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❝ eaux troubles ❞

❝ eaux troubles ❞ Brandw10
Lun 24 Avr - 20:41
Aramila, ton souffle sec et ton soleil accablant, tes paysages d'or dont les contours se perdent à l'horizon brûlant. Tes cités perdues dans les dunes, ta végétation éparse que tes habitants chérissent comme la prunelle de leurs yeux, tes coins d'ombre où l'on se réfugie au zénith, et ton eau. Ton eau d'une pureté toute particulière, loin des effusions chimiques de tes trois sœurs, et que l'on savoure d'autant plus qu'elle se fait indispensable pour contrer la morsure du climat.

Alors, Prune, ton excursion se fait-elle à la hauteur de tes espérances ? Tes recherches avancent ? Pas encore de surchauffe cérébrale ? Oh, il faut avouer que tes débuts ont été des plus laborieux ; non contente de te perdre dans le désert — comment te blâmer, tout se ressemble, dans le désert, aucun point de repère, du sable, du sable, à perte de vue, à n'en plus finir, qui s'infiltre partout, jusque sous les paupières — tu t'es retrouvée entre les mains des autorités, pour justifier ta présence. Une Epistote, en terres Saintes ?! Bonté divine ! Tu fais bien d'être aussi candide, aussi peu consciente de l'hostilité du monde et de la contrariété que voue ce peuple à l'égard de ton lieu de naissance, de la technologie dans laquelle tu baignes depuis toujours, on peut considérer que ton insouciance t'a sauvé, que c'est ta bonne étoile qui t'a déposé sur la route d'Asgrevain ; personne d'autre que lui n'aurait pu appuyer ta cause, tu es la bonne fée des automates, après tout...!

Ahem.

Ton excursion, donc. Déjà deux semaines que tu loges dans ce gîte en plein épicentre de la cité, que tu t'accoutumes aux humeurs du soleil, à la chaleur écrasante. Tu as pris tes marques, vadrouiller autour de ton nouveau QG de fortune, d'abord, découvrant l'animation et la vie aramilanne, les commerces notamment ; tu n'as jamais été aussi heureuse de faire du shopping qu'en troquant tes vêtements contre ceux, plus légers, pensés pour l'aridité, de cette adorable boutique située au coin de la rue ! Ensuite, tu t'es réfugiée dans les bibliothèques, y glanant le plus d'informations possibles sur les religions multiples, mais bien vite, tu t'es rendue compte que tu n'y apprenais pas grand chose, que ces livres, bien qu'en nombre nettement supérieur à ceux disponibles par chez toi, ne t'apprenaient pratiquement rien de nouveau. Et puis, honnêtement, t'enfermer entre quatre murs alors que le ciel est si bleu, les étoiles si belles...!

Non, définitivement, non.
Plan B, donc.

IAN, lui, aurait adoré se cantonner aux pièces ombragées. Il aurait été capable de passer des jours et des jours assis là, sans bouger, à feuilleter des livres en feignant de se remplir la mémoire de nouvelles données. Mais il te connait, IAN, mieux que quiconque, il sait que tu ne tiens pas en place, que même dans ta soif de connaissance, tu as besoin de bouger, de croiser les informations, de te confronter à quelque chose qui ait du répondant. Quelque chose. Des gens. Vous en avez passé, des heures en plein soleil, à bavasser avec les habitants ! Enfin, vous, toi, surtout, Prune. IAN s'est contenté de te suivre, de te surveiller, de te signifier de bien penser à t'hydrater, à faire des pauses, et surtout, il t'a canalisé lorsque tu refusais de rentrer te reposer. Des histoires, des récits, des légendes, des souvenirs, précieusement recueillis à l'intérieur de ton carnet. Des tonnes et des tonnes de mots accumulés, à t'en faire mal aux doigts, au poignet.
Deux semaines que tu es là, et on te reconnait déjà lorsque tu sautilles dans la rue. On te salut, répond à ton sourire, te conseille des plats régionaux, des endroits à visiter. Hier, on t'a même invité à t'asseoir lorsque tu t'es rendue dans une taverne ! Est-ce normal, de se sentir plus heureuse ici que chez toi ? Pourquoi ce sentiment de liberté ? IAN observe tout ça de loin, bien moins convaincu que toi par la bonté des Hommes du désert, surtout à son égard. Tout ce monde autour de toi, toutes ses familiarité envers toi, et les regards dédaigneux qu'on lui jette en coin. Pauvre IAN...

Mais si tu avais écouté ses conseils, si tu avais refusé de t'asseoir, et si tu n'étais même pas entrée dans cette taverne, tu n'aurais pas entendu la conversation, à la table d'à côté, concernant ce lieu de culte, honorant une baleine. Une baleine ??? Tu n'as pas pu t'empêcher d'écouter, de tendre l'oreille, jusqu'à te tourner complètement vers les deux amis en pleine discussion, pour poser quelques questions, notamment sur le chemin à suivre pour s'y rendre. C'est bien la première fois, en deux semaines de séjour, que tu entends parlé d'un esprit marin. Oh, bien sûr, tu as conscience de l'existence des tritons, mais pour toi, vivant dans l'antre de la technologie, ce peuple te semble tout droit sorti d'un livre de contes, alors les religions pouvant découler de la nation de l'eau...

« C'est encore loin, Prune ? »

La voix de IAN, sillonnant dans ton ombre. Le nez penché sur ton carnet, où tu as noté la veille les indications des deux hommes pour te rendre au lieu de culte, tu ne réponds que par un grognement. Le sens de l'orientation n'a jamais été ton fort, d'autant plus lorsque tu ne connais pas les lieux que tu arpentes. Les ruelles te paraissent toutes les mêmes, le soleil te tape sur la tête, et ta peau déjà bronzée commence à rougir.

« Une baleine, quand même, ce n'est pas quelque chose devant lequel on peut passer sans le remarquer...!
— Oh, tu veux dire, comme la porte devant laquelle on est passé, là-bas ? »

Le doigt pointé dans la direction de ladite porte, IAN s'arrête, soutient ton regard de ses cavités sans lumière. Oh, tu le sens sourire sournoisement, même sans visage, tu le sais, il se moque de toi, te fait tourner en bourrique, c'est sa spécialité, pour te punir de ne pas l'écouter depuis des jours et des jours, de n'en faire qu'à ta tête alors qu'il est la petite voix de ta conscience, garant de ta sécurité ! Tu boudes, Prune, évidemment que tu boudes, et que tu croises les bras en le suivant jusqu'à ta destination, lui tirant la langue comme l'enfant que tu es lorsqu'il s'arrête face au culte devant lequel, effectivement, tu es passé il y a cinq minutes.

Toc toc toc.

La porte cède sous la pression de ta main, tu t'engouffres à l'intérieur, retient la paroi pour laisser passer ton compagnon ronchon. Frais. Il fait frais à l'intérieur, si frais que tu as envie de t'allonger par terre pour rafraichir ton corps ! Non, non, tu ne le feras pas, tout de même, tu sais te tenir ! En revanche, t'appuyer contre le mur près de la porte, pendant que tu contemples les lieux, ça, tu ne t'en prives pas.
Lun 8 Mai - 16:20
La journée avait commencé à l’aube pour la prêtresse de Tohorâ. Certains coquillages étaient tombés de la façade du temple à cause des bourrasques sans doute un peu trop fortes des derniers jours. Les décorations étaient au sol, brisées pour certaines, et pour la plupart inutilisables en l’état. Atahara avait soigneusement nettoyé la devanture de son lieu de culte, qui était aussi son habitation, et ramassé les brisures des coquillages afin d’en faire des poudres alchimiques qui pouvaient se vendre à quelques pièces l’unité sur le marché. Rien ne se perd, tout se recycle, tant qu’on a de l’idée et surtout les bonnes connaissances !

Néanmoins, la déesse baleine méritait le meilleur pour sa représentation matérielle et la tritonne partit quelques heures à la recherche de nouveaux coquillages. Contrairement à ce que l’on peut imaginer pour une créature marine, Atahara ne plonge pas tous les jours sous l’eau. Si elle part nager, c’est la plupart du temps par nécessité, pour la pêche ou la recherche d’objet disparu localisé dans les profondeurs aquatiques. En-dehors de ça, elle préfère largement se dorer la pilule sur la plage attenante à son humble demeure tout en méditant spirituellement avec sa chère déesse pachyderme marine.

Mais bon, ainsi va la vie, et la fille d’Améthyste avait nagé, creusé le sable, fouillé les pierres des récifs et dansé avec un banc de rascasse pour son plus grand plaisir. La récolte fut bonne, de nombreux coquillages allaient servir à recouvrir les éléments manquants de la façade, mais également à remettre un peu de couleurs à l’intérieur du bâtiment. Des spirales, des sphères, mais aussi de larges coquilles, tout un éventail de formes différentes qu’elle allait joyeusement peindre dans des tons voyants, et pour certains phosphorescents. Eh oui, il faut mettre le paquet pour être remarqué dans le quartier des temples des divinités secondaires d’Aramila. La concurrence est rude, et être vu, c’est être sûr d’attirer les âmes errantes en détresse et en besoin d’une divinité protectrice !

La peinture était prête, bien ordonnée par pots colorés, et quelques sympathisants du culte de Tohorâ étaient venus lui prêter main forte pour l’occasion. Des gens bien sympathiques de la communauté d’Aramila qui, pour la plupart, n’avaient plus vraiment de famille en dehors de ce culte. L’ambiance était légère, sans inquiétude, ni tensions, chacun se reposant confortablement dans les croyances pacifistes et sereines de la déesse. C’est en se saisissant de son pinceau et des premiers coquillages que la prêtresse fut surprise d’entendre toquer à la porte. Elle ne s’y fera jamais à cette drôle de coutume du continent, chez elle à Améthyste, les gens entrent et sortent des maisons sans faire autant de manière.

- Bienvenue à vous, esprit curieux. Vous êtes la bienvenue dans le temple de la déesse Tohorâ. Approchez, n’ayez aucune crainte. Vous pouvez faire le tour des décorations et nous rejoindre pour un travail manuel de peinture sur coquillages.

La prêtresse s’était redressée et avait salué la jeune inconnue d’un signe de tête respectueux. Le temple n’est pas gigantesque, alors même si la jeune femme préfère visiter les lieux en admirant les éléments décoratifs, elle se retrouvera de toute façon vite près de l’autel ou est située Atahara, pinceau en main.
Mar 16 Mai - 20:25
Quel spectacle ! Des dizaines de personnes armées de pinceaux, allant et venant d'un pot à l'autre, d'un tas à l'autre. Des... Coquillages ? Tes yeux papillonnent pour s'accommoder au changement de luminosité, de point focal, de paysage qui ne t'est familier. Ca te renvoie quelques moins en arrière, lorsque tu jouais avec les enfants de la cité scientifique, peinturlurant des toiles, des pans de routes — il n'en reste plus rien aujourd'hui, vos œuvres balayées par la pluie, l'ambiance conviviale, les fous rires, les courses poursuites à qui parviendra à laisser la plus grosse trace sur le visage de l'autre, et l'écart de conduite coûtant son charisme à IAN, qui se retrouva couvert de peinture de la tête aux pieds, véritable arc-en-ciel robotisé. Un sourire illumine ton visage et tes yeux s'agrippent à la moindre information qu'ils peuvent trouver : du sol au plafond, tout semble étranger, à des années lumières de ce que tu connais. Dépaysement total, plus encore que cette fameuse journée où tu t'es perdue dans le désert, ce lieu t'interpelle, attrape tes sens, s'infiltre dans ta tête et te susurre ces mystères dans un langage que tu ne connais pas, que tu ne sais déchiffrer.

Et en ce lieu, IAN dénote plus que jamais. Petit être mécanique se confrontant à l'antre du divin ; est-ce un sacrilège, que de l'avoir laisser franchir la porte de ce sanctuaire ? Tu espères n'avoir offensé aucun esprit, que ton inconvenance ne te mènera pas dans une piteuse situation. Oh, Prune, tu ne penses jamais aux conséquences de tes actions, même à des centaines de kilomètres de ta maison. Ton compagnon se fond dans ton ombre, silencieux, toisant l'endroit de ses orbites creuses. Ses capteurs tournent à plein régime, tu peux le sentir malgré l'absence de bruit, il se fait tout petit, mais n'hésitera pas à intervenir si quoi que ce soit met en danger ta vie. Toi, tu n'y penses pas, et lorsqu'une voix t'interpelle, tu te décolles du mur, tire-au-flan prise sur le fait.

Tohorâ. Consonnance que tu ne saurais reproduire sans t'entraîner plusieurs fois. Toi qui pourtant fait partie du pourcentage le plus instruit de ta nation, te voilà face à un dialecte que tu ne sais reconnaitre... Oh, mais c'est vrai : il n'y avait que très peu d'information sur les peuples de l'eau, dans tous ces ouvrages que tu as dévoré. Tohorâ. C'est joli, dit comme ça. La baleine, donc, Tohorâ ?

« C'est magnifique... », que tu lâches une fois proche de la prêtresse, celle qui semble dominée les lieux, qui se fait plus présente dans la foule d'adeptes — c'est comme ça qu'on dit, pas vrai ? Des coquillages à foison, des coups de pinceaux tantôt soigneux, méticuleux, parfois vifs et déterminés, tu n'es pas certaine que tu sois très douée dans cette activité : ton dada, c'est de jongler avec des pièces métalliques, des circuits électriques, d'assembler des quantités astronomiques d'éléments entre eux pour élever toujours un peu plus haut le nombre de tes créations. Tes phalanges jouent avec le pinceau, comme tu sais si bien le faire avec un crayon lorsque tu te penches sur un croquis et que ton esprit dérive.

« Une activité courante pour les cultes marins ? » Question risquée, IAN te le signifie en pressant son poing contre ta cuisse, t'obligeant à poursuivre ton cheminement de pensée, « Il est plus courant de voir les peuples prier en tenant un cierge, ou d'entendre des chants lorsque l'on pousse les portes d'un sanctuaire, du moins, c'est l'image que l'on s'en fait ? »

Si ton accent n'était un indice suffisamment gros pour te présenter en parfaite petite touriste ignorante, cette question devrait amplement mettre la puce à l'oreille de ton vis-à-vis.