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[Quête] Cherche et trouve

[Quête] Cherche et trouve Brandw10
Dim 11 Déc - 15:21

[QUÊTE] CHERCHE ET TROUVE

Elizawelle en solo, 1898


La Mer de Brume.  

Elle était empreinte de mystère, étrange et dangereuse, vivante et malicieuse. Eliza en avait une peur sinistre, la ressentait comme une menace de mort. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher d’y être irrémédiablement attirée. Toute son âme la poussait à arpenter ces terres brumeuses, alors que son corps s’agrippait au sol d’Uhr en freinant les efforts de cette autre part d’elle-même. Si elle levait la main, elle la toucherait, barrière intangible séparant le continent de son océan. Immobile depuis un moment, la fille s’anima brusquement, et elle fit un pas en avant.

Elle retint son souffle au moment de franchir la frontière de la Brume, plongeant dans celle-ci comme on s’immerge dans la mer. Tout de suite, ce silence si particulier l’entoura, et elle ouvrit les yeux. Le réflexe naturel de regarder autour d’elle se heurta à un mur de frustration. Avec le brouillard, elle ne voyait pas l’horizon, et ses repères en étaient chamboulés. Aussitôt, elle ferma à nouveau les yeux, respirant doucement pour calmer les battements de son cœur. Si elle avait souvent franchi la frontière avec un groupe d’aventuriers, c’était la toute première fois qu’elle s’aventurait seule dans la Brume.

Les yeux fermés, ses autres sens s’éveillèrent, et c’est avec le bonheur que cela lui procurait toujours qu’elle les découvrit intacts. Pourtant, la Brume restait présente, pesante, marquant de façon indélébile sa présence par une émotion sinistre. Consciente d’avoir quitté les limites de la civilisation, Elizawelle se dévêtit lentement. Comme pour un rituel, elle déposa lentement son immense sac de voyage au sol, y rangea soigneusement ses vêtements et saisit dans l’une des poches un morceau de viande séchée, sans jamais ouvrir les yeux. Elle mâcha longuement la viande avant de s’étendre sur le sol, son sac sur le dos.

Elle prit une grande respiration puis ouvrit son esprit à sa part animale, aux instincts sauvages qu’elle réprimait normalement, aux sensations mystiques de sa part féline. La douleur fusa alors, telle une ligne de feu, le long de sa colonne vertébrale. Le supplice s’éternisait alors que la jeune femme endurait vaillamment la douleur, veillant à guider sa respiration lorsque celle-ci se bloquait sous l’assaut de la brûlure. Elizawelle serra les dents, laissant le braisier familier se propager dans son corps, du sommet de sa tête au bout de ses orteils, du fond de ses os à la surface de sa peau. Alors que la douleur s’était amplifiée chaque seconde, elle prit soudainement fin, aussi abruptement qu’elle avait commencé. Liz prit une grande respiration, et tout de suite la situation lui parut différente. Féline. Son soupir de soulagement devint un ronronnement sourd provenant du fond de sa poitrine.  

Lorsque le son d’une arme à feu retentit, le jaguar bondit sur ses pattes aussi rapidement que son ronronnement cessa. L’arme était toutefois loin, si loin qu’une oreille humaine ne l’aurait sans doute pas perçu. Pour Elizawelle, toutefois, cela sonna comme un coup de départ, et elle s’élança vers les profondeurs de la mer de Brume, se laissant guider par l’inexplicable sens de l’orientation du jaguar, attentive malgré tout aux moindres bruits. Sur le qui-vive, elle gardait une oreille sur les sons lointains qu’elle percevait, laissant l’instinct de préservation de sa part animale jouer son rôle pour l’éloigner des hommes. Car si près de la frontière, c’était d’eux qu’elle devait se méfier le plus.  

*****

Elle se réveilla en sursaut, les sens en alerte, avec l’impression étrange d’être épié. Elle planta profondément les griffes dans la branche sur laquelle elle avait dormi, écoutant attentivement. Elle ne perçut toutefois rien, même après plusieurs minutes sans bouger. Estimant que cette drôle d’oppression provenait de la Brume elle-même, elle s’étira en bâillant, saisit son sac dans sa gueule et descendit rapidement du tronc. La veille, elle s’était enfoncée dans la forêt de Dainsbourg, tout en veillant à garder ses distances avec la ville-ruine du même nom. Elle avait longé le Lavill de plus ou moins loin, le son de l’eau la guidant. La journée d’hier avait été sans surprises, malgré les dangers rôdant dans la Brume. Elle avait évité le plus possible les bruits humains et s’était servie de sa vitesse pour s’enfoncer vers des terres moins fréquentées. Là-bas, les aventuriers avides seraient moins nombreux. La sauvagerie de la Brume, toutefois, n’était pas bien loin.  

Il était rare qu’Elizawelle passe autant de temps sous sa forme animale. Lorsqu’elle se trouvait à Opale, elle veillait à conserver son apparence humaine à tout prix. La plupart des gens ne savaient rien de sa nature zoanthrope et elle-même n’en parlait jamais. Il lui était toutefois arrivé de passer de plus longues périodes sous sa forme féline lorsqu’elle partait à l’aventure. Pour autant, elle reprenait habituellement sa forme humaine régulièrement pour pouvoir communiquer avec ses compagnons. Aujourd’hui, rien ne l’y obligeait, et cela avait quelque chose de perturbant à laisser son esprit se fondre dans sa part jaguar. De plus, avec la Brume qui l’épiait, il valait mieux qu’elle garde l’esprit clair et organisé si elle ne voulait pas le perdre. C’était donc un drôle d’équilibre qu’elle apprenait à devoir maintenir, un équilibre contraire à celui qu’elle avait déjà compris lorsqu’elle était sous forme humaine.

Malgré tous les défis qu’elle rencontrait, les avantages du jaguar en pleine forêt étaient indéniables. Il avait une agilité et une souplesse que ne pouvait qu’imiter vaguement son corps humain, et ses sens exacerbés lui évitaient bien souvent de mauvaises surprises. Animal habitué à demeurer invisible, elle pouvait parcourir des distances beaucoup plus grandes grâce à la vitesse de ses quatre pattes et pouvait manger cru le produit de sa chasse, son estomac s’accommodant parfaitement de cette viande fraiche. Elle souhaitait également éviter de se transformer trop souvent. Elle le faisait volontiers lorsque cela était nécessaire, mais elle n’avait aucun plaisir à transmuter.

L’idée même de la douleur lui procura un frisson alors qu’elle tentait de conserver sa concentration. Elle avait faim, très faim, et il lui tardait d’aller chasser. Tout son corps se tendait alors qu’elle imaginait son prochain repas. Pour autant, elle se força à attendre, revérifiant son itinéraire avant de partir. Elle grogna de mécontentement en se contorsionnant pour remettre son gros sac sur son dos. Adaptée à la fois à sa forme humaine et féline, elle préférait habituellement l’enfiler sous sa forme humaine avant de se transformer, car les articulations du jaguar manquaient d’amplitude pour ce genre de chose. Elle avait toutefois appris à le mettre autrement, s’épargnant la douleur de deux transformations en échange d’une bataille frustrante avec les ganses du sac.  

Elle put alors reprendre sa route, et il ne lui fallut pas très longtemps pour humer le parfum d’une proie. Ralentissant le pas, elle suivit attentivement la trace laissée par l’animal, jusqu’à ce qu’elle pousse un grognement frustré. L’animal qu’elle pistait était certainement un cerf broyeur. La chair de cette bête était parfaitement délicieuse, mais il aurait été stupide d’approcher un troupeau de ces bêtes. À contrecœur, Elizawelle se contenta donc plutôt d’un simple couple de lapins qu’elle débusqua dans leur terrier. Cette chasse lui avait fait perdre de vue son véritable objectif, et elle se secoua, luttant contre l’instinct animal pour conserver une pensée construite et organisée. Elle avait accepté la mission de Krista Reddington, et elle avait plusieurs ingrédients à rassembler.  
Dim 29 Jan - 13:32

[QUÊTE] CHERCHE ET TROUVE

Elizawelle en solo, 1898


Elle avait été imprudente.

Alors qu’elle fuyait à toutes pattes, elle maudit sa propre insouciance. Sous sa forme animale, elle s’était coulée dans la vie sous la brume avec une aisance qui l’avait ravi, mais celle-ci semblait maintenant prendre sa vengeance sur elle, et elle avait eu la bêtise de perdre sa vigilance. Elle ne pouvait toutefois pas rester bien longtemps plongée dans ses pensées. Tous ses sens en alerte, elle fuyait sans regarder en arrière, s’éloignant le plus possible en tentant de prévenir les pièges mortels que cette forêt brumeuse cachait. Elle n’en avait jamais vu, mais avait entendu parler des légendes.

Un warg.

Elle s’était depuis plusieurs jours approprié un coin de la forêt de brume, effectuant journalièrement une ronde, se nourrissant et cueillant divers herbes et matériaux qu’elle devait rapporter à la civilisation. Son sac était resté dans le creux d’un arbre, celui où se trouvait la grosse branche qui lui servait de lit. Comme si elle était encore sur Uhr, elle ne s’était pas méfiée lorsqu’elle avait reniflé la trace d’un ursidé. Pourtant, elle avait été certaine qu’il ne s’agissait pas d’un ours noir ou d’un grizzli, deux créatures qu’elle savait identifier depuis longtemps. Alors pourquoi ne s’était-elle pas méfiée?

Elle était sortie de « son » territoire et avançait désormais à l’aveugle, tentant de rester concentrée sur son odorat et son ouïe alors que son souffle devenait de plus en plus court. Elle ignorait si elle avait semé le warg, mais les savait infatigables. D’un autre côté, si elle ne s’arrêtait pas, elle risquait de tomber sur un autre monstre ou encore de s’enfoncer dans un mur de brume, ces endroits ou le brouillard était plus concentré, plus dangereux, plus... vicieux. Elle changea brusquement de direction en sentant un troupeau de cerfs broyeurs, plutôt commun dans cette forêt.

Derrière elle, le silence était revenu. Le warg avait-il trouvé une autre proie ?  

Elle avait été si idiote! Comment avait-elle pu ignorer être sur le territoire d’un warg? Son territoire était particulièrement étendu, elle ne l’avait donc jamais vu avant que lui la repère, mais son odeur avait bien imprégné le sol et les branches, elle avait bien détecté les traces de plusieurs passages de l’ursidé, des traces récentes, et d’autres, vieilles de plusieurs semaines. Mais visiblement, elle n’était pas assez animale pour avoir saisi le fonctionnement de la créature, trop humaine pour avoir compris le danger qui planait sur elle.  

Et le pire dans tout cela, c’est qu’elle devrait y retourner. Elle ne pouvait laisser son sac derrière elle ou alors elle ne reverrait jamais Opale. Il contenait ses provisions, ses armes, tout son matériel, mais aussi tout ce qu’elle avait pu amasser dans les derniers jours. Elle prit donc la décision de faire un grand arc pour retourner en arrière. Cette fois bel et bien attentive aux traces olfactives du warg. Elle tenta également de demeurer le plus attentive possible aux autres traces. Ce qui était certain, c’est qu’elle ne referait plus cette erreur. Leçon apprise.  

* * * * *

Cette fois, elle aurait l’avantage.  

Après avoir semé le warg et attendu qu’il retourne d’où il venait, Liz avait entrepris de retourner à son arbre, voulant absolument récupérer son sac. Elle avait utilisé l’odeur des cerfs broyeurs pour couvrir la sienne et y était retournée avec toute la prudence dont elle était capable. Une fois sur place, elle avait repris forme humaine et était grimpé dans les arbres, si haut que les branches auraient cédé si elle avait été jaguar. Et maintenant, elle attendait.  

Ayant habillement daté le dernier passage du monstre, Elizawelle n’eut pas à attendre plus de quelques heures avant que celui-ci se pointe. Malgré la nuit et la brume, la zoan vit l’ombre de la créature rôder au sol. Elle retint son souffle, priant pour que son odeur ne la trahisse pas. Elle faillit défaillir lorsqu’elle le vit renifler l’arbre dans lequel elle était montrée. Heureusement, il ne fit pas la fine silhouette humaine plaquée au tronc, plusieurs mètres au-dessus de lui, et il continua son chemin après quelques minutes d’investigation désintéressée.  

Elizawelle passa encore plusieurs heures sur ce tronc. Après un moment, elle descendit malgré tout sur des branches plus solides et adopta sa forme animale pour être plus confortable. Elle s’autorisa quelques heures d’un sommeil léger duquel elle se réveilla sporadiquement lorsqu’un bruissement inattendu se faisait entendre. Au lever du soleil, sachant que le warg était nocturne, elle descendit au sol, alla récupérer son sac et s’empressa de quitter le territoire du monstre.