Astrebrume

Criard de multiples bijoux, on aurait dit que son corps avait été façonné dans l’astra lui-même. Les regards sont attirés vers cette silhouette extravertie mais ne savent s’arrêter à un détail tant les parures y sont nombreuses et chatoyantes de finesse.
Aux antipodes de la grossièreté et du mauvais goût, Azhar a su tirer parti de l’attention qu’on lui portait en s’adaptant aux mentalités opaliennes : étalez ses richesses et faites des envieux. Lorsque l’on a manqué de tout, l’attrait du gain résonne dans tous les couloirs de vos pensées. Faible être de chair, elle n’a pas su lui résister.
Ses yeux injectés de sang resteront les éternels témoins des nuits sans sommeil qu’elle passe à éplucher son livre de compte. Tyrannique lorsqu’il s’agit de son précieux butin, elle sait mener ses affaires d’une main de maître ce qui en fait une tenancière redoutable.
Butée de naissance, sûrement un reste de sa figure matriarche, Azhar arrive toujours à ses fins. Frôlant dangereusement avec l’art de la manipulation, ses mots et sa diction savent tromper même le plus averti. Sa voix ne dépasse jamais le décibel de colère et rares sont les fois où elle s’emporte. Madame a le sang-froid qu'exigent ses occupations.

Dans ses veines, l’or fourmille comme des milliers de vers rongeant toutes valeurs morales qui oseraient s’y coaguler. Bien qu’elle soit fidèle à l’ordre des Caravaniers, Azhar n’accorde que peu d’intérêt à celui qui ne sait pas offrir et par offrir l’on s’entend bien qu’il s’agit d’astras. Certes, ses services sont abondants, allant de la simple transaction à la rançon d’information. Cependant si la somme ne suit pas les ambitions, vous ne pourrez vous prétendre client de son aide.

Ressources inépuisables - Dû à son travail, Azhar possède une étendue d’objets en tout genre et la bourse qui va avec. Bien qu’elles soient infinies, elle ne saurait se servir de la moitié de ses objets trouvant plus avantage à les vendre qu’à les utiliser. Cependant, sa richesse la rend inestimable aux yeux des civils de la noblesse d’Opale.

Négociatrice redoutable - La fortune ne chôme pas au B’Azhar et cela est dû en grande partie au sens de la répartie de sa tenancière. Vous voulez plus ? Vous aurez moins et cela vous paraîtra convenable malgré tout car son phrasé est teinté de jolies nuances de tromperie cachée et vous n’y verrez que du feu.

Caméléon social - Changer d’apparence, se fondre dans la masse et tisser sa toile. Une maîtrise plus que redoutable pour les Caravaniers et pour toute personne ayant connaissance de cette double facette du B’Azhar et de sa gérante. « Si vous ne trouvez pas votre compte, allez au B’Azhar ! »

Avide d’astras mais pas que ! - Le savoir est une arme. Si Azhar ne sait pas se servir d’armes à promptement parler, ses connaissances accrues en termes de flore lui sont d’une grande aide lors de ses missions anonymes. Autrement dit, la gérante est un serpent dont les crocs venimeux peuvent atteindre facilement sa cible. Loin d’être ignorante, elle trouve sa sûreté dans la connaissance que cela soit pour connaître une situation politique, une hiérarchie, une avancée technologique…toute instruction est utile pour mettre à bien les desseins de l’organisation.

Elle n’avait plus foulé ces dunes depuis près de vingt-cinq ans. Le soleil résonnait de par sa lumière du midi. Haut dans le ciel sans nuage, ses rayons chauds frappaient de plein fouet le paysage de Saleek. Au loin, le sommet des pyramides perçait l’horizon azur et sable.
Azhar mit ses mains en visière par dessus ses yeux noirs, des gouttes de sueur perlaient le long de son front dégarni de tout apparat. Elle avait revêtu son apparence la plus simple pour ne pas attirer le regard des curieux malvenus.
Bien qu’elle fut née en ces terres, le climat d’Opale l’avait habituée à des températures plus modérées et voilà qu’elle ne supportait plus la chaleur ambiante d’Aramila. Malgré l’effort, ses lèvres carmines se tendirent en un sourire rassuré. La caravane ne se trouvait plus qu’à quelques heures de marche, il fallait absolument qu’elle s’y rende avant la tombée de la nuit.
Alors, après une courte pause, elle s’avança. Le calme du désert aramilan contrastait avec la pagaille d’informations qui se trouvait à l’intérieur de sa tête. Il y a de celà un mois, l’ordre des Caravaniers avait mandaté sa présence.

-

L’écho clinquant de sa boutique tintait dans les bouches de tous les nobles opaliens. B’Azhar était reconnu dans la ville comme étant le lieu de tous les trésors. Grande boutique d’artefacts, beaucoup se questionnaient sur l’origine de sa gérante et la profusion de ses merveilles. Peu y trouvaient leur réponse.
Théâtre de merveilles dorées et de métaux précieux, dans les grands rayons où trônaient toutes sortes d’objets, allant du bijoux raffiné à l’arme exposée sous vitrine, sa fantaisie exotique attirait ces bourgeois en quête d’inédit.
« Si vous ne trouvez pas votre compte, allez au B’Azhar ! », vous dirait-on, « Madame est certes très têtue pour négocier le prix mais vous en ressortirez plus que satisfait avec un bien de grande valeur et personne ne pourra vous voler la vedette, ça non ! ».

-Sous sol-

« Cents Astras, c’est mon dernier mot, Rogue. »

Le mercenaire grogna. Ils y avaient passé trop de temps mais Azhar ne démordait pas. Qu’elle était bornée cette femme quand il s’agissait de sortir les pièces de sa fortune !

« Tu te fous de ma gueule Azhar ! Toi même tu sais que les temps sont durs et qu’il m’a fallu suer sang et poussière pour te ramener cette merveille ! »

L’objet de leur débat reposait sur la table. Une parure dont l'orfèvrerie ferait s’arracher les cheveux des plus grandes dames. Un travail d’argent méticuleux entourait délicatement les joyaux qui, eux, étincelaient de toutes leurs facettes. Impitoyable, elle répliqua :

« Tu l’as dit toi-même Rogue, les temps sont durs et mes fonds ne sont pas infinis. Cents Astras, point barre. Tu sais bien que personne ne voudra commercer avec un mercenaire de ton espèce, tu fais trop de bruit en ce moment et plus personne n’ose se mêler à tes pulsions sanguinaires. Mais comme je ne laisse pas tomber mes vieux amis, tu sais bien que je continuerais à faire affaire avec toi, vois ça comme une preuve de bonne entente entre nous…»

Les poings du géant nommé Rogue s’abattirent contre la table. Il se releva et domina Azhar de toute sa masse. La gérante conservait son calme et s’avisa même de lui lancer un sourire narquois. Elle savait qu’il n’avait pas le choix, elle était la dernière commerçante de contrebande à l’accepter comme fournisseur. Il était bloqué, pour le plus grand plaisir de la brune.
Rogue renifla, la mâchoire crispée par l’insolence de cette garce. Il pourrait la briser en deux, là, maintenant, mais alors la cavalerie ne ferait que rappliquer. Azhar était une hôte estimée d’Opale et ses multiples relations avec la Haute Noblesse n'arrangeait guère le géant si il lui venait à l’idée de fendre ce visage familier de tous. Le mercenaire lui tourna le dos. Il entendit le bruit des pièces sonner contre le bois.

La transaction était close.

« Toujours ravie de faire affaires avec toi Rogue ! Tu connais la sortie. Fais attention à ce que personne ne te voit, ça ne ferait pas bon ménage pour le commerce… »

Il ramassa la somme, contrit et monta les escaliers qui menaient à la boutique. L’apparence du lieu flamboyait de mille feux et la silhouette sombre du géant détonnait dans cette ambiance dorée. Il pressa le pas et sortit. Azhar se rapprocha de son comptoir et y posa son butin, satisfaite. Elle ouvrit l'écrin, véritable malle aux trésors où elle stockait ses objets à exposer plus tard et fourra le collier à l’intérieur. Ses mains rencontrèrent la texture rêche du papier. Elle jeta un regard suspicieux sur sa boutique. À travers ses iris noirs, le temps se trouvait suspendu. Personne ne connaissait l’emplacement de son coffre. Son sang battait progressivement à mesure que l’angoisse montait à sa tête. Griffonnée à la hâte, l'écriture néanmoins visible : Dunes de Saleek.
Ses canines percèrent un bout de sa lèvre inférieure. Le vermeil perla.

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Il n’était pas bon de se reposer trop longuement pour l’ordre des Caravaniers. Pourtant, même si Azhar le savait, elle s’était laissée attirer par l’or, les biens matériels, les apparats et toutes ces superficialités qui nourrissaient tant la ville d’Opale.
Azhar s’était enrôlée à l’âge de 10 ans par l’ordre des Caravaniers à la mort de sa mère, Portebrume du Concile d’Amarila, seule véritable figure de sa vie. Repérée pour sa capacité à se fondre dans la masse, elle trouva refuge au sein de la secte. Elle qui n’était qu’une enfant furieuse, remontée contre toutes les magies de la Brume, s’était emmêler dans l’engrenage.
Elle arriva aux portes de la caravane, le courroux retentissait déjà à l’intérieur de ses murs.

Allait-elle continuer à œuvrer dans l’ombre ou bien devenir l'appât du gain?