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A l'ombre de l'oasis [PV Akhesh Ménuza]

A l'ombre de l'oasis [PV Akhesh Ménuza] Brandw10
Dim 15 Déc - 23:13
Entre les doigts gantés tendus vers le ciel, son regard accrocha l'immensité azure qui s'étirait au-dessus de sa tête encapuchonnée. Le soleil était déjà haut dans le ciel, réchauffant les étendues de sable s'étendant à perte de vue jusqu'à la ligne d'horizon. Seul un inconscient se serait lancé à l'aventure en solitaire, remettant son sort entre les mains des Douze eux-mêmes pour traverser le désert sans heurts. Un inconscient ou un amateur. Le Grand Camérier n'était ni l'un, ni l'autre. Son récent périple jusqu'aux terres meurtries du Renon et même au delà s'était révélé plus long qu'il ne l'avait prévu. La faute à des imprévus. Que même lui, du haut de son millénaire d'existence, puisse encore se faire surprendre par le destin, l'amusait en son for intérieur. Les hommes ne changeraient décidément jamais. Leurs démons également.

Celui-là même qui rongeait l'Archevêque d'Aramila et qui avait de quoi susciter sa curiosité la plus malsaine. Le Spectre ne fut pas surpris d'apprendre son absence, se remémorant même leurs derniers échanges et le projet de son supérieur de mener à bien une quête personnelle. En revanche, Zéphyr apprécia moins qu'on lui rapporte que l'homme avait disparu pour de bon. Et par disparu, cela sous-entendu, qu'il avait échappé à leur surveillance. La nouvelle le contrariait, d'autant que les derniers rapports indiquaient qu'il s'était rendu à un célèbre marché aux bestiaux. Le premier pas pour acquérir une monture adéquate avant d'entreprendre un difficile voyage.

Des exclamations lointaines l'arrachèrent brusquement au fil de ses pensées, le forçant à reporter son attention devant lui. A plusieurs dizaines de mètres de là où il se trouvait, les contours de l'oasis se dessinaient, invitant le voyageur épuisé à s'y traîner pour y trouver le repos. Cependant, la quiétude imaginée en un tel lieu se mua rapidement en une intrigante agitation tandis que le Grand Camérier atteignait sa destination. Son arrivée passa presque inaperçue et il se résolut à mettre un pied à terre, cherchant l'origine du problème. Un peu plus loin, à l'écart des bâtiments, s'élevait un nuage de poussière et de sable. Après avoir veillé à conduire sa monture à l'abreuvoir, Zéphyr s'approcha, découvrant un groupe d'hommes qui tentaient visiblement de maîtriser une bête.

Les couinements qui se mêlaient aux grognements de la créature le laissèrent perplexe sur le moment. Sur le moment, le son lui parut inconnu. A sa connaissance, le Spectre n'avait pas le souvenir de l'avoir entendu en Aramila ou sa mémoire lui ferait-il subitement défaut ? Soudain, entre deux épaules, il l'aperçut : un Loutro se débattait énergiquement pour échapper à ses geôliers. La vision ne dura qu'un moment, avant de se voir soustraire à son regard à mesure que les individus resserraient les rangs pour empêcher toute fuite de l'animal. La surprise traversa le Grand Camérier. Qu'est-ce qu'un Loutro faisait ici ? Ce n'était pas son environnement de prédilection, ni même dans les habitudes du clan Miraez de proposer pareille marchandise. Et ce, même s'il s'agissait d'une monture loyale et endurante à souhaits.

Laissant volontiers cette question en suspens, Zéphyr se détourna de la scène pour rejoindre le bâtiment le plus proche, dans l'espoir de recueillir des informations au sujet de l'Archevêque. Une jeune femme l'accueillit d'un regard surpris mais l'écouta avec politesse quand le Spectre lui annonça la raison de sa venue : changer de monture, la sienne ayant fait son temps. Son interlocutrice commença d'abord par lui annoncer, non sans une certaine gêne, que la plupart de leurs meilleurs bêtes avaient été vendues lors de la dernière foire aux bestiaux et il l'écouta d'une oreille distraite, cherchant silencieusement un moyen d'être mis directement en relation avec l'une des personnes présentes à cette fameuse foire quand les exclamations retentirent de plus belle, différemment cette fois.

« C'est ça Akhesh ! Contourne le par la gauche ! »

Son attention une nouvelle fois attirée par l'agitation provoquée en extérieur, le Grand Camérier observa la scène de loin, remarquant le teint inhabituel de l'homme ainsi interpellé. Ensemble avec le Loutro, ils formaient un duo des plus étonnants, aucun des deux n'étant à sa place sur les terres arides d'Aramila.

« Cet homme... Il n'est pas d'ici n'est-ce pas ? » interrogea-t-il plus pour lui-même qu'autre chose.

« Ah... Euh... Il travaille pour nous depuis quelques mois. Il nous a beaucoup aidé lors du marché, c'était même l'un de nos meilleurs vendeurs sur le stand ! »

« Vraiment ? »

Une telle personne ne passait pas inaperçue. L'Archevêque avait-il lui aussi été interpellé par ses origines étrangères ? Zéphyr remercia son interlocutrice pour s'approcher de nouveau du cercle, bien désireux de s'entretenir avec le dénommé Akhesh à l'instant où la première occasion se présenterait.


Dernière édition par Zéphyr le Mer 1 Jan - 19:42, édité 1 fois
Lun 16 Déc - 21:40
A l'ombre de l'oasis



Le soleil, implacable, cinglait la peau des hommes déjà rougie par l'effort. La sueur salait leurs corps tandis qu'ils encerclaient la créature. Une loutre, certes, mais pas celle que l'on imagine s'ébattant dans les rivières. Celle-ci était un monstre, une masse de muscles luisants sous le soleil. Certains membres du clan l'avaient découvert près d'un corps sans vie, celui de son maître, semblait-il. Un individu couvert de tatouages, qui portait un collier orné d'une dent acérée. Le loutro, à ses côtés, avait grogné et montré les dents, défendant son territoire et son maître, même mort.  Depuis sa découverte et après avoir été ramené avec difficulté, l'animal semait la panique dans l'oasis. Ses tentatives pour s'échapper ou attaquer se multipliaient. Il fallait le mettre dans un enclos afin de sécuriser l'oasis. Un groupe d'hommes avait été désignés et Akhesh en faisait partie.

Armés de lassos et de bâtons, ils s'approchaient prudemment. Le loutro les observait, les yeux brillants de défi. A la moindre fausse manœuvre, il bondissait, ses griffes laissant des égratignures profondes sur la peau des hommes. Pas agressive, pouvait-on lire dans certains ouvrages, ah d'autres ! Cela faisait deux heures que les hommes tentaient de le faire entrer dans l'enclos. La bête était plus agile qu'ils ne l'avaient imaginé. Les hommes commençaient à douter de leur capacité à la maitriser.  Tout au long de leur dur labeur, quelques curieux observaient et encourageaient les nomades.

" Allez-y! Vous allez l'avoir ! "

Concentré, le Strigoi ne prêtait guère attention aux divers encouragements qui pouvaient être faits. Force était de constater que la manière forte n'était pas la meilleure pour arriver à leur fin.

" Les gars ! Faut essayer autre chose ! Écartez-vous, je vais tenter un truc ! Si jamais il me met au tapis, sortez-moi de là  "  

Akhesh respirait profondément et tentait alors une approche différente. Lasson en main, les bras le long du corps, au lieu de l'affronter de front, il s'approchait lentement de l'animal, murmurant des paroles douces. Il avait lu dans un vieux livre que les animaux étaient parfois sensibles à la voix. Avec patience, il tentait d'établir un lien avec le loutro. Il parlait doucement, lentement, de la vie, de la mort, de la solitude. La bête se rapprochait, mais n'en demeurait pas moins méfiante. Cependant, la curiosité le poussait à se rapprocher du Strigoi, qui ne bougeait pas et se laissait renifler.

" C'est ça, mon tout beau. Je ne te veux pas de mal. "  

Alors qu'Akhesh s'attendait à tout sauf à cela, le loutro venait le pousser du museau comme un chien cherchant les caresses. Surpris, le Strigoi continuait de lui parler. Le reste de l'équipe observait la scène, n'en croyant pas leurs yeux. La bête qu'ils avaient tant redoutée, se laissait approcher.
Finalement, après de longues, très, très longues minutes, le loutro se laissait guider vers l'enclos sans opposer la moindre résistance. Il entrait à l'intérieur et s'y installait. Les hommes échangeaient des regards. Ils avaient vaincu la bête, non par la force, mais par la compassion. Quand la barrière se refermait, Akhesh poussait un profond soupir de soulagement avant de se diriger vers un tonneau d'eau. Il plongeait les mains dedans et se rafraichissait. Aziz, fils ainé de Moussa, arrivait à sa hauteur.

" Bien joué. Sans toi, on y était encore ce soir !"

"Ah, c'est rien. C'était un peu fou de ma part, mais ça a marché."  

Il buvait une gorgée d'eau et ajoutait.

" Je m'occuperai de lui, si tu veux bien, le temps qu'on lui trouve un nouveau maitre. Et quelque chose me dit que ça ne sera pas simple. Il a un sale caractère. "  

Il fixait tour à tour Aziz et le loutro.

" Un peu comme toi, en fait. "  

" Hé, j'te permets pas. "

Aziz faisait mine de s'offusquer avant que les deux hommes ne partent dans un éclat de rire.


Codage par Libella sur Graphiorum
Mer 18 Déc - 22:37
A la surprise générale, l'initiative de l'étranger porta ses fruits. Même s'il demeura méfiant aux premières paroles de l'homme, le Loutro perdit en agressivité, jusqu'à approcher progressivement le bipède qui lui faisait face. Et alors que chacun retenait son souffle quand les deux êtres ne furent plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, craignant que la situation ne bascule à tout moment, l'animal montra des signes d'affection. L'inconnu, par son approche douce et bienveillante, avait finalement réussi à calmer la bête, redevenue sauvage par la force des choses. Dans un silence ébahi, tous le regardèrent conduire le Loutro jusqu'à son enclos avant que les murmures admiratifs ne finissent pas s'élever ci et là parmi la foule de curieux. Le Spectre n'avait rien perdu de la scène incroyable qui venait de se jouer sous leurs yeux. De toutes évidences, l'étranger savait y faire avec les animaux. Le fait qu'il ait rejoint cette troupe n'était pas un hasard à bien y réfléchir.

L'excitation retombée, chacun s'en retourna à son travail. La vie du camp voyait son organisation rythmée au gré des existences qui trouvaient leur sens en son sein. Ici, nul question de s'ennuyer ou même de bailler aux corneilles : tous avaient un rôle à jouer, une contribution à apporter. Le désert était un ennemi redoutable contre lequel il fallait lutter au quotidien, forgeant la solidarité entre les êtres. Certes, il était présomptueux d'affirmer pouvoir un jour s'en faire un allié ou même l'apprivoiser. L'homme n'avait – et n'aurait jamais – pas de contrôle sur la nature. Son attention se détourna du Loutro pour observer l'homme à la peau d'ébène. Zéphyr se décida finalement à l'approcher après que son interlocuteur se soit éloigné pour interpeller d'autres de ses pairs à reprendre le travail.

« Impressionnant ce que vous avez accompli avec cet animal. Il a eu de la chance que le destin vous place sur sa route. »

Si le clan Miraez avait bâti sa fortune sur le commerce de bêtes de bât, il n'était jamais exclu de leur trouver une autre fonction. Un animal avec un trop mauvais caractère couplé à la rudesse des conditions de vie dans un environnement tel que le désert... Rien d'étonnant à ce qu'il soit tué pour voir sa viande consommée et sa fourrure revendue. Le Grand Camérier était convaincu que la seconde aurait facilement trouvé preneur, pour sa rareté sur ces terres en plus de sa qualité.

« Vous semblez vous y connaître avec ces bêtes-là. Il est rare pourtant d'en croiser en Aramila. »

Une manière détournée pour interroger l'homme sur ses véritables origines. Ou tout simplement pour en apprendre davantage sur ce qui avait conduit un Loutro à demi-sauvage de se retrouver en plein désert. L'objet derrière son intérêt n'était pas clairement identifiable tant le ton n'était en rien suspicieux ou même empreint de curiosité à l'encontre de l'inconnu. Même le timbre de la voix du Spectre ne laissait rien soupçonner de son état d'esprit actuel. Etait-il sincèrement admiratif de l'acte accompli ? Ou au contraire parfaitement indifférent ? Chaque mot conservait une forme de détachement qui pouvait facilement déstabiliser. Son interlocuteur était libre de répondre ou non à ses interrogations silencieuses. L'art consistait à cultiver ce faux sentiment de choix persistant chez les autres pour les amener à dévoiler leurs secrets le moment venu, sans même qu'ils ne s'en rendent compte par eux-mêmes.

« Je comprends mieux pourquoi on vous présente comme l'un de leurs meilleurs vendeurs du clan lors du marché aux bestiaux. J'ai peut-être fait une erreur en choisissant de venir à votre rencontre, je crains désormais pour le contenu de ma bourse en votre présence. »

Plaisantait-il seulement ? Certains auraient pu s'offusquer d'un tel commentaire, comparable à une accusation adressée à un vulgaire voleur. Cependant il n'en était rien : par ces mots, Zéphyr admettait les probables qualités de négociation de l'individu répondant au nom d'Akhesh. La fierté mal placée n'avait aucune valeur à ses yeux. Sauf peut-être, dans la mort. Derrière ce qu'aucun pourrait interpréter comme de la provocation, le Grand Camérier se contentait d'observer la réaction de son interlocuteur.
Jeu 19 Déc - 19:58
A l'ombre de l'oasis



Akhesh après s'être entretenu quelques minutes avec Aziz, plongeait de nouveau ses mains dans le tonneau. L'eau était fraîche comme la rosée d'un matin de printemps. Il sentait chaque pore de sa peau s'ouvrir, accueillant avec délectation cette vague de fraîcheur. Il retirait ses mains et les passait sur son visage, sur son cou et sur ses bras. La sensation était à la fois vivifiante et apaisante. C'était comme si chaque goutte d'eau emportait avec elle une parcelle de la chaleur accablante du désert, laissant derrière elle une trace de fraîcheur.

La peau du Strigoi souffrait de quelques légers coups de soleil. Il fermait les yeux, savourant pleinement le moment. Chaque muscle de son corps se détendait. Le soulagement était tel qu'il en frissonnait presque. Il se sentait revivre, régénéré, même si la sensation n'était pas égale à celle que lui procurait le sang.

Une profonde respiration lui gonflait la poitrine. Il expirait lentement, chassant les derniers vestiges de fatigue. Deux heures à se confronter au loutro sous un soleil de plomb n'avait pas été une mince affaire. L'eau, en plus de rafraîchir son corps, semblait apaiser son esprit. Il se sentait léger, libre. C'était comme si ce simple geste le débarrassait de toutes ses préoccupations.
Mais voici qu'un homme l'apostrophait, le félicitant. Akhesh inclinait la tête, posant son regard azur sur l'étranger.

" Disons que j'ai eu de la chance. Cela aurait pu très mal tourner."  

Un sourire timide s'esquissait sur ses lèvres.

" Les douze devaient être avec moi."    

Le strigoi sentait un frisson parcourir sa colonne vertébrale à l'écoute des mots de l'individu qui se tenait en face de lui. Les questions du spectre, bien qu'habillées d'un voile de politesse, paraissaient glisser sous sa peau, grattant une cicatrice à peine refermée. Il y avait dans la voix du Grand Camérier une tonalité particulière, un sous-entendu qu'il ne parvenait pas à cerner.

" Vous avez raison. Il est rare de trouver ici pareille créature. Des membres du clan l'ont trouvé dans le désert, près d'un homme mort. Ils ont décidé de le ramener, ne voulant pas laisser l'animal périr. "  

Il jetait un bref coup d'œil vers l'enclos et revenait sur Zéphir.

" Sa place n'est pas ici. Il a besoin de verdure et d'eau. Je ne sais pas s'il aura la chance de trouver un nouveau propriétaire. Les gens d'ici sont plus portés sur les camélidés ou les chevaux."    

Akhesh évitait soigneusement de mentionner son passé, ses origines. Il savait que certaines vérités pouvaient être dangereuses, et il n'avait aucune intention de dévoiler ses secrets à ce mystérieux étranger. Le Strigoi avait une lueur amusée dans le regard.

" Moi, le meilleur vendeur, vraiment ?! Je ne sais pas qui vous a dit ça, mais je suis flatté que vous pensiez que je puisse vous soutirer quelques pièces. Je ne suis pas celui qui tentera de vous ruiner. Je suis simplement un homme qui a à cœur de trouver un bon foyer à nos animaux. Ils le méritent."  

Il faisait une pause, puis reprenait avec sérieux.

" Toutefois, si vous cherchez à acquérir une de nos bêtes, cela va s'avérer compliqué. Je peux toujours voir s'il nous reste une ou deux bêtes susceptibles de vous plaire. Mais sachez que je connais la valeur de nos animaux et je ne les braderai pas."  

Un silence s'installait entre les deux hommes. Askesh sentait que le Grand Camérier le sondait, cherchant à déceler une faille. Il maintenait son expression impassible. Une gamine arrivait en courant...

" Papa ! Papa ! C'est vrai ce que les gens racontent ? Que tu as vaincu le loutro ? C'est trop nul, j'ai raté ça !

La petite était visiblement contrariée. Akhesh posait affectueusement une main sur l'épaule de l'enfant.

" Tu n'as rien raté. Ce n'est pas un exploit en soi, juste de la chance. " 

Ces paroles semblaient réconforter la petite fille.

" Tout à l'heure, tu pourras m'accompagner pour qu'on s'occupe de lui."  

Un sourire illuminait le visage de l'enfant.

" C'est vrai, je pourrais venir? " 

Il acquiesçait.

" Allez file, je dois m'occuper de ce Monsieur. "  

Elle avisait alors l'homme près de son père, lui adressait un bref sourire et filait aussi vite qu'elle était venue. Akhesh revenait  à son principal interlocuteur, l'étranger.

" Donc, vous cherchez une monture ? "  


Codage par Libella sur Graphiorum
Dim 22 Déc - 19:14
L’humilité dont fit preuve son interlocuteur contrastait violemment avec l’assurance qu’il dégageait. Peut-être disait-il vrai en avouant ignorer l’issue de son initiative envers l’animal. Ou alors, il n’avait tout simplement pas conscience de son charisme, lequel attirait d’autant plus l’œil en raison de cette peau d’ébène.  Cependant, ce ne fut pas ce qui attira l’attention du Grand Camérier dans les propos de l’homme. Ainsi, le Loutro avait été retrouvé auprès de son défunt propriétaire en plein désert. Nombreux étaient ceux et celles à se faire piéger par les vastes étendues de sable et il lui était difficile d’interroger davantage Akhesh au sujet du sort du malheureux cavalier solitaire sans s’attirer la méfiance de ce dernier. Au mieux, sa question passerait pour de la curiosité malsaine, au pire… Des soupçons pourraient se porter sur sa personne et Zéphyr n’y tenait pas spécialement. Mais si l’autre n’était pas mort de déshydratation, alors la disparition de l’Archevêque prenait soudaine une dimension plus inquiétante encore. La variation dans le timbre de la voix de son interlocuteur l’arracha à ses pensées, lui faisant même esquisser un sourire amusé à son tour.

« Je ne doute pas un seul instant de votre bienveillance à l’encontre des bêtes. Vous venez d’en faire la démonstration. »

Heureusement l’étranger n’écarta pas pour autant la perspective de conclure une vente entre eux mais avant que le Spectre n’ait le temps de répondre, une voix féminine et fluette s’éleva brusquement. Les iris rubis se détachèrent un instant de la silhouette leur faisant face pour se poser sur la petite fille qui avait surgi. Le lien les unissant fut rapidement établi et le Grand Camérier observa l’échanger sans un mot. Son regard suivit l’enfant qui s’éloignait, rassurée par les paroles de son père avant de revenir à ce dernier tandis qu’il reprenait le cours de leur conversation.

« En effet. Ma monture actuelle a fait son temps et j’aimerais en acquérir une nouvelle. Votre renommée n’est plus à prouver, ni même la qualité de vos bêtes. Je vous suis.  »

Après un dernier coup d’œil au Loutro, Zéphyr emboîta le pas à l’étranger, réfléchissant à la manière d’amener la véritable raison de sa venue dans leur discussion. Akhesh se montrait affable bien que franc, exposant la situation avec une fermeté teintée de politesse avenante, acceptant de lui présenter les quelques bêtes toujours en leur possession. Le Spectre l’écoutait avec la même courtoisie, jouant le jeu jusqu’au bout. Les mots jaillissaient naturellement entre ses lèvres tandis qu’il questionnait ou commentaire les montures qu’on lui montrait. L’art de mener une banale conversation sans pour autant perdre son objectif de vue. Leur progression, même brève, le conduisit alors devant un imposant chameau dont l’allure était d’autant plus impressionnante en raison d’une cicatrice le long du pectoral. Celle-ci attira immédiatement l’œil du Grand Camérier.

«Qu’est-il arrivé à celui-ci ? » interrogea-t-il naturellement le marchand.

Ce ne pouvait pas être l’œuvre d’un membre du clan Miraez. L’animal avait-il lui aussi fait l’objet de la brutalité des hommes ? Avait-il été le témoin silencieux d’actes horribles commis dans l’univers impitoyable du désert ?

« J’imagine qu’une bête ainsi marquée a plus de mal à trouver preneur, même lors du marché aux bestiaux d’Aramila. » commenta-t-il, plus pour lui-même qu’autre chose.

Chacun possédait ses propres cicatrices. Certaines étaient simplement plus visibles que d’autres.
Mar 24 Déc - 11:43
A l'ombre de l'oasis



Akhesh, menait Zéphir à l'écurie. Des odeurs de foin frais et de cuir se mêlaient, créant une atmosphère paisible et rassurante. Trois chevaux aux robes chatoyantes et aux allures différentes paissaient tranquillement dans leurs box. Le Strigoi ouvrait la porte de l'un d'entre eux.

" Voici Zahira avec son manteau blanc comme la brume du matin et des yeux brillants comme les étoiles. C'est une jument au caractère doux et posé. Elle est idéale pour des balades tranquilles ou pour des cavaliers débutants. C'est un cheval fidèle et rassurant, toujours prêt à faire plaisir. "  

Les deux hommes passaient par la suite au box suivant après quelques minutes.

"Ici, nous avons Cysiff, fougueux et espiègle.  Son manteau est d'un beau brun foncé et ses cils ondulent à chaque fois qu'il sent l'aventure. Il est parfait pour ceux qui aiment la vitesse et les sensations fortes. C'est un compétiteur né, mais il a aussi un cœur en or et se montre très affectueux. "  

Et pour finir, il lui présentait le dernier cheval disponible.

" Et enfin Tempête, élégant avec sa robe aussi noire que le ciel nocturne. C'est un étalon au tempérament ensoleillé. Il est plein d'énergie et a besoin d'un cavalier expérimenté pour le canaliser. Entre de bonnes mains, il se révélera être un partenaire exceptionnel, capable de grandes prouesses. "  

Chacun des chevaux avait ses propres qualités et son propre charme. Les deux hommes passaient un long moment à les observer, à les caresser et à leur parler.

" Ce sont de belles bêtes qui attendent le maître qui leur sera destiné. Cependant, quelque chose me dit qu'un cheval n'est pas ce que vous recherchez. Suivez-moi, il me reste des camélidés à vous montrer. "  

Le Strigoi entraînait le spectre vers l'enclos des chameaux qui restaient à vendre. À l'intérieur de ce dernier, deux bêtes, pas une de plus.

" Ce sont les derniers spécimens. Je n'ai rien de plus à vous proposer. "  

Très vite, Zéphyr s'intéressait à un chameau affublé d'une cicatrice et interrogeait Akhesh à ce propos. Leurs regards étaient fixés sur l'animal dont la cicatrice béante contrastait avec la douceur de ses yeux. La voix du nomade était grave.

" Cette cicatrice raconte une histoire bien sombre d'après ce que je sais. Avant d'arriver au clan, ce chameau a connu un maître cruel qui le battait sans raison. C'est une marque de souffrance, pas un accident. "  

Akhesh flattait l'animal à l'encolure.

"Il y a quelques mois encore, on lisait la peur dans ses yeux. Il tremblait à l'approche de l'homme, mais il a appris de nouveau à faire confiance, à ne plus avoir peur. "  

Il se taisait un instant, laissant les mots s'imprégner.

"On ne le cédera pas à n'importe qui. On veut qu'il ait un bon propriétaire qui saura l'apprécier et l'aimer. "  

Zéphyr l'interrogeait sur le fait qu'il ne devait pas être facile de vendre un animal portant pareilles cicatrices.

"Certes, les marques sont visibles, mais elles ne définissent pas une bête. Ce chameau a vécu bien des épreuves, mais il en est sorti plus fort. Son caractère est aussi solide que son corps à présent. Il est courageux, intelligent et loyal. "  

Il marquait une pause avant de poursuivre...

"Les gens sont souvent superficiels et jugent sur les apparences. Mais il y a aussi ceux qui savent voir au-delà. Ceux qui cherchent un compagnon et pas seulement un animal. Ceux-là le reconnaîtront et auront un trésor entre les mains. "  

L'évocation du marché aux bestiaux rappelait à notre Strigoi un fait bien précis.

" En parlant du marché. Une personne nous a acheté un chameau qui possédait lui aussi une cicatrice. Une bête de premier choix. Cet homme ne s'est pas arrêté à l'apparence de l'animal, il a vu au-delà. Il a vu en lui un fidèle compagnon de route. "  

Akhesh laissait quelques minutes à Zéphyr pour réfléchir sur le choix d'un animal et finissait par demander....

 " Alors une de nos bêtes aurait-elle trouvé grâce à vos yeux ? "  


Codage par Libella sur Graphiorum
Jeu 26 Déc - 18:54
Une fois encore, le clan Miraez ne faillait pas à leur réputation. Les bêtes restantes, bien que peu nombreuses à lui être proposées, démontraient tous les égards avec lesquels elles étaient traitées au quotidien : leurs robes scintillaient à la première lueur, les yeux pétillaient d’une malice qui faisait parfois défaut aux hommes. Le Grand Camérier ne s’était pas trompé au sujet de son guide improvisé : l’homme connaissait chacune des montures présentées et savait mieux que quiconque choisir les mots pour les décrire. Un acheteur lambda aurait cédé avec facilité. Aucun doute n’était permis quant au fait qu’Akhesh était parmi les meilleurs vendeurs du clan, si ce n’était le meilleur. Un constat qui se confirma quand son interlocuteur prit l’initiative de le conduire vers d’autres bêtes, ayant décelé que l’intérêt de Zéphyr ne se portait pas sur les chevaux. Certes, il s’agissait de montures rapides et loyales mais les étendues de sable nécessitaient un animal plus robuste, habitué à affronter les chaleurs impitoyables du désert.

Tout en écoutant la triste histoire du chameau à la cicatrice, le Spectre observait celui-ci avec attention. L’homme à la peau d’ébène disait vrai : le camélidé ne bronchait pas au contact de la peau de l’étranger, attestant la confiance qui lui portait en dépit des maltraitances subies par le passé. Seuls les animaux étaient capables de pardonner des actes aussi cruels. Mais dans l’esprit du Grand Camérier, la décision fut prise en un instant : il ne prendrait pas le risque d’acheter une monture reconnaissable à sa cicatrice. Du coin de l’œil, il remarqua la curiosité qui s’emparait du second chameau, lequel s’approcher ostensiblement de son côté de la clôture de l’enclos. Contrairement à son camarade plus sur la réserver, ce spécimen-là ne semblait pas farouche pour un sou. Que perçut-il exactement ? Impossible à savoir mais il renonça rapidement pour s’éloigner. Ah, les animaux et leur instinct…

Déjà, Zéphyr ne lui accordait plus son attention, à présent dirigée vers son interlocuteur. Un détail l’avait interpelé dans les explications de ce dernier. L’anecdote sonnait de la manière la plus banale qui soit à l’oreille. Et pourtant… Les iris rubis quittèrent le faciès d’ébène pour se reposer sur le chameau à la cicatrice. Le camélidé lui rendait son regard avec la même douceur décrite plus tôt par Akhesh. Cependant, ce n’était pas dans ses yeux là que le Spectre s’abandonnait à ses réflexions silencieuses. En son for intérieur, il cherchait à déterminer la meilleure manière d’amener l’objet de sa venue au cours de leur conversation, et ce, sans risque de braquer son interlocuteur. Les soupçons naissaient si facilement quand il était tellement difficile de les dissiper pour de bon une fois ancrés dans le cœur d’autrui.

« A vrai dire, j’ai pris ma décision depuis un moment maintenant. »

S’il culpabilisait d’avoir monopolisé le temps de l’étranger de la sorte ? Pas le moins du monde. L’heure n’était cependant pas aux révélations quand il se tournait vers l’homme à la peau d’ébène.

« Cet homme… Celui qui vous a acheté l’autre chameau à la cicatrice… A quoi ressemblait-il ? »

Ressemblait-il à l’Archevêque d’Aramila ? La question était tentante, brûlant sa langue dans l’espoir de franchir ses lèvres. Mais cela était aussi risqué qu’inutile : l’étranger ne devait certainement jamais avoir croisé la route de l’Archevêque auparavant, il ne pourrait donc pas l’identifier de la sorte. Et s’il se remémorait correctement la conclusion de leur dernier échange, Sylas se ferait discret pour entreprendre cette mission en solitaire. Pour cette même raison, le Grand Camérier doutait que son supérieur se soit annoncé comme tel, quitte à laisser passer l’occasion d’obtenir un bon prix de la part du vendeur.

« Vous vous appelez Akhesh n’est-ce pas ? J’ai entendu l’un de vos compagnons vous interpeller par ce prénom tout à l’heure. La vérité est que je ne suis pas venu pour une monture. Je suis à la recherche d’un homme. »

A présent certain que leur conversation ne serait pas épiée par quelques oreilles indiscrètes, Zéphyr se décidait à exposer sa situation, étudiant la moindre des réactions chez son interlocuteur. Eliminer ce dernier s’il se décidait à ébruiter l’affaire n’était pas totalement exclu.

« Il s’agit d’un… ami. »

Prononcer le mot à voix haute laissa perplexe quelques secondes. Sylas avait éveillé sa curiosité, titillant sans cesse son envie malsaine de découvrir les secrets de l’Archevêque. L’homme était son porte d’entrée pour influencer les affaires du Concile, garder un semblant d’emprise sur Aramila toute entière. Avec le recul, il était l’un des rares à oser se montrer familier avec lui, à faire fi des convenances ou même de la crainte que l’apparence du Spectre suscitait. Leurs rapports n’étaient pas comparables à de l’amitié – pas à ses yeux du moins – mais alors quel était ce sentiment étrange ?

« Tout porte à croire qu’il s’est rendu au marché dans le but d’acquérir une monture. Je suis sans nouvelles de lui depuis lors. J’ai pensé que vous l’auriez peut être renseigné ce jour-là. »

Comme si le dénommé Akhesh allait se souvenir de chaque client croisé le jour du marché aux bestiaux. L’événement rassemblait les connaisseurs aussi bien que les curieux, autant chercher une brindille dans une botte de foin. Mais il fallait bien commencer quelque part. Ils avaient perdu sa trace au marché, c’était la meilleure piste dont ils disposaient pour le moment.
Sam 28 Déc - 12:27
A l'ombre de l'oasis



Akhesh fronçait les sourcils, surpris par la déclaration de Zéphyr. Les deux hommes s'étaient longuement attardés sur les qualités respectives des chevaux et des chameaux et le Strigoi avait cru que l'étranger finirait par se décider pour l'une des montures.

" Déjà pris votre décision ? "  

Le nomade paraissait perplexe et s'interrogeait. Il fixait l'individu avant de faire quelques pas. Chaque pas semblait l'enfoncer davantage dans ses pensées. Son esprit tourbillonnait, cherchant désespérément à démêler les fils de cette énigme. Quelles étaient les véritables intentions de cet homme ?

De quoi parlait-il, s'il n'était pas intéressé par les bêtes ? Pourquoi donc était-il venu jusqu'ici ? Suspectait-il quelque chose ? Il ne pouvait pas savoir que le Strigoi était recherché. Ou peut-être avait-il été envoyé par quelqu'un pour lui tendre un piège ? Ou alors il cherchait quelqu'un d'autre ? Eineris, probablement ? Non, l'homme ne pouvait pas savoir pour eux. Ils dissimulaient trop bien leur vraie nature de prédateur.

Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'imaginer sa fille confrontée à un monde qu'il ne jugeait pas prêt à l'accueillir. Il l'imaginait perdu dans une foule hostile, incapable de se défendre face à des personnes haineuses et blessantes. Il la voyait affamée, épuisée, cherchant en vain une main amie à serrer. Il la voyait une fois de plus abandonnée, livrée à elle-même, sans personne pour la guider, pour la consoler.

Ce poids de responsabilités pesait lourd sur les épaules de l'ancien ministre. Il était l'unique rempart, le bouclier entre sa fille adoptive et les dangers de ce monde. Sans lui, qui la protégerait ? Qui la guiderait sur le chemin de la vie ? Il se reprochait ses insuffisances, ses erreurs. Avait-il assez fait pour la préparer à affronter l'adversité ? Avait-il réussi à lui transmettre les valeurs et les compétences nécessaires pour devenir une Strigoi forte et indépendante ? Non, pas suffisamment, selon lui.

Il devait faire attention à ses mots,à ses gestes. Il ne pouvait pas se permettre de faire une fausse manœuvre. Il fallait tenir Zéphyr à distance, tout en essayant de comprendre ses intentions.

" Vous ne souhaitez pas acquérir une monture ? Alors de quoi s'agit-il au juste ? Pourquoi êtes-vous là ? "  

Venait le moment où la question tombait en réponse aux interrogations de l'homme à la peau d'ébène. Akhesh plissait les yeux. Il avait beau feindre l'indifférence, intérieurement, la question de Zéphyr le mettait mal à l'aise. L'homme avait l'air sincère, mais l'expérience avait appris au suceur de sang à ne pas se fier aux apparences. Il avait déjà eu affaire à ce genre d'individus, des types qui souriaient en poignardant dans le dos.

" Un ami, dites-vous ? "  

Il répétait les mots lentement, l'air dubitatif. La question était piégée, il le sentait. Et puis soudainement, Zéphyr lui demanda de décrire l'homme qui avait acheté un chameau balafré. Le Strigoi sentait un frisson parcourir son échine. Cette question résonnait étrangement. Akhesh, l'esprit déjà en ébullition, s'interrogeait. Pourquoi Zéphyr s'intéressait-il à ce détail ? Le nomade se remémorait l'homme qui avait acheté le chameau. Le Strigoi avait appris à connaître les hommes du désert pour savoir qu'ils ne posaient pas de questions sans raison. Il y avait quelque chose de louche dans tout ça. Mais quoi ? Il hésitait et décidait de répondre à Zéphyr. Après tout, il n'avait rien à cacher.


" Ô lui... Je m'en souviens bien. Il a eu une demande particulière. Il a voulu essayer la monture avant de l'acquérir. On a fait un tour dans les dunes et on est revenu au marché où l'affaire s'est conclue. "  

Il se frottait le menton du pouce et de l'index, lissant sa barbe.


" C'était un homme d'âge mûr entre 45 et 50 ans, je dirais. Les cheveux grisonnants, un visage marqué, des cernes sous les yeux et un air mélancolique prononcé comme s'il avait vécu une épreuve qui l'avait fortement affecté. Il était avenant et paraissait désireux de mener à bien une quête. "  

Pendant qu'il parlait, Akhesh observait attentivement Zéphyr. Il guettait le moindre signe de réaction, le moindre changement d'expression. Le Strigoi ne parvenait pas à se débarrasser de son sentiment d'inquiétude. Il avait l'impression que Zéphyr désirait quelque chose de précis. Aussi, si cet homme devait représenter une menace pour Eineris et lui-même, il serait prêt à la neutraliser le cas échéant.


Codage par Libella sur Graphiorum
Lun 30 Déc - 22:33
Force était de reconnaître que l'homme face à lui savait dissimuler le fond de ses pensées. Hormis quelques réactions éphémères telle qu'une variation légèrement surprise dans l'intonation de sa voix ou un simple plissement des paupières – lequel pouvait signifier beaucoup de choses – son interlocuteur tut ses propres interrogations intérieures. Que pensait-il de cette approche pour le moins directe ? Etait-il pris de court ? Énervé d'avoir perdu son temps en présence d'un acheteur potentiel qui se révélait ne pas en être véritablement un ? Le Grand Camérier avait longuement pesé le pour et le contre avant de s'exprimer. Eut-il cru qu'annoncer la raison de sa venue était le meilleur choix qui s'offrait à lui, qu'en était-il réellement ? La méfiance allait-elle finalement prendre le pas sur la sympathie affichée par l'homme à la peau d'ébène ? Venait-il de commettre un impair, en dépit de son analyse de la situation ?

Le corps n'était pas encore tout à fait tendu. Zéphyr se tenait néanmoins prêt à agir au moindre geste suspect de la part de son interlocuteur. Comme si ce dernier avait lu dans ses pensées, ses lèvres remuèrent de nouveau. Contre toutes attentes, il consentit à lui répondre au sujet de la description demandée du mystérieux client présent au marché ce jour-là. Silencieux, le Spectre l'écouta jusqu'au bout, n'accordant que peu d'intérêt à la première partie des explications d'Akhesh. En revanche, la seconde confirma ses soupçons : le portrait dressé de l'inconnu ressemblait à s'y méprendre à celui de l'Archevêque d'Aramila. Évidemment, la parole de l'étranger n'était pas une preuve suffisante à ses oreilles, tout juste une piste supplémentaire à exploiter pour lui et les hommes sous ses ordres. D'un autre côté, qu'aurait gagné l'autre à lui mentir ? Ou comment aurait-il été en mesure de le faire ?

A cet instant, le Grand Camérier ne fut habité par aucun sentiment en particulier. Vraiment ? N'était-ce pas l'illusion du soulagement qui venait de le traverser, même furtivement, comme chassé par des siècles d'existence menée en solitaire ? Sylas avait laissé des empreintes dans le sable. Le jeu pouvait se poursuivre, comme il l'avait toujours voulu. Cette traversée du désert n'avait pas été vaine en fin de comptes. Rien que pour la patience et l'honnêteté de son interlocuteur – ou peut-être pour mieux acheter son silence concernant leur échange – Zéphyr songea qu'il pouvait bien le remercier d'une manière ou d'une autre. Un homme satisfait était un homme qui savait tenir sa langue.

« Cela lui ressemble bien. De se montrer excentrique. »

Son Éminence apprécierait-elle un Nisra’bek ?


Le souvenir de cette silhouette étirant ses ombres dans la lueur tremblante des bougies lui revint fugacement en mémoire. Excentrique. C'était le mot. Les iris rubis se détachèrent une dernière fois d'Akhesh pour balayer du regard les environs du camp, s'attardant sur un endroit bien précis de celui-ci.

« Je vous remercie pour votre franchise Akhesh. Soyez assuré que je ne vous ai pas fait perdre votre temps que je devine précieux. J'aimerais acquérir le Loutro que vous avez trouvé. Je doute que vous lui trouviez un nouveau propriétaire en ces terres arides. Les gens du coin préfèrent les camélidés ou les chevaux. Pour ma part, je me déplace souvent, il aura l'occasion de retrouver la verdure. »

De quel côté exactement ? Epistopoli ? Il y avait peu de chance pour que ses objectifs l'y conduisent mais cela, son interlocuteur n'avait pas à le savoir. Le Spectre imaginait sans mal que ce dernier n'était pas indifférent à l'importance de sceller un accord de discrétion et la cession du Loutro en était l'occasion rêvée. Le clan Miraez gagnait une monture qui finirait ses jours parmi eux et dont la viande servirait à remplir les estomacs le moment venu. Après tout, dans le désert, rien ne se perdait.

Spoiler: