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Danse macabre

Danse macabre Brandw10
Dim 3 Sep - 13:00
Au-dessus des dunes, elles dansent, les étoiles. Comme un collier au cou d’une gente dame, le firmament scintille gaiement. Si on tend la main, on peut presque les attraper. Et pourtant, elle se dérobe, toujours. Comme le silence en ville, ce collier de diamant pourrait bien n’être qu’un doux mirage.

Cela faisait des heures qu’elle avançait dans le désert aux abords d’Aramila. Elle avait beau marcher droit dans la direction opposée, vers le cœur des dunes, elle se retournait fréquemment dans l’espoir de voir disparaître la cité d’argile. Et pourtant la ville se dressait inlassablement, et lui donnait l’impression qu’elle avançait également dans ses pas pour la suivre à travers le sable.
Oh, elle ne payait pas de mine, Lö. Elle avait troqué la nudité de sa jungle pour une guenille usée, une vieille robe récupéré dans les quartiers les plus riches, jetée par une dame sans doute, ou un homme pour ce qu’elle en savait, et qu’elle portait très mal tant elle était trop grande pour elle. Elle l’avait arrangé comme elle le pouvait, la nouant autour de sa taille à l’aide d’une corde de construction qui lui donnait l’allure d’une folle ou d’une sorcière en perdition.

Son passage dans la ville n’avait été qu’une grossière erreur, et elle se noyait à présent dans ce qui semblait être une éternelle amertume. Cela faisait quelques mois qu’elle avait quitté sa jungle, la rassurante présence des arbres et de sa forêt pour suivre un automate jusqu’à Aramila. Aramila qu’elle s’imaginait comme une forêt plus grande, à grand tort. En même temps, que pouvait-il se tramer dans l’esprit d’une jeune hespéride? Elle ne devait pas avoir plus de trois mois, la petite créature. Et tout un monde à apprendre.
Ce qu’elle en retenait était pour l’instant une lutte perpétuelle, et que des vivants, il y en avait beaucoup. Aramila, ça n’avait jamais été une forêt comme sa maison. D’ailleurs, des plantes, il n’y en avait pas beaucoup. Il y avait surtout des gens comme elle, plein. Des grands, des petits, avec parfois des corps différents, parfois comme elle, mais jamais tout à fait la même chose.

C’était étouffant. Tous ces corps pensaient forts. Et au bout de la corde, il y avait elle qui tenait toutes ces émotions à bout de bras. Dans sa forêt, elle ne ressentait que de petites bribes fluettes de joie, de colère. Comme des papillons légers et volatiles, les animaux et les plantes entraient en vibration avec elle et lui offraient leurs cœurs qu’elle lisait avec curiosité. C’était simple, doux, et elle apprit ainsi les bases des affects.
Mais dans la ville, pas de légèreté, pas de simplicité, pas d’air. Son souffle était coupé tout le temps face au poids de ces sentiments qui tombaient sur ses épaules comme des gouttes de pluie. Des sentiments lourds, crasseux, compliqués qui lui donnaient mal au crâne - sous cette chaleur de plomb.

Pourquoi là, pourquoi le désert? Elle devait partir. Elle devait s’enfuir, quitter cet enfer, retourner dans son berceau où tout était simple, facile.
Par la plus petite route. Par le plus simple chemin. Suivre les étoiles, suivre les dunes. Survivre, jusqu’à sa maison. Survivre jusqu’à chez elle.

Elle avançait, mais Aramila était toujours à vue. Elle avançait, mais n’avançait pas. C’était épuisant. Et puis… Et puis, il y eut quelque chose, au loin. Une émotion dans les sables, une bribe de quelque chose. Qui n’était pas animal, qui n’était pas simple. Une émotion compliquée de quelqu’un au cœur profond. Un autre être dans les dunes. Un autre être que la ville a recraché, ou un danger potentiel? Lö ferma son cœur, ouvrit grand ses yeux. Le vent a un parfum de fleur.
Au dessus des dunes, elles dansent, les étoiles.