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chimères (Halie)

chimères (Halie) Brandw10
Jeu 5 Jan - 3:13
Il ne te restera plus que tes ailes.

Son perchoir s’élève de plusieurs mètres vers le ciel. Alae s’y tient accroupi sur l’un des bords, penché vers la terre ferme. Il sourit au vertige tandis qu’une bourrasque court sur la face verticale de l’immense stèle et vient fouetter son visage et faire virevolter ses mèches pâles. Il lève le menton en fermant les yeux et laisse le vent emporter l’écho d’un souvenir vers les quelques nuages immaculés flottant loin au-dessus de sa tête.

Il y a longtemps qu’il a goûté cette légèreté. C’est peut-être le repos des derniers jours, le temps accordé à se défaire de ses doutes et de la poussière qui n’en finit jamais de retomber, lui semble-t-il. Peu importe la raison. Ici, maintenant, Alae est occupé.
Il se dresse sur ses jambes et recule à l’extrémité opposée du sommet du cénotaphe. Ses ailes dressées derrière lui, appuyées l’une contre l’autre, il recule son pied gauche, incline son corps vers l’avant et à la prochaine bourrasque, s’élance à toutes jambes. Tête première, Alae plonge dans le vide. Le sol se rapproche à une vitesse étourdissante, mais il tient bon, et ce n’est qu’au tout dernier instant, juste avant de s’écraser, qu’il tend brusquement ses ailes et, en un mouvement étonnamment gracile, dessine de son corps une courbe qui lui permet de doucement, en contrôle, retomber sur ses deux pieds.

Des perles de sueur glissent sur ses tempes et le long de son dos. Satisfait de sa séance, Alae empoigne d’une main son lourd manteau de fourrure laissé quelques heures plus tôt au pied du monument. Son maigre bagage récupéré, il se tourne vers la forêt qui le cerne et d’un pas sûr, se fraie un chemin entre les arbres, enveloppé de son aura.
Le clapotis d’un cours d’eau à proximité le guide. Il ne saurait dire combien de temps il marche. C’est néanmoins l’esprit dégagé et le pas solide qu’il le fait. Enjambant racines et contournant branches avec la confiance de celui qui sait où il va et qui ne craint pas les mauvaises rencontres. Pas aujourd’hui. Il ramasse au passage une branche morte qui lui fait office d’appui ou encore lui permet de tasser la végétation lorsque trop dense.

Et puis entre deux arbres, il l’entrevoit enfin : la rivière. Le soleil n’est plus aussi haut qu’à son arrivée, mais il lui reste suffisamment de temps avant la tombée de la nuit pour se reposer. Alae dépose son manteau sur un tronc d’arbre mort et y appuie son bâton. Pour tout autre vêtement, il ne porte qu’un simple pantalon de toile. Au moment d’en défaire l’attache, il s’immobilise d’un coup. Quelque chose lui picote la nuque, comme un murmure à son oreille, un pressentiment. Tu n’es pas seul, ici. Il jette un regard circulaire aux alentours, fouille de loin bosquets et feuillages, mais n’y observe aucun signe trahissant la présence d’un autre. Il en déduit qu’il s’agit sans doute d’une bête préférant elle aussi ne pas être vue, et donc probablement inoffensive…

Alae défait le nœud retenant le vêtement sur ses hanches et, nu, entre dans l’eau fraîche qui lui monte jusqu’au nombril en tendant haut ses ailes, préférant éviter de les mouiller pour l’instant et surtout, avisant l’éventualité où il devrait prendre son envol rapidement. De ses mains, il lave le haut de son corps et termine en se penchant vers l’avant afin de tremper sa tête dans l’eau. C’est au moment de dégager son visage de ses cheveux que parvient à son oreille un froissement de feuilles, craquement de brindilles. Étirant un bras vers le fond de l’eau, il attrape un galet et à nouveau, cherche, prêt à frapper s'il le faut.
Quelque chose lui échappe. Encore. Ce n'est pas tant la peur que la contrariété qui lui fait serrer les doigts sur la pierre lisse.
Jeu 5 Jan - 15:48
Encore un effort. Allez. D'accord, ses bras n'étaient pas des plus puissants, mais cette tâche était à sa portée. C'était une évidence, elle le faisait régulièrement. Enfin... Normalement. Cette fois, elle n'était pas venue prendre soin des arbres entourant le sien pendant quelques jours, et elle le payait. Le lierre avait profité de ce répit pour se renforcer. Ce n'était plus la frêle herbe facile à arracher. Encore quelques jours, et la plante aurait formé un tronc, à l'instar de celui qu'elle voulait étouffer, empêchant définitivement l'Hespéride de la déloger. Mais cela était encore possible. Quoi qu'il arrive, la demoiselle agenouillée près de cet arbre se devait de le libérer. Seul celui qu'elle avait colonisé serait autorisé à se trouver mort sous ses yeux. Car c'était nécessaire, elle n'allait pas blesser un végétal vivant. Et c'était elle-même qui avait planté les quelques arbres alentour, pour permettre à la forêt de se régénérer, ainsi qu'en remerciement pour cet abri qu'elle lui offrait. Mais la nature était sans pitié. Les plus faibles, ou les moins sournois, ou encore les moins bien protégés, succombaient aux autres. Et dans ce cas, c'était très clair. Le lierre semblait ridiculement faible, face à cet arbre déjà centenaire. Mais, lentement, insidieusement, il était capable de l'étouffer si personne ne venait à la rescousse.

Ce fut avec un cri de surprise qu'elle accueillit la pousse, qui cédait enfin. Le contrecoup de ses efforts la fit retomber sur les fesses.

- Ouille !

Sa voix résonna, claire, dans l'espace vide. Même les oiseaux ne s'enfuirent pas. Finalement, peut-être n'avait-elle pas parlé si fort, alors ? Elle savait que les oiseaux étaient très sensibles au moindre bruit ou mouvement sortant de l'ordinaire...

Enfin. Elle n'avait pas le temps de philosopher. Se relevant, après avoir rapidement épousseté ses vêtements, elle observa le parasite qu'elle avait enfin réussi à l'arracher. Elle devait s'en débarrasser. Mais pas ici, ce sera le mielleur moyen de lui offrir l'occasion de repousser pour reprendre ses assauts. Pourquoi ne pas le garder en décoration chez elle, alors ? Le bois mort ne donnerait au lierre aucune occasion de faire des petits, et a couleur rouge qu'il prenait en fanant avait quelque chose de poétique, qui parlait à son âme d'artiste.

Elle était sur le point de rentrer pour faire de son idée une réalité, quand quelque chose détourna son attention. Un oiseau ? Non, quoi que ce soit, c'était bien trop massif... Et les rapaces n'avaient pas pour habitude de passer à cet endroit. D'autant plus que, si c'était vraiment un rapace qui était passé, elle aurait probablement été prise pour cible, au moins par erreur. Comparé à ces prédateurs, elle était d'assez petite taille, et, même si elle ne ressemblait en rien à une souris, un simple mouvement pouvait attirer ces gros oiseaux.

En parlant de gros oiseau... C'en était un, c'était évident. Mais un qu'elle ne connaissait pas. Alors, elle enroula la branche de lierre autour de l'une de ses cornes, se disant qu'il serait toujours temps de s'en occuper plus tard. Puis, grimpant dans les branches de l'arbre, elle suivit l'étrange créature, à une distance suffisante pour ne pas être remarquée, mais restant néanmoins assez proche pour ne pas perdre sa cible de vue.

Et puis elle suivait la créature, plus elle se posait de questions. Il était évident qu'elle ne ressemblait à rien de ce qu'Halie connaissait. En y réfléchissant, cet être semblait même... Humanoïde... Mais elle n'avait jamais entendu parler d'hommes-oiseaux... Très étrange, tout cela.

Néanmoins, il finit par la remarquer. Alors, elle s'immobilisa, en équilibre précaire sur sa branche. Néanmoins, ses pieds, nus, lui permirent de maintenir son équilibre, au moins jusqu'à ce que l'étrange créature revienne vers le ruisseau. Tiens, d'ailleurs, elle ne le connaissait pas, celui-là. Merci donc à cette créature de le lui avoir fait découvrir. D'un autre côté... Cette créature ne venait visiblement pas des bois. Son envergure était beaucoup trop importante pour lui permettre de se mouvoir sans problème dans un environnement forestier. Ce n'était pas pour rien que les oiseaux endémiques étaient plus petits. Il leur était ainsi plus facile de se déplacer entre les arbres...

Néanmoins, rapidement, elle fut prise d'un dilemme. Cette créature, quoi qu'elle soit, avait visiblement les mêmes besoins que tout autre humanoïde, et s'apprétait à faire ses ablutions... Normalement, elle ne devrait pas rester là, à l'observer. Mais ces ailes... Elle en était convaincue, elles disparaîtraient si elle s'autorisait à en détourner le regard. Alors, que faire ?

Elle resta perchée un moment, indécise. Puis, finalement, elle décida de sauter de l'arbre, tout en s'arrangeant pour faire le plus de bruit possible, afin de ne pas surprendre l'être déjà sur ses gardes. Et, rapidement, elle leva les mains, restant à distance, cherchant à montrer qu'elle ne lui voulait pas de mal. Ce ne fut qu'après être certaine qu'il avait compris le message qu'elle osa prononcer quelques mots :

- Je... Désolée, ce n'est pas le moment. Mais de si belles ailes... Est-ce que je peux mieux les voir ?

Une voix teintée d'une naïveté certaine, mais également d'une curiosité mordante. Même si elle l'avait voulu, elle n'aurait pas pu dissimuler ces deux éléments dominants dans son esprit à cet instant précis.
Ven 6 Jan - 3:19
Là!
Elle apparaît comme tombée du ciel.
Elle aussi.
Alae sursaute et fait un pas vers l’arrière. Mais bientôt, lentement, ses sourcils tantôt froncés se haussent et ses traits s’adoucissent naturellement tandis qu’à la méfiance succède la curiosité.
Qu’est-elle?
Le galet reste dans sa main, mais sa poigne se décrispe. Alae plisse quelque peu les paupières en retrouvant une posture normale, c’est-à-dire bien droit sur ses deux pieds enfoncés dans la vase dormant au fond du cours d’eau.
Il a remarqué les cornes sur la tête de la jeune femme avant bien d’autres choses. Aussi doit-il prendre un moment avant d’en détacher son regard. Il ne croyait pas que… Il ne savait pas que…

L’Eshim inspire profondément et détourne les yeux vers la courbe que dessine le ruisseau en descendant. Le galet tourne lentement entre ses doigts et puis hop! Il l’envoie rebondir plus loin, en trois, quatre, cinq bonds, suivre le courant avant de disparaitre.
Un sentiment de familiarité côtoie celui d’étrangeté. Une certitude – il ne se battra pas – fait face à l’ignorance – qui est-elle?

Il met un petit moment à recouvrer la totalité de ses esprits, mais une fois la tension bel et bien retombée, Alae entend comme en écho la voix de l’inconnue. Un sourire étire le coin de bouche, sceptique et amusé à la fois. Et comme si elles étaient douées de leur propre volonté, ses ailes se déploient entièrement de part et d’autre de son corps, toutes plumes tendues, immaculées et baignées d’un trait de jour faufilé entre les branches. À leur façon, elles se donnent en spectacle, répondant ainsi à la requête de l’étrangère.

En même temps, Alae s’avance et revient vers la rive. L’esprit ailleurs, bien loin des conventions de ceux qui courent dans les villes, le Grigori ne songe pas à feindre une quelconque pudeur et émerge tout bonnement de l’eau, sans se presser plus qu'il ne le faut. Il retrouve ses quelques effets personnels auprès de la roche et se revêt simplement de son pantalon. Cela fait, laissant bâton et manteau derrière lui, il se tourne vers elle.

Vous vous trompez. Commence-t-il d’une voix grave et douce. Elles sont hideuses. Son aile droite se replie sur lui et il la cueille dans ses bras, la caresse comme on le ferait pour un petit animal. Mais elles volent merveilleusement bien.

À nouveau, les ailes se tendent mais cette fois, avant de sagement se replier sur le dos de l’Eshim.

Je ne suis que de passage, mais vous… D’instinct, le regard d’Alae se pose une fois de plus sur les cornes, puis descend vers les yeux clairs. Vous vivez ici?

Difficile pour lui de concevoir pareille forêt comme un abri, mais ces cornes, à l’image de ses ailes, trahissent peut-être quelque affinité avec un milieu particulier.
Ven 6 Jan - 13:40
Il semblait... Perdu ? En tous cas, ses émotions semblaient confuses... Peut-être n'aurait-elle pas dû se montrer ? Parfois, elle maudissait sa fichue curiosité. D'un autre côté... Aurait-elle une nouvelle occasion de rencontrer pareil être ailé à l'avenir ? Probablement pas. Alors, elle recula de quelques pas, comme dans un mouvement pour lui donner de l'espace. C'était peut-être vrai... Mais il était également certain qu'elle ne savait pas comment elle était censée réagir.

Néanmoins, quand elle le vit sourire, elle commença à s'autoriser à se rassurer. Il ne lui en voulait pas ? Ou était-elle en train de surinterpréter tout cela ? Enfin, tous ces questionnements ne firent pas long feu. Lorsque l'objet de sa convoitise se déploya, s'offrant entièrement à son regard émerveillé, elle ne pensa plus à rien. Comme hypnotisée, elle fit quelques pas en avant, tendit la main... Avant de brutalement s'interrompre. Ce ne serait peut-être pas au goût de l'étranger qu'elle décide, comme ça, sans rien dire, de les toucher... Alors, au lieu de cela, elle continua à l'observer, toujours aussi curieuse. Elle avait pensé le déranger dans l'un de ces moments où l'on veut être seul, mais, à sa manière d'agir, cela ne semblait finalement pas être le cas... Décidemment, plus elle rencontrait de personnes, moins elle les comprenait...

Puis, lorsqu'il lui parla pour la première fois, elle dut se retenir de bondir. Comment ça, "hideuses" ?

- Euh, pardon, mais je ne peux pas vous laisser dire ça ! C'est votre porte vers la liberté ! Mais, au-delà de cela... Vous n'avez pas l'impression de vous trouver constamment dans un nuage ? Le monde doit être si beau, de là-haut...

D'accord, ses mots étaient peut-être un peu décousus. Mais elle ne pouvait s'empêcher de l'envier. Non seulement il pouvait voler, bien plus haut que les plus hauts arbres, qui constituaient la limite de la demoiselle, mais cette couleur... D'accord, il devait être difficile de la maintenir si pure, mais... Elle ne saurait mettre de mots sur ce qu'elle ressentait au sujet de ces ailes, mais elle ne pouvait pas penser à quoi que ce soit de négatif à leur sujet.

Puis vint un sujet plus... Intéressant ? Non. Plutôt cordial. Normal ? Poli. Oui, voilà, tel était le mot. Quoi qu'il en soit, elle devait répondre. Avec un hochement de tête enjoué, elle répondit :

- Exact ! J'aime me penser comme la gardienne de ma petite partie de forêt. Elle m'a offert un abri, je la remercie tous les jours en prenant soin de certains arbres.

Elle marqua une pause, réfléchissant, puis décida de s'inspirer de certaines des rencontres faites auparavant, et s'approchant encore un peu, tendant la main à l'inconnu :

- Halie des Hespérides. Ravie de vous connaître.

Etait-ce vraiment ainsi qu'l fallait se présenter ? Enfin, dans tous les cas... Quelque chose lui disait qu'elle le saurait bien assez vite.
Sam 7 Jan - 3:04
Tandis que son interlocutrice en articule les mots, Alae imagine, claire dans son esprit, une porte. Sa porte précisément, celle censée le mener à sa dite liberté. L’image est simple, mais il n’arrive tout de même pas à y adhérer. Quelque chose l’en empêche et le cloue au pas de cette porte soi-disant sienne.

C’est en gardant un pied englué dans ses questionnements et un autre dans la forêt qu’il répond distraitement.

Constamment dans un nuage? Oui, oui… C’est un peu cela, parfois… Enfin, tout dépend du ciel…

Et des atterrissages. Il arrive parfois que des lambeaux de nuage s’accrochent à lui. Du moins lui en donnent l’impression. Comme si même en ayant les pieds sur terre, ses esprits demeuraient coincés tout là-haut.
Alae garde néanmoins ces états d’âmes pour lui.

Aux mots de l’inconnue, il se met à observer la forêt d’un œil nouveau. Lui qui y voyait un endroit obscur, mystérieux, tente désormais d’y entrevoir la demeure et le trésor qu’elle évoque indirectement, elle qui y vit et y protège, par la même occasion, ce qu’elle a peut-être de plus précieux, son chez-soi. Franchement, Alae admire cela. Alourdi par le poids de ses pensées, il s’accroupit, songeur. De quel genre de chez-soi rêve-t-il aujourd’hui?
Accoudé sur l’un de ses genoux, il appuie sa tête dans sa main en se demandant si les arbres font des voisins bavards quand on connait leur langage.

Son regard, quelque peu surpris, revient à la gardienne de la forêt tandis qu’elle se présente.

Oh. Il se relève d’un bond et saisit la main tendue, la serre doucement. Halie des Hespérides, je suis Alae. Souffle-t-il d’un trait, s’efforçant de faire montre de conviction.

Puis, élevant un bras, il l’étire derrière lui afin d’agripper une plume au hasard et d’un coup, tire, grimaçant légèrement sous l’effet du pincement. Aussitôt, il tend le fruit de sa cueillette à Halie.

Tenez, puisque vous savez en apprécier la teinte. Cela fait, il croise les bras et darde sur la plume un regard partagé entre l’amusement et le dédain. Là d’où je viens, la couleur de mes ailes me coûtait ma liberté. Il revient à Halie et s’inspire de ses grands yeux pour donner un peu de vie aux siens. Vous avez déjà volé, Halie? Vous semblez être plutôt légère. Je parie que je pourrais planer un peu, avec vous. Enfin, si vous le voulez. Mais il nous faudrait un endroit surélevé, pour s’envoler… Autrement, je craindrais de m’épuiser. À ces mots, Alae a un regard circulaire, comme s’il cherchait quelque chose à travers les arbres. Remonter sur le dessus du cénotaphe trouvé plus tôt étant une option peu envisageable étant donné l’accès pour le moins difficile sans une paire d’ailes pour s’y rendre… Mais de toute façon, Halie n’est peut-être pas prête à tout bonnement s’envoler avec un pur étranger. Dans un timide sourire et baissant les yeux, Alae se moque discrètement de son naïf enthousiasme.
Sam 7 Jan - 14:09
La réponse qu'elle reçut lui sembla bien trop philosophique pour la situation. En effet, elle avait seulement voulu faire référence à la couleur de ces ailes, la même que celle des nuages... Ou alors, était-ce simplement une naïveté plus grande que la sienne, l'inconnu ayant simplement pris ses mots au pied de la lettre ?

Elle l'observa, encore et toujours curieuse, lorsqu'il sembla se perdre dans ses pensées. À quoi réfléchissait-il donc ? Puis il finit par répondre à sa présentation. Les yeux brillants, elle hocha vivement la tête :

- Alae... C'est joli ! Et aérien ! Donc ça vous correspond bien ! Oh, désolée, je suis peut-être un peu trop enthousiaste ?

Au geste qui suivit, elle ne sut pas vraiment réagir. Il se mutilait ? Simplement pour le faire un cadeau ? Etait-ce réellement nécessaire ? Néanmoins, elle n'hésita pas avant de se saisir de la plume. Il serait en effet plus que malpoli de refuser le résultat de ce qui avait dû être une telle souffrance... Néanmoins, d'une voix douce, elle déclara :

- Oh, merci... Mais ce n'était pas nécessaire de vous faire mal... Juste les voir, ça me suffit. Et... Comment une simple couleur pourrait-elle avoir de tels effets ? D'accord, si je me base sur ce que je connais, les animaux blancs sont plus visibles, donc plus vulnérables... Mais j'ai du mal à imaginer que vous puissiez avoir des prédateurs, honnêtement. Quant à votre liberté.... Vous volez. C'est sufisant.

La discrimination ? Concept inconnu d'Halie, et même si elle le connaissait, il y avait fort à parier qu'elle ne la comprendrait pas. En effet, en tant qu'enfant solitaire des bois, elle croyait plutôt à la sélection naturelle : si un être était capable de survivre dans son environnement, alors, il avait le droit de vivre sa vie comme il l'entendait. Ni plus, ni moins.

Puis elle ouvrit des yeux ronds à l'entente de la proposition suivante. Voler ? Sérieusement ? Il le lui proposait vraiment ? D'un autre côté, pendant sa proposition, son regard s'était allumé, elle sentait une réelle joie naissante en lui... Et aucune trace de malveillance. Alors, elle savait pouvoir lui faire confiance.

- Je ne suis jamais allée plus haut que les arbres, je n'ai pas d'ailes. Mais... Vous êtes sérieux dans votre proposition ? Ce serait comme... Un rêve que je ne savais pas vouloir faire...

Puis elle laissa son regard voguer aux alentours. Puis, soudain prise d'inspiration, elle lança :

- Je peux vous trouver une clairière avec de hauts arbres ! Suivez-moi !

Puis, sans plus d'explications, elle sauta dans l'arbre le plus proche et commença à sauter de branche en branche dans la direction de la fameuse clairière. Elle ne prenait pas la peine de vérifier que l'inconnu suivait, convaincue que cet exercice serait plus que facile pour lui : après tout, avec ses ailes, il pouvait aller plus vite qu'elle, même dans un environnement aussi riche en obstacles que la forêt. Et puis, pour une fois, elle s'arrangeait pour être la moins discrète possible, afin de s'assurer qu'il ne perde pas sa position de vue, tout en s'excusant mentalement vis-à-vis des oiseaux qu'elle effrayait en cours de route.
Dim 8 Jan - 2:35
Trop enthousiaste? Pris de court, Alae hausse petitement les épaules et glisse un Oh euh, je suppose que non… Sincère malgré tout.

Tandis qu’Halie réfléchit à voix haute au sujet de la couleur de ses ailes, Alae ne sait trop que penser. En vérité, en tant qu’Eshim, la question est relativement simple pour lui. La couleur de ses ailes n’est qu’une fatalité parmi d’autres et contre laquelle il lui apparait vain de s’outrer. La fuite aura été sa réponse. Et puisqu’un retour chez les siens serait impossible, à quoi bon retourner la question dans tous les sens? Mais Halie ignore tout cela. Et ce n’est pas aujourd’hui qu’Alae lui parlera des Grigoris et de leurs croyances. Loin d'être le genre d'exercice auquel il a l'habitude de se prêter, il ne le fera peut-être même jamais, du moins dans le détail, aussi ne peut-il lui en vouloir pour son ignorance, partagée d’ailleurs, avec le commun des mortels.  

Quand même, l’idée que semble se faire l’Hespéride de la liberté l’étonne quelque peu, par sa simplicité. Elle le fait néanmoins sourire et c’est le ton léger qu’il ajoute :

J’ose espérer que mes pieds daigneront m’obéir si par malheur mes ailes me font défaut un jour.

Pour Alae, la liberté réside davantage dans le pouvoir du libre arbitre plutôt que dans les moyens employés pour se mouvoir. Mais enfin, qu’importe vraiment, quand un plan fort plus intéressant que de lourdes réflexions les attend.

Aussi Alae acquiesce-t-il résolument. Bien sûr, qu’il est sérieux!

Parfait, je vous suis.

Au dernier instant, il attrape son manteau laissé plus tôt, abandonne définitivement le bâton de marche improvisé et puis s’empresse de suivre Halie dans la forêt. Chose qu’il parvient à faire non sans y mettre un effort certain.
Malgré les obstacles, l’Hespéride se meut dans cet environnement avec une aisance qui force l’admiration.

Soudain, une clairière.
Alae s’arrête et compare les arbres. Quelque peu à l’écart, un haut spécimen au tronc courbé s’est frayé un chemin haut vers le ciel et dépasse la plupart de ses voisins.

Là. Indique le Grigori en pointant une branche près de la cime et surtout, d’apparence robuste. Vous pouvez y grimper?

Il pose la question, mais après avoir vu Halie se débrouiller jusqu’ici, c’est à peine s’il prend le temps d’attendre la réponse avant de tout bonnement lâcher son manteau et prendre son envol, pliant les genoux afin de se donner un élan et, en quelques battements d’ailes, se retrouver sur la piste de décollage désignée. Il parvient à se tenir debout en équilibre sur la large branche en s’aidant de ses ailes. Ainsi, il prend un moment pour évaluer la hauteur.
Il attend qu’Halie l’est rejoint.

Je crois… Sourcils froncés, il réfléchit. Le mieux sera de vous tenir par le haut du corps. Vous serez dos à moi et aurez les mains libres. Vous pourrez vous accrocher à mes bras ou encore ouvrir les vôtres. Nous décollerons le plus près possible de l’extrémité de la branche, directement en vol plané.

Alae a un regard pour le sol, plusieurs mètres plus bas, et sent s’éveiller en lui quelques étincelles. Brins de folie ou simple excitation, peu lui importe. Il y a bien longtemps qu’il s’est senti aussi jeune et c’est avec cet éclat dans le regard qu’il tourne la tête vers Halie.

Prête?
Dim 8 Jan - 11:56
Ce soudain enthousiasme ne le dérangeait donc pas ? Parfait.

Néanmoins, il la laissa perplexe lorsqu'il parla de ses pieds. Pourquoi ses ailes l'abandonneraient-elles ? Enfin, elle préféra ne pas relancer le débat. Après tout, sa curiosité reprenait le dessus. Elle était curieuse, à présent. Elle avait déjà vu sa forêt du point de vue d'un peintre, à présent, elle la verrait du point de vue d'un oiseau. Ce qui était tout aussi intéressant... Voire plus, car les oiseaux, elle en croisait tous les jours. Comment voyaient-ils le monde ? Elle le saurait très vite.

Une fois arrivés à la clairière, son compagnon improvisé repéra immédiatement le fameux arbre qui avait dirigé son choix. Elle ne put retenir un petit rire :

- Bien sûr. En tous cas, ravie de voir qu'on a pensé au même arbre !

Et elle descendit de son arbre. En effet, sa cible était trop éloignée pour qu'elle tente un saut. De quoi aurait-elle l'air si elle tombait ? Certes, elle pourrait certainement se rattraper à une branche en cours de route, mais, sans trop se l'expliquer, elle voulait éviter de paraître ridicule. Alors, elle choisit la voie de la prudence. Puis elle courut vers le doyen des arbres de cette clairière, et l'escalada aussi vite qu'elle put... Ce qui, évidemment, ne fut pas suffisant pour arriver avant l'homme. Une fois qu'elle l'eut rejoint, elle était essoufflée, mais ravie, les yeux brillants, telle une enfant venant de faire une partie de son jeu préféré.... Ce qui était proche d'être le cas, en réalité. Et puis, c'était vraiment une occasion parfaite, de se retrouver avec quelqu'un qu'elle ne devait pas prendre soin de ne pas perdre en cours de route. Quelqu'un qui pouvait la suivre dans les hauteurs, qui était d'ailleurs plus à l'aise qu'elle dans cet environnement.... ça, c'était juste parfait !

Puis vinrent les instructions. Soudain muette, elle se contenta de hocher la tête et d'obéir aux indications, prise d'une sorte d'appréhension qu'elle fit de son mieux pour taire. Lors de la question finale, elle dut se forcer pour faire sortir quelques mots :

- Je... C'est impressionnant, en fait.

Attend, Halie, là, tu donnes l'impression de ne pas être prête ! Il était temps de se corriger :

- Mais allons-y. Je veux croire que vous ne me laisserez pas tomber.

Et puis, il n'avait pas l'air méchant. Non, vraiment, elle ne pouvait pas douter de lui. En tous cas, en ce qui concernait cette petite expérience. Elle l'aurait su, s'il avait de mauvaises intentions.
Lun 9 Jan - 2:27
N’a-t-il pas déjà fait ce jeu? Du moins une version semblable? Monter, sauter, voler. Monter plus haut, sauter, voler. Monter encore plus haut, sauter, voler. Recommencer. Oh, tu veux voler, petit lapin? Petit lapin ne voulait pas voler, mais il n’en prit conscience qu’une fois sa monture jetée dans le vide. De panique : se débattre, griffer les bras de l’enfant qui le retient, être échappé, heurter le sol et… ne pas se relever.

Alae s’efforce de chasser la pensée parasite.

Pour moi, savoir sauter d’arbre en arbre comme vous le faites, voilà qui est impressionnant.

Il doit tout de même admettre que la remarque d’Halie ne le laisse pas totalement de marbre. À force de vivre parmi des êtres doués d’ailes, oiseaux ou Grigoris, il est facile de concevoir le fait de voler comme une réalité parmi d’autres, sans rien de particulièrement impressionnant. Mais en se retrouvant parmi d’autres humanoïdes, il devient évident que le fait de posséder des ailes tient de l’exception.

Prenant Halie au mot, Alae se positionne pour le décollage, l’entraînant au plus près de l’extrémité de la branche sans risquer de tomber. Ses ailes se tendent et en même temps, il s’incline afin que sa tête se retrouve à peu près à la même hauteur que celle de l’Hespéride, s’efforçant d’appuyer le côté de sa propre tête sur les cornes.

Pardon. S’excuse-t-il doucement, à la fois pour le contact avec les cornes et pour ce qu’il s’apprête à faire.

Alae glisse un bras sur les côtes d’Halie, l’autre sur son ventre et serre suffisamment pour réduire l’écart entre leurs corps au minimum.

Je ne vous laisserai pas tomber, Halie. Murmure-t-il.

L’Eshim jauge la distance une fois de plus, le vent, se stabilise et respire profondément.

Très bien. Fait-il pour lui-même. Et un. Deux.

À trois, dans un froissement de plumes, sans un mot, il bondit. Il parvient à glisser sur l’air plus aisément qu’escompté et s’en réjouit en silence.

Vous êtes légère. Finit-il par sourire.

Et comme si le commentaire suffisait à prévenir Halie, Alae bat des ailes vigoureusement et parvient, plus qu’un simple vol plané, à les faire monter plus haut dans les airs. Il vole vers l’est, c’est-à-dire en direction de la Colline aux corneilles et, plus loin, d’Opale.
Sur l’horizon, le soleil se fait plus bas mais baigne encore la forêt d’une vive lumière. Grisé par le vent et sa fraîcheur ainsi que par le simple plaisir de se dégourdir les ailes de plus bel, Alae bat des plumes à nouveau et agrandit de ce fait la distance avec la cime des arbres de quelques mètres de plus, afin d’atteindre une altitude plus confortable pour manœuvrer, glissant tantôt légèrement vers la gauche, puis vers la droite, et testant par la même occasion son aisance à voler ainsi accompagné.

Où allons-nous?

À ce moment-là, Alae pourrait presqu'en oublier qu'ils arrivent de quelque part, qu'ils ne sont pas tout simplement en route vers il ne sait trop quelle aventure.
Lun 9 Jan - 12:05
Oh tiens, son petit jeu l'impressionnait ? Elle laissa échapper un petit rire. Pour quelqu'un qui savait voler, cette remarque lui semblait ironique. En effet, ces créatures sans ailes devaient lui sembler bien ridicule, de son point de vue. Mais visiblement, elle se trompait. Et, soudain, cela lui donna une idée :

- Peut-être... Que vous voudriez essayer ? Enfin, je ne voudrais pas non plus que vous risquiez d'abîmer vos ailes... Oui, oubliez ça, en fait.

Elle était consciente qu'à cet exercice, si on faisait la moindre erreur, les blessures étaient très faciles. S'il se blessait, elle pourrait le soigner, mais s'i abîmait ses ailes... Elle ne savait pas si elle saurait y faire quoi que ce soit. Et elle ne voulait pas le savoir. Voir une si belle parure détruite par sa faute lui causerait une culpabilité dont elle ne savait pas si elle pourrait s'en remettre. Alors, la meilleure solution restait de ne pas faire face à une telle situation.

Une sorte de pression sur ses cornes la sortit de ses pensées. Que se passait-il ? Ce n'était pas douloureux, non, juste... Etrange. Jamais personne n'avait eu l'occasion de toucher ces bois... Peut-être parce que leur porteuse était bien trop farouche pour en laisser l'occasion à ceux qu'elle croisait. Après tout, elle sentait que, hors de son territoire, c'était leur faute si elle ne se sentait pas à l'aise. Ainsi que le fait qu'elle n'ait jamais connu d'autre environnement ? Oui, cela devait certainement y jouer un rôle. Enfin. Il n'était plus temps de se perdre dans ses pensées. Si elle n'avait pas craint de blesser Alae, elle aurait secoué la tête à ses excuses. Au lieu de cela, elle verbalisa sa pensée :

- Ce n'est rien. Faites juste attention à ne pas vous blesser.

Immédiatement après avoir prononcé ces mots, elle se tendit. Non, décidemment, elle n'avait pas l'habitude du contact avec autrui. Et elle dut se faire violence pour ne pas s'écarter. Enfin, vous avez décidé de voler ! Comment tu pourrais le faire s'il ne te touche pas, hein ? Tu n'as pas d'ailes !
Après cette auto-réprimande, elle se concentra quelques instants sur sa respiration, pour se permettre de se détendre... Mais, dans le mouvement, elle avait fermé les yeux, au moment du décollage, ce qui lui fit expérimenter, pour la première fois, une sensation de vertige, accompagnée d'un petit cri incontrôlé. En effet, habituellement, lorsqu'elle regardait dans le vide, quelle que soit la hauteur à laquelle elle se trouvait, elle avait toujours une branche solide pour la soutenir. Là... Elle n'avait rien. Alors, par réflexe, alors qu'elle prenait bien soin de rouvrir les yeux, elle se raccrocha à l'homme, son seul soutien actuel. Comme pour la rassurer, il fit une remarque... Plutôt efficace. En effet, s'il n'avait pas de difficulté à la tenir, elle ne courait pas de risque, n'est-ce pas ?

Alors, elle s'autorisa à observer les alentours. C'était un lieu qu'elle ne connaissait pas, et où elle n'aurait probablement jamais l'occasion de retourner. Le ciel... C'était donc à cela que ça ressemblait, vu de près ? Elle observa la forêt, son territoire, s'éloigner graduellement, non sans ressentir un pincement au coeur. Comme si elle quittait son foyer, alors qu'en réalité, elle se trouvait simplement au-dessus de lui. Prenant garde à ce que ses cornes n'effleurent pas l'homme, elle premena un regard curieux à la ronde. Finalement, le ciel, en comparaison avec la forêt, c'était plutôt monotone. Il n'y avait rien qui ressemble de près ou de loin à un arbre, ou à un animal.... Même les oiseaux semblaient manquer à l'appel. Finalement, elle était déçue. Elle avait pensé trouver un nouveau monde, et elle trouvait... Du vide.

- Qu'est-ce qui vous intéresse, vous, ici, à cette altitude ?

C'était sorti tout seul. Fichue curiosité... Enfin, il lui avait demandé une destination... Une fois de plus, elle observa les alentours.

- Là-bas, c'est... Ah, comment il a dit, déjà... Opale ?

Elle n'avait pu s'empêcher de repenser à Iaso. Après tout, il s'agissait du seul être humanoïde qu'elle pouvait affirmer connaître un minimum... Mise à part elle-même, bien sûr. Il vivait là-bas... Mais non, il serait plus prudent de ne pas aller le voir. Si elle pensait qu'elle y serait rejetée, même seule, elle n'allait pas y amener son compagnon de voyage, qui serait vu comme au moins aussi étrange qu'elle...

Quoi qu'il en soit, elle n'avait toujours pas répondu.

- Euh, je ne sais pas... Je ne connais rien du monde hors de la forêt.
Jeu 12 Jan - 2:35
Tandis qu’il sent les cornes contre sa peau, Alae prend conscience qu’avant qu’Halie ne le mette gentiment en garde contre celles-ci, il n’avait pas réalisé qu’elles sont non seulement le reflet de l’être singulier qu’Halie est, mais qu’elles peuvent peut-être aussi servir d’armes. Les animaux coiffés de semblables bois, ne s’en servent-ils pas pour faire la démonstration de leur force?

D'accord...

Loin de lui l’idée de se montrer précautionneux, du moins pour son propre compte; Alae étant naturellement peu enclin à se soucier de son état. Cependant, les réactions d’Halie au moment de se rapprocher d’elle et de devoir la toucher lui font brièvement remettre en question leur plan. Et au moment de s’envoler, loin de le laisser indifférent, le trouble qu’elle semble ressentir lui évoque celui de certains oiseaux une fois déracinés du ciel et posés à terre après des jours de migration.

La question d’Halie au sujet de son intérêt pour le vol le prend légèrement par surprise et le tire de ses pensées. La réponse lui semble évidente, mais il n’en éprouve pas moins une certaine difficulté à l’articuler.

Euhm…Alae donne quelques vigoureux coups d’ailes. Le poids de mon corps est… différent. De reposer sur mes ailes, pour moi, c’est apaisant et puis, le monde vu d’ici m’apparaît plus clair, moins étourdissant. Tente-t-il simplement.

Tu ne vois pas le brouillard me sortir par la bouche et les oreilles? Tu ne me vois pas m’évaporer, mon aura s’enflammer et moi partir en fumée? Mais Alae garde pour lui ses pensées plus vertigineuses.

Et puis il y a la vitesse, la voltige.

Voilà qui est bien vrai. Il prend d’ailleurs un moment pour évaluer la faisabilité d’un petit tour de manège mais, hésitant et peu désireux de faire des peurs à Halie, il se résigne. Du moins pour l’instant.

Ah oui…! Souffle Alae en tentant de deviner les contours, au loin, en vain, d’Opale. La Cité aux Mille Lumières…

En vérité, être sans destination ne constitue pas un problème pour l’Eshim. Au contraire, cela s’apparente davantage à l’ordre de son quotidien. Aussi, voler pour voler n’a rien de déplaisant et le faire accompagné est une expérience en soi.
Sa copilote a autrement piqué sa curiosité.

Rêvez-vous de voyages? De voir de près toutes ces villes et leurs habitants?

Quelque chose lui dit qu’Halie et lui ont beaucoup en commun, au-delà du fait qu’ils possèdent tous deux des caractéristiques physiques légèrement hors du commun… Leurs univers propre semble tenir principalement à un élément. La forêt. Le ciel. Bien qu’il ait voyagé, vu, vécu, Alae croit reconnaitre chez Halie quelque chose de présent en lui-même, comme une distance ou un décalage par rapport à la vie tout autour. S’il ne fait pas fausse route, la solitude qu’ils partagent peut-être aussi rend d’autant plus significatifs, et intrigants, les visages qui font halte dans leur paysage.

Vous connaissez un Opalin?

N’a-t-elle pas évoqué un certain « il »?
Jeu 12 Jan - 12:30
Il avait accepté de se montrer prudent, mais ne semblait pas convaincu... Elle soupira. Avait-elle tort de se soucier d'autrui ? Après tout, ce n'était pas nouveau pour elle, la sociabilisation n'était pas son point fort. Mais elle n'eut pas le temps de s'apesantir davantage sur ce genre de questions. Ils avaient pris leur envol, et l'être ailé répondait à sa question, qui l'avait surpris... Halie n'avait pas imaginé que cela puisse être possible, mais, après tout, peut-être n'avait-il pas l'habitude de communiquer avec des personnes qui ne connaissaient rien à son monde ? Après tout, un vrai solitaire ne communiquait pas. Alors... L'était-elle encore ? Songeuse, elle observait sa forêt, depuis ce point de vue surélevé. Finalement, elle commençait à s'habituer à cette altitude, et donc à s'y détendre. Apaisant ? S'il le lui avait dit dès le départ, elle n'y aurait pas cru. Mais maintenant... Même si elle n'était pas ce qu'on pourrait appeler à l'aise, elle pouvait comprendre son point de vue. Néanmoins, en ce qui concernait le paysage... Halie se contraignit à détacher ses yeux de la forêt en contrebas pour reporter son regard brillant vers lui :

- Oui, c'est vrai ! Vous m'offrez une nouvelle manière de voir mon univers différemment ! C'est... Eh bien, différent. Mais c'est ce qui est intéressant !

La vitesse ? Elle fut sur le point d'exprimer quelques réserves, mais dut se raviser : après tout, elle-même n'adorait-elle pas s'amuser à faire la course avec elle-même, dans les arbres ? Donc finalement, elle aussi aimait la vitesse... Mais la sienne était différente, plus faible, car tributaire des obstacles de la forêt qui lui servaient de support. Ici, dans les airs, il n'y avait pas besoin du moindre support, et aucun obstacle ne venait casser l'élan d'origine. Alors, après une hésitation, elle se lança :

- Est-ce que... Pas tout de suite, laissez-moi d'abord m'habituer un peu mieux, mais... Est-ce que ce serait possible de tester ça ? J'imagine que ce sera très différent de ce que je connais, mais c'est là qu'est l'intérêt.

Puis des questions fusèrent. Si la réponse à la deuxième lui semblait évidente, l'autre, en revanche, méritait plus ample réflexion. Les voyages... Qu'en pensait-elle, en fait ? Elle avait déjà eu l'occasion de faire un voyage mental, mais physiquement... D'un autre côté, elle avait, à ce moment précis, l'occasion de partir en exploration sans pour autant abandonner son monde pendant trop longtemps. À condition, évidemment, que son moyen de transport vivant l'accepte.

- Justement, c'est à cause de ces habitants que je ne veux pas aller en ville. Les humains pourraient avoir le jugement facile... Et puis, une ville, ça veut dire des centaines d'habitants... Donc des milliers d'émotions, au même endroit, au même moment... Je n'y survivrais pas.

En plus du fait qu'elle n'y serait pas adaptée, qu'elle ne saurait pas comment se comporter dans un environnement si différent du sien, qu'elle ne connaissait probablement rien de certaines notions qui sembleraient évidentes dans une ville... Non, vraiment, elle ne trouvait rien de positif à cette perspective. Sauf peut-être voir Iaso dans son environnement, pour une fois ? Mais non. Si c'était pour se suicider mentalement, ce n'était pas la peine. Aucun être ne méritait un tel sacrifice. Sauf peut-être un arbre ? Mais l'avantage des arbres, c'était qu'ils ne bougeaient pas et ne débordaient pas d'émotions différentes.

Non, vraiment, elle préférait rencontrer d'autres humanoïdes un par un, comme c'était le cas dernièrement, prendre son temps pour les connaître et se familiariser avec leur signature émotionnelle, afin de garder le contrôle total sur son esprit.

La question suivante la surprit, la sortant d'un coup de ses pensées.

- Euh, ah, oui. Même si bon, connaître est peut-être un grand mot... À chaque fois que je pense le connaître, il me prouve le contraire.

Mais peut-être était-ce simplement une caractéristique humaine ? D'être extrêmement complexe ? Elle ne le saurait probablement jamais... Ou peut-être que si. Seul l'avenir le dirait.
Jeu 19 Jan - 4:13
Lui qui s’était résigné à mettre de côté l’idée de tenter un vol légèrement plus… enlevant, ne peut réprimer son sourire en écoutant Halie, on ne peut difficilement plus curieuse, gentiment solliciter quelque chose comme un tour de manège.
Alae se met aussitôt à évaluer plus sérieusement ses possibilités. En prenant un peu plus d’altitude… Sans exactement se prêter à une descente en piqué il pourrait néanmoins…

Oui, je crois que ce sera possible. Fait-il avec un certain aplomb, confiant et surtout excité à la perspective de l’exercice de vol – de ceux comme il les aime particulièrement – auquel ils se prêteront.

Après tout, ce sera en quelques sortes l’équivalent de courir avec quelqu’un sur le dos… En quelques sortes, oui. Alae a le cœur qui s’emballe. C’est plus fort que lui; il y a ce gamin qui s’obstine en lui, malgré les centaines d’années passées à se distancer de la jeunesse, à revivre. Par-ci par-là, il surgit à l’occasion comme une ombre en cavale, libéré de toutes contraintes et résistant envers et contre tous à l’oubli. Lui n'a pas adopté le nom d’ « Alae », mais il garde tout de même jalousement une parcelle de cœur du Grigori.
Bref, ici, suspendu entre les nuages et le sol avec Halie, Alae est heureux.

Si bien qu’il met un moment à bien peser les mots de sa passagère. Pourquoi parle-t-elle ainsi des émotions des humains? Enfin, comme s’il s’agissait d’êtres à part entière, concrets? Surtout, pourquoi ces émotions s’en prendraient-elle à Halie? L’Eshim peut concevoir que les villes représentent une sorte de concentré d’humains et donc de possibles interactions et rencontres plus ou moins positives, ou encore de « manifestations » de différentes émotions, mais de là à ce que cela représente une réelle menace…

Vous n’y survivriez pas? Qu’entendez-vous par là? Demande-t-il avant d’ajouter, comme pour la rassurer. Mais vous savez, il est possible de se faire discrets, dans ces villes… Enfin, même pour nous, je veux dire. Il songe à ses ailes, à son manteau...

Tandis que la conversation suit son cours, Alae entame, tout en douceur, une légère montée en prévision de la démonstration de vitesse qu’il n’a évidemment pas oubliée.

Il écoute Halie lui parler succinctement de l’Opalin, dont elle confirme ainsi l’existence. Il réfléchit un moment avant de répondre quoi que ce soit, songeant aux quelques rares visages qui constellent son propre univers aujourd’hui.

J’ai longtemps préféré la compagnie des animaux. Les gens sont compliqués. Incohérents. Et inconscients de l’être. Je ne m’en exclus pas. Mais, c’est aussi ce qui les rend attrayants, non?

Mine de rien, Alae a cessé de monter. C’est désormais presque en planant qu’il les soutient dans les airs, ne battant des ailes qu’au minimum. Il observe les alentours, jaugeant le paysage. Quelques collines attirent son attention.
Ven 20 Jan - 11:05
Il validait avec enthousiasme sa proposition. Elle sourit. Quelque chose lui disait que lui aussi avait envie de s'adonner à quelques acrobaties aériennes. S'était-il brimé à cause de sa présence ? Mais la demoiselle était du genre à passer sa vie dans les arbres, ne se lassant jamais de sauter de branche en branche. Alors, oui, elle était consciente du risque de chute, mais elle se disait également qu'elle pourrait toujours se raccrocher à une branche plus basse, le cas échéant. D'un autre côté, ici... Il n'y avait rien pour se rattraper. Mais Alae ne l'avait pas lâchée, pourquoi le ferait-il maintenant ? Parfois, elle faisait preuve de bien trop d'imagination...

Néanmoins, elle se força à abandonner ses craintes en se baignant dans la joie de son compagnon de voyage. Et elle la laissa la contaminer. Après tout, il ne lui en voudrait certainement pas de lui prendre un peu de positivité, non ? Il ne s'en rendrait d'ailleurs probablement même pas compte.

En parlant de cela... Voilà qu'il la questionnait. Evidemment. Alors, elle prit un moment pour chercher ses mots, tentant d'être la plus claire possible.

- Nous autres hespérides sommes plus qu'empathiques. Par exemple, je sais que vous êtes à la fois perdu, certainement à cause de mes mots, et impatient de vous dégourdir les ailes plus que maintenant... J'ai bon ?

Elle avait lancé la dernière phrase comme s'il s'agissait d'un jeu. Bien sûr qu'elle avait deviné correctement. Si elle avait pu se tromper, c'était sur les raisons de ces émotions. Mais en elles-mêmes, elle étaient asse limpides pour qu'elle ne craigne pas la moindre erreur en les énonçant.
Néanmoins, ce qui suivit l'intéressa. Se faire discret ? Si elle était honnête, elle en rêvait. Mais allez dissimuler de longues cornes ! Elle avait essayé, et toujours échoué.

- Vraiment ? J'aimerais bien avoir vos suggestions, dans ce cas. Si vous aviez mes cornes, comment feriez-vous pour les cacher ?

Puis le voilà qui parlait des humains. Ah. Voilà qui était intéresant. Néanmoins, elle prit son temps avant de répondre, observant les environs. Finalement, elle commençait à apprécier ce paysage... Ou plutôt ce vide. C'était paisible, ça, elle ne pouvait pas le nier. Elle sentait qu'ici, rien ne pourrait lui arriver. Tant qu'elle faisait confiance à celui qui la soutenait, elle pourrait être en paix.

- Les humains et les animaux.. Ils sont tous fascinants. Et ce sont eux qui m'ont tout appris, la plupart du temps sans même être au courant de ma présence. Alors, attrayants... Plutôt riches en enseignements. Même si je ne pense toujours pas être capable de vraiment les comprendre...

Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas tout de suite que les mouvements des ailes qui les soutenaient s'étaient réduits. Et quand ce fut le cas... Elle réalisa alors leur altitude. Sa main se crispa légèrement sur le bras de l'homme. Jamais elle n'avait été aussi haut. À présent, les arbres, ses arbres, son abri, semblaient si petits... Si insignifiants. Son monde était-il donc si petit, en réalité ? Alors, comment faisait-elle pour toujours être fascinée par ce dernier, après presque un siècle et demi passé sans en sortir ? Elle ne le réalisa qu'à peine lorsqu'elle souffla un commentaire dans un murmure :

- Je suis une fourmi, en fait...