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Sabrer le champagne - Zvintoch

Sabrer le champagne - Zvintoch Brandw10
Sam 22 Oct - 20:30
Vingt-deux minutes de retard.

Douze de trop pour n'importe quel fonctionnaire epistote, deux seulement pour un diplomate. Ces derniers aimaient à se faire désirer comme le salaire à la fin du mois ; que ce soit pour donner le ton de leur ambassade, démontrer leur mécontentent quant à l'affaire en cours ou par simple malice. D'expérience, Cyrus savait que leurs infractions à la ponctualité que réclame leur profession s'avéraient le plus souvent chronométrées à la seconde près : cinq minutes de retard, cela constituait une impolitesse de bonne mesure ; dix minutes de retard laissaient entrevoir des discussions houleuses ; quinze minutes de retard promettaient une engueulade en bonne et due forme. Mais l'agent Rougegorge, rompu à la litanie des règlements intérieurs ministériels, savait que vingt-deux minutes de retard de la part d'un haut-responsable du Bureau des Affaires Étrangères ne pouvaient s'expliquer qu'en une mince poignée de raisonnements logiques.

Selon toute vraisemblance, Monsieur Philbert Walheim avait tragiquement péri d'une crise cardiaque dans les dix-sept minutes de trajet en voiture le séparant du Bureau des Affaires Étrangères jusqu'à l'hôtel-cabaret Braun-Oppenbach. Ça, où le malheureux s'était vu frappé d'une fort mesquine indigestion à la suite de son déjeuner avec Monsieur Révatine ; riche homme d'affaire opalin amateur d'huîtres du Goulot (que l'on supporte toujours plus ou moins bien selon la solidité de son transit intestinal). Autrement, Monsieur Walheim s'était éventuellement rendu au premier ballet de sa fille cadette de treize ans ; Sophia Walheim ; avec laquelle il se disputa âprement la veille en raison de son absence annoncée à cette représentation pourtant si chère au cœur de son enfant. Peut-être avait-t-il préféré être un père aimant plutôt qu'un diplomate, aujourd'hui. Peut-être. Mais le cas le plus probable demeurait sa mort foudroyante au volant de sa voiture ; les mains recouvertes de sueur, le cœur serré jusqu'à bloquer toute circulation de son sang, les yeux rouges vifs et la langue mordue jusqu'au sectionnement. Car Monsieur Philbert Walheim ne pouvait, en aucun cas, rater cette entrevue sans escompter se réveiller le lendemain devant un peloton d'exécution.

Et, hélas, Cyrus partageait aujourd'hui le même destin que Monsieur Philbert Walheim – c'est à dire qu'aucun échec de sa mission ne serait reçu comme tolérable, sous peine d'éventuelle comparution devant la potence. Vêtu d'un uniforme complet – casquette comprise – d'officier de la Marine Nationale, l'agent Rougegorge rongeait son frein et lançait des œillades insistantes à la porte d'entrée du restaurant, puis à sa montre-gousset dans une succession de mouvements du chef annonçant un début de torticolis dans les jours à venir. Installé dans un fauteuil de cuir brun lui tenant atrocement chaud au corps ; dans une petite alcôve intérieure loin des piaillements des grands industriels tous attablés autour d'un foie gras, d'une mousse de canard ou d'un demi-homard, l'agent Rougegorge sirotait un café hors de prix sans aucune once de plaisir. Les vingt-deux minutes de retard de Philbert Walheim l'engloutissaient dans des humeurs noires, aussi noires que la merde dans laquelle il était plongé jusqu'aux genoux ; car son absence signifiait qu'il avait désormais à mettre sa vie en jeu.

Tôt ce matin, une vieille ouvrière mal-aimable lui avait tendu un papier chiffonné et couvert de sueur ; puis réclamé cinq astras et deux cigarettes. Outre le désagrément et l'impolitesse occasionnés, Cyrus eut le plaisir de découvrir ses ordres écrits à la va-vite pour le soir-même. Comme de coutume, la clarté de ses directives ne se mesurèrent qu'à l'aulne de leur qualité d'écriture. « H. B. O. 19h. Surveillez W-7. La carpe ne doit pas quitter l'étang ». Une formulation quelque peu alambiquée dont le Bureau de la Sécurité Nationale avait le secret ; tout simplement pour lui sommer de se rendre à l'hôtel Braun-Oppenbach, qui abritait en son sein l'un des restaurants les plus huppés de toute la Cité du Savoir. W-7 n'était qu'un nom de code pour désigner Walheim ; et quant à la carpe, et bien … Cyrus ne goûtait guère à la poésie, mais il jugeait la métaphore comme particulièrement mauvaise ; non pas par exigence lyrique, loin s'en faut, mais parce que les carpes ne prospéraient qu'en eau douce. Or, la carpe en question lui apparaissait au mieux comme un crustacé disproportionné sorti tout droit des laboratoires de chimie biologique classés confidentiels ; au pire comme une cauchemardesque fantasmagorie hissée hors des tréfonds les plus profonds et les plus obscurs de l'océan.

Gamin du pays de Renon, Cyrus n'avait guère eu le loisir de rencontrer son lot de tritons lors de sa jeunesse. Les quelques individus qu'il put mirer dans les rues d'Epistopoli lui apparurent comme des êtres souffreteux ; respirant à grand peine l'air (très lourd, soit) de la sapiosainte cité et luttant pour poser chaque pied palmé devant l'autre ; vaquant de piscine en aquarium dans le fol espoir d'y trouver une infime parcelle d'eau ne contenant pas son lot d'huile ou de charbon. Jamais n'eut-il pris la peine de leur adresser la parole, tant ces créatures se présentaient à lui sous un jour des plus piteux : peu bavardes (sans doute par nécessité d'économiser leur précieux air) et mal intégrées aux sociétés terrestres, l'agent Rougegorge jugea longtemps qu'il eut mieux employé son temps à espionner une colonie de crabes que de s'intéresser à un peuple passant le plus clair de son temps à se terrer sous l'eau. A l'instant, il regretta quelque peu son désintérêt passé : dans un ironique coup du sort, son propre mépris lui retombait sur le coin de la tête comme une tuile mal agencée sur un toit de la Basse-Ville. En effet, jamais on ne lui avait narré que les tritons puissent être aussi singuliers ; ni aussi épouvantables. Il eut aimé qu'on le prévint.

Là, à une vingtaine de mètres de lui, se dressait un spécimen qui constituait l'objet de tous ses soucis. Et la cervelle de Cyrus peinait à pleinement l'appréhender, et encore plus à le décrire. Du col d'autours somptueux jaillissait un cou verdâtre ; étagé de plis et replis que l'on jureraient graisseux de loin, mais chitineux de près. Un amas de chair chaotique lui servait de visage, déformé par trois yeux disproportionnés aux pupilles verticales et fines comme des aiguilles ; segmentant d'immenses sclères rougeâtres accordées au teint de sa peau. D'une part et d'autre de sa boîte crânienne trônaient deux immenses protubérances palmées (dont Cyrus ne pouvait que se hasarder sur la fonction) qui dépassaient sa propre largeur d'épaule. L'agent Rougegorge s'esquintait la rétine à lui trouver une bouche, ou même des branchies. A vrai dire, il peinait à lui trouver le moindre semblant de cohérence anatomique. Mais il supposait que la créature était dotée de parole, et de compréhension de leur langue. Car, contre toute-attente, l'agent Rougegorge avait appris quelques heures avant le début de son opération de surveillance que Monsieur Walheim avait rendez-vous avec un ambassadeur officiel de l'empire triton. Rien que ça. Et, jusqu'à preuve du contraire, cette créature des profondeurs calmement attablée devant une assiette vide lui paraissait correspondre à l'idée qu'il pouvait lui-même se construire d'un ambassadeur triton.

Or, le Bureau de la Sécurité Nationale s'était enquis d'à la fois surveiller Walheim ; mais également d'observer étroitement l'ambassadeur triton et de l'empêcher à tout prix de quitter le Braun-Oppenbach. Cyrus ignorait dans quel but. Si le Bureau de la Sécurité Nationale ne jugeait pas bon de le tenir au courant des tenants et aboutissants de sa mission, il ne devait en aucun cas discuter les ordres. Il pouvait cependant deviner que le BSN voulait conserver le diplomate triton en vie ; autrement, on l'aurait sommé de « noyer le poisson » ou autre métaphore du cru. Par élimination, on l'avait donc tacitement chargé de protéger l'ambassadeur ; ou bien l'on souhaitait qu'il soit occupé à un endroit défini pour une période donnée – l'un n'empêchant guère l'autre, au demeurant.

Faute de Walheim à surveiller ; le seul objectif de Cyrus était désormais de garder le triton à l’œil. Cependant, il craignait qu'une approche passive ne s'avère infructueuse sur le long terme ; pour la simple et bonne raison qu'il lui paraissait fort ardu de décrypter la moindre émotion humaine sur le faciès (ou du moins ce qu'il supposait être le faciès) du diplomate. Était-il las d'attendre, courroucé d'être ainsi déprécié par la diplomatie epistote, ou s'en fichait-il éperdument ? Impossible de le deviner à l’œil nu. Mais si la créature décidait par malchance de se lever et de partir, Cyrus échouerait sa mission - et, selon toute vraisemblance, y perdrait également sa tête. L'agent Rougegorge ne pouvait se permettre de perdre de vue sa cible. Il lui apparut donc que la meilleure manière de s'assurer de la sécurité et de la stabilité positionnelle de l'ambassadeur - malgré et à cause de la défection de Walheim - était d'entrer en contact avec lui. Pessimiste de nature, il avait craint cette éventualité ; aussi s'était-il préparé à l'occasion sans grand enthousiasme. Désormais au pied du mur, son cœur se tendit, battit vite, fort ; et trop à son goût. Il ferma les yeux, inspira du nez dans un sifflement désagréable, puis se leva d'une traite.

D'un pas faussement assuré, il traversa le restaurant en claquant des talons pour intimer les serveurs de rester en dehors de son chemin. L'ambassadeur triton, attablé dans un recoin coquet à proximité d'une lucarne offrant un panorama presque flatteur d'Epistopoli, était installé devant une unique chaise à dossier, vide. Cyrus n'osait l'occuper. Si, par miracle, Walheim se décidait à pointer le bout de son nez et le découvrait assis là ; ce dernier le ferait probablement flageller pour manquement à l'étiquette. Aussi l'agent Rougegorge s'empara-t-il à la volée d'une chaise laissée vacante ; s'attirant le regard foudroyant d'un membre du personnel qui n'osa guère le réprimander au vu de son uniforme. Cyrus s'approcha de la tablée occupée par l'ambassadeur, planta les quatre pieds de sa chaise nouvellement acquise dans la moquette, et se pencha vers le diplomate triton.

-Monsieur. L'agent Rougegorge marqua un court instant de silence ; réalisant qu'il ignorait totalement le nom de son interlocuteur. Aussi préféra-t-il se présenter sans ambages. Capitaine Alfred Mowatt, officier de la Marine Nationale, commandant du Bouche-Goulot. Son Excellence l'Amiral Alguérande m'a mandaté auprès de Monsieur Walheim afin d'apporter l'expertise et les éclairages de la Marine quant aux affaires que nous avons à traiter de concert. Enchanté.

Il s'empressa de serrer la main du diplomate (avec sa paume de chair et de sang) d'une poigne légèrement trop ferme ; puis s'assit sur la chaise qu'il venait de juxtaposer à la table. Il retint un grognement en réalisant qu'elle s'avérait un zeste trop grande, et que ses genoux vinrent presque taper contre le dessous du plateau en bois de manguier. Il déposa sa casquette sur la nappe d'un blanc pur comme la neige ; se tint raide comme un piquet et plongea son regard dans celui du triton. Il ne sut quel œil regarder en priorité.

-Je crains cependant que Monsieur Walheim ne soit retardé ou indisposé, exposa-t-il. Jeee – il laissa involontairement traîner sa syllabe une demi-seconde de trop, trahissant une hésitation difficilement camouflée – vous propose donc volontiers d'entamer immédiatement un apéritif en l'attente de ses nouvelles.

L'envie de boire lui vint immédiatement. Autant pour divertir l'ambassadeur que pour alléger une part de ses propres malheurs.

-Le Berlinger est excellent, inventa-t-il à toute allure en balayant en diagonale la carte des vins, mais j'ai ouï-dire d'excellents avis sur le Hoch-Kassel. Ses pupilles de citron se dilatèrent l'espace d'un battement de cil devant le gigantisme des prix défilant devant ses yeux. Autrement, on ne peut jamais se tromper avec un Marie-Céleste. Un classique. Et beaucoup moins cher, également ! Le « champagne du pauvre », comme les bourgeois aimaient à l'appeler – mais merde aux bourgeois, Cyrus ; lui ; l'aimait bien, l'aimait tant qu'il s'en enquillait une bouteille entière à lui seul pour chacun de ses anniversaires.
Mar 1 Nov - 18:31
De la part de la présumée citée du Savoir, le malheureux Zvintoch ne s'attendait pas à recevoir un accueil si froid et méfiant !

«  Je m'appelle Zvintoch le 19ème, Tzalvalz'Vorgul. Vous pouvez tout simplement m'appeler Zvintoch. L'Empire Triton souhaite multiplier les ponts existants entre les Abysses et la Surface, et je suis l'Ambassadeur qu'ils ont choisi pour venir à la rencontre de votre cité, afin de rechercher des pistes d'ententes commerciales et technologiques qui profiteraient à nos deux peuples ! »

En guise d'apéritif social, Epistopoli lui avait envoyé un officier militaire ? Un curieux choix ! Qui en dit long sur la mentalité de cette tentaculaire colonie humaine, dont Zvintoch avait encore grand peine à saisir les rouages. Oui, une cité centrée sur la progression scientifique, dirigée non pas par des coeurs mais bien par de bons cerveaux bien rationnels... Et ce désir de propager sa noble voie à des peuples moins civilisés, quel délice ! Cela faisait initialement rêver Zvintoch, bien sûr, le synopsis était si similaire à la vocation tritonne, c'en était troublant ! Mais derrière cette alléchante vitrine se vautrait une société minée par le non-sens. Un gouvernement opaque sourd aux propositions tritonnes, des industriels cupides et hédonistes, et une basse caste ridiculement crasseuse de laquelle on ne tire que des gémissements, de la douleur, et du crime...

Et ce Régent, qui est-il, pour qui se prend-t-il, et pourquoi les epistopolitains l'aiment-ils tant ? C'est comme s'ils entretenaient avec lui la même relation que les tritons abyssaux ont avec la reine Mère. Mais il ne semble s'agir que d'un simple humain, grassouillet et moustachu, d'où donc peut découler ces centaines de mythes qu'on entend à son propos dans les rues, dans les cinémas, sur les places publiques, dans les restaurants ? De grandes précautions sont requises lorsque l'on commence à parler de lui, oh que oui ! Choisissons soigneusement nos mots, car ce misérable gouvernement, aux manières dégoûtantes, semble bien prompt à envoyer aux oubliettes même un majestueux prince triton, Ô combien plus élevé spirituellement qu'un bonhomme ridicule grassouillet et moustachu s'il vient à déraper !

Zvintoch a du faire preuve d'une obstination exemplaire pour enfin recevoir une audience auprès d'un représentant de ce gouvernement-goujat, un certain monsieur Philbert Walheim. Mais voici qu'il ne daigne même pas faire l'honneur au bon Zvintoch le 19ème de se présenter en personne, et que c'est un remplaçant issu de la classe militaire qu'on envoie à sa place pour gagner du temps. Quel ridicule ! Heureusement, oui, heureusement que la patience de Zvintoch le 19ème est inébranlable !

Non, il n'y a aucune lumière à Epistopoli. Tout ici semble n'être que fumisterie, une bien agressive fumisterie, au grand dam du malheureux Zvintoch, qui pensait trouver ici la capitale de la Science humaine !

Bien que pris au dépourvu par cette succession d'imprévus, et bien qu'il ressent toujours au plus profond de sa moelle cérébrale ce malaise qui le suit constamment dans sa visite d'Epistopoli, le sage Zvintoch tord ses muscles faciaux en un radieux sourire. Son interlocuteur n'a pas besoin de savoir à quel point il a été déçu par sa cité !

«  Un classique dites-vous ! Je serais bien maladroit d'exiger du raffinement sans avoir commencé par vos classiques. Je suis impatient de goûter à ce Marie-Céleste ! »

Les soeurs de Zvintoch, assises plus loin, tendent l'oreille et ne perdent pas une miette de l'échange entre Zvintoch et son hôte improvisé. Sur le qui-vive, rien dans cette situation ne les rassurent, et elles se tiennent prêtes à partir au quart du tour. Si la moindre ombre vient menacer leur radieux grand frère, elles la détruiront sur le champ, embarqueront leur protégé et déguerpiront loin de cette mégapole sinistre.

L'arrivée du capitaine Mowatt les pousse à s'agiter encore davantage sur leurs sièges ; ces deux bombonnes rustres et pataudes pourraient envenimer une situation déjà toxique ! Habilement, Zvintoch s'empresse de désarmer toute inquiétude qui pourrait pointer dans le cerveau de cet humain :

«  Je vous présente Glsasn la 55ème et T'Nussask la 56ème ; elles sont mes gardes du corps et elles sont aussi mes soeurs ! Faites comme si elles n'existaient pas : je vous promets qu'elles resteront en arrière-plan et n'interférerons jamais avec nos échanges. »

Habituellement, Zvintoch n'hésite pas à congédier ses soeurs lorsque celles-ci risquent d'indisposer son hôte. Mais dans ce cas, il lui semble plus avisé d'utiliser leur présence pour appuyer le sérieux de sa démarche face à cette troublante Epistopoli. Et puis, ce fameux capitaine, au regard dur et aux membres non pas faits de viande mais de fer, il ne sera certainement pas intimidé par ces tritonnes bouffies...

Oui, aucun doute, cet humain est un dur à cuire, un guerrier redoutable mi-viande mi-mécanique, et une menace pour l'intégrité physique de l'Ambassadeur s'il venait à y avoir anguille sous roche ! La seule main organique du capitaine Mowatt l'avait plus tôt gratifié d'une poigne remarquablement dure, est-ce du stress ou un désir de domination ? Non, il y a un malaise évident qui émane de ce soldat, avait-il été parachuté auprès de Zvintoch sans connaître la totalité des enjeux de la rencontre ? Sous cette apparence puissante et rigide, faussement courtoise, Zvintoch la perçoit : cette gêne, cette fissure.

Le capitaine Mowatt est un soldat qu'on envoie sur un front pour lequel il n'est pas armé. Cela pourrait être interprété comme un nouveau manque de respect par Zvintoch le 19ème : mais celui-ci, sage comme à son habitude, décide de ménager le pauvre pion et de l'inclure dans son plan diplomatique !

Mais, d'abord ! Il allait s'agir de lui faire un topo ! De vulgariser le pourquoi du comment, en des termes qu'il entendrait. De sa voix douce et monotone, légère comme un crachin, Zvintoch décortique sa situation :

«  J'avais rendez-vous avec monsieur Walheim... Il s'agissait d'une prise de contact tout à fait innocente entre l'Empire Triton et votre fabuleuse cité ! J'avais prévu d'échanger avec lui sur les innombrables subtilités qui caractérisent nos civilisations respectives. Suite à ces échanges, je suis certain que nous pourrons dégager des projets commerciaux et culturels, qui forgeront une belle alliance entre nos deux peuples ! »

Un bien lourd programme !

«  Je souhaite donc en apprendre plus sur votre civilisation, et je serai ravi de répondre aux questions que vos congénères poseront concernant la mienne ! »

Le capitaine, probablement issu des castes inférieures de l'humanité (celles qu'on envoie mourir au combat), ne sera peut-être pas apte à aborder des sujets profonds avec Zvintoch ! Mais cela reste une fantastique occasion d'explorer certains doutes qui le tracassent depuis son arrivée à Epistopoli.

«  Je suis conscient que ça n'est pas votre domaine de compétence... mais que diriez-vous, en attendant que nos boissons se présentent, de me décrire, par vos propres mots, ce qu'est Epistopoli ? »

L'avis d'un homme d'action, immergé jusqu'au cou dans le système qu'il sert, pourrait se révéler très éclairant !

«  Surtout, détendez vous, il n'y a aucun piège ! C'est de la curiosité toute innocente de la part d'un étranger ! »