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Dans la gueule de l'enfer ❖ pv Sir H. Prendick

Dans la gueule de l'enfer ❖ pv Sir H. Prendick Brandw10
Jeu 27 Juil - 17:22
Compagnie FullBody Xplosion, nord-est d’Epistopoli

La bâtisse se dresse à l’écart des lumières de la cité savante, comme un ermite que l’on ne devrait pas déranger. Ses arêtes brutales scindent en deux le paysage, rupture de béton en pleine nature. Sous les lumières d’Epistopoli, il se chuchote qu’un monstre est incubé dans le ventre du mastodonte. Et lorsque la Messagère a tenté d’en savoir plus, elle n’a trouvé que portes closes et ordres tranchés. Va voir Prendick. Donne-lui cette lettre, et repars fissa.

Jessamy ignore si ce qui dort au fond de sa sacoche est une missive ou une bombe. Sa main s’agrippe à la sangle en cuir qui lui ceint la taille, tandis que l’autre maintient fermement le bec de sa canne. Ses yeux rouges auscultent l’architecture non sans intérêt. Que peut-il bien y avoir là-dedans, pour que même des savants en détournent leur regard ? Pour que l’encre qu’elle protège depuis Xandrie soit ainsi scellée ? C’est ainsi, d’être Messager. Relier les gens de pouvoir, garder leurs secrets jusqu’à ce qu’ils se réfugient dans les bonnes mains. Avoir l’élégance de n’être qu’un battement de cils dans la vie des destinataires. Si des mystères fourmillent entre ces murs gris, elle ne pourra en entendre que les échos. Dainsbourg lui a appris à quel point cela pouvait être reposant.

Une phalange griffue appuie sur la sonnette. Jessamy coule un regard attentif vers le grillage de l’interphone. Elle se souvient avoir bondi en arrière en feulant, à son premier contact avec cette technologie. Désormais, les syllabes grésillantes se heurtent à la placidité de la créature. Tout comme elle n’a cure des caméras qui la tiennent en joue.

« FullBody Xplosion. Veuillez décliner votre identité.
La mutante s’éclaircit la voix,
— Jessamy, service des postes de Xandrie. Je viens livrer un courrier à Herbert Prendick.
— Vous pouvez le déposer dans la boîte, à votre droite.
Face au timbre sec, un mince sourire se dessine sur ses lèvres.
— Je dois lui donner en main propre. C’est confidentiel. Donc, soit il descend, soit j’entre. Je vous laisse choisir, hm ? »

En face d’elle, le boîtier fait silence ; n’en ressortent qu’un léger grésillement en bruit de fond et des éclats de voix en sourdine. Elle a l’impression d’avoir donné un petit coup de pied dans cette grosse fourmilière — et ce n’est pas pour lui déplaire.
La même voix précédée d’un petit bruit aigu l’interpelle à nouveau :

« Quelqu’un va vous accompagner au bureau de Sir Prendick. Attention à la porte. »

Les lourdes portes coulissent lourdement pour lui laisser le passage. Jessamy s’introduit dans l’interstice. Elle entrouvre la bouche en se rendant compte que c’est l’un des siens qui lui a ouvert. Patchwork de coutures et de peaux, des yeux de chat aux couleurs mordorées, la joue fendue laissant entrevoir ses dents. Silhouette biscornue lui montre la voie avec un demi-sourire. Lui aussi semble avoir remarqué ; elle le voit au regard qu’il coule sur elle, au rictus qui lui fend un peu plus le visage. Fait rare, pourtant, il n’en fait rien. Elle le suit en silence, dans des allées de bureaux aux vitres fumées. Les murs à l’odeur aseptisée lui semblent bien épais pour une simple entreprise — et suffisamment pour la cage d’un monstre. Elle se rappelle néanmoins de ses consignes : donner la lettre qu’elle porte depuis Xandrie, et s’évaporer.

Le nom de son destinataire s’affiche en toutes lettres sur la porte de son bureau. L’autre mutant lève le poing pour frapper à la porte.

« Monsieur Prendick ? C’est la Messagère dont je vous parlais. »

Sans savoir où regarder, Jessamy concentre son attention sur son dernier obstacle. Le dernier d’une cavalcade.
Lun 28 Aoû - 0:00
Les derniers jours, comme ceux à venir, se voulaient plus calmes, un air de repos bienvenu aux yeux du gobelins vieillissant. Les années filaient et défilaient alors que son grand projet de rénovation mondial n'en était qu'à ses balbutiements, mais rien ne pourrait abattre sa brûlante passion. Quoi qu'il en coûte, il parviendrait au bout de sa tâche.

Après une longue matinée à traverser les divers bureaux scientifiques, observant les avancées de ses ouailles avec attention, une tâche dans laquelle il prenait grand plaisir. Depuis la création de l'entreprise, et toute la gestion inhérente à son fonctionnement, Sir Prendick avait bien moins le temps de s'y pencher lui-même, bien qu'il continuait à le faire dès qu'un instant de liberté s'offrait à lui. Ce qui n'était pas le cas aujourd'hui car Sir Marlcolm lui avait donné rendez-vous et si ce n'était pas son collaborateur favoris, il n'en restait pas moins un personnage important du paysage militaire.

"Un messager est là pour vous. Il demande à vous voir personnellement.
- Soit, accompagnez le jusqu'à mon bureau.
- Très bien Sir."

Pas la foi de descendre. Se murmura t'il. Généralement, il n'était pas enclin à laisser les étrangers parcourir son territoire, encore moins rentrer dans l'un de ses bâtiments. Mais aujourd'hui, il avait les idées ailleurs et une certaine douleur dans le genou droit. Rien d'extravaguant ou de grave, mais suffisant pour le motiver à ne plus forcer la marche pour la journée. Ce matin lui avait amplement suffit. Alors il se contenta d'observer le messager entrer par la porte principale, en la compagnie de Thyeude, l'un des plus humbles et sympathiques vivants de ces terres. Bien la principale raison pour laquelle il se chargeait le plus souvent d'accueillir les visiteurs. Ensembles, ils remontèrent l'allée zigzaguant au milieu de terre dénué de verdure comme de vie, un paysage presque macabre où la terre morte s'offrait comme seule décoration. Ci et là, quelques arbres mourant continuaient pourtant à survivre par il ne savait quel miracle. Puis le scientifique que certains considéraient comme fou les perdit de vue lorsqu'il arrivèrent proche du manoir centrale. Là, il savait qu'il ne lui restait plus que quelques minutes avant que l'on ne cogne à sa porte avec la délicatesse d'une symphonie printanières. Thyeude était troubadour, tout du moins essayait-il de l'être au vu de sa condition, avant de rejoindre la firme et il en gardait de nombreuses habitudes.

De son mètre de haut, le gobelin décroisa les bras de son dos, une posture qu'il appréciait car elle le grandissait légèrement, lui ajoutant une part de prestance sur laquelle il ne crachait pas, le menton haut et le torse bombé. Point de talonnettes pour tromper son interlocuteur cependant, Sir Prendick n'aimait pas ces supercheries qui ne faussaient que les moins attentifs et portaient davantage au discrédit.

Il se déplaça sur un plancher d'ébène qui grinça sobrement sous ses pas, afin de rejoindre une simple table sur laquelle se trouvait un tourne-disque en parfait état. Il y lança l'un de ces classiques favoris, une composition orchestrales lentes et contemplative amenant l'esprit au voyage vers des contrées inconnus. Si cela n'avait point été directement dis, il était certains que ce morceau tissait un lien étroit avec la vie, la bravoure et les doutes des aventuriers de la brumes. Les notes débutèrent calmement, berceau d'une rivière tranquille s'écoulant sur des lieux avant de grossir sans se presser, amenant à une progression à peine perceptible dans son intensification. Le gobelin fredonna les notes de ce qui se rapprochait à un refrain qui n'arriverait pas avant cinq ou six minutes.

Puis l'on frappa à la porte. Entrez. Dit il sans hausser la voix. Ce qui suffit à Thyeude pour pousser la porte et présenter la messagère.

Debout, derrière son bureau, les bras de nouveau croisés et vêtu d'un sobre costume bleu nuit, le génie incompris observe l'arrivante entrer dans son bureau. Comment se comportait-elle ? Quelle visage affichait-elle ? Et, puisqu'il le remarqua, quelles étaient donc ses mutations ? Des questions qui lui traversèrent l'esprit, comme à chacune de ses nouvelles rencontres. Elle qui venait de traverser un territoire occultait par des voiles de mystère et de "on-dit" , quelles pensées la traversaient elle, en cet instant précis ?

Cependant, il n'en perdit pas le sens de la bienséance et ne tarda pas à le prouver. Bienvenue dans le manoir Prendick, Mademoiselle. J'en suis son hôte et bien curieux de savoir qui vous envoie. Mais prenez place si vous le désirez. Et Thyeude, si vous voulez bien apporter quelques boissons et gourmandises pour cette charmante personne ayant traversé moult lande pour nous parvenir.
- Très bien monsieur. Aussitôt, le mutant quitta la pièce, fermant la porte derrière lui. Pour sûr, il reviendrait dans quelques instants un plateau garnis entre les mains.

Herbert laissa un instant de silence dans la conversation, uniquement brisé par les notes lancinantes de la symphonie qui se jouait en arrière plan. Puis, il reprit les yeux fixés dans ceux de sa convive. Alors, mes oreilles sont tout ouïes, ils nous tardent de vous entendre.