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Sauvons les narangpés !

Sauvons les narangpés ! Brandw10
Ven 2 Déc - 17:49

SAUVONS LES NARANGPÉS !

Ft. Bora Seol


Les braconniers avaient parlé de Lapis.

Elizawelle les suivaient depuis maintenant plusieurs semaines. Elle avait été engagée par un amoureux des animaux à Epistopoli, alors qu’elle y était pour une tout autre mission, pour le compte de la guilde. Elle n’avait pas revu Opale depuis de longs mois, et elle profitait d’être loin de chez elle pour visiter le monde et se faire quelques astras ici et là. La prime que proposait cet étrange scientifique épistote était d’autant plus intéressante qu’il n’avait pas hésité une seule seconde avant de lui payer une place pour prendre le large vers Lapis, après que la jeune aventurière lui ait rapporté ses trouvailles sur les intentions des braconniers.

Liz n’aimait pas du tout naviguer, même si cela était un comble pour une opaline. Le mal de mer la saisissait inévitablement, et même si elle savait d’instinct nager, les fonds marins étaient une source constante d’inquiétude. Tout cela aurait en revanche été plus facile à supporter si au moins elle n’avait pas eu le mal de mer. Elle failli donc pousser un cri de joie lorsque le capitaine annonça leur arrivée prochaine dans la cité scintillante. Son visage pâle n’avait pas quitté les teintes de vert depuis qu’elle avait quitté les côtes épistotes, et dès que la terre fut en vue, elle ne la quitta plus des yeux, guettant avidement les hauts toits de la cité, puis les teintes d’ocres et d’ivoire qui lui apparaissait peu à peu.

La zoan fut la première à mettre le pied sur le port, et elle failli rendre immédiatement le contenu de son estomac. La terre ferme, après tant de temps passé en mer, lui faisait l’effet d’une houle violente, et l’impression que le sol se dérobait sur ses pieds amplifiait ce mal de mer qu’elle avait espéré quitter en même temps que le navire. Elle entreprit, le pied hésitant, de s’engager plus profondément dans le port, et à mesure que la cinétose la quittait, son regard s’ouvrait sur la ville qui l’entourait. Il lui faudrait rapidement retrouver les pistes de ces braconniers, mais pour l’instant, l’aventurière devait prendre ses marques.

Lapis était aussi magnifique de près que de loin, même si elle n’égalait en rien la superbe qu’offrait la technologie opaline. Alors qu’elle avait ressenti depuis la mer l’aspect grandiose de la cité côtière, elle pouvait maintenant admirer le fin contraste entre l’émail orangés des toits et les motifs d’un bleu aquatique qui courraient sur les murs. La température, toutefois, était étouffante, et même si la zoan était habitué aux climats humides, elle n’arrivait pas du tout à trouver cette chaleur agréable. Son attention fut cependant rapidement détournée de la température, et c’est avec plaisir qu’elle découvrit les étals marchands qui ponctuaient sa visite du port.

Elle aida une vielle dame à transporter l’énorme sac d’agrumes que celle-ci venait de se procurer. Bien que cette aide ait été offerte de manière désintéressée, elle eut le bonheur d’en apprendre plus sur la créature que cherchait les braconniers qu’elle avait suivi jusqu’ici. La jeune aventurière mentionna à la dame qu’elle pourrait facilement nourrir tout un groupe de narangpé avec cette quantité de fruit. Cela la fit rire, et Elizawelle mena habilement le sujet. Grâce à cette conversation, elle glana quelques informations sur l’habitat de la créature, et se fit remercier d’une limonade plus que bienvenue. Satisfaite du déroulement plus que prometteur de cette journée, Elizawelle quitta la dame avec un sourire.

Le soleil était haut dans le ciel, et la zoan retourna rapidement dans le feu de l’action, écoutant les conversations des passants tout en sirotant sa boisson fraiche. Elle marcha encore un bon moment avant de s’arrêter près d’un marchand de pierre à l’air sympathique, s'enquérant d'un endroit où elle pourrait dormir après son long voyage et ses dures nuits passés dans la cale du navire qui l’avait mené jusque-là. Tout aurait pu se dérouler normalement si elle n’avait pas soudain été bousculée par un jeune homme qui lui fit échapper sa limonade. Celle-ci s’écoula au sol, la privant brusquement du précieux rafraichissement.

Furieuse, Liz se retourna vivement pour l’apostropher et fut soudain frappé par l’odeur pestilentielle de fruits qui se dégageait du jeune homme. Une odeur de fruits ? Il n’en fallu pas plus à la zoanthrope pour comprendre à qui, ou plutôt à quoi elle avait à faire. Et en plus de la mine d’information que représenterait vraisemblablement ce garçon s’il acceptait de la renseigner, il serait très probablement dans l’intérêt de celui-ci de l’aider dans sa mission, si toutefois elle ne se trompait pas sur la nature du jeune homme.

Tu as gâché ma limonade, s’exclama-t-elle, visiblement irrité. J’ose croire que tu as ce qu’il faut pour la remplacer ?


Dernière édition par Elizawelle Flatterand le Sam 21 Jan - 2:26, édité 1 fois
Mar 20 Déc - 20:35


Sauvons les Narangpés !

- ft.  Elizawelle Flatterand


Était-on vraiment surpris ? Entre les étals, des milliers de couleurs, les draps tendus, les voyageurs et leurs bêtes; entre les denrées alimentaires et les artefacts précieux venus de loin, Bora courrait, évitant d'un bond à peine les pieds des seigneurs et les cannes des anciens, les chapeaux des dames et les têtes des enfants. On hurlait à tue-tête des Au voleur ! et des insultes toutes plus colorées les unes que les autres, au milieu des rires des plus jeunes et des négociations des commerçants. On entendait à peine le claquement de ses pieds nus sur la pierre blanche, brûlante, et sa respiration saccadée. On ne voyait qu'une fureur blonde passer, en coup de vent, envoyer valser les tonneaux et les caisses de vivres, renversant les pintes de bière des capitaines et les élixirs de jouvence des marchands. D'un saut, le narangpé s'enfuit sur sa droite; d'une glissade, il s'engouffra sous une planche à sa gauche; dans ce dédale de stands et de livraisons, en plein milieu du vaste marché labyrinthique de Lapis, une chasse au singe avait tonné pour quelques oranges et une sacoche d'artefacts. Était-on vraiment surpris, de la part de Bora Seol, le rejeton désavoué des plus grands, le vilain petit macaque, qu'il fut embarqué dans un énième brigandage de la sorte ?

Pas vraiment, en réalité. Et alors que le soleil étouffait les cœurs des étrangers et réchauffait les voix des marins, que la brise salée de l'océan pendait encore dans l'air et tapissait les conversations, le jeune fils des Ira Seol disparut dans les étalages. On le chercha encore une quinzaine de minutes, mais il était introuvable. Des vestiges de son sillon, les commerçants s'évertuaient à ramasser les morceaux, sauver leurs marchandises éparpillées au sol, et on perdit toute trace du chimpanzé et de sa pestilentielle odeur d'agrumes. Quelques mètres plus loin, mêlés aux équipages des bâtiments amarrés au vieux port, fondu dans la masse, les épaules recouvertes d'un textile céruléen dérobé au hasard, Bora se faufilait. Il l'avait échappé belle, une fois de plus, mais le doux parfum des oranges avait eu raison de sa famine et il devait se débrouiller pour financer son appétit - sa famille n'aidant pas. C'était une heureuse coïncidence pour lui de trouver entre ses mains l'étrange cristal qu'il avait arraché au marchand en même temps; elle partageait cette couleur d'orange brûlée à laquelle il n'avait pas prêté plus attention plus tôt. D'un geste nonchalant, il la rangea dans son sac et, resserrant sa bandoulière sur son épaule frêle, s'engagea à nouveau dans la foule.

Son pas s'accéléra doucement lorsqu'il entendit les voix des gardes un peu plus haut. On aurait porté à leur attention un signalement bien connu des patrouilles militaires, et s'il pouvait encore espérer perdre les vieux commerçants, il savait qu'il aurait du mal à perdre la compagnie de sa famille. Il y avait encore beaucoup de monde sur les quais, et il pouvait prétendre à encore quelques minutes de répit, peut-être, avant qu'on ne repère sa tête blonde au milieu des voyageurs. Il fallait qu'il agisse vite, et prudemment.

Absolument pas ce qu'il se passa, donc: D'un pied maladroit, il bouscula une jeune femme devant lui, renversant le contenu de son verre au sol. Son regard désarçonné se leva vers elle lorsqu'elle s'exclama quelques mots furieux. Il n'avait pas beaucoup de temps pour s'attarder sur l'évènement, mais si elle s'énervait davantage, elle allait attirer l'attention des gardes vers eux. Devant ses iris sévères, il se sentit étourdi. « Euhm. Je vous paie un verre, mademoiselle. Vos yeux scintillent comme des grenats et... » Il tenta un sourire flatteur, en vain, toute l'ineptie du monde trahie par sa voix incertaine. « ...votre beauté n'a d'égal que l'éclat des pierres les plus précieuses. » Sans réfléchir, ni laisser à la jeune femme le temps de réagir, le jeune singe lui attrapa le poignet et l'attira avec lui dans l'océan d'inconnus. Ils durent bien se hâter de la sorte un moment, puisqu'il la guida à la sortie du marché, sans un regard, et s'engouffra dans des ruelles plus à l'abri des oreilles indiscrètes.

Reprenant son souffle, il se tourna enfin vers l'inconnue. Sa peau était pâle et elle semblait à peine remise d'un long voyage - il avait l'habitude de croiser des voyageurs malades de ces éternels périples en mer, et la chaleur ambiante de la région ne les aidait jamais à s'en remettre. Ses cheveux sombres coulaient doucement sur ses fines épaules et contrastaient brillamment avec la pureté de sa chair. Ses yeux pourpre, à juste titre comme il l'avait souligné, semblable à des grenats, laissaient miroiter des intentions dissimulées. Même si elle l'avait voulu, elle n'aurait jamais pu prétendre venir d'ici; elle détonnait trop dans les paysages d'ocre et d'azur. Elle ne passait pas inaperçue, toute d'obscurité vêtue. Elle devait avoir chaud, sous cette longue trainée de charbon.

Il passa une main encore tremblante d'adrénaline dans ses cheveux de paille, respirant un grand coup. « Mes excuses pour la course. Et les compliments maladroits. J'avais de la compagnie. » Bora soupira, pointant le marché du doigt, d'où on entendait les échos de voix des gardes affairés. « Est-ce que je peux vous être utile, en compensation pour votre limonade... et votre discrétion? »



Dernière édition par Bora Seol le Mer 17 Mai - 17:19, édité 3 fois
Jeu 22 Déc - 2:07

SAUVONS LES NARANGPÉS !

Ft. Bora Seol


La ville défilait à toute vitesse alors que le garçon l’entrainait dans son sillage, se faufilant avec une vivacité inimaginable entre les étals des marchands, esquivant habilement les obstacles qui apparaissaient sur son chemin comme s’il avait fait ça toute sa vie. Était-ce cette persistante odeur de fruits qui la poussait à le suivre ? Ou encore cet intense regard qu’il lui avait lancé ? Ça ne pouvait quand même pas être à cause de ces compliments idiots, qui l’avait rendu profondément mal à l’aise (mais un peu flatté, quand même). Non, ce n’était pas ça, ou plutôt, c’était sans doute un peu tout ça. Suivre ce garçon dans sa fuite lui rappelait également ses propres balades dans les rues d’Opale, et elle assimila rapidement les codes de cette course. Amusé malgré elle, l’aventurière repéra rapidement les gardes et l’exaspération qu’elle crut voir du coin de l’œil lui laissa croire que ce fuyard n’en était pas à sa première offense. Oubliant que fritter avec ce genre de fauteur de trouble pouvait lui attirer des ennuis, elle fonça droit devant.  

Exotique, hors du temps, Lapis se prêtait bien à ce genre d’imprudence. Eliza se coula dans ce rôle de fuyard et usa de souplesse et de prévoyance pour suivre le garçon, à défaut de pouvoir comme lui se fondre dans le décor coloré qui les entourait. Habituellement maître en camouflage, la zoan se sentait étrangement exposée, remarquant les regards qui se tournaient vers elle. Il lui tardait maintenant d’atteindre un endroit moins bondé et elle accéléra sensiblement, se concentrant sur sa vitesse en confiant au garçon le soin de la guider. À Opale, elle ne sortait pas du lot, et elle n’attirait pas vraiment l’attention parmi les épistotes et des xandriens. Son apparence et ses cheveux sombres étaient plutôt universels dans les cités modernes, elle pouvait donc se fondre dans le décor sans effort.  

Ici, c’était le contraire : elle détonnait.  
Et elle n’avait pas l’habitude d’être remarquée.

Les étoffes multicolores offraient un spectacle tout en son et en vent, battant au rythme des conversations qui se perdaient dans le sillage de leur course. L’opaline se sentit soudain bien loin de chez elle, la ville usant de son exotisme pour la dérouter. Ce sentiment ne lui était pourtant pas étranger et elle plongea allègrement dans cet inconnu, curieuse de voir où cela la mènerait.
Étonnée, elle n’eut pas besoin de plus de quelques pas pour comprendre que malgré sa propre force et sa souplesse féline, elle n’arrivait pas à la cheville de l’adresse du jeune lapisien. Son agilité était inimitable et l’aventurière peinait à suivre le rythme alors qu’il filait à travers étals et voyageurs, connaissant visiblement ce marché comme le fond de sa poche. Même s’il n’y avait aucun doute sur le fait qu’elle gênait sa progression, le garçon ne la lâcha pas avant qu’ils n’eussent quitté les limites du marché, la guidant inlassablement hors de la foule avant de s’arrêter brusquement.

Lapis respirait à travers de ce garçon qui, maintenant qu’elle avait le temps de l’observer, ne lui semblait pas aussi jeune qu’elle l’avait cru. Légèrement plus petit qu’elle, il avait les cheveux qui irradiaient le soleil et une peau d’ivoire qui respirait le sable et la chaleur. Il était fin, voire même chétif et il paraissait indéniablement plus jeune que l’âge que projetait ce regard corail. À son apparence tropicale se mêlait cette odeur entêtante de fruits qui avait piqué la curiosité de la zoan.  
Du côté de la jeune femme, l’adrénaline semblait avoir définitivement chassé le mal de mer et elle avait repris quelques couleurs, même si elle ne se sentait malgré tout pas totalement remise de son voyage. Maintenant qu’elle avait couru, elle souffrait particulièrement de la chaleur, et la soif qu’elle ressentait lui rappela la raison pour laquelle elle avait suivi ce jeune homme. Elle avait retiré sa cape presque aussitôt descendue du navire, mais elle portait toujours un solide pantalon et une bonne quantité de cuir industriel qui lui donnait l’impression de cuire sur place.  

Le jeune homme s’excusa d’ailleurs platement, et il réussit définitivement à tirer un sourire en coin à Elizawelle lorsqu’il désigna les gardes qui les poursuivaient.  

- Toi, tu sais courir ! s’exclama familièrement Elizawelle de son accent opalin. On est suffisamment loin ?

Elle jeta un œil au marché puis désigna la ville du menton, prête à le suivre s’il désirait s’éloigner davantage. Elle offrit un visage avenant au jeune homme, regardant un peu autour d’elle pour se repérer, mais surtout pour admirer la surprenante architecture de la ville, si différente d’Opale. Il lui semblait avoir beaucoup voyagé, mais sans doute y avait-il encore beaucoup de jolies surprises dissimulées à travers le monde.  

– Je m’appelle Elizawelle. Je viens tout juste d’arriver.

C’était l’évidence même. Elle portait ses vêtements de voyage qu’elle n’avait pas pu nettoyer depuis son départ d’Epistopoli et elle transportait sur le dos un sac presque aussi grand qu’elle. Son chapeau ordinairement noir était quant à lui constellé de résidus de sel de la mer. Malgré son allure qui devait paraître étrange aux gens de l’endroit, le jeune homme était gentil. En fait, les gens d’ici étaient visiblement habitués aux étrangers, même si les opalins étaient sans doute les moins représentés parmi tous les voyageurs que la jeune femme avait croisés. Mais ce garçon avait quelque chose de différent. Eli voulait le questionner sur cette odeur sucrée qui le poursuivait, mais craignait d’être maladroite et de se le mettre à dos dès le début. De plus, elle ignorait tout du traitement réservé aux zoanthropes dans cette ville et n’avait elle-même l’air qu’humaine. Ainsi, lorsqu’il lui proposa de faire quelque chose pour elle, elle fit un compromis.  

– Pour tout te dire, je cherche des informations sur les narangpés , avoua-t-elle simplement, guettant de l’œil la réaction du Lapisien.


Dernière édition par Elizawelle Flatterand le Sam 21 Jan - 2:25, édité 1 fois
Ven 13 Jan - 15:44
 
 

Sauvons les Narangpés !

- ft.  Elizawelle Flatterand


Les voix des gardes et les râles des marchands étaient désormais bien loin des deux fuyards, évanouis dans les dédales de ruelles que la cité abritait avec jalousie. D'expérience, il savait que sa famille n'insisterait probablement pas plus dans leur poursuite; Sa mère avait l'assidue rancœur de son existence, mais ses hommes, eux, ne comprenaient généralement pas cet extrême pour quelques oranges et un fils. Ils avaient aussi compris qu'ils n'arrivaient pas à la cheville du singe lorsqu'il était question de courir et de se faufiler partout. D'un haussement d'épaules nonchalant, se sentant désormais en sécurité, il continua sa marche dans les allées de pierre et d'ocre, consciencieux que la demoiselle le suive. Elle semblait chargée comme une mule, avec son énorme sac sur le dos et ses couches de cuir, et il lui sembla que la mettre à l'aise ne pourra que lui offrir davantage de sa confiance. Il ne répondit pas tout de suite à ses questionnements, semblant même les ignorer sans aucune vergogne. « Les gardes ne devraient plus nous embêter. Ils savent que je suis trop rapide pour eux. » Il afficha un léger sourire nonchalant, témoignage de la nature habituelle de cette situation, et s'enfonça encore quelques rues plus loin, l'étrangère sur ses talons - probablement, il ne vérifiait pas beaucoup si elle le suivait, mais ralentissait ça et là pour lui laisser le temps de faire son chemin.

Elizawelle. Son accent résonnait comme en provenance d'Opale. On en croisait peu, par ici, des visiteurs d'Opale, mais ils se faisaient remarquer assez facilement, en conséquence. Leur accent lui semblait plus sec. Ils étaient aussi parmi ceux qui s'accoutumaient le moins bien aux températures locales, puisqu'ils ne connaissaient pas les extrêmes. De par sa tenue, elle ne devait probablement pas s'attendre à la chaleur et l'humidité du climat tropical. Il avait toujours été curieux de savoir comment était la vie ailleurs; et Opale, la grande Opale ne faisait pas exception.

Mais Bora était discrètement sur ses gardes. Que faisait une étrangère d'Opale ici, à fouler l'ivoire de la cité de Lapis et à demander des renseignements sur son espèce ? Le braconnage des narangpés était un véritable fléau qui perdurait encore et il n'était pas rare de croiser des visiteurs avides d'argent, venus de loin pour vendre la peau de ses frères et sœurs. La demoiselle avait été particulièrement agile dans sa course, et trahissait une bonne santé physique qui n'était pas commune chez les simples voyageurs affamé de paysages. Sa carrure était menue, et elle paraissait jeune, mais semblait bien équipée et un peu trop confiante dans ses mouvements pour n'être qu'une simple touriste.

Arrivés au détour d'une ruelle qui ne semblait pourtant pas bien différente des autres, il fit signe à sa compagnie de rester là un instant, attrapa ses bagages sans un mot et disparut derrière les murs d'ocre. Il ne fallut qu'une poignée de minutes au narangpé pour réapparaître, adossé à un large balcon un étage plus haut. « Lève les yeux. » Son visage demeurait impassible, mais sa voix trahissait un amusement certain. Il glissa une corde le long du mur, attachée à une rambarde solide, et invita l'aventurière à monter. « J'espère que t'as pas le vertige ! »

Laissant à la jeune femme le loisir de se débrouiller, il s'en retourna vers la terrasse. C'était un refuge qu'il avait trouvé il y a quelques temps - un appartement secondaire à une famille proche de la sienne, qu'ils avaient gardé pour leur plus jeune fils mais dont ils n'usaient finalement pas. Bora avait trouvé cet arrangement avec ledit garçon dans le but d'avoir une solution au cas où sa famille ne respecterait pas sa parole et le jetterait dehors un peu plus tôt que prévu. On lui avait sommé de ne pas trop déranger l'appartement; de toute évidence, cette condition n'avait pas été respectée, puisqu'à l'abri des regards, les murs d'ocre étaient ornés de gigantesques fresques d'azur et de vert, d'orange et de rouge, de singes, d'arbre, de créatures maritimes et de navires de voyage. Je repeindrai tout quand il reviendra, qu'il s'était dit. La vaisselle était dépareillée; on sentait que tout n'était que pièce rapportée, probablement volé ça et là sur les marchés du vieux port. Ce n'était qu'un petit logement sans prétention, une pièce pas très grande dans laquelle on avait entassé l'essentiel; et une terrasse qui faisait presque la moitié du séjour.

Il traina un grand verre d'eau fraîche sur la table, anticipant l'arrivée d'Elizawelle. Son sac était posé délicatement contre la rambarde. Un auvent en toile colorée trônait sur la façade comme une promesse d'ombre et de fraîcheur à laquelle, par la chaleur ambiante, il était difficile de dire non. Il avait jeté sur une chaise un long et ample kimono de lin, semblable à celui même qu'il portait, et attendait patiemment sa compagnie, vautré sur la corde d'une assise bancale.

Peut-être aurait-il pu être plus méfiant vis à vis d'une inconnue, que de la guider jusque là sans la connaître. Mais pour être franc, il avait un peu pitié d'elle et de ses couches de cuir qui devaient lui coller à la peau, et au plus loin des gardes elle se trouvait, au moins elle risquait de lui causer des ennuis. Il pouvait justifier des oranges, mais pas ce précieux cristal qu'il avait dérobé par erreur - et il ne savait pas si elle avait eu le temps de le voir. De surcroit, si elle était là pour les narangpés, il voulait savoir de quoi il en retournait.

« Moi, c'est Bora. » Il répondit finalement, fidèle à son attitude nonchalante qui s'égarait sur son visage. « Qu'est-ce que tu veux savoir? »

Lun 23 Jan - 1:56

SAUVONS LES NARANGPÉS !

Ft. Bora Seol


Elle aurait dû s’inquiéter lorsque le jeune garçon saisit son sac avant de disparaître. Pourtant, une étrange paix était descendue en elle depuis qu’elle était débarquée de ce foutu bateau. Une part d’elle demeurait malgré tout sur ses gardes, et elle eut le réflexe de vérifier si son pistolet était toujours à portée de main, mais ça n’alla pas plus loin. La situation l’amusait, et le garçon lui inspirait confiance. C’était peut-être grâce à cette nonchalance qu’il affichait. Il était visiblement peu inquiété par la course-poursuite qui avait suivi leur rencontre — leur collision.

Sa voix retentit rapidement au-dessus d’elle, et elle leva les yeux. Il était grimpé là-haut en moins de temps qu’il fallait pour le dire, digne de l’agilité qu’il avait manifestée plus tôt. Sans attendre, il fit descendre une corde jusqu’à elle, et elle ne put s’empêcher de frimer un peu. Libéré du poids de son sac, elle était beaucoup plus à l’aise, et c’est en veillant à n’afficher aucune difficulté qu’elle monta à la corde, toute en grâce et en souplesse... Du moins, elle essaya. Elle eut quelques difficultés à enjamber la rambarde, rompant cette démonstration d’adresse dans l’indifférence la plus totale. Elle se redressa rapidement, essuyant ses mains sur ses pantalons. Cela lui suffit pour remarquer que le jeune homme n’avait rien vu : il était déjà entré dans l’appartement, déposant un verre d’eau sur une table. Probablement pour elle, puisqu’il n’en prit pas lui-même.

Elle s’avança, prudente malgré tout, et ne put qu’être frappée par l’avalanche de couleurs qui emplissait l’appartement. Les immenses fresques attirèrent immédiatement son attention, et elle laissa son regard parcourir les peintures qui bigarraient les murs, impressionnée. Elle jeta un œil au Lapisien. Était-ce son œuvre ? Rien ici ne paraissait lui appartenir, mais il lui semblait pourtant le reconnaître dans ces vibrantes couleurs. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle. L’endroit était charmant, un véritable havre de paix, le désordre ajoutant, aux yeux de l’aventurière, une touche de vie. Une immense terrasse occupait presque toute la taille de l’appartement, ne laissant que peu de place pour l’intimité. Cela était si éloigné de son propre appartement ! Chez elle, les fenêtres étaient étroites et l’appartement éclairé par des ampoules au myste. C’était un endroit obscur, plus encore dans les pièces principales, ou de sombres lambris recouvraient les murs étroits. Elizawelle n’y restait jamais longtemps, s’y sentant facilement oppressée.

Rien à voir, donc. Ici, elle avait presque l’impression d’être encore dehors, alors qu’elle se trouvait pourtant au milieu des affaires de... de qui, au fait ? Elle aurait voulu être plus curieuse, mais le verre d’eau qu’il lui avait servi l’appelait fortement, et elle s’arrêta quelques secondes pour boire. Elle fit un effort pour ne pas tout boire d’un coup, ne voulant pas paraître impolie, mais la sécheresse de sa gorge s’était éveillée et elle prit plusieurs grandes lampées avant de déposer le verre. À ce moment, elle remarqua un kimono mis en évidence, qui faisait plus ou moins sa taille. Elle y posa la main, appréciant la légèreté du tissu. Reconnaissante, elle sourit au jeune homme, s’avançant sur la terrasse.

– Tu es très prévenant ! Je peux me changer là ?

Elle se glissa derrière un paravent dressé là sans attendre de réponse. Elle réapparut rapidement, se sentant un peu vulnérable dans ce fin kimono. Beaucoup moins lourd que son attirail habituel, il lui donnait l’impression d’être presque nue. Toutefois, elle ne pouvait nier qu’il faisait beaucoup moins chaud ainsi, et elle se concentra sur la liberté qu’il lui offrait plutôt que sur son malaise, sachant qu’il était avantageux pour elle de demeurer vêtu ainsi. Elle rangea rapidement ses vêtements dans son sac, y accrochant même son chapeau qu’elle enlevait rarement. Les mains dans les cheveux pour tenter de les démêler, elle retourna vers son bienfaiteur.

– Merci, Bora, sourit-elle, contente d’enfin connaître son nom.

Elle se sentait étrangement à l’aise, ici. Plus en confiance que... que jamais, peut-être. Quand s’était-elle déjà sentie aussi bien ? Aussi détendu ? Elle perdit toutefois rapidement son sourire. S’il était tel qu’elle le pressentait, il ne serait pas heureux de ce qu’elle lui apprenait. À moins qu’il en ait l’habitude.

– J’ai été commandité par la Guilde des Aventuriers afin d’empêcher le braconnage de narangpés, dit-elle, guettant sa réaction. J’ai appris que les mercenaires que je poursuis passeraient par Lapis, alors je suis venu ici. Et maintenant, je dois retrouver leur trace, fit-elle en fronçant les sourcils, soucieuse. Je me suis dit que si je trouvais les narangpés, je trouverais les braconniers, mais en vérité, je n’y connais rien. J’aurais bien besoin d’en apprendre plus sur eux... ou d’avoir un guide, déclara-t-elle avec un sourire en coin, complice.