Mar 14 Fév - 13:34
Lian Wu
Xandrie / Chef d’état
- 39 ans / 1861
- Portebrume / Masculin
- Xandrie
- Pansexuel / Il/lui
- Ministre du Commerce de Xandrie
Description
Aujourd’hui, lorsque la plupart des gens pensent aux têtes dirigeantes de la ville, c’est le visage de Wu Lian qui s’impose dans les esprits. Bien sûr, son teint de peau ou la couleur de ses cheveux y sont sans doute pour quelque chose, lui qui a hérité de tous les traits de la famille royale. Ou peut-être est-ce son œil mutilé qui le rend aussi inoubliable. Cependant, il y a sans doute un peu plus : le mariage des parents de Lian a longuement alimenté les commérages, jusqu’à la naissance de l’enfant. Dans la ville, on avait suivi avec intérêt ses premiers pas, lui, né de la sœur du roi et du ministre du Commerce.Lian avait d’ailleurs tous les traits qu’il aurait pu avoir hérités de sa mère : une peau claire, de longs et raides cheveux de jais et des yeux en amandes aux pupilles noires. Publiquement, on le vit grandir dans une famille heureuse et prospère qui alimentait allègrement les potins de l’aristocratie xandrienne. Cependant, la famille du ministre n’était pas du genre à faire scandale. Dans l’enfance, le jeune garçon parait timide, mais on est vite marqué par son éloquence particulière. Sérieux et exigeant, surtout envers lui-même, il est appliqué dans ses études et excelle aux examens.
On le reconnait dans la rue, on s’enquiert de son bien-être. On se souvient de lui dans les bras de sa chère mère, courant dans les couloirs du palais, étudiant avec assiduité auprès des meilleurs percepteurs. Les xandriens ont grandi en même temps que lui, ont assisté à ses déboires et ses échecs. Ils l’ont accompagné dans son deuil de son œil gauche, celui qui malgré lui attire le regard, marque caractéristique connue de tous. Détruit il y a des années, ne lui laissant qu’un résidu de vision, accompagné d’une marque sur la pommette. Au-delà de sa pupille, une sclère rougit, inquiétante, un œil fuyant à la vision réduite.
Tous l’ont vu accompagner son père malade, puis le remplacer progressivement dans ses fonctions. Tous ont assisté à sa nomination. Oh, ce cher ministre, si gentil, si prévenant, si familier. Il n’est pas parfait, mais il fait au mieux pour les xandriens, il tente de réparer les erreurs des autres ministres. Il s’enquiert de la populace, offre une somme à ce nouvel orphelinat. Si bon, si prévenant...
Verrez-vous un air moqueur passer dans son regard ? L’apercevrez-vous lever les yeux au ciel avant de sourire et tendre le bras à cette dame ? Entendrez-vous son soupir lorsqu’on le remerciera dans la rue ? Rien n’est moins sûr, car Lian est spécial. Parfait. Personne ne lui arrive à la cheville. Personne ne connait ses vices, tout est dissimulé. Il y veille bien. C’est lui qui a le contrôle, marionnettiste accompli. De quelques mots, il saura vous convaincre. Ou d’un peu plus, si nécessaire. Peut-être écouterez-vous votre instinct, tenterez d’éviter les dents du requin. Et pourtant, sans comprendre pourquoi, vous lui serrerez la main, vous l’écouterez déblatérer sur les grandes possibilités que votre alliance vous apporterait. Pourrez-vous résister à une affaire avec lui ? Verrez-vous les pièges qu’il vous tendra, les frais qui iront dans ses poches ?
Car peu importe ce qu’en croient les habitants, Lian n’est pas un xandrien ordinaire, et sa vie a été bien différente de ce que la plupart imaginent. Ne lui reprochez rien, vous vous retrouverez accusé à sa place, convaincu de votre propre culpabilité. Sans failles, sans défauts, toujours bien mis, toujours irréprochable. Personne ne voit les caves d’alcool qu’il vide, cette salle sombre imprégnée de vapeurs d’yhsem, les cachots où il aime entendre les plaintes des prisonniers. Non, personne ne voit l’homme vil derrière le masque. Il y veille, réduit au silence les indésirables, manipule les médias, préserve son image.
Il ne s’intéresse pas aux souffrances de la cité, ne voit pas le bateau qui coule lentement, ne perçoit pas l’ampleur de la rébellion. Enfermé dans sa bulle de richesse, comblé par la puissance qu’il possède, Lian se prélasse tel un triton dans l’eau. Il n’en a rien à faire des autres, de son oncle stupide qui occupe le trône, de sa cousine bâtarde qui réclame cette place. Il étouffe les rumeurs, rend la révolution responsable des plus odieux crimes, travaille à leur discréditation sans pour autant les prendre au sérieux. Ils font des vagues, mais ne peuvent renverser l’océan. Lui n’a pas besoin de le renverser : il le contrôle.
Et pourtant, des failles apparaissent alors que la dépendance le tient. Remarquerez-vous son pas chancelant après un énième verre ? Verrez-vous les signes du manque, les cernes sous ses yeux et la sueur qui perle sur son front ? Tranquillement, son esprit est rongé. Tranquillement, il divague, se perdant dans les détours inconnus. Il cherche à rester droit alors que lentement, mais surement, sa nébula le ronge de l’intérieur. Plus assez fort, l’esprit perturbé, il ne s’avoue pas vaincu et lutte aveuglément contre son invisible ennemi. Une lutte qu’il noie sous l’alcool et la fumée, refusant de s’avouer les erreurs qu’il commence à accumuler.
Cette bâtarde ne mérite pas le trône. Pas plus que les autres.
C’est à lui qu’il doit revenir.
Habiletés et pouvoirs
Secret jamais dévoilé, Lian est en réalité un portebrume. Il possède un pouvoir de persuasion vivifié qui lui permet d’influencer les actes et décisions, mais aussi d’hypnotiser périodiquement une cible. A-t-on mentionné la propension de Lian à la manipulation ? Sa nebula commence d’ailleurs, contre son gré, à se renforcer, et son esprit perd peu à peu du terrain. Le ministre est encore assez fort pour y résister, mais combien de temps pourra-t-il encore lui résister ? Il use et abuse de son pouvoir depuis tellement longtemps...Il navigue entre les bals et les soirées mondaines, serre la main des riches familles opalines, investie habilement dans les technologies du Myste, offre un verre à ce directeur du Magistère. Sans marquer de différence, il s’enquiert des difficultés des grandes guildes xandriennes, se penche pour récupérer un éventail échappé, négocie poliment avec les autres politiciens. De loin, on aime à l’observer, à potiner sur son avenir, à deviner qui il prendra comme femme : célibataire convoité, mais inaccessible. Il évite habilement les questions, détournant la conversation d’un trait d’esprit.
Maître du commerce, fin négociateur, tout tourne à son avantage. Son avantage à lui, et à lui seuls. C’est sans doute pour ça que sa fortune augmente alors que les coffres de l’état se dilapident. Sommes discrètement remisés, blanchissage d’Astras, transactions clandestines... Ceux qui savent tirer leur épingle du jeu s’élèvent parmi les autres. Dans un pays libre, chacun devient ce qu’il souhaite, n’est-ce pas ? Ce n’est pas lui qui plaindra la plèbe.
Autour de lui, cinq conseillers triés sur le volet, cinq pions aveuglés, esclave des apparences et de la haute société. Choisis pour leur avidité, ils ne sont là que pour les Astras, et c’est par eux que Lian les lie à lui. Chacun d’eux a des dettes, des dettes immenses, impossibles à rembourser malgré le salaire faramineux qui leur est versé. D’apparence généreux, Lian tire les ficelles, joue à leur insu, profitant de son pernicieux pouvoir.
Les gens sous sa coupe sont légion et certains l’ignorent même. Sous des noms d’emprunt, Lian a investi dans l’industrie automobile opaline, possède une usine de textile en pleine expansion et a investi dans quelques boutiques dans des domaines tels que le textile, les soins personnels et les produits du myste. Tout cela sans parler de ses contacts, de ses liens dissimulés avec les grands noms des quatre cités, de ses magouilles avec les Reddington. À l’abri des regards reposent une fortune impressionnante. L’opinion publique s’entend pour dire que cette fortune provient de son héritage, mais en vérité, elle est surtout le résultat d’investissements stratégiques, de placements judicieux et de pots de vin généreux.
Portebrume persuasion — Grande fortune — Liens avec Opale — Beaucoup de subalternes — Investissements variés — Corruption
Biographie
Lentement, on descend ton corps dans la fosse. Tout autour, les regards m’empêchent de cracher sur ta tombe, mais ce n’est pas l’envie qui manque. Alors que les sanglots actés de la dame à mes côtés résonnent pendant la litanie du célébrant, je contiens ma colère. Tu ne mérites pas ma présence à tes funérailles, père. Et je ne suis pas ici pour toi, sache-le. Si mère n’avait pas insisté, si elle ne m’avait pas si habilement fait remarquer l’importance que l’on m’y voit, je n’aurais pas assisté à ta mise en terre.« Je suis fier de toi, mon fils ». J’ai l’impression que ma vie entière a été consacrée à l’espoir d’un jour entendre ces mots. L’es-tu, père ? Me vois-tu enfin, maintenant que tu as rejoint l’Isthe, pendant que ton corps rejoint sa dernière demeure ? Le petit garçon que j’étais aurait tant voulu te l’entendre dire. Mais tu étais trop fier. Trop préoccupé par ton poste pour en avoir quelque chose à foutre. Je n’étais qu’un pion destiné à te succéder. Et je déteste le fait de marcher dans tes pas.
Dans un coin de la pièce, le garçon serre ses genoux contre sa poitrine, le visage enfoui. Il est là, tremblant légèrement, des larmes silencieuses coulant sur ses joues rougies. Déjà, camouflée par sa chevelure, une marque s’assombrit autour de son œil, des traces de doigts s’impriment sur son bras.
Le père indigne quitte la pièce, la voix rauque de mille hurlements. Il chassera vite son fils de son esprit, cependant. Et ce dernier, seul dans la pièce, attendra, sans savoir quoi exactement.
La douleur pulse sur sa peau. Tant et bien que mal, il retient ses sanglots, qui passent malgré lui la barrière de ses lèvres serrées. La douleur. La honte. Son cœur a sombré dans le fond de son estomac, éteignant son regard si brillant.
J’ai travaillé fort pour que ton nom sombre dans l’oubli, père. Aujourd’hui, je suis devenu plus que toi, plus que tu n’as jamais été. Tu n’as pu que rêver de cette puissance qui est mienne aujourd’hui. Tu étais trop couard pour faire ce qu’il fallait. Je sais que tu m’envies, désormais, père. L’argent qui coule à flots, la reconnaissance du roi, rien ne t’a fait plus rêver. Pourtant, jamais il ne t’a fait confiance comme à moi. Il aurait dû, pourtant. Je n’ai pas grande estime pour le jugement du roi. Le pauvre croit que j’œuvre pour lui. Il ne regarde même plus ce que je lui fais signer. Ah !
Ces gens, tous ces gens présents pour ce dernier au revoir... Saurais-tu en reconnaître la moitié, toi dont la mémoire s’est enfuie de longues années avant que son corps devienne poussière ? Maintenant, c’est moi qu’ils estiment, c’est moi qu’ils consultent lorsque l’argent leur fait défaut. Tu ne leur manqueras pas, j’en suis certain. Ils t’oublieront vite, toi qui avais l’ambition de marquer l’histoire. Tu as fait trop d’erreurs, père.
Décret royal 62457-1858
Sur la demande de Zuang Shin-Mu, honorable princesse du royaume de Xandrie, et de Zhào Cheng, ministre du Commerce de Xandrie, Nous, Huan Qin Long, par la grâce des Esprits, Roi de Xandrie, ordonnons la célébration de leur mariage.
Nous sommes convaincus que cette union sera bénéfique pour notre pays et que les talents et les compétences de Zuang Shin-Mu et Zhào Cheng seront un atout pour notre famille. Nous souhaitons que ce mariage soit source de joie pour nos sujets et que les mariés soient bénis dans leur vie conjugale.
Quand tu as marié la sœur du roi, que le roi t’a nommé ministre, tu n’étais qu’un pion, toi aussi. Le savais-tu ? Entre les mains de ton propre père, tu as fondu, comme je me suis liquéfié face à ta volonté. Tu t’es laissé marier à une femme que tu n’aimais pas, que tu n’estimais pas, simplement pour son nom. Puis, tu m’as eu. L’accouchement fut difficile, rendant Mère stérile, t’empêchant d’espérer un autre successeur, plus digne, plus fort. Mais j’étais ton fils, ton premier né, et tu m’as élevé comme tel, pour que je devienne le digne successeur que tu attendais. Le suis-je devenu, père ?
Ta sévérité était sans égal, et j’ai grandi sans ton amour et ta pitié, malgré tout obsédé par l’idée de te rendre fier. J’ai travaillé si fort, père, à un point que tu n’as jamais compris. Tu ne sais pas ce que tu me demandais. Tu ne saisissais pas qu’un enfant ne comprend pas les grands principes économiques qui régissaient ton métier. Et pourtant, j’ai étudié plus que n’importe quel enfant, le nez taché d’encre à force de demeurer penché sur mes parchemins. Mais ce n’était jamais assez bien pour toi. J’ai eu beau remporter des prix, recevoir des éloges de mes maîtres, jamais le regard que tu posais sur moi n’a exprimé de satisfaction.
– Père, s’exclama le jeune Lian, un grand sourire sur les lèvres. Père, j’ai eu le meilleur résultat, une fois encore !
Alors qu’il arrivait près de lui, le garçon ralenti, son sourire se transformant peu à peu en une expression de stupeur. Dans les yeux de son père brillait la déception, la même que celle qu’il avait toujours vue. N’avait-il pourtant pas été le meilleur ?
– Tu as gagné, tu dis ? Demanda l’homme tout en contenant visiblement sa colère. C’est à peine si tu as fait mieux que les autres. Crois-tu que tu pourras être le meilleur si tu ne te distingues pas davantage ? Je m’attendais à mieux. Beaucoup mieux.
Aurais-je pu te satisfaire davantage ? J’avais pourtant l’impression de faire de mon mieux. Certains diraient même que je me tuais à la tâche. Avait-on déjà vu un enfant aussi cerné ? Tu ne fus pas plus tendre lorsque je grandis, père. Tes exigences augmentaient en même temps que mon âge, tes violences atteignant de nouveaux sommets, touchant la limite que mon corps pouvait supporter. Jusqu’à l’adolescence, je supportai sans broncher. Sans parler. Sans me plaindre. Mère voyait bien ce que je vivais, mais cette pauvre sotte était trop faible pour me protéger. Elle aurait dû, pourtant. Mais jamais elle ne fit un geste pour m’aider, se contentant de panser mes plaies après coup et d'excuser tes gestes. Elle n’était qu’une pauvre victime, sans doute.
Mais je continuais de grandir et ma rancœur persistait. Enflait. Jusqu’à ce que je ne puisse put supporter ton visage tordu, la répugnance de ton regard. Et un jour, un jour, j’arrêtai le coup qui volait vers moi. Ce jour-là, ton poing dans ma main, je compris que j’étais plus fort que toi. Est-ce l’idée de perdre ton emprise sur moi qui te fit aussi peur ? Ou peut-être est-ce le sourire carnassier que je t’adressai. Car alors, je n’avais plus peur. Les rôles étaient inversés.
Quelques jours plus tard, tu m’envoyais étudier à Opale. Espérais-tu que l’arrogance des opalins, leur sentiment de supériorité sur les xandriens materait ce début de rébellion que tu avais vu en moi ?
Oh, je crois qu’au fond, tu as regretté ce choix. Loin de toi, de la pression et des regards, mon arrogance ne s’est pas éteinte, au contraire. Encore plus qu’aujourd’hui, j’étais convaincu d’être le meilleur, et mes professeurs me donnèrent vite raison. Tu m’avais élevé avec une conscience rare de l’économie, et cette exposition précoce à la négociation, la stratégie d’affaires et l’intrigue politique avait fait de moi un maître dans le domaine, même parmi les nobles familles de la cité des lumières. Et alors que la puberté transformait mon corps, j’appris auprès de mes nouveaux amis l’art de charmer.
Car des amis, je m’en étais fait beaucoup, et à travers eux j’eus un aperçu plutôt fidèle de l’œuvre d’art qui dessinait secrètement l’avenir politique de la cité des lumières. Devrais-je mentionner la belle Adélaïde Reddington, l’une de mes plus vieilles amies ? Nous apprécions nous rejoindre le temps de joutes aux paris risqués, de discussions autour d’un verre ou d’une nuit dans mon lit. Elle ne fut pas la seule à y passer, et tout au long de ma scolarité, je jouais de mon charme, rendant des services, me créant des contacts. Car ma vie, à l’époque, me semblait toute tracée, et rien ne semblait pouvoir m’en déroger.
J’étais téméraire à l’époque, sans doute trop. Je connaissais pourtant les rumeurs sur l’Île aux Dragons, mais je ne les avais pas pris au sérieux. L’argent et la gloire que m’apporterait cette excursion me semblaient alors un prix tout à fait raisonnable pour accepter le pari que me proposaient mes amis. Ainsi, accompagnés d’un autre ami tout aussi inconscient que moi, nous nous préparâmes à passer une nuit dans les vieilles mines brumeuses de l’île. Si je n’avais pas été aussi orgueilleux, la traversée mouvementée sur les flots déchainés aurait suffi à me faire abandonner. Mais quelque chose me poussait à continuer.
Oh, petit être fragile. Tu t’es aventurée dans ce tunnel pour les impressionner, je le vois, je te sens. Mais l’Île aux Dragons n’est pas un simple terrain de jeu. Ne t’avait-on donc pas prévenu des dangers que recelaient les vieux tunnels ? Sans doute craignais-tu davantage l’instabilité de la mine que vous exploriez... Tu aurais dû te méfier de Nous, petit être fragile. Notre réputation... Tu avais entendu parlé de notre Malice, mais tu as oublié la prudence, petit être fragile, petit être prétentieux.
Maintenant, tu es notre instrument.
Condamné à l’errance, tu seras.
L’aventure m’avait appris une chose : on ne blaguait pas avec la Brume. Et pourtant, je m’en étais sorti admirablement bien, bien mieux que l’idiot qui m’avait accompagné. Son esprit, si faible, si malléable s’était fait engloutir par la nebula qui l’avait parasité presque instantanément. Et moi, malgré l’étrange sensation, j’avais apprivoisé la mienne sans jamais que mes camarades ne le soupçonnent. Et lorsque je compris le cadeau qui m’avait été fait... J’avais véritablement été béni par les Esprits. Je ne me plaignis pas du massacre de mon œil. Ma vision en était certes affectée, et ma périphérie gauche m’était devenue inaccessible, mais je sais aujourd’hui que ça aurait pu être pire, bien pire.
Ce deuil fut d’autant plus facile que ceux qui ne s’étaient jamais intéressés à moi furent piqués par la curiosité, ce qui me permit de créer de nouveaux liens, toujours plus improbable. Mais je n’étais pas du genre à me livrer et je conservais pour moi tous mes plus sombres secrets.
À mon retour au pays, diplôme en main et recouvert de récompenses, je fis face à mon père sans crainte, le fixant de mon œil écorché, et je lui soufflai ma vérité. Auparavant manipulé, je devins bien vite manipulateur, et c’est sur lui que se développa mon pouvoir de portebrume. Mes incessantes influences, dont il ne prit jamais pleinement conscience, finirent par le perturber. Il devint d’abord paranoïaque, convaincu d’être observé, contrôlé. Son esprit se détraqua lentement et sa mémoire lui fit bientôt défaut. Avec les années, il fut confié aux soins d’une gouvernante qui dû l’assister dans les tâches les plus intimes. Son esprit réduit à celui d’un enfant, sa mémoire le fuyant plus rapidement qu’un célécursus, ses possessions devinrent miennes et grâce à l’estime que le roi, mon oncle, me portait, il me nomma à sa suite. Sans doute était-ce l’option de la facilité pour ce roi complètement détaché de la réalité.
Décret 5349-1884
Monsieur Xu Lian, ministre du Commerce de Xandrie
Afin de stimuler le développement économique de la cité de Xandrie ainsi que la création d’emplois, le ministre du Commerce déclare que les entrepreneurs étrangers investissant dans les secteurs à forte intensité de main d’œuvre de l’économie xandrienne [annexe 16, 45e alinéa] bénéficieront d’une exemption temporaire de certaines taxes ainsi qu’une réduction d’impôt.
J’étais excessivement prudent, au départ, mais je compris rapidement comment mener mes affaires afin de les mener à bien. Après tout, j’avais eu de bons professeurs. Je m’amusai de plus en plus à jouer sur divers tableaux, dissimulant pot de vin et lois avantageuses pour mes plus vieux amis. Je m’assurai aussi de régulièrement prendre le thé avec le roi, consolidant nos liens jusqu’à ce que sa confiance me soit totalement acquise. Il me mange à présent dans la main, trop centré sur sa propre personne pour percevoir le ton doucereux de ma sollicitude.
Rapidement, je compris l’importance d’avoir une équipe forte et solide autour de moi. J’avais peu d’amis, et aucun d’entre eux ne pouvait croire connaître tous mes secrets, mais je me devais malgré tout d’être entouré de gens pouvant m’aider, me soutenir dans mes fonctions. Je recrutai donc un premier conseiller, un homme de la haute société que je connaissais pour avoir gagné quelques paris contre lui. Je compris alors à quel point l’argent pouvait être une motivation puissante, et lorsqu’il accepta de devenir mon conseiller, je m’assurai de mon côté qu’il ne pourrait jamais totalement me rembourser ses dettes.
Je fis la même chose avec mes conseillers suivants. Tous n’ont pas les mêmes travers, mais tous en ont, sans en douter. Des hommes peu scrupuleux qui me sont fidèles, parfois même au-delà de la dette faramineuse que je me suis débrouillé pour leur coller sur le dos. Chacun d’entre eux possède des bribes d’informations, juste assez pour leur permettre de me conseiller efficacement dans le domaine pour lesquelles je les consulte, mais assez peu pour ne pas vraiment pouvoir me nuire. Ceux qui ont exprimé des doutes à mon sujet, eux, ont le plus souvent disparu, ou ont été étrangement convaincus du contraire après un petit entretien avec moi...
L’argent coulait à flots, me permettant d’influencer efficacement les affaires de l’État. Alors que je contribuais publiquement à la restauration des rues, à la construction d’un hôpital ou à l’expansion des technologies du myste, d’autres affaires me rapportaient des sommes extraordinaires. Mes investissements étaient payants et mes arrangements avec Opale et certaines des familles fondatrices me permettaient de vivre dans un confort que même mon père n’avait pas connu. Le myste avait envahi le palais royal, permettant à la famille impériale de vivre avec un confort nouveau, loin des bas-quartiers de la ville. Même les nobles profitaient de l’accessibilité grandissante de la société xandrienne.
– Où va-t-on mettre ça ? Chuchote une domestique à une autre, alors qu’un nouveau chargement arrive dans le palais.
– Nous trouverons, répondit-elle avec aplomb.
Malgré sa confiance, le découragement se lit sur son visage. Ce ministre accumule tellement de choses... Mais elle ne se permet pas de juger, même si elle ne comprend pas à quoi ça rime.
Il n’y avait que le bas peuple pour s’en plaindre. Les travailleurs des mines, les habitants des quartiers de la périphérie... et Qian Binghao. Je n’étais qu’un enfant à peine entré dans l’adolescence lorsque la putain du roi donna naissance à cette zoan bâtarde, et jamais je n’aurais imaginé, à cette époque, à quel point elle me mettrait des bâtons dans les roues. Elsbeth, puisque c’était sous ce nom qu’on la connaissait désormais, s’était fait connaître comme la leader de la révolution, et elle avait été particulièrement agaçante dans les dernières années. Mais elle n’était rien de plus, car jamais elle ne pourrait renverser l’ordre millénaire de Xandrie La Juste.
En contrôle des médias, j’attribuais plusieurs méfaits à leur petite organisation, allant jusqu’à faire des amalgames entre leur mouvement et la guilde des espions, un tour dont je suis particulièrement fier et qui continue d’entacher leur réputation encore aujourd’hui. Je demeurai toutefois prudent, préservant au mieux mes secrets, espionnant la révolution tout en étant certain qu’elle m’espionnait en retour. De toute façon, qu’y a-t-il à découvrir. Car en parallèle, les médias vantaient mes accomplissements, ma bonté de cœur et mon beau sourire. Car aux yeux du peuple, j’étais un sauveur.
D’un geste habile qui témoigne de l’habitude, le ministre sort sa flasque de sous son veston, l’ouvre de ses dents et tente d’en prendre une lampée. Seule une goutte vient humidifier ses lèvres. Frustré, l’homme secoue le contenant, comme si davantage d’alcool allait subitement y apparaître. Étouffant un grognement, il jette la flasque puis loin, son mouvement le faisant presque perdre l’équilibre tant son pas est chancelant.
– Tais-toi, père, lança-t-il d’une vois pâteuse, sa main s’élançant mollement vers le vide.
Si seul. Si pathétique.
La puissance lui a-t-elle monté à la tête ? Est-ce l’ennui qui l’accable à ce point ? Est-il seulement à la recherche de sensations fortes ?
Les raisons importent peu. Lentement, Lian sombre. Il lui est de plus en plus difficile de s’abstenir de consommer. De plus en plus, on le voit sortir sa flasque en public. Le soir, il s’enferme dans cette pièce pleine de vapeurs d’yhsem, se convainquant que cela ne lui sert qu’à avoir une bonne nuit de sommeil. Et pourtant, il consomme de plus en plus, de plus en plus tôt, dans des situations de plus en plus périlleuses. Combien de temps pourra-t-il maintenir le masque de l’homme parfait ?
Que peuvent-ils contre moi ? J’ai tout ce que j’ai toujours désiré.
Et bientôt, le trône me sera offert, n’en doutez pas.
À bas la révolution ! / Elle
DC d’Elizawelle. J’espère que vous adorerez détester ce charmant personnage !
Dernière édition par Lian Wu le Mar 14 Fév - 23:08, édité 3 fois