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[Mission] Les aventuriers du convoi perdu

[Mission] Les aventuriers du convoi perdu Brandw10
Ven 2 Déc - 17:44

[MISSION] LES AVENTURIERS DU CONVOI PERDU

Ft. Asgrevain


Le vent, porteur de la froideur des terres du nord, s’engouffrait violement dans son poil dru alors que ses pattes foulaient puissamment le sol. Concentré, Eli veillait à ne pas se laisser emporter par l’instinct du jaguar, le rappel du lourd sac sur son dos l’aidant à garder le cap. Si le sol sur lequel elle courrait était plat, la forêt sur sa gauche l’appelait avec force, et le fait que son ventre soit vide ne l’aidait pas à ignorer le fumet des animaux qui lui parvenait et qui auraient fait d’excellents repas. Elle grogna, serra les mâchoires et se concentra sur le chemin à parcourir. Elle avait quitté la route principale depuis un moment maintenant, et n’avait pas croisé âme qui vive depuis.

Le village ou elle devait se rendre se trouvait à l’embouchure du Dain, là où il se séparait en trois pour créer le Reintre et le Lavill. Bien que ce village ne fût pas des plus aisés, l’endroit était reconnaissable entre mille, et sa beauté faisait office de richesse pour chacun des aventuriers s’y aventurant. À mi-chemin entre le val d’Opale et la forêt de Dainsbourg, le lieu était féérique malgré la brume qui menaçait de s’y engouffrer. Il s’y trouvait d’ailleurs une auberge appartenant à la guilde, un lieu où l’on pouvait manger un poisson fabuleux et qui était la halte parfaite pour tous ceux ayant l’envie de se rendre dans la mer de brume.

Sa proximité avec celle-ci en faisant un lieu un peu inquiétant. Les Errants y étaient nombreux, et les porte-brume encore plus. Il n’y avait d’ailleurs qu’eux pour y demeurer, car ceux qui y restait longtemps côtoyait trop souvent les nebulas pour que ceux-ci ne s’emparent pas de leur corps. À vitesse féline, il fallait une bonne semaine pour rejoindre le village à partir d’Opale, et maintenant que cette première partie de son voyage s’achevait, la zoan ne pouvait que rêver du lit douillet qui l’attendait à l’auberge, pourvu qu’elle y arrive avant la nuit. Fournissant un effort supplémentaire, elle poussa davantage sur ses pattes, accélérant dans une pointe de vitesse alors que le soleil amorçait sa descente vers l’horizon.

Enfin, elle aperçut la haute tour de guet du petit village, et l’animal poussa un soupir étrangement humain. La fatigue aidant, elle se cachait sous le couvert des arbres pour retrouver sa forme humaine avec une relative facilitée. Elle enfila ses vêtements, remis le lourd sac sur son dos et entrepris de rejoindre la vieille piste qui remontait jusqu’au centre du village. Même si les zoanthropes étaient généralement bien reçu dans ce petit village reculé, il faisait toujours meilleure impression de s’y présenter sous une forme facilitant la communication. C’est en affichant clairement son badge d’aventurier que Liz traversa la bourgade et entra dans la taverne.

Bonjour! Une chambre, s’il-vous-plait, demanda-t-elle au comptoir de l’établissement.

Mais bien sûr, ma p’tite, répondit un homme dans la force de l’âge vêtu d’un grand tablier grisâtre.

Dites, vous avez entendu parler de ce convoi aramilan qui a disparu?

Le sourire de l’aubergiste disparu et il hocha gravement la tête.

Tout le monde ici en a entendu parler, dit-il en faisant voler les pièces qu’elle lui avait donné vers la caisse – un pouvoir de porte-brume. Tous les membres du groupe venaient d’Aramila, et la plupart n’avaient jamais quitté le désert. Quand même, il y en avait un ou deux qui n’en était pas à leur premier voyage, ça se voyait. Ils sont restés quelques jours, pour s’habituer au territoire, d’après eux. Tu peux parler à Shany, c’est elle, là-bas. Elle en saura probablement plus que moi.

Elle le remercia puis, après avoir commandé son repas, se dirigea vers la table de cette Shany, une strigoi selon toute vraisemblance. La chope qu’elle tenait à la main contenait un liquide rouge et visqueux, mais malgré les apparences douteuses, il s’agissait vraisemblablement d’un jus de tomate.

Shany, c’est ça ? Je peux m’asseoir ?

Elle sursauta et eu besoin d’une seconde afin de revenir vers la réalité. Elle fixa Eli d’un air ébahi avant de hocher la tête, lui adressant un sourire timide.

On m’a dit que vous pourriez peut-être m’en dire plus. Elle baissa la voix, ne tenant pas à ce que tout le monde connaisse sa mission. Je dois retrouver ce convoi aramilan.

Le sourire qui était apparu sur le visage de Shany disparu aussitôt, et son regard se voila de larmes. Eli attendit patiemment qu’elle se sente capable de parler. Heureusement, elle se reprit rapidement, et dans un souffle, elle lui confia qu’elle s’était éprise de l’un de ces aventuriers durant son passage au village. Il avait promis de revenir la chercher à son retour, mais bien sûr, il n’était jamais revenu. Avec détail, elle lui décrivit le convoi, pu l’informer sur ce qu’il contenait – principalement des vivres et des matériaux – et lui fit une description fidèle de chacun des membres de l’équipage.

Elle discuta avec elle pendant un bon moment, partageant son repas avec la malheureuse avant de monter à sa chambre et de consigner ce qu’elle avait appris. En combinant ces informations avec celles reçu de la guilde, qui comprenaient notamment le trajet du convoi, il lui semblait avoir toutes les informations dont elle avait besoin pour se lancer dans cette mission. Il ne lui restait plus qu’à attendre l’arrivée du représentant d’Aramila qu’elle devait rejoindre le lendemain. Elle ignorait tout de lui, sinon qu’ils avaient rendez-vous le lendemain sur la place centrale, près de la vieille fontaine.

Une nuit de sommeil et un petit-déjeuner plus tard, elle se rendit en avance au lieu de rendez-vous, scrutant avec attention les visages de ceux qui s’y présentait dans l’attente du représentant d'Aramila.


Dernière édition par Elizawelle Flatterand le Sam 21 Jan - 3:56, édité 1 fois
Dim 11 Déc - 12:51
Quand ses supérieurs lui apprirent la disparition du convoi de ravitaillement, Asgrevain s’était immédiatement porté volontaire pour la mission. Non seulement c’était une occasion d’explorer le monde, mais il connaissait également certains des gardes et aventuriers dépêchés pour escorter le convoi.
Même si les machines craignaient la Brume, il estimait être le choix d’émissaire logique. Outre ses capacités martiales, qui mieux que lui serait capable d’arriver rapidement sur place sans mobiliser un ballon ? Inépuisable, il pouvait courir nuits et jours sans s’interrompre. Enfin ça, c’était s’il parvenait à destination sans se perdre… Jamais de sa courte existence il n’était allé si loin au nord, n’ayant jamais rien connu d’autre que le giron d’Epistopoli puis d’Aramila. Le pays d’Opale était différent de ce qu’il avait connu : loin de la sécheresse et du ciel toujours bleu de sa patrie, ici il faisait gris, froid et il pleuvait beaucoup. Après avoir quitté les frontières aramilannes, l’automate avait voyagé autant que possible loin des routes, coupant à travers les forêts pour éviter d’attirer l’attention sur sa grosse carcasse métallique. C’est ainsi qu’il découvrit que  si la pluie et le froid ne l’affectaient pas, la boue et le verglas, c’était une autre paire de manches. Le sol des forêts était mou et glissant. Ses quelques deux cent kilos de masse corporelle s’enfonçaient à chaque pas, rendant ainsi son avancée des plus pénibles. Mais pas autant que les glissades… ah, les glissades… Régulièrement, quand ses bruyants jurons ne suffisaient plus à évacuer la frustration d’être ainsi ralenti, il se mettait à forcer et à courir de plus belle, ce qui provoquait systématiquement des dérapages incontrôlés à la fin desquels il se retrouvait généralement étalé de tout son long dans la boue.

***

« On devrait plus tarder voir le village, patron. »

Asgrevain devina le sourire édenté à travers les lèvres boursoufflées de Reggie dans l’obscurité. Voyager de nuit à travers les Dunes d’Oman fut fastidieux, mais il avait perdu des jours à tourner en rond dans la forêt et son rendez-vous était dans quelques heures à l’aube, il devait se hâter. Heureusement pour le robot, la bande de Tedd et Reggie - constituée uniquement d’eux deux -  avait cru bon de s’en prendre à lui après l’avoir vu errer seul non loin de leur repaire. Ils l’avaient menacé de leurs coutelas rouillés. Loin de s’en offusquer, le pieux automate vit en eux des âmes égarées et leur tint un discours des plus éducatifs sur la morale et la vertu tandis qu’il en prenait un pour taper sur l’autre. Désormais éclairés par sa bonne parole et leurs commotions cérébrales, les deux bandits acceptèrent de le guider jusqu’au dernier village avant la Brume, là où l’on avait perdu la trace du fameux convoi.

Arrivés au sommet d’une petite colline, ils aperçurent enfin des maisons en contrebas. Tedd, avec son oeil au beurre noir et sa joue enflée, parla le premier. « Bon bah c't'ici qu'on se sépare, z'allez nous manquer, patron ! »
Reggie opina avec émotion. « Z’inquiétez pas, c’est fini la vie d’bandits pour nous. On va poursuivre notre rêve d’enfance et dev’nir comptables itinérants ! »

Asgrevain les toisa avec un regard paternel. « Je suis fier de vous les gars. Même les rêves les plus fous sont à la portée du vertueux. Mais pour être comptable il faudra quand même que vous appreniez à lire… et à compter. » Il leur fit un salut solennel et se remit en marche vers sa destination.

« Eh, attention dans la descente, avec la boue ça glisse !
- Haha, ne t’inquiète pas, je me suis parfaitement habitué à-OUAAAAAH ! »
Tel un manchot sur la banquise, Asgrevain dévala la pente boueuse sur le ventre, pestant contre cette fichue région.
« MAUDIS SOIS-TU OPALE ! PAYS HÉRÉTIQUE ! »
Sa glissade achevée, il se redressa en se raclant la gorge. Lui qui s’était nettoyé dans un étang il y a quelque heures à peine, le voilà qui était à nouveau couvert de boue de la tête aux pieds… Qu’à cela ne tienne, il se présenterait ainsi le lendemain à l’envoyée de la guilde des Aventuriers.

Il n’y avait plus aucune lumière allumée dans le village. Guère étonnant à cette heure de la nuit. Il était regrettable qu’il ait pris autant de retard sur son trajet, il avait prévu d’arriver la veille voire l’avant-veille au petit matin pour avoir tout le temps d’interroger les gens du village.

Il trouva la place de la fontaine assez facilement. Il avait quatre bonnes heures d’avance, aussi décida-t-il de s’asseoir contre le rebord d’une maison en périphérie de la place. Pour passer le temps, il relut pour la énième fois quelques lignes de son roman favori - L’amour a des boulons, qu’il avait téléchargé dans son système avant de quitter Epistopoli. Quand une averse se déclara, le bruit des lourdes gouttes de pluie qui venaient rincer la boue de sa carrosserie l’empêcha de se concentrer sur sa lecture, il estima qu’il était temps de passer en veille. Les lumières bleutées qui illuminaient son corps dans la nuit s’éteignirent et il passa dans un état de demi-conscience.

***

Son alarme interne le sortit de sa veille à l’heure exacte du rendez-vous. Ses néons se rallumèrent en même temps qu’il recommençait à bouger.  Il se releva lourdement et s’étira en baillant bruyamment - cela ne lui servait à rien, mais il avait pris l’habitude d’imiter ses compères de la Garde à la caserne pour mieux s’intégrer. Un passant surpris recula de stupeur en voyant la grande masse s’animer brusquement devant lui. La pluie avait cessé depuis belle lurette et son corps était maintenant recouvert d’un givre qui fondait doucement à mesure que ses systèmes se rallumaient et réchauffaient le métal glacé.

L’aventurière était-elle arrivée ? Asgrevain scruta les alentours jusqu’à remarquer une jeune humaine qui se démarquait des habitants du coin par sa longue chevelure noire et son chapeau pointu. Etait-ce elle ? Il ne connaissait guère plus que son nom. Il s’approcha de la femme avec prudence et lenteur, habitué à susciter des réactions vives chez les humains d’Aramila de par sa nature artificielle. Il fit de son mieux pour réguler le volume de sa voix puissante et caverneuse afin de l’adoucir au maximum.
« Ahem… Dame Flatterand ? Je suis Asgrevain, Garde Sacré d’Aramila. J’ai été envoyé à la recherche du convoi de ravitaillement envoyé par ma cité. »
Ven 16 Déc - 0:59

[MISSION] LES AVENTURIERS DU CONVOI PERDU

Ft. Asgrevain


Elizawelle ne sursauta pas lorsque l’automate s’anima brusquement.  
En fait, elle l’observait depuis déjà quelques minutes, intrigué par sa présence.  

Elle avait déjà croisé certains de ces robots. S’il y en avait peu à Opale, leur présence à Epistopoli était immanquable. Elle ne s’était jamais entretenue directement avec l’un d’eux, mais elle avait tout de même été témoin d’interactions qui lui avaient confirmé que certains de ces êtres artificiels étaient dotés d’une grande intelligence, et même de sentiments. Cependant, elle avait également appris que les automates, au même titre que les améliorées, avaient une relation très conflictuelle avec la Brume. Que faisait-il donc dans ce petit village, si près de la frontière avec la Malice? Plus encore, que faisait-il ici, sur les terres d’Opale, visiblement bien loin de chez lui? Il aurait été étonnant qu’il appartienne à un habitant du village.

Elle l’observa avec intérêt s’illuminer soudainement de l’intérieur, et son ouïe sensible perçut ses mécanismes se mettre en marche. Rapidement, il se leva, le givre qui le recouvrait commença à fondre et il... bâilla. Cela tira un sourire en coin à la jeune femme, tandis qu’un passant s’éloignait rapidement, visiblement effrayé par cette montagne de métal, ce qui lui confirma que l’automate n’était pas du coin. Ce dernier avait une stature impressionnante et était très visiblement taillé pour le combat. Malgré la saleté, il était possible de remarquer la qualité de sa composition. Les matériaux qui le constituaient étaient, aux yeux de l’opaline, dernier cri, et son design était définitivement représentatif du style futuriste de la capitale du savoir. Alors qu’il balayait calmement la place des yeux, elle eut avec lui un contact visuel, et s’étonna de l’intelligence qui transparaissait dans ce regard mécanique. Elle lut dans ses yeux comme elle l’aurait fait avec un regard humain, et, étonnée, Elizawelle perçut son incertitude. Déconcertée par ce contact avec cet être mécanique, la zoan l’observa s’approcher avec curiosité. De près, l’automate était encore plus impressionnant. Un air mi-surpris, mi-satisfait déforma les traits de l’aventurière alors qu’il prenait parole d’une voix profonde à l’accent métallique.  

- Vous devez être Asgrevain ? dit-elle en répondant à sa question d’un hochement de tête.

Eliza s’était demandé pourquoi la guilde ne lui avait fourni qu’un prénom, mais cela prenait maintenant tout son sens. Elle lui tendit naturellement la pince et tenta de ne pas laisser paraître sa crainte soudaine de voir sa main réduite en bouillie par la force évidente du robot.  

– Heureuse de vous rencontrer. On va discuter ? lança-t-elle familièrement, désignant un banc à l’écart.

Derrière son sourire de façade, l’esprit de la zoan avait commencé à bouillir. Un automate. On lui avait envoyé un automate pour fouiller la brume. Est-ce que la guilde tentait de la faire taire ? Elle avait pourtant veillé à rester discrète et à ne pas créer de vagues, mais elle savait également que ce foutu magistère avait toujours une longueur d’avance sur tout le monde. La brume était assez dangereuse sans qu’on y ajoute un être qui avait si peu d’affinité avec elle. Les questions s’enchainaient dans son esprit, inarrêtable, alors que la zoan s’assoyait sur le blanc. Depuis quand Aramila possédait-elle des automates ? Depuis quand un automate pouvait-il être Garde sacré ? Dans quelle histoire foireuse s’était-elle encore embarquée ?

– N’hésitez pas à me tutoyer et à m’appeler par mon prénom. On aura suffisamment à penser sans s’encombrer de ça, lui dit-elle avec sérieux.

Dans la Brume, les règles de la société s’effaçaient.  

Peu importe ses questionnements, Elizawelle faisait preuve de professionnalisme. Elle avait une mission à accomplir, et elle prouverait à ceux qui désiraient la voir échouer qu’elle était plus forte qu’ils le croyaient. C’est donc avec application qu’elle questionna son nouveau compagnon de route sur ce qu’il connaissait de leur mission. Elle en profita pour lui partager ses propres informations et ce qu’elle avait appris la veille. Leur courte discussion suffit à la zoan pour se faire un portrait plutôt positif du personnage. Elle fut rassurée de constater le respect qu’Asgrevain portait aux disparus et à leur vie et par le sérieux que l’automate semblait accorder à leur mission. Elle demeurait toutefois sur ses gardes, ne lui faisant pas vraiment confiance. Une part d’elle demeurait inquiétée par l’inconnu que l’automate représentait. Elle n’avait jamais côtoyé l’une de ces machines et ils n’avaient rien à voir avec les autres races qui peuplaient Uhr. Les automates pouvaient avoir toute sorte de niveaux d’intelligence, de la simple machine répondant à une commande au modèle à la conscience quasi humaine. Asgrevain réfléchissait-il, ou était-il animé uniquement par une complexe configuration ? Avait-il, comme elle, mille questions sur ses capacités, ou était-il trop simplement constitué pour cela ?  

Leur échange se poursuivit quelques minutes, puis Eliza se leva, suffisamment confiante pour assumer que l’automate n’avait pas besoin de se préparer pour l’expédition. Elle remit son lourd sac sur ses épaules avant de désigner l’ouest.  

– Prêt ?


Dernière édition par Elizawelle Flatterand le Sam 21 Jan - 3:57, édité 1 fois
Jeu 29 Déc - 10:18
Si la jeune femme était surprise de découvrir sa nature robotique, elle n’en montrait rien. Une telle contenance était étonnante. Peut-être les gens d’Opale étaient-ils plus habitués à voir des automates que ceux d’Aramila. C’était aussi appréciable que rafraîchissant de ne susciter aucune réaction de peur ou de surprise lors d’une première rencontre. Asgrevain serra la main tendue d’Elizawelle avec un enthousiasme contenu - ce serait dommage d’abîmer sa fragile ossature.

Il profita de leur brève discussion sur le banc pour essayer de jauger sa nouvelle partenaire. On ne pouvait pas dire qu’elle en imposait physiquement, mais l’automate savait qu’il ne fallait pas se fier aux apparences, il pouvait s’agir d’une portebrume, d’une de ces mutantes d’Opale ou tout simplement d’une humaine particulièrement vive. En outre, son attitude professionnelle, son regard alerte et les questions qu’elle lui posait étaient signes de quelqu’un qui savait ce qu’il faisait et où il allait. C’était plutôt rassurant, il allait déjà devoir lutter contre lui-même dans la Brume, il lui serait difficile de devoir en plus protéger seul une personne sans défense.

En échange des informations qu’avaient donné les gens du village à l’aventurière, Asgrevain lui partagea l’itinéraire du convoi, le nombre de personnes qui en faisaient partie et le nom des quelques-uns qu’il connaissait personnellement.

Une fois mutuellement briefés, Elizawelle se releva sans formalité et proposa le départ. Pas de chichis, pas de temps perdu, elle monta d’un cran dans l’estime du soldat de métal. Sans plus attendre ils prirent la route et remontèrent le sentier emprunté par le convoi quelques jours plus tôt.

Ce serait trop beau de les retrouver avant d’arriver dans la Brume, mais juste au cas où, Asgrevain ouvrait grand ses capteurs optiques. Hélas, la chance ne leur sourit guère durant la première partie de leur trajet, tout fut calme. Toutefois, l’avantage de la tranquillité, c’est qu’il avait tout le loisir de chercher à en savoir plus sur sa compagne de route.

« Au vu des dangers que nous pourrions rencontrer, il serait bon de savoir au côté de qui nous risquerons potentiellement nos vies. Alors, jeune humaine, y a t-il des choses que je devrais savoir ? Je n’ai jamais travaillé avec un aventurier, tu as de l’expérience avec la Brume ? Et si jamais nous devions nous battre, à quel point sais-tu te défendre ? »

La discussion se poursuivit sans guère d’incidents, si ce n’est une ou deux fois où Asgrevain manqua de glisser sur le sentier verglacé.

« Pour ma part, je suis ce qui se fait de mieux à Epistopoli question militaire, j’ai plus d’une mission à mon actif, et je suis déjà allé dans la Brume… une fois. Si jamais nous devons tirer les armes, je ne te ferai pas défection. »

Il était déjà allé dans la Brume oui, mais il se garda bien de détailler l’enfer qu’il y avait traversé, à quel point il avait failli… cela ne ferait que susciter l’inquiétude et affaiblir la confiance de sa camarade, or de la confiance ils risquaient d’en avoir besoin.

A mesure qu’ils se rapprochaient, la route tombait de plus en plus à l’abandon, et devenait accidentée. Il dût être pénible de déplacer les chariots du convoi sur un tel chemin. Après quelques petites heures de marche, ils arrivèrent en vue du linceul qui séparait les terres bénies d’Uhr et le reste du monde. L’inquiétant mur de Brume était en tout point semblable à la dernière fois : impénétrable, insaisissable, aussi inquiétant qu’attirant. Depuis qu’ils l’apercevaient à l’horizon, il lui devenait de plus en plus pénible d’avancer. Ce n’était pas seulement l’appréhension, c’était presque un phénomène physique, comme si l’air autour de lui se densifiait et devenait plus difficile à fendre. La Brume le rejetait, elle ne voulait pas de son métal, et avant même qu’ils ne l’aient atteinte il pouvait ressentir la pression qu’elle exerçait sur lui. Mais cela ne fit qu’accroître sa résolution. Il n’avait pas oublié cette sensation. Cette fois, il savait à quoi s’attendre – plus ou moins.

Il fut tiré de ses pensées quand ils atteignirent l’orée du brouillard mystique. De fines volutes dansaient autour d’eux. Comme animées d’une volonté propre, ces filaments de Brume semblaient converger vers eux. Elles caressaient la surface de son armure et s’insinuaient en lui par les interstices de ses articulations. Bien que ce soit biologiquement impossible, sentir la Brume à l’intérieur de lui le fit frissonner comme s’il était fait de chair. Plus troublant encore, il avait froid. Il n’était pourtant pas programmé pour ressentir de telles sensations.
Plongé dans son introspection, il était resté longuement silencieux et avait ôté de son esprit la présence d’Elizawelle. Il lui jeta un regard en coin, pour voir comment elle se sentait. La plupart des humains vivaient bien mieux le contact avec la Brume que les êtres synthétiques, mais l’expérience n’était pas triviale pour autant. En explorant les environs du regard, il était aisé de deviné des signes de passage récent : les empreintes avaient beau s’être pour la plupart effacées, les traces profondes d’un chariot qui s’était embourbé étaient encore visibles, laissant derrière lui quelques éclats de bois et morceaux de toile sale. Quand il prit la parole, sa voix calme et tranquille tranchait avec l’effroi que lui instillait la Brume.
« Nous y voilà. Il ne fait aucun doute qu’ils sont passés par ici. Le sentier a l’air de continuer derrière le brouillard. Avec un peu de chance ils ne sont pas loin, simplement en proie à une hallucination collective, ou endormis. J’ai entendu dire que c’était possible. Cela dit, rien ne semble impossible de l’autre côté. » Il se tourna vers la jeune femme. « Comment te sens-tu, aventurière ? Ce n’est jamais une expérience anodine. L’influence qu’Elle peut avoir sur notre esprit est tout aussi dangereuse que les créatures impies que l’on pourrait croiser. Nous allons devoir veiller l’un sur l’autre, je m’en remets à toi. »
Asgrevain prit une grande inspiration imaginaire et fit le vide dans sa mémoire vive. Oublions craintes et appréhensions, il avait une mission.

« Alors, on y va ? »
Mer 11 Jan - 12:47

[MISSION] LES AVENTURIERS DU CONVOI PERDU

Ft. Asgrevain


Asgrevain avançait avec assurance, portrait caricatural du preux chevalier.  

Les questions s’accumulaient dans la tête d’Elizawelle alors qu’elle se rendait compte de ce que ça impliquait de voyager avec un automate. Celui-ci ne ressentait ni la fatigue, ni la faim, ni la soif, ni... la peur ?
La zoan ne cessait de l’observer du coin de l’œil, essayant de le cerner avant de traverser la barrière de Brume. Sans doute parce qu’elle avait grandi à Opale, elle ressentait un certain malaise devant la naïveté bon-enfant qu’affichait le robot. Il lui semblait évident que ses véritables intentions étaient cachées.  

Asgrevain s’exprimait avec une éloquence surprenante et une sensibilité toute particulière. Au fond, sa manière d’évoquer sa propre vie lui donnait envie de croire qu’il n’était rien de plus que ce qu’il paraissait. En fait, peut-être que la complexité qu’elle lui prêtait ne cachait pas un esprit tordu, mais bien des émotions, des émotions humaines. Car tout en lui semblait raccord, et la jeune aventurière acceptait peu à peu l’idée qu’il soit réellement quelqu’un de bien.

– Ah, la Brume, fit Eliza, amère. Oui, je la connais. J’ai visité quelques fois la forêt de Dainsbourg, mais je ne me suis jamais approché si près de la cité.

L’hésitation qui émanait du robot lorsqu’il évoqua son unique expérience dans la Brume ne pouvait pas être feinte. Et cette réaction parfaitement normale continua de rassurer l’opaline.  

– Je suis vive et rapide, mais je combats surtout à distance, expliqua rapidement Eliza. J’ai quelques armes à feu là-dedans, dit-elle en désignant son sac du pouce, et mon revolver sous la main, fit l’aventurière en tapotant sa ceinture.  

Elle avait d’autres atouts, bien sûr. Mais elle n’en parlait pas. Jamais.
Il le saurait lorsqu’il le verrait. Si cela devenait nécessaire.
Comme tous les autres.

L’inégalité du sol rendait leur progression pénible et la zoan ne tarda pas à trouver une grosse branche pour s’aider dans sa progression. Il lui fallut plus de temps pour repérer un bâton suffisamment robuste pour le robot, mais elle en repéra un et le lui offrit, ressentant — sans savoir comment elle pouvait percevoir une telle chose chez un automate — son exaspération après une énième glissade.  

Elizawelle connaissait bien les routes d’Opale. Elle savait parfaitement à quel moment ce chemin traversait la Brume. Et à mesure qu’ils avançaient, la zoan ne pouvait s’empêcher de devenir de plus en plus tendue.  
Lorsque les premières spirales de Malice atteignirent leurs corps, la sensation tira une grimace à l’aventurière. Comme toujours, elle ressentit son invisible et réprobateur regard, cette pesanteur sur ses épaules. Elle ferma les yeux un instant, respirant profondément pour apaiser son esprit. Elle attendit quelques secondes, faisant le vide, laissant les sons reprendre leurs couleurs et les odeurs reprendre goût sur sa langue. Puis, enfin en contrôle, elle ouvrit les yeux, rencontrant le regard grave d’Asgrevain.

– Je garderai l’esprit clair, assura-t-elle avec aplomb. Tu peux compter sur moi.

Du moins, elle ferait de son mieux. Car malgré son expérience et sa confiance en elle-même, la Brume ne l’aimait pas beaucoup, et elle se ferait sans doute un plaisir de lui administrer une bonne leçon d’humilité.

Malgré tout, la confiance de l’automate était touchante. Assez touchante pour qu’Elizawelle décide de se fier à son instinct. Elle demeurerait alerte, mais lui ferait confiance. C’était essentiel, il avait raison. Elle avait besoin de lui, comme il avait besoin d’elle.  

Ils traversèrent la barrière, glaives à la Brume.  

Ils ne parlèrent pas beaucoup dans l’heure qui suivit, se contentant de suivre les traces du chariot et d’échanger quelques paroles pratiques. Ils étaient visiblement tout aussi dérangés par la Brume l’un que l’autre, même si la jeune femme aurait juré que la nervosité d’Asgrevain atteignait des sommets.

– Regarde, l’arrêta soudainement Liz.  

Là, de profonds sillons marquaient la terre, comme si le chariot dont ils suivaient les traces depuis le début avait soudainement déraillé. Pourtant, il était certainement resté sur ses roues, car les traces prenaient la direction de la ville, comme si le convoi avait voulu prendre un raccourci et s’y rendre en ligne droite. Cela ne faisait pourtant aucun sens. La route était le moyen le plus rapide de rejoindre Dainsbourg en cette saison, et on pouvait facilement remarquer que le chariot avait, dès le début, des difficultés à avancer.

Elizawelle saisit son revolver, le chargeant rapidement. Elle jeta regard inquiet à Asgrevain avant de prudemment suivre les traces du chariot. Son déplacement semblait étrange, erratique. Là, Elizawelle remarqua des traces profondes dans la boue, des traces de pieds, comme si on avait voulu pousser quelque chose. Le chariot ? Pourtant, rien n’indiquait que celui-ci se soit embourbé à cet endroit.  

– Soyons prudents, souffla l’aventurière, jetant un regard autour d’elle, observant autant les alentours que la Brume elle-même.  

La densité de la Brume, devant eux, semblait augmenter.  
Ce qui n’était jamais une bonne chose.


Dernière édition par Elizawelle Flatterand le Sam 21 Jan - 3:58, édité 1 fois
Mer 11 Jan - 19:55
Depuis qu’ils avaient traversé, l’ambiance avait changé. Des tas de souvenirs solidement cadenassés au fond de son espace de stockage refaisaient surface. C’était comme si la Malice avait trouvé l’accès à sa base de données et s’amusait à fouiller dedans pour prendre ce qui lui plaisait. La tête de son frère Livain qui se détachait de son corps, le rire sinistre de Lancelius, l’incompréhension, la panique… Asgrevain se donna un petit coup sur la tête pour se recentrer sur les sensations du présent : la route vers Dainsbourg, les traces du chariot, Elizawelle, les alentours. Il devait se focaliser sur ces seuls éléments.

La tension monta encore d’un cran après que les empreintes eurent quitté la route. Son trajet semblait incongru, ponctué de grands virages, comme s’ils avaient voulu contourner des obstacles dont il n’y avait pourtant pas trace. L’injonction à la prudence de l’aventurière était pleine de bon sens, Asgrevain prit son épée toujours repliée sur elle-même dans sa main droite, prêt à la déployer à tout moment. Son mauvais pressentiment s’accentuait à chaque découverte. Pourquoi avoir emprunté un passage aussi accidenté ? Étaient-ils poursuivis ? Quelque chose leur bloquait le chemin ? Plus ils avançaient et plus le mystère s’épaississait, à l’instar du brouillard. L’automate avait même du mal à voir ses pieds à présent, et il devait se pencher en avant pour distinguer le tracé du convoi.  « Quoiqu’il se passe, nous devrions éviter de nous séparer ou de quitter la piste, la Brume est si dense que nous risquerions de nous égarer complètement. » Il avait réglé son volume sonore au minimum, à peine audible, comme s’ils essayaient de se cacher d’un ennemi invisible.

Au bout d’une longue errance dans un parfait silence, à ne pratiquement rien discerner d’autre que les traces du convoi, Asgrevain entendit un son venant de sa droite. Il s’arrêta net. Cela ressemblait à… des sanglots ? Difficile d’en être certain, le bruit était étouffé, mais c’était définitivement humain. S’ils quittaient le chemin pour aller voir, ils risquaient de se perdre dans le brouillard. Il se tourna vers Liz et parla tout bas. « C’est peut-être quelqu’un qui a besoin d’aide, nous devons aller voir. Mais gare, cela pourrait être une duperie de la Malice. » Il s’aventura d’un pas lent et prudent en direction des pleurs, utilisant le bâton de marche que sa compagne lui avait généreusement confié pour tracer une ligne bien visible dans le sol boueux.

Après quelques dizaines de mètres (peut-être ? Il était dur d’estimer les distances quand on ne voyait rien), la Brume se dispersa partiellement, dessinant un couloir devant eux jusqu’à dévoiler une silhouette à genoux.
Sam 28 Jan - 15:31

[MISSION] LES AVENTURIERS DU CONVOI PERDU

Ft. Asgrevain


Rien n’avait plus de sens.

Elle était si près d’Asgrevain qu’elle le frôlait presque. Pas question de le perdre de vue. En ces lieux, il était sa seule certitude, la seule chose dont elle ne se permettait pas de douter. Parfois, elle tendait la main, touchant le métal froid de l’automate qui marchait près d’elle pour s’assurer qu’il était toujours là, tangible.
C’est que la Brume n’avait visiblement pas l’intention de l’épargner. Asgrevain et elle marchaient depuis un moment. La Malice s’était infiltrée dans son esprit, lui suggérant toute sorte de visions qui, à chaque instant, menaçaient de la faire quitter son chemin. Elle entendait son père, voyait sa silhouette à la périphérie de sa vision, une vision grandement diminuée par l’épaisseur de la Brume. Elle avait eu l’impression de l’entendre sangloter, avait l’impression de le voir, blessée, amaigrie... sans pour autant avoir été marquée par le temps qui avait passé.  
Mais si les visions la déstabilisaient, elle arrivait à ne pas trop dériver. Elle connaissait la Brume. Connaissait ses vieux tours. Et aujourd’hui, elle n’était pas à la recherche de son père. Quelques fois, son regard s’envola vers les sommets de Dainsbourg, invisible sous le brouillard, comme pour se rappeler que c’est là qu’elle le trouverait, nul par ailleurs.  
C’est sans doute pour cela qu’elle ne s’inquiéta pas lorsqu’elle entendit des sanglots, visiblement ceux d’une femme. Cela ne faisait aucun sens, et c’était visiblement une nouvelle tentative de la Brume de la déstabiliser.  

Sauf qu’Asgrevain l’entendit aussi.  

Elle ne pipa mot lorsqu’il affirma vouloir aller en direction de ce bruit. Cependant, un grognement mécontent, presque animal, gronda au fond de la poitrine de la zoan alors qu’elle emboitait malgré elle le pas à l’automate. Pour elle, si une jeune femme innocente avait pris le risque de se rendre seule dans la Brume, elle pouvait aussi bien crever. Mais cela ne semblait pas être une possibilité pour Asgrevain. Il n’avait pas hésité une seconde, voulant secourir cette personne, au risque de se retrouver devant... autre chose. Foutu chevalier servant. Pour Eli, c’était évident. C’était un piège. Un piège tout bête. Expressément conçu pour l’automate.

Elle eut l’impression que la Brume les invitait à approcher. Elle se dissipait, libérant Eliza de ses hallucinations, traçant un chemin vers le bruit comme pour suivre les intentions de leur duo. L’automate, malgré tout, demeurait en alerte. Elle ignorait ce qui le poussait à aller voir, mais elle devait le suivre. Ils devaient demeurer ensemble. Elle leva son revolver à hauteur d’yeux alors qu’ils approchaient de la femme. Car c’en était une, du moins, de ce qu’elle pouvait voir.  
Elle sanglotait toujours, recroquevillée sur elle-même, son visage invisible appuyé sur ses genoux. Elle se balançait doucement, comme en proie à des tourments invisibles, ses longs cheveux émergeant de la capuche qu’elle portait. Elle portait une cape de voyage. Il ne s’agissait pas d’un vieux vêtement, les fibres solides du tissu et le manque d’usure en témoignait. Pourtant, elle était sale, couverte de boue, et trouée par endroit. Comme si elle avait été attaquée.  

– Mademoiselle ? osa Eliza lorsqu’elle fut suffisamment près. Mademoiselle, nous sommes là pour vous aider, fit-elle d’une voix qui se voulut douce, mais dans laquelle on pouvait ressentir la tension.  

Elle ne lui répondit pas. Ne réagit même pas au son de sa voix. Son arme braquée sur la femme, Eliza continua à avancer. Elle pouvait très bien être réelle, avoir vraiment besoin d’aide, et ne pas arriver à distinguer le vrai du faux. Ne pas se rendre compte que la voix d’Eliza était réelle, et non le produit de son imagination. Mais il pouvait aussi s’agir d’autre chose.
Elle s’avança donc avec prudence, indiquant silencieusement à Asgrevain de surveiller ses arrières. Si la femme avait besoin d’aide, le visage d’Eliza serait beaucoup plus rassurant pour elle que celui de l’automate. Et si c’était un piège, il valait sans doute mieux qu’ils ne tombent pas dedans simultanément.  
De près, elle entendit ses murmures. Au-delà de ses sanglots, elle parvenait à saisir quelques mots.

Damnée. Perdue. Mourir.  

Une fébrilité nerveuse agitait Eliza. Elle semblait humaine. Semblait. Alors une lenteur délibérée, l’aventurière se pencha sur elle et toucha son épaule.  
La femme se redressa alors brusquement, comme si le contact d’Eliza avait provoqué un choc. Elle sursauta, paniquée, avant de reprendre contrôle de ses émotions.  
Eliza aurait pu pleurer de joie lorsqu’elle vit le visage de la femme. Un visage déchiré par l’angoisse et la confusion. Un visage on ne peut plus normal.  

– Tout va bien aller, maintenant, tenta de la rassurer Eliza.  

La femme leva les yeux vers elle, et elle vit une sorte de résignation dans le fond de son regard.  

– Vous ne pouvez pas m’aider, gémit-elle entre deux sanglots. Personne ne le peut.

– Allons, dites-moi ce qui vous arrive.

Elle eut du mal à poursuivre, ses sanglots qui avaient repris de plus belle rendant son discours difficile à comprendre.  

– N... Ne... Nebula, parvint-elle à articuler.  

– Vous avez une nebula, c’est ça ? Vous êtes devenu portebrume ?

– Partez... PARTEZ !

Elle se redressa au moment où son cri transformait l’ambiance. De son corps émergeaient les ténèbres. Un pouvoir ? Autour d’eux, la lumière reculait, si vite qu’Eliza eut à peine le temps de voir l’éclat de folie dans le regard de la femme. Un regard qui termina de donner à Eliza les informations qui lui manquaient. Elle laissa échapper un juron sonore alors qu’elle reculait brusquement vers l’automate, à tâtons puisque le noir les avait entourés.  

– Ce n’est plus une portebrume, cracha Eliza. C’est une errante.

Pas tout à fait, cependant, Eliza en avait conscience. Elle était parvenue à lui parler, alors qu’elle semblait lutter pour conserver son esprit. Cependant, Eliza avait suffisamment voyagé pour comprendre. Il était trop tard. La nebula avait déjà gagné, même si l’humaine luttait toujours. Maintenant que la Mer avait ramené ce bout de Brume en son sein, elle ne le lâcherait plus. Elle était condamnée.  

Pourtant, Eliza n’avait pas pu tirer. Foutue morale. Elle risquait de mourir, là, dans le noir. À son côté, elle ressentit la présence métallique de l’automate. Pouvait-il voir dans le noir ? Son arme à elle ne lui servant à rien, elle la rangea à son côté. Et elle serra les dents.  
Il fallut quelques secondes à la métamorphose pour s’opérer. Elle sentit ses cheveux se rétracter douloureusement dans son crâne, eu l’impression que son nez se cassait, que chacun de ses doigts était chauffé à blanc.  
En quelques secondes, son crâne et ses bras se recouvrirent de poils noirs, des oreilles rondes émergèrent au sommet de sa tête, et griffes et crocs lui tirèrent un court gémissement lorsqu’ils jaillirent de sous sa peau. Elle se secoua en grognant, un grognement étrange, mi-humain, mi-animal, émergeant d’une poitrine humaine, mais d’une gueule féline.  

– Nous devrions la tuer.

Sa voix était tout aussi étrange. Inhumaine. Quelque part entre le miaulement rauque d’un félin et le soprano d’Eliza. L’articulation était particulièrement difficile sous cette forme, elle espéra donc qu’Asgrevain l’aurait compris.  
Et qu’il ne prendrait pas peur si jamais sa vision perçait l’obscurité.  
Les sens d’Eliza, eux, étaient décuplés. L’odeur de l’errante lui parvenait, ses oreilles lui indiquaient ses mouvements. Elle était devenue hybride, troquant son apparence normale pour une autre, horrifique, illogique et étrange.  

Ils devaient la tuer. Lui épargner plus de souffrance.
Est-ce que l’automate y était prêt ?