Mar 18 Oct 2022 - 12:36
Il avait l’habitude qu’on lui demande des faveurs. C’était, après tout, son travail. Sa position officielle, lorsqu’il s’agissait de classifier de manière officielle sa position dans la complexe hiérarchie d’Opale, était capitaine de mercenaire. Tout cela faisait très officiel, très propre et très convenable, avec juste ce qu’il fallait d’exotisme au vu de sa haute stature et des cornes qui auréolaient son front pour ne pas devenir ennuyeux. Il n’aurait pas accepté que cela devienne ennuyeux. Tout ça pour dire que ça position réelle était légèrement plus complexe, plus englobante que celle qu’il présentait au monde. Il accordait des faveurs. Il solvait des problèmes, souvent de manière très littérale. Parfois en les dévorant. Pas toujours de manière totalement littérale. Mais il devait avouer que ce soit, l’occasion était un peu différente ; on lui avait demandé de faire un numéro de charme, et cela en soit n’était pas spécialement étonnant. Il avait conscience qu’il occupait dans l’esprit de nombre de ruminants une position particulière. Il était un prototype, un saraph dompté par la civilisation, qui mettait son bras au service des causes industrielles et mercantiles. Il fallait certes lui laisser l’illusion de la liberté, mais le résultat pour Opale était le même. Il huilait les relations entre ses familles dirigeantes, il fracassait des têtes lorsque leurs propriétaires se trouvaient pris de passions peu civiques. Somme toute, il servait la cité.
Il le comprenait, et ne le niait. Ses intérêts concordaient, et il appréciait la ville.
Pour l’instant. Demain, il ne savait pas. Il ne regardait jamais demain, pas quand il s’agissait de ses pulsions et de ses appétits. Seul le présent comptait réellement.
Tout ça pour dire que c’était surprenant : parce qu’il était différent, on avait décidé de lui faire faire la causette à un homme-poisson. Ce n’était pas là un euphémisme pour lui demander de le faire disparaitre : la créature était importante, et sécuriser sinon ses allégeances, au moins ses bonnes grâces était vu comme important. Il ressemblait en cela au noble saraph. On lui avait donné une transcription de son journal intime, et il lui était rapidement apparu que son esprit fonctionnait très différemment de celui des autochtones, et plus encore du sien. Certes, il pouvait en passant des doigts délicats entre les lignes exhumer certaines choses. Des vision faussement pudiques, habillées de voiles excitants qui recouvraient à peine leurs culs gras et blancs. Ou poisseux et couvert d’écailles. Il ne se voulait pas spécialement raciste, et considérait avec la même bienveillante distance l’ensemble des autochtones.
Il se leva de son imposant sofa, un geste rapide de la main renvoyant les sycophantes qui bourdonnait en ce moment à ses oreilles. Il avait fait ses recherches, et ce soir, sa tenue était plus resplendissante encore qu’à son habitude. Assemblage soigné de tissu, elle était relié autant à ses cornes qu’à ses défenses par quatre anneaux dorés auxquels étaient accrochés des crochets permettant de faire tenir les voiles qui recouvraient son corps. Chacun de ses mouvements agitait les étoffes précieuses autour de sa silhouette. Détail savoureux, elles étaient toutes extraites de robes précieuses d’anciennes jeunes femmes disgraciées. Les princesses de la ville, drapées autour de lui au-delà de la mort et des sévices. Et à côté, bon nombre de leurs connaissances, qui hésitaient entre l’admiration que l’artiste réclamait de son public pour sa nouvelle création, et l’indignation discrète que la bienséance demandait que l’on exprime à voix basse. Tout cela était merveilleux, certes, mais pas totalement circonscrit au simple domaine de la provocation.
Ce dernier était de toute façon bien insipide. Personne ici ne pouvait réellement être choqué par si peu de chose, surtout quand tout autour d’eux les spectacles les plus débauchés s’étalaient avec la plus grande impudeur. Les plus exclusifs d’entre eux parvenaient seulement au-travers de cloisons justes assez épaisses pour garantir un relatif anonymat, certes, mais tout de même. Personne n’ignorait vraiment ce qui se passait là. Personne qui ait le statut d’invité et non celui de distraction, en tout cas.
Il se dirigea vers le nouveau. L’ambassadeur. La créature-poisson. Le saraph le trouva laid, même au vu des standards que les visages aux ossatures molles de l’endroit imposaient à sa personne. Trois yeux globuleux ressemblant à ceux d’un crapaud étranglé perçaient un visage où la peau squameuse s’amoncelait en plis ombrageux. Une unique narine servait à gouter un air visiblement toujours étranger, et son poitrail maigrelet se gonflait lentement, les parties segmentées de son cou refusant de se plier comme leur apparence le laissait imaginer. Deux nageoires couleur d’algue encadraient comme deux oreilles hypertrophiées son petit crâne. Un seul verdict, devant ce spectacle, s’imposait à la personne morale et philanthrope : son existence était anathème à toute chose bonne et normale, et c’était la mort qui devait lui être offerte comme unique présent. Tlaxlheel sentit ses lèvres s’étirer, un sourire large déformant son propre visage. Il le sentait déjà : il allait très bien s’entendre avec le nouveau-venu.
« Ambassadeur Zvintoch, 19ème Tzalvalz'Vorgul ! annonça-t-il en prenant soin de prononcer correctement son nom. C’est un plaisir que de recevoir l’invité d’honneur de cette soirée ! Venez, venez, et dites-moi : votre voyage a-t-il été plaisant ? »
La badinerie était d’une délicate banalité. Une entrée douce, un moyen de voir comment la chose allait réagir. Le saraph, lui, sentait les brumes de l’alcool et de la drogue douce et légère qu’on lui avait présenté (dont il avait déjà oublié le nom) s’éloigner hors de lui. Il s’éveillait de nouveau. Il empêcha son sourire de contaminer le reste de son visage.
Il le comprenait, et ne le niait. Ses intérêts concordaient, et il appréciait la ville.
Pour l’instant. Demain, il ne savait pas. Il ne regardait jamais demain, pas quand il s’agissait de ses pulsions et de ses appétits. Seul le présent comptait réellement.
Tout ça pour dire que c’était surprenant : parce qu’il était différent, on avait décidé de lui faire faire la causette à un homme-poisson. Ce n’était pas là un euphémisme pour lui demander de le faire disparaitre : la créature était importante, et sécuriser sinon ses allégeances, au moins ses bonnes grâces était vu comme important. Il ressemblait en cela au noble saraph. On lui avait donné une transcription de son journal intime, et il lui était rapidement apparu que son esprit fonctionnait très différemment de celui des autochtones, et plus encore du sien. Certes, il pouvait en passant des doigts délicats entre les lignes exhumer certaines choses. Des vision faussement pudiques, habillées de voiles excitants qui recouvraient à peine leurs culs gras et blancs. Ou poisseux et couvert d’écailles. Il ne se voulait pas spécialement raciste, et considérait avec la même bienveillante distance l’ensemble des autochtones.
Il se leva de son imposant sofa, un geste rapide de la main renvoyant les sycophantes qui bourdonnait en ce moment à ses oreilles. Il avait fait ses recherches, et ce soir, sa tenue était plus resplendissante encore qu’à son habitude. Assemblage soigné de tissu, elle était relié autant à ses cornes qu’à ses défenses par quatre anneaux dorés auxquels étaient accrochés des crochets permettant de faire tenir les voiles qui recouvraient son corps. Chacun de ses mouvements agitait les étoffes précieuses autour de sa silhouette. Détail savoureux, elles étaient toutes extraites de robes précieuses d’anciennes jeunes femmes disgraciées. Les princesses de la ville, drapées autour de lui au-delà de la mort et des sévices. Et à côté, bon nombre de leurs connaissances, qui hésitaient entre l’admiration que l’artiste réclamait de son public pour sa nouvelle création, et l’indignation discrète que la bienséance demandait que l’on exprime à voix basse. Tout cela était merveilleux, certes, mais pas totalement circonscrit au simple domaine de la provocation.
Ce dernier était de toute façon bien insipide. Personne ici ne pouvait réellement être choqué par si peu de chose, surtout quand tout autour d’eux les spectacles les plus débauchés s’étalaient avec la plus grande impudeur. Les plus exclusifs d’entre eux parvenaient seulement au-travers de cloisons justes assez épaisses pour garantir un relatif anonymat, certes, mais tout de même. Personne n’ignorait vraiment ce qui se passait là. Personne qui ait le statut d’invité et non celui de distraction, en tout cas.
Il se dirigea vers le nouveau. L’ambassadeur. La créature-poisson. Le saraph le trouva laid, même au vu des standards que les visages aux ossatures molles de l’endroit imposaient à sa personne. Trois yeux globuleux ressemblant à ceux d’un crapaud étranglé perçaient un visage où la peau squameuse s’amoncelait en plis ombrageux. Une unique narine servait à gouter un air visiblement toujours étranger, et son poitrail maigrelet se gonflait lentement, les parties segmentées de son cou refusant de se plier comme leur apparence le laissait imaginer. Deux nageoires couleur d’algue encadraient comme deux oreilles hypertrophiées son petit crâne. Un seul verdict, devant ce spectacle, s’imposait à la personne morale et philanthrope : son existence était anathème à toute chose bonne et normale, et c’était la mort qui devait lui être offerte comme unique présent. Tlaxlheel sentit ses lèvres s’étirer, un sourire large déformant son propre visage. Il le sentait déjà : il allait très bien s’entendre avec le nouveau-venu.
« Ambassadeur Zvintoch, 19ème Tzalvalz'Vorgul ! annonça-t-il en prenant soin de prononcer correctement son nom. C’est un plaisir que de recevoir l’invité d’honneur de cette soirée ! Venez, venez, et dites-moi : votre voyage a-t-il été plaisant ? »
La badinerie était d’une délicate banalité. Une entrée douce, un moyen de voir comment la chose allait réagir. Le saraph, lui, sentait les brumes de l’alcool et de la drogue douce et légère qu’on lui avait présenté (dont il avait déjà oublié le nom) s’éloigner hors de lui. Il s’éveillait de nouveau. Il empêcha son sourire de contaminer le reste de son visage.