de son moi intérieur. Un trauma d’enfance ressuscité. Ou autre chose…
Le caractère, tel qu’on s’y attend, est celui d’un homme de peu de choses, pour qui la vie n’a jamais rien eu de bien sérieux. Céline disait que le bonheur se résumait à une petite chaumière et une femme de caractère. Morgan y aurait ajouté les claquements de la mer, mais serait tombé à peu près d’accord. On lui découvre une certaine astuce, quand il veut, et bien qu’il ait cette fâcheuse tendance à mâcher ses mots et leur rendre toute leur noblesse de manouche, il peut aussi bien emprunter un verbe plus pointu, des tournures de phrase plus ampoulées, pour plaire à son monde.
Tout cela, du corps jusqu’à l’esprit, s’effondre quand il apparaît. Lui.
Calamité.
- Ebauche:
Un nom fameux pour une bête qui n’en est rien. Toute sa vie de marin et de combattant l’ont dépourvu de discipline, et Morgan ne parvient pas à contrôler sa transformation. La chose qui lui succède est grande, immense, un mètre de plus que son alter ego. Une mâchoire exiguë encombrée de crocs, des membres longs, simiesques et étroits, et une poitrine colossale. Chaque centimètre de muscle semble avoir été pensé en perspective d’une parfaite prédation. La bête parle. Et elle parle bien. Une gourme de petit seigneur, de hobereau, des tournures désuètes pontifiées avec un soin de galant, et toujours, pourtant, ce corps atroce, difforme, cette bête fauve d’un blanc pur aux yeux injectés de sang.
Difficile de savoir ce qu’il en retourne. Peut-être une projection schizophrénique de son moi intérieur. Un trauma d’enfance ressuscité. Ou autre chose…
Habiletés et pouvoirs
Morgan est un zoanthrope, et c’est la caractéristique première qui devrait vous venir, si vous deviez l’étudier. Il y a lui, et il y a quelqu’un d’autre. Le garçon sait se battre : des réflexes de chat, une adresse remarquable et des poings aussi durs que des battes. Pas de quoi en faire toute une histoire. Des hommes comme ça, il s’en bouscule par groupe de mille dans les armées et autres organisations taiseuses de l’omerta. Il n’est pas trop mauvais avec une arme à feu entre les mains. Petit, on lui apprenait à viser les boîtes de conserve.
Mais c’est lui son ange gardien, sa perdition. La créature qui l’habite. L’apparence de Calamité tutoie celle d’un loup-garou, aux bras énormes, sans mesure, une poitrine épaisse et aux cuisses larges. Cette bête respire la cruauté, mais une cruauté disciplinée, intelligente; on ne la verra que rarement se précipiter, dans un conflit, préférant l’observation, toute la mesure prédatrice d’un monstre des hautes herbes. Il connaît l’anatomie des choses qu’il affronte, sait où viser pour y mettre fin.
Il est déjà arrivé que Morgan prenne le dessus sur lui. Mais trop peu de fois. Et jour après jour, le bilan s’épaissit…
Les transformations, douloureuses, manquent de le terrasser à chaque fois. Les muscles qui explosent et les os qui craquent sont une des raisons premières de son alcoolisme. Il en pleure, rudoie son corps de s’arrêter, mais il n’y peut rien. Il n’est qu’un homme, et lui, est une chose.
Mais c’est lui son ange gardien, sa perdition. La créature qui l’habite. L’apparence de Calamité tutoie celle d’un loup-garou, aux bras énormes, sans mesure, une poitrine épaisse et aux cuisses larges. Cette bête respire la cruauté, mais une cruauté disciplinée, intelligente; on ne la verra que rarement se précipiter, dans un conflit, préférant l’observation, toute la mesure prédatrice d’un monstre des hautes herbes. Il connaît l’anatomie des choses qu’il affronte, sait où viser pour y mettre fin.
Il est déjà arrivé que Morgan prenne le dessus sur lui. Mais trop peu de fois. Et jour après jour, le bilan s’épaissit…
Les transformations, douloureuses, manquent de le terrasser à chaque fois. Les muscles qui explosent et les os qui craquent sont une des raisons premières de son alcoolisme. Il en pleure, rudoie son corps de s’arrêter, mais il n’y peut rien. Il n’est qu’un homme, et lui, est une chose.
Biographie
C'est sur la carcasse d'un baleinier que le poulain prend vie. Le rafiot est brinquebalé par une flotte noire, dure, et son écume sale la bouche des types à l'intérieur. Sur le pont, on s'active, et on s'accroche à ce qu'on peut, pour ne pas passer par-dessus bord. « Vague scélérate, à tribord ! », qu'on gueule. Et le mur d'eau pulvérise le flanc du navire comme une coquille de noix. La bouche grumeleuse de sel, un gosse se relève. Morgan a huit ans, aujourd'hui, et les mains déjà grasses d'huile de cachalot. Il ne devrait pas être ici, mais le poids de ses couilles contrebalance avec l'ardeur de la tempête. « … Coupez les cordes ! 'va tomber ! ». C'est ce que gueule un soudard, et Morgan, poignard en bouche, s'exécute. Il rampe sur un bois glissant ; un tonneau manque de l'envoyer voleter dans l'océan. Il s'agrippe, déchire ses ongles dans l'appui et avance, parce qu'il n'a que ça. Et quand il arrive à destination, son poignet s'agite lestement. Le cordage saute ; d'autres gars lui viennent en aide. Puis, brusquement, le navire se stabilise. Le grain est passé. Ils soupirent...
La vie de Morgan Law n'est pas une course folle vers un destin prometteur. Ce sont des images compulsives d'instants brefs, soudains. De plaisirs amortis par l'horreur de la mer. Si ces étendues d'eau salée évoquent, chez le terrien, une perspective de liberté, chez lui, ce n'est rien de plus que sa maison. Et comme tous les toits qui couvent le dessus de nos têtes, on finit par s'y habituer. Né à Epistopoli, entre les larrons, les vandales et les fils de pute, - stricto sensu - il a erré toute sa pleine jeunesse dans les rues chapardeuses de la cité, puis, d'un navire à l'autre, s'est façonné une drôle de réputation. Celui d'un merdeux, qui aurait, dit-on, gagné l'équipage pour se prouver une virilité. Lui, que les copains surnommaient amicalement « Gueule de fille », s'est ratissé les cheveux au coutelard, et a bondi dans le premier brique venu. Les débuts étaient difficiles. Ce n'est pas ordinaire, d'accueillir un gosse dans les marées, mais Morgan redouble d'effort. Et pour presser le jus des baleines, racler la graisse, récolter l'huile, il faut des mômes, suffisamment étroits pour se faufiler dans les évents. Pour jouer dans les cordages d'un trois mâts, il faut de la souplesse. Et annoncer la « Terre ! », de bons yeux. Autant de qualités qui l'exemptaient de rester sur les ports. Mais les baleiniers ne sont rien d'autres que des cimetières ambulants, et tous les frères qu'il a aimés, sont aussi morts. Il n'y en a bien que quelques-uns, pour avoir survécus, et lui demeurer – à peu près – fidèles.
Il y avait eu Hyatt. Bonne pomme, sourire dentu, dont il aura emprunté la force, toujours à mâcher ses mots et dialoguer avec le verbe congru des grands esprits. Il lui a appris à lire, à écrire. Sans lui, Morgan aurait été compartimenté, et malgré sa jolie face, chez les brutes et les taulards. Pour Hyatt, Morgan était un diamant échoué dans la bouse, et il fallait nécessairement qu'il s'en sorte, pour ne plus vivre ce que lui-même avait enduré toute sa vie. Hector, aussi, copain avec qui il avait subi ses premières cuites. Un frère de sang, et il aurait été insensé de quantifier le nombre de fois où tous deux s'étaient retrouvés dans une panade noire, à grimacer, poings en l'air, contre des types autrement plus baraqués. Souvent, ils gagnaient. Parfois, ça ne marchait pas, et il fallait les traîner par les bottes pour les réveiller à giclées de seau d'eau glaciale.
Il y a quelque chose d’opaque, quand on regarde en arrière, dans le passé. Des mélancolies suspendues, qui vous prennent le ventre et dégagent ce que vous avez mis des années à forger. Peu importe combien de temps grandira Morgan, les premières beuveries, les premières grains, ses premières femmes jouiront toujours d'une flamme forte, dans son cœur. Il y a eu Hyatt, il y a eu Hector. Il y a eu Jack, Lumpy, et il y a eu Maëlys. La fille du capitaine, pas plus haute que lui, et qui fréquentait les mêmes altitudes, pendant leurs périples. Plusieurs fois, ils s'étaient endormis, l'un contre l'autre, en haut de la vigie. Ils se sont rapprochés, se sont aimés et ont appris à se connaître dans des circonstances qui ont déplu au père. Morgan était un fils de rien. Des rumeurs couraient sur son père, qu'on surnommait « le Diable ». Et sa mère, une sorcière à la peau osseuse, maugréant dans les marécages d’îles perdus. On ne le voulait pas, pour une fille ; et de ça, on s'est mis à l'appeler « Merdeux ».
Hector et Morgan ne s'en sortaient pas par miracle, dans leurs échauffourées. L'un était rusé, le poignet leste et le couteau aiguisé. L'autre était un manouche, champion de boxe clandestin, c'est à dire qu'il était dur comme un clou de cercueil et que sa peau renvoyait l'éclat d'une vie de battu. Des ecchymoses, partout sur le corps, et des os qui répugnaient à se fracturer. Plusieurs fois, on avait essayé de le soumettre, à coups de badine, dans les flancs, les côtes, les jambes. Sa tête, elle, s'en sortait intacte.
Et il s'en tirait toujours.
En fait, il se battait mieux seul qu'à deux. Certains y voyaient une sorte de courage providentiel, une force supérieure. On l'a aimé, pour ça. Mais, un jour, on comprit.
Le gentil manouche, le bon gamin, celui qui passait son bras par-dessus l'épaule des potes et ronflait sur la poitrine de sa petite-amie, était, en vérité, plus qu'un homme. Ses canines dénotaient de l'ordinaire ; sa vigueur, aussi. Jamais on n’avait vu un môme tenir un grain aussi noir que ce jour-là, en coupant les cordages tel qu'il le fallait. Jamais un ado n'aurait pu coucher Ted Grosse-Tête d'un tel crochet du droit. Jamais, jamais Morgan n'aurait dû s'en sortir le jour où Billy et sa bande l'ont pris à six contre un dans ce corridor. Jamais il n'aurait dû les éviscérer, comme seule une bête pouvait faire. C'est Hector qui le vit le premier. Un œil rond, la bouche fragmentée de stupeur. Et, la seconde d'après, le capitaine. Le temps, pour le monstre, d'ouvrir la gueule, qu'on le poursuivit. Et il dut fuir, à travers les plaines.
Les années qui suivirent furent les plus éprouvantes de sa vie. Fuir la mer, quand on y est né, c'est fuir de chez soi. Une vie de branlebas dans les douves salées de l'océan, et la terre vous fait l'effet d'une surface bien trop plane, à vous rendre dépressif. Il commença à – trop – boire. A courir les putains et fédérer les divorces. Plusieurs fois, on le surprenait, cul nu, dans le pieux d'une bourge, d'une mage ou d'une mistinguette un peu trop arrogante. Sans ce monstre, en lui, Morgan Law eut probablement été cloué à l'entrée d'un village, roué de coups. Mais on ne l'y prenait jamais.
Rien d'extraordinaire, chez le garçon. Sa vie n'est pas une course folle vers un destin prometteur. Des images compulsives. Instants brefs. Soudains. Quand il revit Hector, une poignée d'années plus tard, il manqua de délirer. Le bellâtre était toujours aussi beau, mais ses yeux, eux, ne mentaient plus. « T'as une sale gueule », qu'on lui dit. Et il se contenta de rire, pour toutes réponses. « Tu m'as r'trouvé comment ? », « J'ai suivi les ribaudes. » Nouveau rire, mais plus abstrait. Il sait qu'il ment : il l'a retrouvé grâce aux crieurs. Du bétail s'envole à vue d'oeil, toutes les nuits. Morgan ne maîtrise pas son pouvoir. « J'me fous de ce que t'as en toi. Moi, j'sais qui t'est. Un gamin d'vingt ans qu'a les deux pieds dans la vie, comme nous tous. Tu dois revenir. » « Le capitaine ? » « Qu'il aille s'faire foutre. J'ai rencontré pire que lui, entretemps. (il lui montra son torse, couvert de blessures) J'compte bien monter mon propre équipage. » Un silence écrase la discussion, et Morgan s'étrangle : « … Maëlys ? » « Il l'a mariée à un fils de. Un bourge avec deux litres d'gomina sur la caf'tière. Putain, Morgan, on s'en fout, tu... » Mais on le perd. Son cœur se biberonne de haine. Le gamin possessif qu'il est voit son plus beau trésor lui échapper. Son destin s'est faufilé entre ses doigts, sans qu'il ne puisse rien y faire. Mais son copain amortit le choc, d'une claque sur l'épaule. « Prends la mer avec moi. On voguera comme à l'époque », « J'peux pas. J'peux plus. Tu l'sais bien, j'ai c'truc en moi qui... ». « Alors va ailleurs. Va au ciel. Y a d'autres mondes que celui-ci. D'autres monde que la mer. Va au ciel, et ne reviens pas tant que t'as pas arrêté de pleurnicher. »
La vie de Morgan Law n'est pas une course folle vers un destin prometteur. Ce sont des images compulsives d'instants brefs, soudains. De plaisirs amortis par l'horreur de la mer. Si ces étendues d'eau salée évoquent, chez le terrien, une perspective de liberté, chez lui, ce n'est rien de plus que sa maison. Et comme tous les toits qui couvent le dessus de nos têtes, on finit par s'y habituer. Né à Epistopoli, entre les larrons, les vandales et les fils de pute, - stricto sensu - il a erré toute sa pleine jeunesse dans les rues chapardeuses de la cité, puis, d'un navire à l'autre, s'est façonné une drôle de réputation. Celui d'un merdeux, qui aurait, dit-on, gagné l'équipage pour se prouver une virilité. Lui, que les copains surnommaient amicalement « Gueule de fille », s'est ratissé les cheveux au coutelard, et a bondi dans le premier brique venu. Les débuts étaient difficiles. Ce n'est pas ordinaire, d'accueillir un gosse dans les marées, mais Morgan redouble d'effort. Et pour presser le jus des baleines, racler la graisse, récolter l'huile, il faut des mômes, suffisamment étroits pour se faufiler dans les évents. Pour jouer dans les cordages d'un trois mâts, il faut de la souplesse. Et annoncer la « Terre ! », de bons yeux. Autant de qualités qui l'exemptaient de rester sur les ports. Mais les baleiniers ne sont rien d'autres que des cimetières ambulants, et tous les frères qu'il a aimés, sont aussi morts. Il n'y en a bien que quelques-uns, pour avoir survécus, et lui demeurer – à peu près – fidèles.
Il y avait eu Hyatt. Bonne pomme, sourire dentu, dont il aura emprunté la force, toujours à mâcher ses mots et dialoguer avec le verbe congru des grands esprits. Il lui a appris à lire, à écrire. Sans lui, Morgan aurait été compartimenté, et malgré sa jolie face, chez les brutes et les taulards. Pour Hyatt, Morgan était un diamant échoué dans la bouse, et il fallait nécessairement qu'il s'en sorte, pour ne plus vivre ce que lui-même avait enduré toute sa vie. Hector, aussi, copain avec qui il avait subi ses premières cuites. Un frère de sang, et il aurait été insensé de quantifier le nombre de fois où tous deux s'étaient retrouvés dans une panade noire, à grimacer, poings en l'air, contre des types autrement plus baraqués. Souvent, ils gagnaient. Parfois, ça ne marchait pas, et il fallait les traîner par les bottes pour les réveiller à giclées de seau d'eau glaciale.
Il y a quelque chose d’opaque, quand on regarde en arrière, dans le passé. Des mélancolies suspendues, qui vous prennent le ventre et dégagent ce que vous avez mis des années à forger. Peu importe combien de temps grandira Morgan, les premières beuveries, les premières grains, ses premières femmes jouiront toujours d'une flamme forte, dans son cœur. Il y a eu Hyatt, il y a eu Hector. Il y a eu Jack, Lumpy, et il y a eu Maëlys. La fille du capitaine, pas plus haute que lui, et qui fréquentait les mêmes altitudes, pendant leurs périples. Plusieurs fois, ils s'étaient endormis, l'un contre l'autre, en haut de la vigie. Ils se sont rapprochés, se sont aimés et ont appris à se connaître dans des circonstances qui ont déplu au père. Morgan était un fils de rien. Des rumeurs couraient sur son père, qu'on surnommait « le Diable ». Et sa mère, une sorcière à la peau osseuse, maugréant dans les marécages d’îles perdus. On ne le voulait pas, pour une fille ; et de ça, on s'est mis à l'appeler « Merdeux ».
Hector et Morgan ne s'en sortaient pas par miracle, dans leurs échauffourées. L'un était rusé, le poignet leste et le couteau aiguisé. L'autre était un manouche, champion de boxe clandestin, c'est à dire qu'il était dur comme un clou de cercueil et que sa peau renvoyait l'éclat d'une vie de battu. Des ecchymoses, partout sur le corps, et des os qui répugnaient à se fracturer. Plusieurs fois, on avait essayé de le soumettre, à coups de badine, dans les flancs, les côtes, les jambes. Sa tête, elle, s'en sortait intacte.
Et il s'en tirait toujours.
En fait, il se battait mieux seul qu'à deux. Certains y voyaient une sorte de courage providentiel, une force supérieure. On l'a aimé, pour ça. Mais, un jour, on comprit.
Le gentil manouche, le bon gamin, celui qui passait son bras par-dessus l'épaule des potes et ronflait sur la poitrine de sa petite-amie, était, en vérité, plus qu'un homme. Ses canines dénotaient de l'ordinaire ; sa vigueur, aussi. Jamais on n’avait vu un môme tenir un grain aussi noir que ce jour-là, en coupant les cordages tel qu'il le fallait. Jamais un ado n'aurait pu coucher Ted Grosse-Tête d'un tel crochet du droit. Jamais, jamais Morgan n'aurait dû s'en sortir le jour où Billy et sa bande l'ont pris à six contre un dans ce corridor. Jamais il n'aurait dû les éviscérer, comme seule une bête pouvait faire. C'est Hector qui le vit le premier. Un œil rond, la bouche fragmentée de stupeur. Et, la seconde d'après, le capitaine. Le temps, pour le monstre, d'ouvrir la gueule, qu'on le poursuivit. Et il dut fuir, à travers les plaines.
Les années qui suivirent furent les plus éprouvantes de sa vie. Fuir la mer, quand on y est né, c'est fuir de chez soi. Une vie de branlebas dans les douves salées de l'océan, et la terre vous fait l'effet d'une surface bien trop plane, à vous rendre dépressif. Il commença à – trop – boire. A courir les putains et fédérer les divorces. Plusieurs fois, on le surprenait, cul nu, dans le pieux d'une bourge, d'une mage ou d'une mistinguette un peu trop arrogante. Sans ce monstre, en lui, Morgan Law eut probablement été cloué à l'entrée d'un village, roué de coups. Mais on ne l'y prenait jamais.
Rien d'extraordinaire, chez le garçon. Sa vie n'est pas une course folle vers un destin prometteur. Des images compulsives. Instants brefs. Soudains. Quand il revit Hector, une poignée d'années plus tard, il manqua de délirer. Le bellâtre était toujours aussi beau, mais ses yeux, eux, ne mentaient plus. « T'as une sale gueule », qu'on lui dit. Et il se contenta de rire, pour toutes réponses. « Tu m'as r'trouvé comment ? », « J'ai suivi les ribaudes. » Nouveau rire, mais plus abstrait. Il sait qu'il ment : il l'a retrouvé grâce aux crieurs. Du bétail s'envole à vue d'oeil, toutes les nuits. Morgan ne maîtrise pas son pouvoir. « J'me fous de ce que t'as en toi. Moi, j'sais qui t'est. Un gamin d'vingt ans qu'a les deux pieds dans la vie, comme nous tous. Tu dois revenir. » « Le capitaine ? » « Qu'il aille s'faire foutre. J'ai rencontré pire que lui, entretemps. (il lui montra son torse, couvert de blessures) J'compte bien monter mon propre équipage. » Un silence écrase la discussion, et Morgan s'étrangle : « … Maëlys ? » « Il l'a mariée à un fils de. Un bourge avec deux litres d'gomina sur la caf'tière. Putain, Morgan, on s'en fout, tu... » Mais on le perd. Son cœur se biberonne de haine. Le gamin possessif qu'il est voit son plus beau trésor lui échapper. Son destin s'est faufilé entre ses doigts, sans qu'il ne puisse rien y faire. Mais son copain amortit le choc, d'une claque sur l'épaule. « Prends la mer avec moi. On voguera comme à l'époque », « J'peux pas. J'peux plus. Tu l'sais bien, j'ai c'truc en moi qui... ». « Alors va ailleurs. Va au ciel. Y a d'autres mondes que celui-ci. D'autres monde que la mer. Va au ciel, et ne reviens pas tant que t'as pas arrêté de pleurnicher. »
yosalutcoucouàtous / Il
eyo moi c'est Alex, j'aime la vie, j'aime écrire et je n'aime pas Horace. J'ai des disponibilités très larges, donc n'hésitez point !
dessin de l'icône réalisé par WhiteRaven90, dessin de la description réalisé par Remarin