Jeu 23 Mar - 15:27
LA LAIDEUR QUI MÈNE LE MONDE
Ft. Weiss Von Arendt
Le voyage avait été éprouvant.
La nuit tombait sur la capitale opaline lorsqu’Elizawelle franchit les frontières de la ville. Épuisée par son voyage, trempée par la pluie drue, la jeune femme retardait pourtant le moment de se rendre chez elle, là où l’attendaient pourtant des vêtements propres et un bain chaud.
Il y avait dans cet appartement somme toute banal des souvenirs auxquels elle n’avait aucune envie de se confronter ce soir. Le fantôme de son père y régnait : sa chambre était toujours intacte, les meubles recelaient mille souvenirs et le silence lui rappelait cruellement son absence.
Son immense sac de voyage sur le dos, elle prit plutôt le chemin du Magistère. Il était encore tôt malgré la noirceur du ciel couvert de nuages sombres et plusieurs des ingrédients qu’elle avait récoltés devraient rapidement être réfrigérés avant de perdre toute leur fraicheur.
Elle traversa les rues d’un pas rapide et eut une pensée pour la moto qui dormait chez elle et qui lui aurait permis de traverser la ville en quelques minutes. L’eau tombait comme un rideau autour de son chapeau à large bord et elle frissonna lorsqu’un vent frais se leva.
Rapidement, le Magistère se dressa devant la zoan, qui passa devant les tartares, gardes surentrainés protégeant les secrets de l’endroit, sans leur jeter un regard. Elle atterrit rapidement dans le grand hall et elle poursuivit son chemin sans s’arrêter. En la voyant ainsi confiante, personne ne songea à lui poser de questions et elle s’enfonça dans les couloirs tortueux de l’institution.
Elle retrouva le bureau de son commanditaire et conclut rapidement sa transaction. Le sac plus léger, elle reprit le chemin inverse, évitant le plus possible de s’attarder sur les bruits environnants, les conversations tordues et les couloirs suspects qui s’étiraient autour d’elle.
Elle ressentait toujours un profond malaise de se retrouver dans cet établissement. Peut-être était-ce parce qu’elle conservait une opinion très ambigüe sur le Magistère et ses expériences.
D’un côté, Elizawelle avait conscience des progrès phénoménaux qui ressortaient des expériences des scientifiques opalins. Elle se serait difficilement passé des commodités que lui offrait le myste dans son appartement et portait un amour particulier à sa moto qui fonctionnait elle aussi au myste. Elle rêvait également, depuis aussi longtemps qu’elle connaissait leur existence, de posséder un Nascent, ces petits cristaux qui pouvaient conférer un pouvoir à l’objet dans lequel il était serti. Une autre invention du Magistère.
Grâce au Magistère, Opale était l’une des plus grandes puissances d’Uhr, crainte et respectée par toutes les autres nations. Cependant, cela avait un prix qu’Elizawelle avait mis des années à comprendre, sans doute parce qu’elle était auparavant trop jeune pour vraiment saisir ce qui se passait dans ce grand bâtiment aux mille secrets.
Les possibilités qu’offrait le myste n’étaient possibles que grâce à la misère des xandriens. Pour chaque avancée de la panacée, des centaines de victimes, parfois consentantes, parfois carrément esclavagisées, mourraient dans le plus grand secret. Ceux qui ressortaient des laboratoires du Magistère avaient le plus souvent du myste dans les veines et présentaient des mutations qui en faisaient au mieux les risées de la société, au pire des armes entre les mains des puissants.
Le racisme était également une tare des opalins. Ceux qui, comme elle, était zoanthrope risquait gros dans cette ville ou la simple connaissance de ce fait pouvait valoir un allé simple vers les laboratoires secrets de la ville.
Opale la puissante, Opale la resplendissante, Opale la lumineuse.
Tant de beauté pour camoufler toute cette laideur.
C’est plongé dans ses pensées qu’Elizawelle sortit du Magistère. La pluie s’était presque complètement tarie et seules quelques gouttelettes s’échappaient encore des nuages. Elle prêta plus ou moins attention au chemin qui la menait jusqu’à chez elle, le connaissant par cœur.
C’est sans doute pour cela qu’elle ne comprit pas tout de suite qu’on la suivait. Sans les sens du jaguar, qu’elle utilisait presque en permanence sous la Brume, il lui semblait ne rien pouvoir sentir, ne rien pouvoir entendre, comme privée d’une partie d’elle-même.
Elle finit pourtant par s’en rendre compte malgré son instinct un peu endormi. Lorsqu’elle jeta un œil par-dessus son épaule, elle remarqua ce qui l’avait alerté : deux hommes la suivaient. Du moins, elle en avait l’impression.
Souhaitant se rassurer sur le fait que ces hommes empruntaient simplement le même chemin qu’elle, Elizawelle s’enfonça dans une rue transversale. Attentive, elle serra les dents en constatant qu’ils la suivaient toujours. Sans son sac, elle aurait sans doute eu une chance de les semer, mais son poids la ralentirait et il n’était pas question qu’elle abandonne ses affaires. Se transformer en pleine ville aurait sans doute été la pire des idées.
À la place, la jeune femme choisit de retourner vers les quartiers du centre-ville, de là où elle venait, et surtout, là où il risquait d’avoir un peu plus de gens dans les villes. Non pas qu’elle espérait que quiconque l’aide dans cette ville du chacun-pour-soi, mais plutôt parce que les regards pourraient faire réfléchir ses poursuivants.
Augmentant la cadence, serrant les poings, Elizawelle réfléchissait. Comment se débarrasser d’eux ? Elle aurait pu sortir son arme pour les dégommer à distance, mais ce genre d’action risquait d’avoir des conséquences autrement plus désastreuses pour elle si ces hommes avaient la moindre réputation. De plus, elle ne tenait pas à recourir à des moyens aussi extrêmes lorsqu’elle pouvait l’éviter.
Alourdie par la fatigue de son voyage, l’esprit pas aussi clair qu’elle l’aurait voulu, la jeune femme finit par comprendre qu’elle ne les sèmerait pas. Ainsi, elle s’arrêta sous le toit d’un pavillon qui ornait l’intersection de rues habituellement assez fréquentées. Malheureusement pour Elizawelle, les rues étaient vides, ce soir.
Ils étaient à quelques mètres, maintenant. L’un d’eux portait un uniforme de garde, mais tous deux semblaient sous l’influence de substances qui ne devaient pas être que de l’alcool. La jeune femme grimaça lorsqu’ils la hélèrent.
- Alors, ma jolie, on cache des secrets ? demanda le plus petit des deux.
– On t’a vu, on t’a reconnu, allez, montre-nous, chantonna l’autre d’un ton qui fit froid dans le dos à Elizawelle.
– T’es une ZOAN, hurla grossièrement l’homme en la pointant alors que son compagnon affichait un air dégouté. Une putain de zoanthrope. Qu’est-ce qu’un animal comme toi fiche ici, hein ?
Ils approchaient de plus en plus et Elizawelle recula instinctivement. Devait-elle sortir son couteau ?
– J’ai entendu ce qu’ils ont dit, susurra une voix à son oreille. Une bête de foire.
Elle sursauta. Un troisième homme était là, tout près d’elle, et sa voix doucereuse provoqua une vague de dégoût chez la jeune femme. Elle voulut fuir, mais il la tenait déjà.
– Je l’ai, les gars, cria-t-il alors qu’elle tentait, sans succès, de se libérer de son emprise.
Sous la panique, la jeune femme n’arrivait pas à envisager de solution.
C’était un cauchemar.
La nuit tombait sur la capitale opaline lorsqu’Elizawelle franchit les frontières de la ville. Épuisée par son voyage, trempée par la pluie drue, la jeune femme retardait pourtant le moment de se rendre chez elle, là où l’attendaient pourtant des vêtements propres et un bain chaud.
Il y avait dans cet appartement somme toute banal des souvenirs auxquels elle n’avait aucune envie de se confronter ce soir. Le fantôme de son père y régnait : sa chambre était toujours intacte, les meubles recelaient mille souvenirs et le silence lui rappelait cruellement son absence.
Son immense sac de voyage sur le dos, elle prit plutôt le chemin du Magistère. Il était encore tôt malgré la noirceur du ciel couvert de nuages sombres et plusieurs des ingrédients qu’elle avait récoltés devraient rapidement être réfrigérés avant de perdre toute leur fraicheur.
Elle traversa les rues d’un pas rapide et eut une pensée pour la moto qui dormait chez elle et qui lui aurait permis de traverser la ville en quelques minutes. L’eau tombait comme un rideau autour de son chapeau à large bord et elle frissonna lorsqu’un vent frais se leva.
Rapidement, le Magistère se dressa devant la zoan, qui passa devant les tartares, gardes surentrainés protégeant les secrets de l’endroit, sans leur jeter un regard. Elle atterrit rapidement dans le grand hall et elle poursuivit son chemin sans s’arrêter. En la voyant ainsi confiante, personne ne songea à lui poser de questions et elle s’enfonça dans les couloirs tortueux de l’institution.
Elle retrouva le bureau de son commanditaire et conclut rapidement sa transaction. Le sac plus léger, elle reprit le chemin inverse, évitant le plus possible de s’attarder sur les bruits environnants, les conversations tordues et les couloirs suspects qui s’étiraient autour d’elle.
Elle ressentait toujours un profond malaise de se retrouver dans cet établissement. Peut-être était-ce parce qu’elle conservait une opinion très ambigüe sur le Magistère et ses expériences.
D’un côté, Elizawelle avait conscience des progrès phénoménaux qui ressortaient des expériences des scientifiques opalins. Elle se serait difficilement passé des commodités que lui offrait le myste dans son appartement et portait un amour particulier à sa moto qui fonctionnait elle aussi au myste. Elle rêvait également, depuis aussi longtemps qu’elle connaissait leur existence, de posséder un Nascent, ces petits cristaux qui pouvaient conférer un pouvoir à l’objet dans lequel il était serti. Une autre invention du Magistère.
Grâce au Magistère, Opale était l’une des plus grandes puissances d’Uhr, crainte et respectée par toutes les autres nations. Cependant, cela avait un prix qu’Elizawelle avait mis des années à comprendre, sans doute parce qu’elle était auparavant trop jeune pour vraiment saisir ce qui se passait dans ce grand bâtiment aux mille secrets.
Les possibilités qu’offrait le myste n’étaient possibles que grâce à la misère des xandriens. Pour chaque avancée de la panacée, des centaines de victimes, parfois consentantes, parfois carrément esclavagisées, mourraient dans le plus grand secret. Ceux qui ressortaient des laboratoires du Magistère avaient le plus souvent du myste dans les veines et présentaient des mutations qui en faisaient au mieux les risées de la société, au pire des armes entre les mains des puissants.
Le racisme était également une tare des opalins. Ceux qui, comme elle, était zoanthrope risquait gros dans cette ville ou la simple connaissance de ce fait pouvait valoir un allé simple vers les laboratoires secrets de la ville.
Opale la puissante, Opale la resplendissante, Opale la lumineuse.
Tant de beauté pour camoufler toute cette laideur.
C’est plongé dans ses pensées qu’Elizawelle sortit du Magistère. La pluie s’était presque complètement tarie et seules quelques gouttelettes s’échappaient encore des nuages. Elle prêta plus ou moins attention au chemin qui la menait jusqu’à chez elle, le connaissant par cœur.
C’est sans doute pour cela qu’elle ne comprit pas tout de suite qu’on la suivait. Sans les sens du jaguar, qu’elle utilisait presque en permanence sous la Brume, il lui semblait ne rien pouvoir sentir, ne rien pouvoir entendre, comme privée d’une partie d’elle-même.
Elle finit pourtant par s’en rendre compte malgré son instinct un peu endormi. Lorsqu’elle jeta un œil par-dessus son épaule, elle remarqua ce qui l’avait alerté : deux hommes la suivaient. Du moins, elle en avait l’impression.
Souhaitant se rassurer sur le fait que ces hommes empruntaient simplement le même chemin qu’elle, Elizawelle s’enfonça dans une rue transversale. Attentive, elle serra les dents en constatant qu’ils la suivaient toujours. Sans son sac, elle aurait sans doute eu une chance de les semer, mais son poids la ralentirait et il n’était pas question qu’elle abandonne ses affaires. Se transformer en pleine ville aurait sans doute été la pire des idées.
À la place, la jeune femme choisit de retourner vers les quartiers du centre-ville, de là où elle venait, et surtout, là où il risquait d’avoir un peu plus de gens dans les villes. Non pas qu’elle espérait que quiconque l’aide dans cette ville du chacun-pour-soi, mais plutôt parce que les regards pourraient faire réfléchir ses poursuivants.
Augmentant la cadence, serrant les poings, Elizawelle réfléchissait. Comment se débarrasser d’eux ? Elle aurait pu sortir son arme pour les dégommer à distance, mais ce genre d’action risquait d’avoir des conséquences autrement plus désastreuses pour elle si ces hommes avaient la moindre réputation. De plus, elle ne tenait pas à recourir à des moyens aussi extrêmes lorsqu’elle pouvait l’éviter.
Alourdie par la fatigue de son voyage, l’esprit pas aussi clair qu’elle l’aurait voulu, la jeune femme finit par comprendre qu’elle ne les sèmerait pas. Ainsi, elle s’arrêta sous le toit d’un pavillon qui ornait l’intersection de rues habituellement assez fréquentées. Malheureusement pour Elizawelle, les rues étaient vides, ce soir.
Ils étaient à quelques mètres, maintenant. L’un d’eux portait un uniforme de garde, mais tous deux semblaient sous l’influence de substances qui ne devaient pas être que de l’alcool. La jeune femme grimaça lorsqu’ils la hélèrent.
- Alors, ma jolie, on cache des secrets ? demanda le plus petit des deux.
– On t’a vu, on t’a reconnu, allez, montre-nous, chantonna l’autre d’un ton qui fit froid dans le dos à Elizawelle.
– T’es une ZOAN, hurla grossièrement l’homme en la pointant alors que son compagnon affichait un air dégouté. Une putain de zoanthrope. Qu’est-ce qu’un animal comme toi fiche ici, hein ?
Ils approchaient de plus en plus et Elizawelle recula instinctivement. Devait-elle sortir son couteau ?
– J’ai entendu ce qu’ils ont dit, susurra une voix à son oreille. Une bête de foire.
Elle sursauta. Un troisième homme était là, tout près d’elle, et sa voix doucereuse provoqua une vague de dégoût chez la jeune femme. Elle voulut fuir, mais il la tenait déjà.
– Je l’ai, les gars, cria-t-il alors qu’elle tentait, sans succès, de se libérer de son emprise.
Sous la panique, la jeune femme n’arrivait pas à envisager de solution.
C’était un cauchemar.