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❝ eaux troubles ❞

❝ eaux troubles ❞ Brandw10
Lun 24 Avr - 20:41
Aramila, ton souffle sec et ton soleil accablant, tes paysages d'or dont les contours se perdent à l'horizon brûlant. Tes cités perdues dans les dunes, ta végétation éparse que tes habitants chérissent comme la prunelle de leurs yeux, tes coins d'ombre où l'on se réfugie au zénith, et ton eau. Ton eau d'une pureté toute particulière, loin des effusions chimiques de tes trois sœurs, et que l'on savoure d'autant plus qu'elle se fait indispensable pour contrer la morsure du climat.

Alors, Prune, ton excursion se fait-elle à la hauteur de tes espérances ? Tes recherches avancent ? Pas encore de surchauffe cérébrale ? Oh, il faut avouer que tes débuts ont été des plus laborieux ; non contente de te perdre dans le désert — comment te blâmer, tout se ressemble, dans le désert, aucun point de repère, du sable, du sable, à perte de vue, à n'en plus finir, qui s'infiltre partout, jusque sous les paupières — tu t'es retrouvée entre les mains des autorités, pour justifier ta présence. Une Epistote, en terres Saintes ?! Bonté divine ! Tu fais bien d'être aussi candide, aussi peu consciente de l'hostilité du monde et de la contrariété que voue ce peuple à l'égard de ton lieu de naissance, de la technologie dans laquelle tu baignes depuis toujours, on peut considérer que ton insouciance t'a sauvé, que c'est ta bonne étoile qui t'a déposé sur la route d'Asgrevain ; personne d'autre que lui n'aurait pu appuyer ta cause, tu es la bonne fée des automates, après tout...!

Ahem.

Ton excursion, donc. Déjà deux semaines que tu loges dans ce gîte en plein épicentre de la cité, que tu t'accoutumes aux humeurs du soleil, à la chaleur écrasante. Tu as pris tes marques, vadrouiller autour de ton nouveau QG de fortune, d'abord, découvrant l'animation et la vie aramilanne, les commerces notamment ; tu n'as jamais été aussi heureuse de faire du shopping qu'en troquant tes vêtements contre ceux, plus légers, pensés pour l'aridité, de cette adorable boutique située au coin de la rue ! Ensuite, tu t'es réfugiée dans les bibliothèques, y glanant le plus d'informations possibles sur les religions multiples, mais bien vite, tu t'es rendue compte que tu n'y apprenais pas grand chose, que ces livres, bien qu'en nombre nettement supérieur à ceux disponibles par chez toi, ne t'apprenaient pratiquement rien de nouveau. Et puis, honnêtement, t'enfermer entre quatre murs alors que le ciel est si bleu, les étoiles si belles...!

Non, définitivement, non.
Plan B, donc.

IAN, lui, aurait adoré se cantonner aux pièces ombragées. Il aurait été capable de passer des jours et des jours assis là, sans bouger, à feuilleter des livres en feignant de se remplir la mémoire de nouvelles données. Mais il te connait, IAN, mieux que quiconque, il sait que tu ne tiens pas en place, que même dans ta soif de connaissance, tu as besoin de bouger, de croiser les informations, de te confronter à quelque chose qui ait du répondant. Quelque chose. Des gens. Vous en avez passé, des heures en plein soleil, à bavasser avec les habitants ! Enfin, vous, toi, surtout, Prune. IAN s'est contenté de te suivre, de te surveiller, de te signifier de bien penser à t'hydrater, à faire des pauses, et surtout, il t'a canalisé lorsque tu refusais de rentrer te reposer. Des histoires, des récits, des légendes, des souvenirs, précieusement recueillis à l'intérieur de ton carnet. Des tonnes et des tonnes de mots accumulés, à t'en faire mal aux doigts, au poignet.
Deux semaines que tu es là, et on te reconnait déjà lorsque tu sautilles dans la rue. On te salut, répond à ton sourire, te conseille des plats régionaux, des endroits à visiter. Hier, on t'a même invité à t'asseoir lorsque tu t'es rendue dans une taverne ! Est-ce normal, de se sentir plus heureuse ici que chez toi ? Pourquoi ce sentiment de liberté ? IAN observe tout ça de loin, bien moins convaincu que toi par la bonté des Hommes du désert, surtout à son égard. Tout ce monde autour de toi, toutes ses familiarité envers toi, et les regards dédaigneux qu'on lui jette en coin. Pauvre IAN...

Mais si tu avais écouté ses conseils, si tu avais refusé de t'asseoir, et si tu n'étais même pas entrée dans cette taverne, tu n'aurais pas entendu la conversation, à la table d'à côté, concernant ce lieu de culte, honorant une baleine. Une baleine ??? Tu n'as pas pu t'empêcher d'écouter, de tendre l'oreille, jusqu'à te tourner complètement vers les deux amis en pleine discussion, pour poser quelques questions, notamment sur le chemin à suivre pour s'y rendre. C'est bien la première fois, en deux semaines de séjour, que tu entends parlé d'un esprit marin. Oh, bien sûr, tu as conscience de l'existence des tritons, mais pour toi, vivant dans l'antre de la technologie, ce peuple te semble tout droit sorti d'un livre de contes, alors les religions pouvant découler de la nation de l'eau...

« C'est encore loin, Prune ? »

La voix de IAN, sillonnant dans ton ombre. Le nez penché sur ton carnet, où tu as noté la veille les indications des deux hommes pour te rendre au lieu de culte, tu ne réponds que par un grognement. Le sens de l'orientation n'a jamais été ton fort, d'autant plus lorsque tu ne connais pas les lieux que tu arpentes. Les ruelles te paraissent toutes les mêmes, le soleil te tape sur la tête, et ta peau déjà bronzée commence à rougir.

« Une baleine, quand même, ce n'est pas quelque chose devant lequel on peut passer sans le remarquer...!
— Oh, tu veux dire, comme la porte devant laquelle on est passé, là-bas ? »

Le doigt pointé dans la direction de ladite porte, IAN s'arrête, soutient ton regard de ses cavités sans lumière. Oh, tu le sens sourire sournoisement, même sans visage, tu le sais, il se moque de toi, te fait tourner en bourrique, c'est sa spécialité, pour te punir de ne pas l'écouter depuis des jours et des jours, de n'en faire qu'à ta tête alors qu'il est la petite voix de ta conscience, garant de ta sécurité ! Tu boudes, Prune, évidemment que tu boudes, et que tu croises les bras en le suivant jusqu'à ta destination, lui tirant la langue comme l'enfant que tu es lorsqu'il s'arrête face au culte devant lequel, effectivement, tu es passé il y a cinq minutes.

Toc toc toc.

La porte cède sous la pression de ta main, tu t'engouffres à l'intérieur, retient la paroi pour laisser passer ton compagnon ronchon. Frais. Il fait frais à l'intérieur, si frais que tu as envie de t'allonger par terre pour rafraichir ton corps ! Non, non, tu ne le feras pas, tout de même, tu sais te tenir ! En revanche, t'appuyer contre le mur près de la porte, pendant que tu contemples les lieux, ça, tu ne t'en prives pas.
Lun 8 Mai - 16:20
La journée avait commencé à l’aube pour la prêtresse de Tohorâ. Certains coquillages étaient tombés de la façade du temple à cause des bourrasques sans doute un peu trop fortes des derniers jours. Les décorations étaient au sol, brisées pour certaines, et pour la plupart inutilisables en l’état. Atahara avait soigneusement nettoyé la devanture de son lieu de culte, qui était aussi son habitation, et ramassé les brisures des coquillages afin d’en faire des poudres alchimiques qui pouvaient se vendre à quelques pièces l’unité sur le marché. Rien ne se perd, tout se recycle, tant qu’on a de l’idée et surtout les bonnes connaissances !

Néanmoins, la déesse baleine méritait le meilleur pour sa représentation matérielle et la tritonne partit quelques heures à la recherche de nouveaux coquillages. Contrairement à ce que l’on peut imaginer pour une créature marine, Atahara ne plonge pas tous les jours sous l’eau. Si elle part nager, c’est la plupart du temps par nécessité, pour la pêche ou la recherche d’objet disparu localisé dans les profondeurs aquatiques. En-dehors de ça, elle préfère largement se dorer la pilule sur la plage attenante à son humble demeure tout en méditant spirituellement avec sa chère déesse pachyderme marine.

Mais bon, ainsi va la vie, et la fille d’Améthyste avait nagé, creusé le sable, fouillé les pierres des récifs et dansé avec un banc de rascasse pour son plus grand plaisir. La récolte fut bonne, de nombreux coquillages allaient servir à recouvrir les éléments manquants de la façade, mais également à remettre un peu de couleurs à l’intérieur du bâtiment. Des spirales, des sphères, mais aussi de larges coquilles, tout un éventail de formes différentes qu’elle allait joyeusement peindre dans des tons voyants, et pour certains phosphorescents. Eh oui, il faut mettre le paquet pour être remarqué dans le quartier des temples des divinités secondaires d’Aramila. La concurrence est rude, et être vu, c’est être sûr d’attirer les âmes errantes en détresse et en besoin d’une divinité protectrice !

La peinture était prête, bien ordonnée par pots colorés, et quelques sympathisants du culte de Tohorâ étaient venus lui prêter main forte pour l’occasion. Des gens bien sympathiques de la communauté d’Aramila qui, pour la plupart, n’avaient plus vraiment de famille en dehors de ce culte. L’ambiance était légère, sans inquiétude, ni tensions, chacun se reposant confortablement dans les croyances pacifistes et sereines de la déesse. C’est en se saisissant de son pinceau et des premiers coquillages que la prêtresse fut surprise d’entendre toquer à la porte. Elle ne s’y fera jamais à cette drôle de coutume du continent, chez elle à Améthyste, les gens entrent et sortent des maisons sans faire autant de manière.

- Bienvenue à vous, esprit curieux. Vous êtes la bienvenue dans le temple de la déesse Tohorâ. Approchez, n’ayez aucune crainte. Vous pouvez faire le tour des décorations et nous rejoindre pour un travail manuel de peinture sur coquillages.

La prêtresse s’était redressée et avait salué la jeune inconnue d’un signe de tête respectueux. Le temple n’est pas gigantesque, alors même si la jeune femme préfère visiter les lieux en admirant les éléments décoratifs, elle se retrouvera de toute façon vite près de l’autel ou est située Atahara, pinceau en main.
Mar 16 Mai - 20:25
Quel spectacle ! Des dizaines de personnes armées de pinceaux, allant et venant d'un pot à l'autre, d'un tas à l'autre. Des... Coquillages ? Tes yeux papillonnent pour s'accommoder au changement de luminosité, de point focal, de paysage qui ne t'est familier. Ca te renvoie quelques moins en arrière, lorsque tu jouais avec les enfants de la cité scientifique, peinturlurant des toiles, des pans de routes — il n'en reste plus rien aujourd'hui, vos œuvres balayées par la pluie, l'ambiance conviviale, les fous rires, les courses poursuites à qui parviendra à laisser la plus grosse trace sur le visage de l'autre, et l'écart de conduite coûtant son charisme à IAN, qui se retrouva couvert de peinture de la tête aux pieds, véritable arc-en-ciel robotisé. Un sourire illumine ton visage et tes yeux s'agrippent à la moindre information qu'ils peuvent trouver : du sol au plafond, tout semble étranger, à des années lumières de ce que tu connais. Dépaysement total, plus encore que cette fameuse journée où tu t'es perdue dans le désert, ce lieu t'interpelle, attrape tes sens, s'infiltre dans ta tête et te susurre ces mystères dans un langage que tu ne connais pas, que tu ne sais déchiffrer.

Et en ce lieu, IAN dénote plus que jamais. Petit être mécanique se confrontant à l'antre du divin ; est-ce un sacrilège, que de l'avoir laisser franchir la porte de ce sanctuaire ? Tu espères n'avoir offensé aucun esprit, que ton inconvenance ne te mènera pas dans une piteuse situation. Oh, Prune, tu ne penses jamais aux conséquences de tes actions, même à des centaines de kilomètres de ta maison. Ton compagnon se fond dans ton ombre, silencieux, toisant l'endroit de ses orbites creuses. Ses capteurs tournent à plein régime, tu peux le sentir malgré l'absence de bruit, il se fait tout petit, mais n'hésitera pas à intervenir si quoi que ce soit met en danger ta vie. Toi, tu n'y penses pas, et lorsqu'une voix t'interpelle, tu te décolles du mur, tire-au-flan prise sur le fait.

Tohorâ. Consonnance que tu ne saurais reproduire sans t'entraîner plusieurs fois. Toi qui pourtant fait partie du pourcentage le plus instruit de ta nation, te voilà face à un dialecte que tu ne sais reconnaitre... Oh, mais c'est vrai : il n'y avait que très peu d'information sur les peuples de l'eau, dans tous ces ouvrages que tu as dévoré. Tohorâ. C'est joli, dit comme ça. La baleine, donc, Tohorâ ?

« C'est magnifique... », que tu lâches une fois proche de la prêtresse, celle qui semble dominée les lieux, qui se fait plus présente dans la foule d'adeptes — c'est comme ça qu'on dit, pas vrai ? Des coquillages à foison, des coups de pinceaux tantôt soigneux, méticuleux, parfois vifs et déterminés, tu n'es pas certaine que tu sois très douée dans cette activité : ton dada, c'est de jongler avec des pièces métalliques, des circuits électriques, d'assembler des quantités astronomiques d'éléments entre eux pour élever toujours un peu plus haut le nombre de tes créations. Tes phalanges jouent avec le pinceau, comme tu sais si bien le faire avec un crayon lorsque tu te penches sur un croquis et que ton esprit dérive.

« Une activité courante pour les cultes marins ? » Question risquée, IAN te le signifie en pressant son poing contre ta cuisse, t'obligeant à poursuivre ton cheminement de pensée, « Il est plus courant de voir les peuples prier en tenant un cierge, ou d'entendre des chants lorsque l'on pousse les portes d'un sanctuaire, du moins, c'est l'image que l'on s'en fait ? »

Si ton accent n'était un indice suffisamment gros pour te présenter en parfaite petite touriste ignorante, cette question devrait amplement mettre la puce à l'oreille de ton vis-à-vis.
Dim 28 Mai - 23:06
L’atmosphère était légère dans ce temple de la méditation pacifiste, une fierté pour la prêtresse qui aimait tant que cette ambiance reflète la personnalité de sa déesse. La voyageuse, visiteuse spirituelle qui ne se reconnaissait peut-être pas encore comme telle, regardait les décorations, les vitraux, les coquillages et tous les détails accessibles à ses yeux avec intérêt et curiosité. L’inspiration du lieu était clairement d’Améthyste, les origines de notre tritonne, alors il était fort probable que toute cette pagaille soit exotique pour cette femme aux yeux écarquillés. Exotique et donc nouveau, une découverte à apprécier lentement, à son propre rythme.

- Je vous remercie pour le compliment. La communauté s’est donné beaucoup de mal pour arriver à ce résultat. En tout cas, sachez que vous pouvez vous déplacer où vous le souhaitez dans ce temple, rien ne vous est interdit.

Il est toujours agréable de recevoir des compliments sur son travail, mais la déesse baleine n’est pas très friande de l’orgueil alors Atahara ne s’attarde pas davantage sur le sujet. S’asseyant à nouveau près de ses fidèles, elle attrape un pinceau et reprend son activité du jour, la peinture sur les coquillages. Une jolie couleur verte, proche d’un bleu marin, qui s’étale facilement sur la coquille en spirale en plusieurs couches. C’est un travail rapide et la prêtresse termine vite son premier coquillage qu’elle dépose à sécher sur un grand linge posé à même le sol du temple. De son côté, la jeune femme semble se rapprocher timidement et questionner la tritonne sur ce que le groupe est en train de faire.

- Oh non, ce n’est pas une activité récurrente. Malheureusement, les bourrasques de vent ont fait tomber de nombreuses décorations à l’extérieur du temple. Nous allons les remplacer par de nouveaux coquillages, tout simplement. Nous ne prions pas ainsi, notre prière est méditative. Si vous restez assez longtemps, vous pourrez peut-être pratiquer avec nous.

Une invitation à rester aussi longtemps qu’elle le désirera. Chacun s’affaire à peindre les coquillages, mais Flora, une jeune femme à la chevelure noire, longue et épaisse, se décale un peu, comme une invitation à la nouvelle venue de s’installer entre elle et Atahara. Quoi qu’elle décide, elle sait qu’elle est la bienvenue à rejoindre ce petit groupe hétéroclite d'âmes en recherche de sérénité et de paix. Pour être honnête, personne ne semble faire véritablement attention à l’être mécanique qui accompagne la femme, rien d’extraordinaire, rien d’anormal pour quiconque.

- D’ailleurs les amis, ça manque un peu de musique pour rythmer notre travail. Qu’en pensez-vous ? Il faudrait sortir le vieux tambour et la petite guitare, qui est motivé ?

Comme pour toutes les activités récréatives, les membres du temple ne se font pas prier. Le tambour et la guitare miniature sont récupérés et une douce mélopée commence à s’élever, dans un rythme calme et reposant. Flora chantonne même sagement un petit refrain dont les paroles sont incompréhensibles. Mais tout cela semble tout à fait normal au milieu de ce temple marin orné de coquillages bariolés. La prêtresse s’intéresse désormais à la nouvelle venue.

- Je m’appelle Atahara, et vous-même ?
Ven 2 Juin - 21:24
Une ambiance enchanteresse se dégage de ce moment hors du temps : à deux doigts de sentir l'odeur du sable chaud et d'entendre le bruit des vagues, transportant les croyants dans l'antre de la baleine. Malgré toi, tu chavires et reviens à cette époque nébuleuse où ta mère était encore là, en chair et en os, parmi vous. À ces moments de tendresse passés toutes les deux, dans votre cocon où histoires, contes, récits inventés ou partiellement réels étaient échangés avec la complicité que seules une mère et sa fille pleine de vie peuvent partager. Sa voix se glisse à ton oreille, la douceur de son timbre, la chaleur de son amour, et son visage tente de percer le voile de ta mémoire, de se superposer à la réalité... En vain. Quelle surprise que de constater que ses traits ne sont plus aussi nets qu'ils pouvaient l'être jadis, et que son rire n'éclate plus aussi bruyamment dans tes souvenirs. Ton père ne cesse de te rappeler à quel point tu lui ressembles un peu plus chaque jour, et toi, tu remarques son regard qui s'embrume de nostalgie lorsqu'il te contemple de loin et se perd dans ses propres songes...

La musique te ramène au présent, à tes questionnements et la raison de ta présence en Terre Sainte. Du coin de l'oeil, IAN te surveille en silence, se surprenant à ne pas être l'objet de curiosité de ces Hommes ; depuis votre arrivée à Aramila, il n'a cessé de susciter des réactions diverses et variées, à des années lumières de celles qu'il récoltait à Epistopoli, où tous le connaisse comme une extension de ton existence, un appendice mécanique sans qui la pauvre demoiselle que tu es serait tout bonnement perdue. Lorsque tu t'agenouilles dans la ronde de travailleur avec la prêtresse, il se rapproche de toi, innocemment, bien décidé à ne pas te perdre d'une semelle, à accumuler le plus d'informations possibles et ne rien manquer de ce spectacle ; que sa mémoire interne te soit utile, après tout, tu es une femme en quête de réponse et il te faudra bien plus que ton propre esprit de déduction momentanée pour obtenir le plein potentiel de ton séjour, ça, tu en es déjà consciente. Le pinceau s'agite entre tes doigts, jouant une chorégraphie méthodique comme tu sais si bien le faire avec tes outils d'écriture dans ton laboratoire. Atahara, ta tête s'incline et tu sens ton automate à tes côtés récolter la donnée en silence.

« Prune ! Je m'appelle Prune, et ton sourire se ravive tant tu n'as de cesse d'être surprise à l'idée qu'on ne puisse pas te connaitre et te reconnaitre d'un simple coup d'oeil, comme on le ferait dans chaque rue de la capitale scientifique. Je vous remercie infiniment de m'accueillir aussi naturellement parmi vous. À vrai dire, c'est étrange : je ne m'attendais pas à ce qu'Aramila m'offre autant de bienveillance, on m'a toujours laissé entendre que mes origines pouvaient être un énorme handicap pour les Terres Saintes, et j'étais prête à ce que certaines portes se ferment sur ma route, mais force est de constatée qu'elles me sont grandes ouvertes, et que la curiosité y règne bien plus que l'hostilité ! »

Un rire teinté d'innocence s'échappe de ta gorge. L'innocence, c'est bien ce qui te caractérise le mieux, et nul doute qu'elle joue un grand rôle dans l'acceptation des aramiliens envers toi : comment pourrais tu causer du tort autour de toi, alors que tu es la première à poser mille et une questions, à t'intéresser à tout et prêter main forte pour apprendre, comprendre, et surtout aider ? Oh, certes, il y a bien certaines mines qui se ferment à ton passage et des messes basses en arrière plan dans certaines rues et tavernes, mais tu n'en as cure, tant cette citée regorge d'âme adorable prête à mêler leur vie à la tienne sans aucune contrepartie.

« Pour ne rien vous cacher, madame... Prêtresse, Atahara ? tu te questionnes sans parvenir à trancher sur l'appellation la plus appropriée, je ne suis pas rentrée ici par pur hasard, et bien que je serais ravie de participer à votre prière si j'y suis autorisée, c'est avant tout pour m'entretenir avec vous que je suis venue. Etant proche des Esprits, je me suis dit que vous pourriez m'aider avec une question qui me taraude depuis de nombreuses années et à laquelle je ne parviens pas à trouver de réponse satisfaisante ?? J'ai lu tellement de livres et questionné tellement de savants, de scientifiques et d'éminents penseurs qui n'ont su qu'augmenter mes incertitudes et...
— Tu t'éparpilles, Prune, fait remarquer l'Automate en posant une main sur ton bras pour te canaliser.
— C'est vrai, c'est vrai. Voilà, en fait je cherche à savoir ce qu'est le sens de l'Existence. Comment savoir si l'on existe, si quelque chose existe réellement, et où se situe la limite entre le réel et l'iréel... Prenez IAN, par exemple ; considériez-vous qu'il existe, en tant qu'entité à part entière, doté de conscience ? Ou n'est-il qu'une... Pardon, IAN, tu sais que je ne le pense pas, mh ? Une machine froide et sans âme ? »
Mar 4 Juil - 18:55
- Enchantée, Prune. “Le bonheur est né de l’altruisme et le malheur de l’égoïsme”. Une citation que j’aime particulièrement, et je ne saurais pas vous expliquer pourquoi, mais elle m’est venu en pensée juste après votre prénom.

Atahara est une femme mystique dont les paroles sont parfois désarmantes lorsque l’on ne connaît pas le personnage. Est-ce que la déesse baleine lui avait soufflé cette citation ? Est-ce juste qu’elle apprécie de la présenter à toutes ses nouvelles connaissances ? Nul ne saura faire la différence. Pour autant, le ton de sa voix est posé, bienveillant, dansant à travers les notes de musique qui commencent à s'élever dans le temple.

- Le temple est ouvert à tous, tout le temps, même lorsque je m’absente. Il y a toujours quelqu’un pour accueillir les voyageurs. Je ne peux pas parler au nom de tous les cultes présents à Aramila, mais je ne suis pas surprise que vous ayez été accueillie comme il se doit. Peut-être que ce sont les gens qui craignaient pour vous qui n’ont pas une forte image de la religion et plus particulièrement celles d'ici ? Félicitations pour avoir dépassé les préjugés qui vous ont accompagné.

Oui, c’est presque toujours pareil. Certains cultes du passé, voire du présent, fanatiques et intolérants envers ceux qu’ils estiment comme hérétiques, sont souvent les plus bruyants et les plus visibles aux regards extérieurs. Véhiculant une image de peur, d’exclusion et sectaire, les personnes athées préfèrent passer leur chemin sur toutes les voies mystiques en s’y méfiant comme d’une maladie contagieuse. Atahara avait pris l’habitude d’entendre ce genre de craintes, mais Prune n’était pas la première à répondre à sa curiosité mystique, laissant derrière elle les jugements.

- Atahara. Tout simplement, Atahara.

La prêtresse souriait face à cette politesse solidement ancrée chez cette femme de passage. Dans ce temple, il n’y avait pas de place pour ce genre de titre, Madame, Prêtresse, Sir… Tous étaient égaux, et c’est bien cette valeur d’égalité qui primait sur les noms ronflants d’un prestige ou qu’une hiérarchie que l’on pouvait laisser derrière soi. Enfin, Atahara se concentre sur les questions de Prune. Les mots lui brûlent les lèvres, elle parle avec une certaine passion, une ferveur de curiosité même. Et la grande question est finalement posée. Quel est le sens de l’existence ? Rien que ça. La prêtresse soupire d’un air entendu en hochant la tête de haut en bas avant de répondre lentement.

- Avant de connaître le sens de l’existence, pourquoi vouloir lui donner un sens ? Est-ce important et capital dans une vie ? Est-ce que donner un sens à l’existence a un sens ? Votre question est passionnante, et elle interroge chacun de nous.

En effet, pour Atahara, la question qui se pose dans ce cas-là est plutôt : pourquoi est-ce que cette femme veut trouver un sens, donner un sens à l’existence ? La sienne, et celle de tout individu au sein d’une communauté plus grande que lui. La prêtresse de Tohora est plutôt surprise de la question relative à l’automaton qui accompagne Prune. Machine artificielle ou être doué de raison ? Est-ce un débat religieux ou scientifique dans le cas présent ? Atahara ne saurait parler à la place de ceux qui créent les machines.

- Si vous pensez que votre ami existe en tant que tel, n’est-ce pas suffisant ? Vous venez de craindre qu’il ressente une émotion négative à vos paroles. C’est déjà plein de sens, à mon sens.
Ven 21 Juil - 22:28
Aïe. Le nez se fronce, les yeux se plissent ; encore une fois, tu ne t'es pas suffisamment bien exprimée. Pourquoi tout semble si logique dans ta tête, et si brouillon quand tu dois le partager avec les autres ? Le silence se fait, tu cherches tes mots, une moue apparait sur ton visage. Comment dire, comment expliquer ?

« C'est difficile de trouver les mots justes pour parler d'un sujet aussi peu.. concret, tangible. Ce n'est pas tant le sens en tant que tel qui me questionne. Le sens de la vie, pourquoi nous sommes là, ce que nous devons faire, ne rentre pas en considération dans ma demande. Ce que je veux savoir c'est... La définition de l'existence ? Quelle est la limite à l'existence ? Que somme nous : l'âme à l'intérieur du corps, le corps guidé par l'âme ? Si l'un arrête d'être, l'autre peut-il encore exister ? Du point de vue de la Science, l'âme n'a pas sa place dans l'équation. Existe ce qui est tangible, ce que l'on peut étudier, palper, concevoir, et existera ce que l'on peut façonner, au fil de l'évolution et du progrès. La médecine tend à étudier la conscience et l'inconscience, des pensées émergent à ce sujet, mais ne sont pas encore suffisamment ancrées pour me servir d'élément d'études... Contrairement à la Religion, qui existe depuis la naissance de l'Humanité, pratiquement ? »

Nouveau silence, durant lequel tu déploies ton regard le long des corps affairés, des individus et de leur sourire. Plus insouciants que toi encore ?

« Aussi, je me demande si la réponse à ma question ne viendra pas justement, d'esprits moins... étriqués, dans un sens ? Vous ne vous embarrassez pas d'équations ou de physiques pour obtenir des résultats, contrairement à nous qui passons nos vies à faire des tonnes et des tonnes d'expériences, d'essais, de tentatives, et de rapports pour tout concilier pour les générations à venir ? C'est une approche beaucoup plus philosophique, qui je dois l'admettre m'est bien moins familière.  »
Ven 28 Juil - 17:26
Les réponses de la prêtresse doivent être trop évasives pour la jeune femme qui reste silencieuse quelques instants. Elle cherche certainement une autre formulation, une meilleure traduction des idées qui bondissent dans son esprit. Atahara reste sereine, son pinceau à la main, appliquant des couches de peinture sur les coquillages dans un rythme lent mais régulier. Après quelques instants, des moments perdus dans le temps du silence, Prune retente sa chance. L’existence, c’est un vaste sujet, et elle se questionne beaucoup, l’émotion est palpable dans ses paroles.

Le silence revient, sans réponse. Juste le temps qui s’arrête, à nouveau, la peinture s’applique, couche par couche. Une nouvelle explication, la dichotomie science et religion fait surface, la rationalité et la spiritualité, dos à dos, comme les deux faces d’une même pièce. La prêtresse est encore silencieuse, du moins d’un point de vue extérieur, car à l’intérieur, une vive discussion est en cours. Comment réussir à apporter une réponse à cette jeune femme tout en prêchant la parole de la déesse Tohora ? Une femme qui vient d’un milieu ou la religion est “l’autre”, la différence et non la norme. Elle peut toujours essayer.

- Pour Tohora, et de manière générale pour les habitants d’Améthyste, mon île de naissance, l’existence est une interconnexion complexe entre l’âme et le corps. Selon notre croyance, chaque être vivant possède une essence unique, une âme, qui le relie à l’univers tout entier. Le corps est votre vaisseau, qui permet à votre essence de s’exprimer et d’interagir avec le monde matériel. On peut dire que l’existence serait la danse harmonieuse entre l’âme et le corps, où chacun influence l’autre.

Une première salve de réponses, beaucoup de mots qui s'enchaînent les uns après les autres. Pour le moment, rien de si complexe qu’un scientifique ne puisse pas comprendre, mais la suite des informations sera moins tangible, alors Atahara continue. Elle parle tant qu’elle a encore l’attention de Prune. Elle veut souligner l’importance de l’équilibre et de l’interdépendance entre toutes les formes de vie.

- Lorsqu’un élément de cette équation est perturbé, comme la disparition du corps par exemple, l’âme subit une transformation et poursuit son voyage dans l’univers. C’est un peu comme l’océan, où chaque goutte d’eau contribue à la grandeur de l’ensemble, même si elle change de forme ou de lieu.

Evidemment, elle utilise l'océan comme une image, c’est ce qui lui semble le plus simple et le plus clair. Le silence revient, certains des membres du petit groupe se sont arrêtés de peindre. Les yeux dans le vague, ils réfléchissent aux paroles qui viennent d’être données par Atahara. Ce sont des choses qu’ils ont déjà entendues, mais chaque jour peut apporter une nouvelle sagesse. Ne voulant pas perdre Prune si rapidement, la prêtresse poursuit.

- J’admets que le mystère de la conscience reste encore incompris, même pour Tohorâ. La religion peut vous offrir des réponses spirituelles, mais je vous encourage à rechercher une harmonie entre les enseignements que nous pouvons vous apporter et les avancées de la science. Cela vous permettrait peut-être de mieux comprendre les liens entre l’âme et le corps. C’est votre voyage intérieur, entre votre culture scientifique, et ce que vous aurez envie de nourrir comme croyance.