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[Event] Le procès du siècle

[Event] Le procès du siècle Brandw10
Sam 16 Nov 2024, 13:07

Le procès du siècle

La Cité Tourmentée - RP libre


Le soleil écrasait la cité dans une chape de plomb. Les murs blancs rayonnaient au crépitement des grains de sable, de cette odeur épicée qui bordait les bazars. Dans les ombres, le silence se brisait au allées et venues des murmures de la plèbe. Quelque chose agite la cité, gonfle les cœurs et vient chaque jour garnir les rues de plus en plus d’indiscrets. Les pièces s’échangent, les bourses se délient. Jamais drame n’aura été aussi profitable pour la pieuse cité. Et pour un drame … il est affiché sur chaque portique, chaque mur. Une affiche collée, clouée. Elle trône, attire l’œil. Le procès du siècle aura lieu à Aramila. Yodicaëlle, terroriste du XIIIème cercle. Autrice de l’attentat d’Opale. Ennemie de l’humanité et alliée de la Brume. Une affiche sobre, accusatrice. Tout Uhr était convié à la fête.

La queue jusqu’à la Tribune s’étendait sur des centaines de mètres. De toutes les nations, de toutes les races. De toutes les créatures. La peur de la Brume était tout ce qui unissait les habitants de l’enclave et depuis qu’elle dévalait sur Opale, la peur s’était muée en colère. Puis en haine. Ainsi, les sifflets et hurlements étaient légion. Gonflaient, rebondissaient sur les pavés. Un cordon rouge avait été aménagé le long de l’allée d'Azoriax qui amenait au lieu mythique, où une calèche noire ne tarderait pas à livrer la criminelle à son jugement public. La Garde Sacrée avait été mobilisée. Dans ses armures rutilantes, elle reflétait le soleil dans ses cimeterres rangés, tournés vers le peuple qu’elle contenait. Stoïque, inflexible.

Au bout de la voie, passaient un à un quelques individus. Triés sur le volet. Peu importait s’ils avaient payé, s’ils avaient été conviés ou s’ils se l’étaient procuré par d’autres moyens : ils arboraient tous une invitation pour ce procès mémorable. Ainsi, la Tribune se garnissait lentement de personnages de tous bords, chacun avec une raison propre d’être venue là. Il ne fallut pas longtemps pour que les crieurs prennent le relais, annoncent les visages connus et ce qui se tramait au sein de cette allée prestigieuse. Des têtes connues, bien entendu, mais aussi de parfaits inconnus qui ne cessaient de soulever les questions de la foule. Des privilégiés qui auraient une place de choix pour voir ce qui se livrait au cœur de la Tribune, siège d’Aramila. Mais le petit peuple n’avait pas été laissé de côté, car les crieurs relateraient, propageraient … dilapideraient tout ce qu’il s’y passerait.

Le brouhaha emplissait l’antique bâtiment, se réverbérait sur ses murs qui avait assisté à tant de duels rhétoriques où l’avenir de la nation s’était joué. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, les bannières d’Opale, d’Epistopoli, de Xandrie et même de l’Alliance encadraient celles d’Aramila. C’était un procès mondial, c’était un règlement de compte d’Uhr-même. Une paire de chaînes avait été dressée au centre, reliée au sol. Des sièges avaient été disposés pour les plus prestigieux invités, tandis que les autres se contenteraient des sièges des tribuns. Bien entendu, du fait des expéditions vers le nord, tous n’étaient pas là, mais chaque nation avait veillé à envoyer ses représentants. Faisant face aux chaînes, un tribunal avait été établi. Immense, en bois noir et taillé au symbole des Douze. Il surplombait de sa masse l’assemblée et offrait un point de vue en hauteur sur la future conviée.


Puis, sous le clairon des cors d’Aramila, le brouhaha s’effaça pour céder au soleil ses murmures. Encadrée par des soldats en armure, la Capitaine Benvenuto fit son entrée. La Lame de la Foi. L’intrépide. Alors c’était elle qui officierait ? Non. Elle se dirigea vers une des chaises. En charge de la sécurité. Puis, un à un, les Archevêques du Concile se présentèrent. Chacun y alla de sa question, de savoir qui prendrait la place du Juge. Serait-ce celui de Doulek, terre d’origine de l’accusée ? Serait-il enclin à la clémence ? Peut-être. Ou bien … ah mais bien sûr : Bulzimil Raelm Ul Mahteis Ezsicdamal. Archevêque de Dainsbourg. Le plus dur. Le plus inflexible. Encore marqué terriblement par les sévices de la cité. De quoi s’assurer que la sentence serait irrévocable. Ferme. Indélébile. Un spectacle dont se délecteraient les générations à venir. Le silence se fit à son arrivée. Sur sa peau d'ébène se reflétait l'or et l'améthyste de sa tenue d’apparat. A chacun de ses pas, les cliquetis de ses atours métalliques résonnaient dans le silence obséquieux de la Tribune. Ses bottes claquaient, se réverbéraient sous le souffle retenu de la cité. Son bâton pastoral ponctuait son avancée, jusqu'à ce qu'il atteigne le centre de la Tribune. D'un geste lent, il retraça les symboles des douze sur son front. Puis ils se tourna vers le tribunal. Il confia son bâton à l'une de ses ouailles puis s'avança d'un pas décidé avant d'en gravir les marches. Il s'y assit tandis que le brouhaha reprenait. L'Archevêque leva une main. Le silence se fit.

- Peuple d'Aramila. Paix. Paix. commença-t-il, avant de baisser sa main. Je vous sais blessé, tout comme je l'ai été lorsque les impies ont profané le plus sacré de nos dons. Je vous sais en colère, comme lorsque Nagidir recevait en son sein les innombrables victimes de ma chère patrie. Mais ne soyez pas trop prompts à vous prononcer au nom des Justes Azoriax. J'ai pu admirer leur humilité lorsque mes pas me guidaient le long de la voie qui leur est adressée. Chaque pavé, chaque visage que j'ai pu contempler m'a affirmé cette vérité : ce procès n'est pas celui d'une ville, mais bien celui de toute l'Enclave. Celui de tous ceux qu'Uhr a protégé lorsqu'il a érigé les murs qui nous protégeaient jusqu'alors. Alors, nous tous, enfants d'Uhr, nous devons nous plier aux saints commandements. Car la vipère qui a pris racine en Doulek ne doit pas rendre des comptes seulement à son peuple, mais aussi à tous les autres ! Aramilans, Opalins, Espitopoliens, Xandriens ... et fidèles d'ailleurs : veillez à ne pas trébucher. Veillez à ne pas être trop prompts dans vos jugements. Si l'accusée est autrice de crimes innommables, la seule réelle justice est celle des Douze. Raison pour laquelle aujourd'hui, sur ce parvis sacré, nous l'appelons à comparaître. A rencontrer la Justice. Pas celle des Hommes, non. Celle de tout les peuples, celle des Dieux.

Il marqua une pause. Se tourna vers la garde sacrée. Il leur fit un signe. Ils s'esquivèrent dans une des alcôves de la Tribune.

- Peuples libres de l'Enclave, voici devant vous venir l'accusée. La félonne Yodicaëlle Sarnegrave. Qu'Ioggmar et Demephor nous éclairent de leur sentience. Que les Douze veille sur vous : voici venir l'impie servante du Mandebrume ! hurla-t-il, poing en l'air.

Des vivats éclatèrent, repris dans la Tribune et bien au-dessus où des centaines de spectateurs firent vibrer les pierres de leur ferveur. Nul ne put échapper au choeur des vivants, qui chauffa le sang et l'âme de tous ceux présents. Un frisson échaudé qui courait dans le coeur et soulevait la hargne du peuple. Puis, petit à petit, les vivats se muèrent en sifflets. Une calèche noire s'avança dans l'allée. De bois noir et de clous argentés, tirée par des chevaux du même ton. Rutilants. Des cris de rage, des légumes pourris. Des pierres. L'ennemie du monde connu était là.

HRP:
Sam 16 Nov 2024, 19:24

Le procès du siècle

Event



Le soleil d'Aramila était tout aussi écrasant que dans ses souvenirs. Kailan avait enfilé une tenue aux couleurs claires – dans les tons beiges – et avait protégé sa tête d'un foulard blanc cassé, pour tenter de s'accommoder au mieux à ce climat, loin d'être la douceur tempérée, agrémentée de pollution, d'Epistopoli. Cette fois-ci, elle ne s'était pas rendue dans la nation désertique pour quelques recherches d'affaires pouvant lui apporter quelques astras, ni pour du pur tourisme. Enfin, partiellement. C'était bien la curiosité qui l'avait poussée à venir à la capitale, pour assister au procès d'une criminelle.

La nouvelle avait atteint ses oreilles, dans la Basse Ville d'Epistopoli. Une terroriste avait été capturée, complice de la Brume. Kailan n'avait pu rester dans son coin, mue par la curiosité. Tout cela était plus ou moins lié au Mandebrume, après tout, celui qui avait durant un moment gouverné son pays. Elle désirait en savoir plus, tout en assistant à un divertissement.

Le bain de foule était une étape obligatoire, visiblement. Elle était parvenue à se glisser dans la masse pour trouver une place qui lui permettait d'avoir une belle vue sur l'estrade. La foule était en colère, en sueur. Toutes les nationalités s'étaient pressées dans la capitale aramilane, sur cette place publique, pour assister à un événement que l'on ne reverrait pas avant bien longtemps.

Les insultes envers la criminelle fusèrent, les cris se multiplièrent quand l'Archevêque arriva et prononça son discours, après avoir ordonné le silence d'un simple geste. Mais les cris et la colère tout juste contenus par le public explosa de nouveau quand l'arrivée de l'accusée fut annoncée. Curieuse d'en voir plus, Kailan se hissa sur la pointe des pieds, pour essayer de distinguer une présence, une silhouette dans la calèche noire comme la mort, comme si le moyen de transport était lui-même endeuillé.

Résumé:
Sam 16 Nov 2024, 23:19

Le procès du siècle

RP libre


La disparition du Régent dans des circonstances plus qu’énigmatiques et les attentats d’Opale perpétués par les zélotes du treizième siècle, avaient largement rebattu les cartes de la diplomatie épistote sur la scène internationale. Si les hautes instances de la Cité des sciences avaient expressément diligenté des enquêtes pour faire toute la lumière sur cette affaire, le vénérable Comité d’Instruction avait officieusement lancé une purge à grande échelle pour identifier les collusions et complicités dont avait pu bénéficier le leader suprême dans sa forfaiture présumée. La situation exceptionnelle imposait au régime l’application de mesures draconiennes. Arrestations arbitraires, réquisitions manu militari, incarcérations discrétionnaires, comparutions immédiates, actes de tortures au plus haut degré, la raison d’État prévalait et disposait pour l’intérêt supérieur de la nation. Même lorsque les plus grands dignitaires de la technocratie en profitaient pour en appeler à son principe afin d’éliminer leurs plus farouches détracteurs et opposants de longue date. Le Comité d’Instruction n’était pas non plus épargné par la chasse aux sorcières dont le Grand Sapiarque Elias Von Beck avait fait son cheval de bataille. L’assemblée de savants, industriels, militaires, hommes d’affaires et autres éminences grises avaient ainsi dû se plier aux exigences du nouvel homme fort d’Epistopoli qui s’était empressé disait t’on d’assurer la régence intérimaire pour rétablir la situation. Une occasion en or pour s’arroger les pleins pouvoirs, faire le ménage et préparer le terrain pour prendre la relève de l’ancienne figure tutélaire et guide de la nation.

Les turbulences passées, l’heure était dorénavant aux contre-mesures et il fallait donner des gages de bonne foi aux représentants des Hautes Cités et de l’Alliance pour se démarquer des actes attribués au Régent et aux suspicions de complicité insinuées par les plus enclin à dénigrer la capitale du savoir. Le Rempart de la Foi avait ainsi fait parvenir une invitation protocolaire au Comité d’Instruction pour la tenue imminente du procès de Yodicaelle, la principale commanditaire des attentats d’Opale. Dans la plus pure tradition aramilanne, il s’agissait ni plus ni moins que d’un traquenard en bonne et due forme pour le Sapiarque qui devra en assumer le fardeau et au cas échéant répondre des éventuelles révélations de Yodicaelle que ne manquera pas de questionner une tribune hostile et exaltée par la vindicte populaire. Le rôle incomba au nouvel intendant général des armées du Renon en raison de sa proximité géographique avec le Royaume des sables et de sa longue expérience avec l’engeance primitive obscurantiste. A moins que le Comité n’eut voulu se risquer à compromettre l’un de ses plus brillants cerveaux s’il advenait que l’évènement tourne au vinaigre ou que les instances dirigeantes d’Aramila ne décident de le constituer prisonnier pour un motif trivial.

Si l’éventualité d’un séjour dans les terres arriérées d’Aramila n’enchantait pas le moins du monde le militaire, mieux valait qu’il accepte d’en porter la responsabilité que de risquer de se placer dans le collimateur d’Elias Van Beck et de sa croisade contre les alliés supposés du régent. Une délégation d’une dizaine de dignitaires épistotes emmené par le nouvel intendant général du Renon posa le pied sur le sable chaud de l’archevêché d’Aramila quelques jours plus tard pour assister au procès dont l’issue était cousue de fils blancs. Sous la bonne escorte d’une dizaine de fantassins de la garde sacrée engoncés dans leurs armures ubuesques et si éclatantes qu’on pouvait présumer de leur usage intensif, le militaire ne pouvait faire un seul pas sans sentir la désobligeante présence Aramilanne épier le moindre de ses faits et gestes pour tenter de l’incriminer. Inquisiteurs, espions, assassins, soldats, religieux enfiévrés de toutes sortes et natures, Ekhart déambulait avec son propre comité d’accueil qui ne le lâchait pas du coin de l'oeil. ll y avait pourtant fort à parier que le Saint Siège n’irait pas jusqu’à commanditer l’irréparable alors même qu’il accueillait en son sein le procès de sa plus célèbre ressortissante.

Les travées de l’immense amphithéâtre qui sert de Tribune se remplissent peu à peu d’une foule dense, volubile et chauffé à blanc par le fruit d'une propagande de plusieurs semaines. Au plus près du tribunal improvisé érigé au centre de l’édifice, les aramilans se réunissent en cercles concentriques comme s’ils se préparent à jeter l'opprobre sur l’une des leurs avant de la lapider dit t'on ici, de figues molles pour mieux la tourner au ridicule. Le Saint-Siège n’a rien laissé au hasard de la partition de cette grande Messe. En préambule, le Tribunal confectionné à partir d’un bois exotique noir, puis vient la calèche ensuite, amenant l'infâme pêcheresse dont on dirait que la faucheuse elle-même la conduit à une sentence immuable. Enfin, les processions successives d’ecclésiastiques drapés dans leurs soutanes tissées d’or, des pierres précieuses qui ornent leurs chapelets et autres grigris lorsqu'elles ne se situent pas à l'extrémité de leurs doigts gras et boudinés. N’ont t’il pas fait vœu de pauvreté pour rentrer dans les ordres ? La mise en scène du pouvoir théocratique se veut totale et bien qu’elle glisse sur le voile d’indifférence qui caractérise le militaire, elle fait mouche auprès d’une plèbe captive qui s’abreuve des premières diatribes de l’archevêque de Dainsbourg. Au premier rang de cette parodie, Ekhart se gausse intérieurement de ce sensationnalisme et de ce goût prononcé pour le spectacle.
Résumé:


Dernière édition par Ekhart Faypher le Mer 04 Déc 2024, 19:24, édité 4 fois
Jeu 21 Nov 2024, 11:05

Le procès du siècle

La Cité Tourmentée - RP libre

Tu traînes des pieds dans le quartier, les vieux sur les bancs te r’gardent passer. Joyeux bordel dans la ville animée.

La chaleur colle aux rues, tandis que tu te glisses d'ombres en ombres pour ne pas souffrir du soleil. Mélangée à la foule, tu avances à petits pas. Toi, tu restes calme. Tu leur dois et tu te le dois. Tu restes à l'orée de la foule loin de cet amas qui te débecte. Les appels des crieurs parviennent à tes oreilles, cela te suffit amplement. Alors, tu attends là où l'on ne te voit pas.

Tu as obtenu des congés mais pas de laissez-passer. Le Conservatoire, plus particulièrement ton maître de recherche, a bien compris la supercherie. À travers ta demande pour revoir ta mère, une première depuis toutes ces années, et l'arrivée du jugement, il ne lui a pas fallu longtemps pour relier la vérité par le bon bout. Dans un sourire entendu, il t'a accordé ce temps que tu comptes bien utiliser à bon escient.

Le tout venant te dépasse dans une excitation malsaine. L'annonce a fait l'effet d'une bombe dont la déflagration a touché tout le continent. Ils veulent sa tête, son corps, son âme et même le reste.
Yodicaël…  À tes yeux, elle est victime de leurs faiblesses. Dans leurs certitudes, ils s'enferment et se réjouissent du sort de la “traîtresse” comme ils l'appellent.

Nous, sadiques ?
Et vous autres ? À la première occasion vous faîtes couler le sang et les larmes sans vous soucier le moins du monde des répercussions. Qu'il s'agisse de vos semblables ou des êtres qui peuplaient ces terres bien avant nos pieds.
Et c'est nous que vous appelez profanes ?

Sous ton visage impassible, tu bous.
Une pensée te calme et, même si elle l'ignore, au moins elle n'est pas seule et tu as envie de l'aider. Comment ? Tu ne le sais pas. Pourquoi ? Pour leur montrer la vérité et leur rendre leur soif.  

Spoiler:
Jeu 21 Nov 2024, 12:11

Le procès du siècle

La Cité tourmentée


L’agitation avait gagné la cité. Comme toujours, les fausses rumeurs se répandaient par les quartiers populaires avant de devenir des vérités dans les hautes sphères. Combien d’affabulateurs affirmaient ainsi, avant que les premières affiches ne soient placardées, qu’on tenait la responsable des attentats d’Opale ? Comme toujours, ils pourront dire qu’ils nous l’avaient bien dit. L’histoire n’avait vraiment quitté les allées des bas quartiers depuis que votre serviteur et d’autres étaient revenus ici avec celle qu’on présentait comme la coupable idéale.

Et en même temps, comment en vouloir à cette foule qui se massait à présent aux abords de la via Azoriax ? La Malice avait jusqu’à trouver des alliés dans l’humanité. Nous étions faibles, on nous avait infiltré et, bientôt devant nous, le ver serait présenté. Il était toujours plus facile de haïr quelqu’un avec un visage. Elle serait ce catalyseur. Aramila était sous tension, les rumeurs étaient donc vraies. Les affiches se déployaient en ville et alimentaient le feu de la colère. Le déjà tristement célèbre nom de Sarnegrave était sur toutes les lèvres et sur toutes les dents serrées.

Était-ce le grand jour ? Celui où Uhr, uni contre un ennemi commun, réussirait à montrer la grandeur de l’Enclave ? Je n’en savais rien, mais voir flotter aux abords de la Tribune les étendards des différentes factions plaçait le moment comme unique. Même celui d’Epistopoli n’était que partiellement dégradé, c’est pour dire. La foule s’épaississait, le magma populaire prêt à éclater, c’était à se demander si la Tribune n’allait pas simplement s’écrouler sous la pression de cette populace qui se retenait de l’envahir, bien calmée par la présence des rutilants Gardes.

Votre serviteur dans tout ça ? Ne vous inquiétez pas pour moi, ou plutôt si. Après avoir pris la température à l’extérieur, deviné à la vague agitation l’approche de la triste calèche, j’avais rejoint la Tribune. Le nom aurait pu suffire, le hasard aussi ou quelques tours pour obtenir cette place aux premières loges. C’était peut-être le cas, mais de ce que j’en savais, on était venu me chercher parce que j’avais vu Opale, j’avais suivi dans les Limbes. Le pauvre petit marchand pris dans la tempête du destin.

Au milieu du brouhaha réverbéré de la Tribune, j’avais mis du temps devant cette place qui ne serait jamais mienne. Celle où tant de fois j’avais vu la chevelure solaire de mon frère briller. Est-ce que toi aussi, tu ressens ce poids de responsabilité quand tu t’assois ici ? Je caressais encore le siège au bois lustré par le temps quand les cors sonnèrent. Dainsbourg donc, le destin ne serait décidément pas avec Yodiacaëlle Sarnegrave. Elle arrive et fait vrombir de colère le bâtiment autour de nous. Les chaînes au centre semblaient trembler de cette clameur en attendant leur proie. Nos visiteurs observent également, dans ce capharnaüm, j’essaye de les reconnaitre, pas bien compliquer de voir les epistotes, xandriens et opalins dans la foule. Ils tenaient à marquer leur présence aussi à ce procès.

Uhr unis donc ? Ne me faites pas rire, le vernis ne tiendrait pas sauf si l’archevêque en exode réussissait cet exploit.

Ce procès était celui d’une aramilane en sa nation et il devrait se conduire comme tel pour que nous puissions laver cet affront. La suite, ce serait à Epistopoli d’expliquer comment celle qui représentait le XIIIème Cercle, mais n’en était qu’un pion, avait réussi à se faire sa place, comment le ver avait grandi. Ce serait à Opale d’expliquer comment ils avaient échoué à se défendre, comme le ver était rentré si facilement dans le fruit.

Nous, nous nous occuperons de l’humain, de l’allumette qui a mis le feu aux poudres.

Résumé:
Jeu 21 Nov 2024, 16:46
-Wooh c’est crô meugnon, les vôtres aussi ils débitent du flafla bien ronflant pour faire genre.
-...?, demanda Ryo sans broncher d’un iota.
-Blabla pompeux, gros sabots.
-Oui.

Elle se serait attendue à ce que le petit moine la rabroue, que ce soit pour le manque de respect ou lui dire de ne pas attirer l’attention, mais… à mieux y réfléchir, ça devait l’ennuyer autant qu’elle. De même que les mouvements de foule. Plus qu’elle, probablement.

-On a les mêmes à la maison, c’est juste qu’ils préfèrent t’enfumer à coups de science et de progrès pour te dire que tu vas te faire enculer. Plutôt que la religion.
-La science est votre religion, corrigea Ryosuke par réflexe, pour ce qui lui semblait être la quarante-douzième fois du mois.
-404 pas reçu, rebiffa sa novice.
-...
-Ah oui, c’est vrai. Humour ‘pistopolitain, tu pourrais pas comprendre. C’du jargon d’automate.

Sans y prêter la moindre attention, le petit moine de campagne tira de sa besace plume, papier et encrier pour prendre note de ce qui se dirait et aurait lieu aujourd’hui. Le reste, ce qu’il pouvait penser du procès, du cérémonial, de l’accusée ou de quoi que ce soit d’autre, n’avait pas d’importance. Sa tâche était celle de rapporteur pour son monastère et les villages alentours, ce qui lui assurait une place au milieu des gradins. Comme à son habitude. Il ne faisait qu’accompagner et faire office d’assistant à la moniale de leur prieuré qui siégeait à la tribune, aujourd’hui comme toujours.

Pas comme son élève-portebrume, assise à côté de lui, qui découvrait la tribune pour la première fois de sa vie. Actuellement occupée à grignoter furtivement des confiseries du terroir faîtes d’amandes enrobées de miel et de pétales de rose en veillant à ne pas s’attirer les foudres de qui que ce soit, elle attribua mentalement un bon point à aramila, en se disant que leurs snacks défonçaient largement les croquobons d’épistopale. Et un autre pour le grand monument. Ouvert au public, en plus.

Les gros bonnets du coin restaient beaucoup trop riches et guindés comparés aux pouilleux du commun, mais elle avait vu les religieux faire assez d’actions de charité pour se dire que ça restait honnête, en bout de course.

Aujourd’hui, s’agirait de voir comment se jouaient les chasses aux sorcières. La brume sur Opale, du fait d’une seule personne. Pas du tout une arnaque. ‘Videmment.

Spoiler:
Ven 22 Nov 2024, 10:55

Le procès du siècle

Event


Coeur palpitant, tu débordes
Flux tendu de pensées désinvoltes
Te voilà à vomir
Ton sel et ta haine sur le sable brûlant

Entre les corps circule une souris. Capuchonné, perdue - on ne remarquerait pas un si petit rongeur qui se fraye un chemin dans cette plèbe massée. Comme une seule âme, elle se précipite sur le chemin du tribunal. Curiosité, colère: autant de petites fourmis qui ne servent à créer qu’une seule voix désastreuse. Humains désabusés. Esprits carnassiers.
Ils saignent ces émotions par milliers.
Crachés sur les pavés comme un liquide sombre.
Une flaque de goudron: si elle ne se contrôlait pas, elle marcherait dedans à deux pieds, transportant les gouttes sous ses semelles en laissant derrière elle une traînée noire.

Aramilla battait comme un cœur. Un cœur sournois, un cœur qui appelle à la haine. Une messe noire autour du tribunal, où attendait l’autel sur lequel serait sacrifier la terroriste. Si le monde était tout noir ou tout blanc, ça serait sans doute aussi simple. Mais rien ne l’était au fond: tout était gris. Une infinité de nuances de gris. Et si les cris de la foule appelaient à sa mort, les émotions ne trompaient pas: elles voulaient du sang, de la vengeance, et peut-être un peu: profiter du spectacle.

On ne la remarque que par son pas. Désarticulé, une patte plus lente que l’autre, un pied cassé que rien n’a guéri à part le temps. Le souvenir de sa démarche fluide reposait sous un des bâtiments fissurés de la place d’Opale, des mois plus tôt. Figure de cire, innocence perdue: elle n’avait plus retiré les cris des limbes de ses paupières depuis. Peut-être une croix sur son dos. Un sacerdoce. “Chacun traîne un fardeau.” lui avait murmuré un jour Hari. Elle n’avait pas compris - et aujourd’hui encore, elle ne comprend pas.
Flamme recouverte: elle cache sa crinière de feu par une capuche noir d’un coton usé qui n’empêche pourtant pas quelques boucles de danser sur son front, occultant parfois sa vision. Elle ne se guide pas aux yeux, non: tout autour d’elle, ce sont des fils tendus qu’elle perçoit, elle ne voit pas, elle ressent, et son but est l’épicentre. “Ne parle pas, ne dit rien.” Elle se répétait les règles comme un mantra pour ne pas attirer l’attention, pour ne pas être confrontée à ces créatures pensantes et blessantes qui ne lui apporteraient que des ennuis. Mais pourquoi était-elle là?

Pour la revoir, peut-être. Pour tenir une nouvelle fois son visage entre ses mains.

Elle a quelques mois derrière elle, maintenant. Bientôt un an de vie, un an à fuir et à chercher sa maison. Un an à chercher à taton son chemin dans le désert. L’hespéride avait depuis pris conscience des règles du monde, des règles des vivants, guidée par le conservatoire qui veillait sur elle autant qu’elle veillait sur eux. On lui avait refusé sa venue. Mais la voilà, pourtant, à Aramilla, là où tout avait commencé. Pourquoi?

Pour comprendre, peut-être. Pour voir une nouvelle fois les larmes sur ses joues.

A chaque pas, la voix des cœurs devient plus insupportable. Elle les entend dans son crâne, foule opiniâtre qui coule sans barrage, enserrant sa tête dans un étau. Si elle contrôle mieux ses pouvoirs, elle n’en est pas moins victime de sa nature: rapidement à bout de souffle, elle persiste jusqu’à cette immense bâtisse sans bien comprendre les regards interrogateurs qu’on lui lance et les gestes hâtifs qui lui font comprendre qu’elle n’est pas la bienvenue. Chaque nouvelle émotion est une nouvelle lame, mais elle tient tête. Cette foule pourrait bien la tuer - si elle n’a pas d’autres choix, elle devrait agir, réduire ces émotions parasites qui l’étouffent. Mais pour l’instant, elle persiste et se faufile.

La foule est dense, elle réussit à se cacher entre deux hommes dont la carrure l’écrase, et entre eux, elle passe inaperçue pour se frayer un chemin dans l’escalier qui mène à des gradins. Le petit tunnel est un four: chaque pensée ricoche sur ses parois pour mieux lui tomber dessus. Tenir bon, atteindre le cœur: quand la porte s’ouvre, elle en a le souffle coupé. Devant elle s’alignent les corps, pressés contre des rambardes qui donnent sur un gouffre où s’alignent âmes sur âmes, brûlant de l’envie de voir l’accusée, de la crainte et de l’anticipation de glisser une corde à son cou. Elle ne comprend rien aux mots qu’elle entend, mais elle ressent. La foule crie à la mort. Et petite flamme perdue, elle étouffe.

Mais pourquoi es-tu revenue, Lö?

Pour elle.



résumons:
Ven 22 Nov 2024, 23:48

The trial of the century

starring Jane Kaldwin & event participants

Rarement notre organisation ne s'était aventurée à ce point en Aramila et l'opération avait été minutieusement préparée pour ne pas éveiller les soupçons des caravaniers car pour une fois, nous étions sur leur terrain de jeu. Aller assister à ce procès était une volonté que j'avais exprimé dès que j'avais eu vent de la date. Hormis la menace toujours planante d'une révolution en Xandrie, j'étais encore plutôt traumatisée de ce à quoi j'avais été témoin. Les attentats multiples dans Opale où j'ai vu des gens se faire assassiner froidement sous mes yeux ou encore la dimension au bas mot étrange dans lequel Yodicaëlle avait été poursuivie avant que je ne m'éclipse sans attirer l'attention des autres... Le debriefing avait été éprouvant et je mis bien plusieurs jours pour ne plus être autant atteinte psychologiquement. Replonger dedans me glaça le sang mais je devais connaître le fin de mot de toute cette histoire.

L'équipe d'opérateurs avait été réduite à son strict minimum et les communications avec le QG en Xandrie consolidées afin de ne pas être coupé de nos appuis, déjà rarissimes dans cette terre désertique. Mon automate Bob avait subi une inspection complète ainsi que tout le matériel réquisitionné pour que tout fonctionne de manière optimale le jour du procès et qu'il n'y ait pas le moindre grain de sable dans aucune machine. Un petit poste de commandement mobile avait été installé dans un des bâtiments abritant des logements vacants le temps du procès avait été installé, une équipe de trois agents avec leur officier se trouvait là afin de monitorer en temps réel tout le déroulé du procès et pouvoir donner un coup de main en cas de coup dur tandis qu'au QG de Xandrie, pas moins d'une douzaine d'autres appuis sous la supervision directe de l'As de Trèfle avaient une vue générale sur toute la situation. Sur le terrain, malgré les protestations toujours aussi véhémentes du Haut Cercle, je me tenais là en compagnie de deux autres opérateurs, l'un d'eux parmi les premiers rangs de gradins et l'autre parmi la foule plus en arrière et de l'autre côté par rapport à l'autre pour couvrir la zone à hauteur d'homme.

Moi, j'étais en hauteur au dessus du public à l'abri d'un pilier avec une vue imprenable sur la scène. Bob s'était placé à l'ombre d'une poutre à l'opposé pour donner un autre angle de vue au QG, il n'était pas le seul à capter les images de ce qui se passait... l'As de Trèfle à l'autre bout de l'enclave constatait qu'il pouvait presque s'y croire. Masquée et un capuchon sur la tête, je cachai mon impatience que cela commence et qu'on en finisse. Contrôle, RAS sur les coms ? Dans mon oreille j'entendis distinctement mon As de Trèfle. RAS 01, coms nickel. Pas d'interférences. Je baissai les yeux vers mes deux agents plus bas. 02 ? 03 ? Mes deux agents mirent quelques secondes à répondre. Hm, il fallait tâcher de régler ces problèmes de latence dans la communication... RAS 01. Ils s'impatientent en bas... avant qu'on enchaîne RAS... Oh je crois que ça s'agite un peu. Mon opérateur vit juste car ça commençait à présent.

Le cordon sécuritaire se déploya, avec à sa tête la dénommée Benvenuto dont il avait été fait mention dans notre briefing de mission. Je ne lâchai pas des yeux la femme en armure avant que l'homme qui allait présider le procès ne fasse son apparition. Chamarré, d'apparence riche et pourtant arborant un air sérieux, le faciès du type qui savait qu'il vivait un moment historique et qu'il en était pleinement acteur. L'Archevêque dont personne dans l'unité n'avait réussi à correctement prononcer le nom prit son temps car il savait qu'il était observé. Aramila avait donc choisi son magistrat le plus intraitable et sévère pour prononcer la condamnation de la terroriste... Calmant la foule qui l'avait accueillit, l'homme noir prononça son discours où l'on pouvait presque entendre une mouche voler quand il ne parla pas. Je restai de marbre à l'écouter, sans doute un peu trop étrangère face à tout ce à quoi il faisait appel ou référence mais aussi n'étant pas autant versée dans la religion que lui. Ainsi soit-il... lâcha presque dans un murmure respectueux l'As de Trèfle dans nos oreillettes.

Ça y est, Yodicaëlle est là. Nous savions que c'était désormais maintenant qu'il fallait être le plus attentif. Aussitôt la foule se déchaîna à l'encontre de la terroriste. Quant à nous, nous avions tous nos canaux d'observation ouverts. Si tout se passait bien, le procès se tiendrait jusqu'à son terme et nous aurions tout vu et entendu sans nous faire remarquer avant de nous retirer sans faire le moindre bruit. Mais s'il arrivait encore le moindre malheur... la consigne était de déguerpir le plus rapidement possible et de rejoindre le PC avancé pour extraction. Tuer seulement pour se défendre... Je frémis en repensant à Opale. Cela me fit une sensation étrange de revoir ce bout de... femme que j'avais poursuivi avec d'autres et que j'avais vu ployer sous mes yeux. Très étrange...

HRP:

Dim 24 Nov 2024, 01:57
Le procès du siècle

RP libre - Event



















Les ombres s’insinuent partout où la lumière gît, alors l’élémentaire de ténèbres ne pouvait être absent d’une telle exposition à la lumière de l’un de ses confrères. Voilà déjà quelques jours qu’il avait quitté son foyer niché au cœur de la jungle de Doulek pour rejoindre la cité de la foi. Le ténébreux avait été prévenu de ce qui s’y préparait et, bien qu’il ne soit pas très adepte des procès en tout genre, le contexte de celui-ci ne lui laissait guère le choix : il se devait d’y assister. Après tout, c’est l’un de ses congénères qui allait se retrouver sur le banc des accusés, devant faire face à la vindicte du peuple du royaume d’Uhr tout entier.

L’archéologue parcourt la cité aramilane tout de noir vêtu, comme à son habitude, s’étant revêtu d’une veste ample descendant jusqu’aux genoux. Caché sous sa capuche qui ne laisse transparaître que son visage et une mèche de cheveux noirs, il observe la cité plus vivante que jamais. Des gens de tous les royaumes avaient fait le déplacement pour assister à ce qui était annoncé comme le procès du siècle. Jadis, il avait rêvé d’un monde comme celui-ci, où toute race et tout peuple cohabitent. Pourtant, ici, il n’arrivait pas à en tirer satisfaction. Quelque chose, comme une gêne, l’empêchait de voir tout ceci d’un bon œil. Après quelques pas dans la cité, le natif de la brume se retrouve devant sa destination, l’imposant bâtiment où se déroulent les festivités. Il monte les marches une à une, se frayant un chemin à travers une foule qui se fait de plus en plus dense, mais pas suffisamment pour arrêter son avancée. L’élémentaire se faufile jusqu’à la tribune, puis jusqu’à la rambarde donnant sur la scène, agencée comme une arène. Et n’est-ce pas là approprié ?

Su’en ne transmet pas un mot, pas un souffle ; aucune réaction ne ressort de lui lors du discours de celui qui fut nommé juge. Il regarde la foule, semblant boire les paroles de cet homme, alors qu’une certaine amertume s’empare de l’élémentaire. La justice des dieux ? Mais où était-elle, cette fameuse justice, lors de la folie des inquisitions qu’ils avaient effectuées au nom de ces mêmes dieux ? De haut des tribunes, Su’en guette. La foule s'envenime soudainement, éclate dans un brouhaha. Tout son autre que les cris devient imperceptible dans une telle cacophonie. Voilà donc pourquoi il y avait tant de monde ? Tous étaient venus, guidés par un désir macabre : celui de mettre à mal sa consœur du Cercle ?

La voilà, cette gêne que le natif de la brume ressentait durant son périple dans les rues de la cité. Tous ces gens, peuples et races d’horizons différents, ne s'étaient pas réunis de bon cœur, mais pour faire couler le sang. Cette rage qu’il observe alors naître depuis le cœur de ces hommes et femmes, il pourrait la reconnaître entre toutes, tant il eut l'occasion de la voir. Des souvenirs de la folie et de la révolution de Sancta lui reviennent. Tous ces gens arborent le même regard, la même hargne. Ses yeux cernés se plissent face à tel spectacle. Une profonde tristesse coule en lui petit à petit. Pourquoi donc les êtres doués de conscience retombent-ils dans leurs pires travers au moindre prétexte ? se dit Su’en, l’œil presque humide. Qu’importe les époques, l’humanité était toujours la même à ses yeux : il n’y avait aucun progrès, aucune lumière dans cet océan organique.

Maintenant, il comprend pourquoi ils lui avaient sommé d’être présent pour cet événement. Ils souhaitaient qu’il contemple tout ceci.

Spoiler:



Mar 26 Nov 2024, 07:47
procès du siècle





  • Tu es opalien depuis ta naissance, Alexander. Tu n'es pas quelqu'un d'important; tu es juste là. Pourtant, lors de ces événements terribles, tu n'étais pas là. Parti aux alentours de la capitale pour ton travail, tu n'as vécu aucun de ces événements traumatisants. Et même lors de ton retour à la capitale; tu ne t'es pas senti triste. Tu n'avais déjà plus rien à perdre.

    Alors, pourquoi être là, Alexander ? Pourquoi attendre silencieusement dans un espace bondé, à fixer la scène de cette mascarade ? Tu aurais pu rester au chaud chez toi; à ignorer l'existence du monde. Tu ne connais personne, ici, tu ne sais même pas si un de tes proches est concerné par ce drame.
    Tu n'es pas vraiment à ta place.

    Et pourtant, dans un sens, cela aurait pu l'être. Le souvenir voilé de quelques unes de leurs paroles. Peut-être as-tu de la famille, ici. Famille vivante qui ne connaîtrait pas ton existence. Peut-être que ce procès n'est qu'une excuse pour t'avoir traîné ici, mais que tu t'en moques.

    A moins que tu ne sois là pour voir. Pour essayer de croire. Un quelconque Dieu fera-t-il une action ? Une divinité osera-t-elle se montrer ? Tu n'y crois pas vraiment. Ce n'est pas une tentative d'espoir ni une renaissance. Tu t'attends visiblement à atteindre tes dernières tes braises.
    Tirer un bon trait sur tout cela.

    Spoiler:
    Jawn pour EPICODE


    Mar 26 Nov 2024, 11:25
    Le module d'empathie de Vamis déborde de haine mais ! La chouette nouvelle est qu'il a tout l'espace qu'il désire pour lui donner forme. La machine s'est gorgée du chaos environnant et en fait désormais partie intégrante. Emmitouflé sous ses tissus de mendiant, un midley de voix enregistrées de personnes décédés depuis des siècles jaillissent de ses hauts-parleurs ;

    DANS LES LIMBES QUE JE VAIS T'ENVOYER DARE-DARE, TRAINEE ! / PETASSE ! TU FAIS CA DEVANT LES ENFANTS ?! / mais pourquoi tu as fais ça ? / Tu vois ce tison ? Je vais l'insérer dans ce trou puis dans celui-là, / MECHANTE PAS BELLE ! VILAINE ! JE TE DETESTE !!

    En compagnie de ses homologues de viande, le robot suit la calèche et jette depuis une bonne heure toutes sortes de légumes et de caillasses en sa direction. Il en jouit à chaque impact. Malgré son déguisement de gueux, personne n'est dupe, tous les aramiliens du pays savent qu'il s'agit de la petite célébrité locale, Vamistul le robot rigolo qui tour à tour médite dans le désert, enseigne la prière aux enfants, vole aux secours des miséreux, et parfois, lapide des sorcières . On apprécie sa présence parce qu'il est jamais contrariant ce robot rigolo, il suit le mood.

    Dans cette calèche ? L'automate sait pas trop. Une blasphématrice, une hérétique meurtrière, un mouton noir égaré à jamais dans les ténèbres d'une existence sans Dieux ni beauté. Les intrigues politiques et les grands faits historiques sont abstraits pour Vamistul, il y demeure imperméable malgré ses quatre siècles d'apprentissage. Vamis il vibre. Il vibrote au rythme des douleurs et des joies des humains sans toujours saisir le pourquoi. Il aimerait saisir les pourquoi mais les Dieux ne l'ont pas équipé pour. Il est un instrument tout entier au service de la Foi. Alors les faits glissent sur son module d'empathie et se présentent timidement aux circuits de Raison, sans jamais y imprimer grand chose.

    Plongé dans une foule suffisamment grande, Vamistul devient une sorte de "moyenne" de celle-ci. Dans la situation présente, il est un monticule informe de vindicte bien chaude. Il continue de déclamer des douceurs qui résonnent dans les coeurs alentours. Il alimente ce brasier dans lequel ses circuits empathiques flambent, il adore ça.

    Les portes de la Grâce sont fermées aux impies, aux brutes et aux chiens : à ceux-là nous préconisons le feu du tison, le fer des tenailles. Leurs paupières soigneusement retirées, nous les forcerons à enfin regarder notre Lumière de face, ...

    Virgil, l'ami colombe de Vamis, comprend bien mieux que son copain cristallin ce qui se trame ici. Solidement rivé sur son épaule, l'oiseau murmure ici et là quelques sarcasmes à son robot et profite calmement du spectacle. Il n'est ici que pour le divertissement, philosopher sur la nature des humains, qui s'entretuent avec passion dans un cycle sans fin, tandis qu'un crépuscule éternel lèche vicieusement les pieds de leur civilisation, ne l'intéresse pas tant que ça.

    Ce n'est pas la première fois que Virgil observe Vamis péter un boulon dans les tribunes. En fait c'est juste la seconde fois (mais c'est déjà un peu bizarre que ça soit arrivé deux fois)

    Spoiler:
    Ven 29 Nov 2024, 11:01
    Meije porte la main en visière contre son front pour protéger ses yeux du soleil accablant et considérer la foule qui se masse chaque seconde un peu plus densément dans la Tribune. L’audience extraordinaire semble loin, désormais, et les enjeux de ce jour s’annoncent autrement graves. Elle n’a jamais vu une assemblée si nombreuse et si diverse, aiguillonnée jusqu’ici par les sinistres affiches placardées partout. Ce que l’on a daigné lui raconter de l’attentat d’Opale – lourd privilège de survivant ou indiscrétion de colporteur – n’a cessé de lui hérisser le dos de frissons d’horreur. Et maintenant qu’elle est confrontée à l’impudique atmosphère de réjouissance que donne toujours aux procès et aux exécutions la plus primaire soif de vengeance, elle se sent étrangement nauséeuse. Jabril a maintes fois essayé de lui expliquer le rapport du genre humain à la violence, à la mort, au sang qui coule, la façon dont les penseurs ont cherché à ennoblir cette rage collective, qui défigure plus qu’elle n’embellit, qui ne rassemble que dans la monstruosité, en poussant la perversité jusqu’à voir dans le supplice d’autrui un divertissement cathartique. Hélas, aucune part d’elle ne se sent assez de crocs et de griffes pour se joindre ingénument à cette liesse macabre ; et en même temps, comment tenir rigueur à ces gens de vouloir laver le sang par le sang ?

    Il n’en est pas moins impossible pour elle de se débarrasser de cette sensation confuse de souillure, et contempler la réunion inédite, presque miraculeuse de toutes les bannières d’Uhr au sommet de la Tribune n’arrange rien. À côté d’elle, Portia ronge son frein, excédée d’avoir à souffrir si ouvertement la présence épistote. Meije est de plus en plus intimidée. La vérité, c’est que si cela n’avait tenu qu’à elle, elle n’aurait sans doute pas assisté à ce procès qui s’apparente déjà à une exécution publique. Elle n’a jamais senti plus douloureusement sur ses épaules le poids du devoir moral. Aucun des siens n’y coupe : même Sœur Lucetta s’est déplacée pour les accompagner, en dépit de la réserve hostile qu’elle témoigne toujours à ses parents adoptifs. Meije n’ose s’avouer que sa présence la rassure plus que celle d’un Jabril insondable ou d’une Portia furibonde. Elle essaie de puiser un semblant de courage dans le calme imperturbable qu’observe la Garde Sacrée, comme imperméable à l’effervescence sanguinaire qui l’entoure ; mais chaque fois son regard retombe sur l’immensité du tribunal qui se dresse, sombre et menaçant, comme un oiseau de mauvais augure. Le symbole des Douze, quoiqu’il la réconforte un peu, ne parvient pas à lui ôter cette impression désagréable d’être déplacée ; de même que ce visage familier aperçu parmi les sièges les plus prestigieux.

    Les cors retentissent enfin, annonçant l’entrée en scène de la Capitaine de la Garde Sacrée – les yeux de Meije s’arrondissent invinciblement d’admiration – puis des Archevêques. Elle ne comprend pas bien ce qui se joue entre eux, et malheureusement, elle n’entend pas ce que Sœur Lucetta lui murmure à l’oreille peu après la désignation du juge, ne percevant que son air vaguement satisfait, et toujours si sévère. Ses oreilles se mettent subitement à bourdonner. Elle a terriblement chaud, et ce n’est pas simplement le fait du soleil. Tout grimace, tout lui échappe.

    Tant bien que mal, elle s’agrippe au discours de l’Archevêque de Dainsbourg qui exhorte la foule à ne pas prononcer de jugement trop hâtif. Il est difficile, même pour un cœur aussi candide que le sien, de ne pas mesurer toute l’ironie d’une telle rhétorique, qui feint de retenir le glaive tout en vouant l’accusée à l’exécration. Les acclamations de la foule lui font bouillir le sang, en partie par contagion ; mais en fin de compte c’est encore une fois la peur qui l’emporte. Les sifflets lui tordent le ventre lorsque la calèche noire apparaît, aussitôt lapidée, et qu'elle sent autour d’elle le gonflement d’une fureur unanime, comme une mer qui grossit tout à coup.

    Yodicaëlle Sarnegrave est irréversiblement coupable, se répète-t-elle, non parce qu’elle lui souhaite une inenvisageable clémence de la part de ses juges, mais parce qu’elle se méfie de son indécrottable propension à se laisser attendrir par le sort d’autrui, aussi criminel soit-il. On raconte que l’opportunité sera laissée à l’accusée de mener sa propre défense. Aussi craint-elle inconsciemment tout ce qui pourrait sortir de sa bouche.

    La portière de la calèche ne s’ouvre pas encore. Le temps s’allonge, impose à l’impatience de la foule une insupportable agonie. Comme pour se distraire de ses inquiétudes, Meije se penche légèrement par-dessus l’épaule d’un moine installé sur la rangée en dessous de la sienne, équipé d’un matériel de rapporteur ; rien de trop intrusif, de la simple curiosité, de quoi apercevoir peut-être la façon dont on peut témoigner d’un événement aussi grave. Elle ne s’est pas tout à fait redressée lorsqu’elle formule une question drôlement naïve à l’attention de Sœur Lucetta ; sa voix porte un peu trop, de sorte qu’on ne sait plus bien à qui elle est adressée : « Y a-t-il le plus petit espoir qu’elle se repente sincèrement, selon vous… ? »

    Quel intérêt y aurait-il à cela ? Le désire-t-on seulement ? Car enfin, quelle perspective pour une telle âme ? L’impasse lui semble insoutenablement cruelle. Elle s’inquiète de plus en plus de ce que pourrait charrier la parole laissée à l’accusée – si on la lui laisse véritablement. Elle s’embarrasse de cette mascarade de justice où la condamnation a déjà fusé de toutes parts – et comment pourrait-elle le déplorer en regard du crime impardonnable perpétré à Opale ? Meije se fait soudainement toute petite sur son bout de gradin.

    Spoiler:
    Ven 29 Nov 2024, 20:35



    Aux bons, ils apportèrent richesse et bonheur

    et aux mauvais, misère et famine.


    Ils se rassemblent autour de la flamme. Papillons éphémères. Battement d'ailes frénétiques qui se fracassent contre les parois noires de la calèche, cocon et cercueil de celle qui incarne le mal. Paix. Réclame l'archevêque. À qui devraient-ils la demander, cette paix ? Eux qui ont vu mères et enfants, maris et soeurs, engloutis dans les entrailles de la terre, fauchés par la terreur du Cercle.

    Osez-vous fustiger la colère d'une foule ?
    Les mains tâchées de son sang.
    Osez-vous condamner sa véhémence ?

    Dans le chaos que vous avez semé.
    Dans la vengeance que vous avez cherché.
    Dans la terreur que vous avez déchainée.

    Osez. Comme ils l'ont fait. Lorsqu'ils vous ont blessés. Lorsqu'ils vous ont menti. Lorsque vous avez senti dans vos entrailles, ce même sentiment d'injustice. Lorsque vous avez décidé de rejoindre le Cercle.

    Osez. Poursuivre le cycle.

    Comme tant d'autres avant vous.

    Comme eux aujourd'hui.

    Papillons chaotiques. Si pressés de s'embraser. Si désireux de vivre, lorsque la mort rode. Omniprésente, dans les esprits, dans les poumons qui hurlent et la chair meurtrie qui se souvient. Elle attend. Patiente. Stoïque.

    Comme Elle. Elle qui vous observe sous le couvert de l'or et de l'insigne. Garde sacrée, pour un temps. La soie rouge de ses cheveux couvrant par endroit l'alliage rutilant, rivières sanguines de mauvaise augure.

    - Qu'Ioggmar et Demephor nous éclairent de leur sentience. disait-il, du haut de son estrade.

    Ioggmar est-il là ? Le discernement est-il de mise ? Là où les faits restent et demeurent, ancrés dans les pavés d'Opale, quelle place laisser au Guetteur ? Quant à Demephor.. Son oeil vous observe. Vous qui vous avancez. Vous qui restez dans l'ombre. Il vous voit. Mais vous jugera-t-il ?

    Oserait-il ?

    Une main gantée de métal se tend vers l'épaule massive d'un aramilan, qui menaçait d'écraser, sans même l'avoir vue, la fragile silhouette d'une jeune femme à la chevelure flamboyante. La poigne est ferme. Implacable. Il s'écarte promptement, de cette petite flamme perdue et de la garde inexpressive.

    Elle dont le coeur bat si calmement dans la houle. Pourquoi était-elle ici ? Ce procès n'avait rien à lui apprendre. Pourquoi travailler une nouvelle imposture, se fondre dans l'armure ? Incarner la protection, ici, quelle hypocrisie.

    L'oeil d'un dieu pouvait bien briller sur ses élytres, elle n'était pas différente de ceux-là. Qu'ils crient ou qu'ils se taisent. Coupables ou victimes. Un papillon de plus dans la fournaise.

    Résumé:
    Ven 29 Nov 2024, 20:57

    Le procès du siècle

    La Cité Tourmentée - RP libre - Tour 2



    La calèche avançait. Ballotée sur les pavés, cahotée par les projectiles qui frappaient le bois. Malmené par les jets incertains, le cocher tentait de presser le pas mais rapidement la Garde Sacrée vint prendre le relais et escorter le véhicule avant que l’effervescence ne gagne les spectateurs. Sous leur protection, elle atteint le parvis de la Tribune et tandis que les crieurs relayaient l’histoire de l’arrivée de l’impie, la porte s’ouvrit. Les derniers légumes ricochèrent sur le sol pour faire place à un silence de glace.

    Tremblante, l’accusée mis un premier orteil sur le marchepied. Elle était vêtue d’une simple toge grise, de fers qui avaient depuis longtemps parqué ses poignets et chevilles. Elle avait pourtant été lavée, apprêtée. Mais de l’image de la femme qui avait perpétré les horreurs d’Opale, il ne restait rien. Sa peau avait terni, pris une teinte grise maladive. Ses cheveux s’étaient éclaircis en mèches sales et filasses. Ses bajoues gonflées lui donnaient l’air d’une vieillarde, tandis que ses doigts devenus crochus présentaient les traces de sévices ou d’autres malfaçons. Son dos voûtait peinait à lui permettre de se tenir droite mais pourtant elle le fit. Ses traits illustrèrent la douleur qu’elle ressentit mais ses yeux n’avaient pas changé. Elle termina de descendre en boitant. Adressa un regard au peuple qui s'écrasait sous le silence de sa présence, du poids de ses crimes, puis la Garde Sacrée se resserra autour d'elle et l'escorta jusqu'à la Tribune.

    Pour ceux qui n'étaient pas au dehors, ce fut un spectacle d'or et de lames qui s'offrit à eux. Entourée par des soldats, Yodicaëlle était à peine visible. Les boucliers étincelaient, les épées brillaient. En un pas ordonné, cérémoniel, les soldats menèrent la prévenue dont seuls les cheveux autrefois blancs avaient viré au gris sale. En un ballet coordonné, les militaires l'entourèrent et furent menés par Circé elle-même. Au centre de la Tribune, dans un silence cérémoniel, elle fut conduite au centre. Là, Circé se glissa au milieu des soldats. Elle dominait la criminelle de plus d'une tête et le cliquetis des chaînes indiqua qu'elle l'attachait. Puis d'un seul pas, la Garde s'écarta et révéla ce qu'était devenue l'ennemie d'Uhr. Bien que diminuée, elle trônait, reine, au centre de son Tribunal. Avant que le moindre débordement n'ai pu avoir lieu, l'Archevêque de Dainsbourg leva une main pour maintenir le silence. Nul ne s'était levé pour l'accueillir, seul lui se dressait du haut de son perchoir.

    - Yodicaëlle Sarnegrave. Vous voici convoquée pour répondre de vos crimes devant Uhr rassemblée, devant les Douze. commença-t-il, son regard passa sur chacun des groupes assis en bas des tribunes. Si votre acte inqualifiable a réussi quelque chose, c'est bien d'avoir rassemble, d'avoir uni notre bon peuple de l'Enclave sous une même bannière : celle de la chasse au Mandebrume. A prouver que le XIIIème Cercle n'était qu'une supercherie infâme, destinée à plonger notre terre dans le chaos et l'horreur.

    Sa voix résonna dans les murs immenses de l'endroit béni. Il leva les bras, embrassa l'immense salle de son regard. Ses poumons se gonflèrent, tous retinrent leur souffle à l'unisson.

    - Comme il s'agit du Procès d'Uhr toute entière, le Concile a jugé opportun de convier le peuple à parler en son nom. Voyez, impie, ceux que vous avez unis venir vous confronter. Les mortels ne pouvant se substituer à la justice d'Azoriax, vous aurez le droit à un procès équitable. Un procès qui permettra à tous de comprendre la folie qui est la votre, et que le serpent de votre organisation doit être traqué, débusqué ... et éradiqué. reprit-il, son poing levé.

    Des murmures gonflèrent, se heurtèrent dans un brouhaha qu'il s'efforça de calmer comme s'il n'avait aucun parti pris dans l'accusation qui allait se dresser là. Il indiqua les sièges à sa droite, patienta jusqu'à ce que le silence se fasse.

    - A ma droite se tiendront les accusateurs. Ceux qui viendront vous confronter. Dans notre magnanimité, nous avons convié de nombreuses nations et représentants à venir prendre parti dans cette Justice. Vous pouvez vous retourner, Yodicaëlle Sarnegrave, et contempler ceux qui sont venus pour vous. Pour que sentence soit rendue. reprit-il, sa main tout d'abord pointée vers Opale.

    Les opalins étaient venus en curieux petit nombre, mais il y avait là des représentants de chacune des sept familles. Les efforts au nord les occupaient beaucoup mais il y avait tout de même des individus de haut rang. De la noblesse, certes, mais aussi le représentant de la Diplomatie en Opale. Il ne s'agissait pas d'un membre du conseil mais de son plus fidèle allié qui le suppléait régulièrement : Falkan Del Astra. Un homme dans la cinquantaine, originaire des îles au Dragon, submergée par la Brume. A quelques sièges se lui se dressait une autre tête connue, mais du Magistère cette fois. Une scientifique émérite qui était surtout connue pour sa position au sein de l'organisation : la directrice du département biologique. La Docteure Elyesa Muridas, une femme dans la force de l'âge qui paraissait bien timorée aux côtés de toute cette noblesse. Récemment revenue d'une expédition au sein du Coeur d'Uhr, elle semblait peu confortable à cette position.

    Bulzimil fit ensuite glisser sa main vers les représentant de l'Alliance. C'était un assemblage de nombreuses personnes, de toutes origines et bords. A l'image de l'Alliance. Mais peut-être les plus informés pouvaient y reconnaître quelques têtes. Un chroniqueur célèbre, reconnu pour ses ouvrages et sa fine connaissance des méandres de l'histoire du continent. On le nommait Siegel le conteur, il représentait souvent la cité bien que ce n'était pas sa volonté première. Il était connu comme un élémentaire très ancien, mais préférer se faire traiter comme tout homme. A ses côtés, un jeune gnome essayait de chuchoter avec lui mais sans trop de succès. Il s'agissait de Gulvar Markhul-Sharak, héritier du clan du même nom. Très attaché à son pays d'origine, il s'était affairé toutes ces années à développer les routes de l'Alliance et avait beaucoup oeuvré dans l'entretien et le développement des routes commerciales d'Uhr. Ce qui l'avait, bien entendu, rendu richissime. Il était probablement présent en tant que Diplomate de l'Alliance et avait pour habitude de représenter le Chancelier lorsque celui-ci ne pouvait être présent mais lorsqu'il fallait tout de même avoir une certaine ... prestance. L'archevêque de Dainsbourg pivota ensuite de l'autre côté de la salle pour saluer les autres individus issus de l'Alliance ou du Contade, qui n'étaient pas spécialement affilié à une quelconque autorité. Des gens de tous bords. Mais on pouvait cependant remarquer au premier rang une tête connue qui faisait de plus en plus parler d'elle en Aramila : Sulja Ul Ilsm. Une jeune noble de Lapis, habillée de façon traditionnelle, et qui était connue pour son ouverture vers l'extérieur de la cité. Sa présence était, bien entendue, une stratégie politique toute calculée de la cité. Ou de la jeune femme ? Qui savait, Lapis traversait une crise qu'elle avait du mal à surmonter.

    Vint le tour de la Xandrie, que l'archevêque indiqua d'une main un peu lasse. Mais c'était sans compter la commissaire du Guet qui se leva et lui rendit son salut avec toute la déférence dont elle était dotée, à une mode presque aramilane. Amalia Zirkhys était une femme droite, rigide. Elle échangea un regard avec la capitaine de la Garde Sacrée, Circé, et il ne suffit pas plus d'une seconde pour comprendre qu'elles étaient forgée dans le même métal. Assis sur les autres chaises étaient présents quelques nobles triés sur le volets, mais peu de têtes connues. Il devait aussi se cacher parmi-là des membres de guilde. A la différence de l'une d'entre elles peut-être, un femme âgée engoncée dans des robes traditionnelles dont la droiture trahissait l'importance. Jin Qin Long. La cousine du roi. Par se seule présence, elle indiquait que la Xandrie ne prenait pas ce  procès à la légère.

    Puis Bulzimil tourna ses deux mains vers les représentants d'Aramila. Bien entendu, Circé était assise en bas et tenait lieue d'invitée de marque en plus de ses fonctions. Mais elle n'était pas seule. L'ensemble des archevêques étaient présents, sauf quelques représentants pour certains. Il était tout de même à noter d'autres personnalités au milieu mais le jeu aramilan se pratiquait surtout en arrière plan. De très nombreux tribuns étaient présents, ainsi que certains habitués de ces jeux politiques. Comme Pyros Borge qui observait la scène avec son sourire habituel et contemplait les événements à venir. Ils étaient de loin ceux qui paraissaient les plus mis en valeur dans ce procès, ceux dont les atours resplendissaient et jetaient l'opprobre sur les autres nations. Cependant, un des archevêques manquait à l'appel, Ilu. Archevêque de Doulek, terre d'origine de Yodicaëlle. Son absence ne passa pas inaperçue et tira quelques murmures dans l'assemblée.

    Ne resta enfin que les épistotes. Volontairement gardés pour la fin, dénigrés pour leur rôle dans cette mascarade. Les mains de Bulzimil se baissèrent et il les désigna d'un salut de la tête respectueux malgré tout. Mais le Grand Sapiarque n'avait pas fait le chemin jusqu'à eux, occupé à gérer ... d'autres affaires plus importantes visiblement. Cependant, cela ne signifiait pas que la nation prenait ce procès à la légère. Leur position politique actuelle était si fébrile que le moindre faux pas pouvait leur coûter très cher. Ils avaient donc investi énormément de ressources dans la traque du Mandebrume. Le capturer primait, certes, mais ceux présents n'étaient pas n'importe qui. Parmi les sièges, on pouvait y percevoir quelques célébrités. Même jusqu'en Aramila. Ils étaient bien entendu tous bien affrétés, propres et nets. Les épistotes avaient même fait l'effort de ne pas envoyer de personnes aux augmentations trop évidentes. Toutes, sauf une. Au premier rang se tenait un automate andromorphe. Il était revêtu d'habits humains, certes, mais ses traits ne trompaient pas. Il s'agissait d'A.T.L.A.S., conçu pour la traque et la collecte d'informations. Il avait été affecté au démantèlement du XIIIème Cercle et était peut-être l'individu le plus craint de ces derniers. L'Andromorphe Terminal de Liaison Avancée Spécifique était impliquée dans la Purge, destinée à débusquer et éliminer les Adeptes de l'organisation qui avait gangréné Epistopoli. Il avait été conçu, amélioré et affecté par le Grand Sapiarque lui-même. Sa présence résonnait fortement avec la promesse de l'Archevêque quant au sort du XIIIème Cercle. A ses côtés se tenait une autre célébrité : la Sapiarque Elia Filters. Impeccable dans son costume blanc, elle était une membre éminente du Comité d'Instruction et faisait partie de la direction d'AROMA Corps. Il était de notoriété publique qu'elle était une augmentée à la pointe de la technologique, bien qu'elle ne présente la trace d'aucune d'entre elle. Elia était souvent mobilisée pour les campagnes de communication de la cité des Sciences et était l'une de ses têtes les plus médiatisées.

    Une fois les applaudissements et les vivats calmés, l'Archevêque de Dainsbourg réclama à nouveau le silence. Il invita tout le monde à s'asseoir et toisa l'accusée d'un regard emplit de mépris. Il se tourna vers sa gauche et indiqua les sièges situés là. Un individu masqué de fer émergea alors de l'ombre pour venir se dresser à ses côtés. De longs cheveux blonds s'échappaient des deux côtés de son masque qu'il portait dans une réplique parfaite d'un visage impassible. Ilu le tempéré, Archevêque de Doulek.

    - Et à ma gauche se tiendront les défenseurs ... s'il y en a. Dans sa grande miséricorde, Raphalos a désigné l'Archevêque Ilu pour endosser ce rôle en vertu de l'origine de l'accusée. Ainsi se tiendra la défense qui viendra objecter, s'il l'est possible, aux accusations proférées. Merci, Archevêque pour votre sacrifice et votre abnégation. poursuivit Bulzimil pour calmer la moindre tentative de quolibets ou insultes : le sacrifice d'Ilu se devait d'être noble et grandiose.

    - Nous laisserons donc ceux qui le désirent venir s'exprimer à ma droite où à ma gauche, et vous répondrez, Yodicaëlle Sarnegrave de leurs accusations et de leurs questions. Puis, lorsque tous se seront exprimés, alors vous serez entre les mains d'Azoriax par le vote, votre culpabilité sera avouée. Par le vote, votre sentence sera décidée. Par la Justice divine des Douze, vous serez châtiée. L'acceptez-vous, accusée Sarnegrave ? tonna-t-il, droit dans les yeux de Yodicaëlle.

    Celle qui n'avait fait que tenir droit jusque là redressa le menton, affronta le regard de l'Archevêque. Elle serra les dents, tout aussi diminuée qu'elle était. Quelques sifflets retentirent mais sa voix perça la Tribune et se réverbéra dans toute la structure, dont l'acoustique était étudiée à cette fin.

    - Oui, je l'accepte.

    Silence de mort.

    - Bien. Je vais donc procéder à la lecture des chefs d'accusation, et alors les premiers à vouloir venir à la barre le pourront. Yodicaëlle Sarnegrave, vous êtes aujourd'hui demandée à comparaître devant Uhr tout entière pour répondre des vos crimes. Vous êtes accusée d'avoir fomenté un attenta à l'encontre d'un conseil rassemblant toutes les nations, assassiné de façon directe ou indirect des centaines de citoyens innocents et d'avoir fait collusion avec l'ennemi de l'Enclave : le Mandebrume. Par vos actions, vous avez organisé la destruction des racines séculaires de l'Arbre-Dieu, ce qui a eu pour conséquence de permettre à la Brume de s'engouffrer en Opale. Les victimes se comptent à présent par milliers. Pour cela, vous vous êtes rendue coupable de collusion avec le XIIIème Cercle dont vous êtes un membre éminent. Le reconnaissez-vous ? proclama l'Archevêque.

    - Oui, je le reconnais. répondit Yodicaëlle d'une voix ferme.

    - Vos actions ont contribué à affaiblir l'Arbre-Dieu, que l'Ahad désignait comme seul Protecteur d'Uhr. Par cela, vous êtes indirectement responsable de son état, et du danger qui guette à présent l'Enclave. Vous vous êtes associée avec l'ennemi de l'humanité, auquel votre secte voue un culte. Un ennemi aussi connu sous le nom d'Ivan Dimetrios, qui n'est autre que le Régent d'Epistopoli ! vociféra-t-il, ce qui tira soudain un mouvement de contestation et un brouhaha qui gagna tous les alentours - car l'information n'était alors qu'une rumeur qu'Epistopoli s'efforçait de dissimuler à tout prix. Yodicaëlle Sarnegrave, avant que le peuple ne vienne prendre place à mes côtés pour votre procès, que plaidez-vous ? Que plaidez-vous face aux crimes immondes que vous avez commis ? Que plaidez-vous pour les milliers qui souffrent de vos actions, de vos actes impies et de la trace sanglante qu'a laissé le XIIIème Cercle en votre nom ?

    - Non coupable.

    Et la Tribune hurla.

    Organisation du tour 2:

    Plan de la Tribune et PJ:

    PNJ d'intérêt des différentes factions:
    Lun 02 Déc 2024, 18:26

    Le procès du siècle

    Event



    La foule hurlait sa colère, tandis que les crieurs publics présents pour relayer le déroulement du procès à ceux qui étaient dehors demandaient le calme. Sérieux, non coupable ? Kailan avait envie d'en rire. Si elle était non coupable, alors tous les criminels d'Yfe étaient des innocents. Si elle était non coupable, ceux qui n'avaient commis aucun crime de leur existence étaient des saints. Cette femme était complètement folle, ou n'avait aucune idée de comment se défendre. Ou alors, ceux qui se chargeait de sa défense avaient décidé de travailler pour mieux l'enfoncer – ce qui ne l'étonnerait pas.

    Le crieur près de la foule dans laquelle elle était présente annonça qu'ATLAS, l'automate epistote, prenait la parole :

    « Entité Sarnegrave, votre affiliation au XIIIème Cercle induit une proximité relative avec le Mandebrume – correction – le Régent. Vous confirmez ce point. La Purge en cours à Epistopoli traduit un nombre décroissant de cultistes, avec une raréfaction des activités. Les adeptes se concentrent à présent au nord pour couvrir les traces de l’entité Mandebrume. Vous confirmez ce point. Votre objectif : détruire les racines de l’Arbre-Dieu, précipiter Uhr dans la Brume. Vous confirmez ce point. Votre existence est donc une menace, vous portez le poids de la mort de nombreux civils. Vous confirmez ce point. Nos services ont participé à votre interrogatoire. Vos actes nous ont, malgré tout, apporté de nombreuses connaissances. Question mise en balance : cela valait-il le coût ? Réponse : non. Confirmez-vous ce point ? »

    La réponse de l'accusée mit du temps à arriver. Tandis que le public autour d'elle se plaignait auprès du crieur, ce dernier répondit calmement que l'accusée semblait avoir du mal à parler, selon quelques de ses collègues présents dans la Tribune. Sûrement avait-elle été fortement amochée durant ses interrogatoires, songea Kailan. Le crieur répéta enfin les dires de Yodicaëlle :

    « Je … C’était nécessaire. Je n’ai été que le catalyseur de la volonté d’Arkanis. Nous ne cherchons qu’à protéger Uhr et il y a des choses bien plus … dangereuses à l’œuvre. Je regrette d’avoir … dû sacrifier des vies. Mais papa … mon père … *des larmes emplissent ses yeux mais elle tient bon* Mais c’était nécessaire pour unir les nations, pour les pousser dans un seul but : la survie. Il convient d’exciser les tumeurs plutôt que d’attendre qu’elles se propagent. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour notre survie à tous. Si vous devez placer votre confiance en quelqu’un, c’est en Arkanis. Il a déjà sauvé Uhr, il le refera. »


    Résumé:
    Mer 04 Déc 2024, 13:32

    The trial of the century

    starring Jane Kaldwin & event participants

    Sous notre observation silencieuse, la terroriste faisait son entrée en scène dans ce simulacre de procès. Pour moi ce n'était qu'une mise en scène car Yodicaëlle allait plus que charger pour ces actions. La colère de la foule était aisément compréhensible, comment réagir autrement en voyant l'assassin de proches, d'amis au nom d'une entité supérieure dont un bon nombre se fichait éperdument ? Qui d'autre que des fanatiques allaient adopter des procédés aussi extrêmes ? Jusque dans l'armée même où j'ai servi je pouvais trouver des tarés de cette espèce. La folie quelle qu'elle soit n'évite hélas aucun uniforme.

    01, vous avez vu son état ? questionna l'As de Trèfle dans mon oreille gauche. Oui 1-0. La conséquence de quelqu'un qui a pris des vacances en geôle... Yodicaëlle était vraiment dans un sale état. Elle ne s'était sans doute pas lavé depuis longtemps malgré le fait qu'on ait essayé de la rendre présentable. Je supposai également que cette femme avait été battue, brutalisée, peut être même abusée... Même si je la détestai, ne serait-ce que parce qu'elle a fait tuer des gens qui n'avaient rien à voir avec son idéologie de malade et que j'ai failli y passer, je ne pus m'empêcher de ressentir du dégoût mais aussi... de la pitié en voyant le résultat du traitement qu'elle avait subi. Elle avait l'air misérable et la foule s'en donnait à cœur joie en l'invectivant. Changez l'angle de vue, nous devons pouvoir voir toute la scène ordonna l'As de Trèfle à ses agents. Bob lui, ne changea pas de position et continua de suivre furtivement le parcours de la terroriste.

    En posant mon regard plus bas, je voyais qu'une femme avait levé le regard... vers moi. Est ce qu'elle m'avait vu ? Je bougeai légèrement de ma position pour en prendre une autre mais elle avait toujours les yeux en l'air. Merde, mais c'est moi qu'elle regardait ? Ou bien elle s'intéressait à autre chose ? Je bougeai encore pour constater que l'inconnue avait l'air plus préoccupée par le pilier que ma personne... Pas un mot à mes agents... J'attendis encore quelques secondes avant de reprendre position pour ne rien rater de ce qui se passait.

    L'Archevêque terminait de présenter les siégeants au tribunal. Visez un peu qui s'est pointé... avant que l'autre ne renchérisse. Ouais, ça fait du beau monde. Mon regard se porta immédiatement sur les membres aux côtés de l'homme noir. Bob, les invités. N'en rate aucun. Mon automate se contenta d'un bip discret en guise de réponse pour en prendre les images. Grâce à nos indics au sein de chaque organisation invitée ici, nous savions précisément en avance qui allait être là et tout le monde était bien présent comme nous l'avions prévu ici.

    Opale avait envoyé son bras droit diplomatique Del Astra ou plutôt le laquais en chef de celui qui siège au Conseil en charge de la diplomatie. Quand la famille est ruinée on s'accroche à n'importe quoi pour subsister... tandis que le pachyderme organisationnel qu'était le Magistère, une de ses trois plus grosses huiles en la personne de Muridas qui était la seule à porter cette marque de lunettes parmi ses collègues.

    L'Alliance, qu'on considérait comme un nain par rapport aux autres avait amené nombre de personnes dont les plus importantes était le conteur Siegel, élémentaire de son état et qui méritait bien son sobriquet au vu du nombre d'ouvrages qu'il possédait et avait diffusé ou le gnome Gulvar du clan Markhul-Sharak, avant tout une personne d'affaires que l'action de l'Alliance a rendu aussi riche qu'un milliardaire epistote plutôt qu'un diplomate. Cependant, une jeune femme au premier rang dont le nom entier m'échappait mais que nous appelions Sulja dont j'avais déjà vu le visage lors de notre briefing, sachant l'importance qu'elle prenait ici. Quelqu'un qui prônait l'ouverture...

    Je souris sous mon masque en constatant que la jolie et glacée commissaire Zhirkys avait faite le déplacement pour représenter un pays toujours sujet aux troubles. Je me rappelle encore la tête qu'elle avait faite lors de notre briefing concernant les évènements de la mine... Mon sourire se crispa légèrement voyant la personne qui l'accompagnait en la personne de Jin Qin Long, cousine du Roi Dynaste. Elle s'était apparemment bien remise de sa dernière maladie... Le Roi avait donc envoyé sa cousine pour le représenter. Elle devait se sentir importante à voir l'espèce de droiture avec laquelle elle se tenait...

    Concernant Aramila, peu de choses avaient filtrés jusqu'à mes agents, tout au plus un nom, un visage puis une fonction. Le vide de notre présence dans ce pays aride se faisait ressentir. La dénommée Circé était bien là, les tribuns étaient presque tous là également... Je voyais en revanche que ça discutait ferme entre eux comme si quelque chose les préoccupait grandement...

    Mon sourire se fit plus discret mais non moins amusé en voyant la délégation epistopolitaine. La belle Elia Filters était là dans ce costume blanc immaculé qu'elle avait déjà porté à cette réception chez ce cadre supérieur de son entreprise où nous nous étions rencontrées, la même coiffure, les mêmes tout petits liserés dans la peau qui indiquaient très discrètement ces augmentations... Si Elia était une célébrité que j'avais pu rencontrer personnellement, je ne pus en dire autant pour celui à côté d'elle. Je frémis en constatant qui l'accompagnait ou plutôt quoi. L'automate A.T.L.A.S était un nom que nous connaissions dans la guilde, il était une célébrité même parmi nos appuis pour ce qu'il représentait en terme de traque et de renseignement car il était un outil que nous aspirons un jour à pouvoir mettre la main dessus. Peut être pas lui directement mais si l'on pouvait fabriquer un semblable... Si selon moi Elia était là pour sa présence médiatique et sa puissance de communication chez nous, A.T.L.A.S était clairement pour là pour du renseignement. Sachant que c'était le jouet personnel du Grand Sapiarque, il lui ferait sans aucun doute un rapport dans les moindres détails du procès célèbre.

    D'ailleurs en parlant de lui, il fut le premier parmi l'assemblée des procureurs -pardon accusateurs- à interroger Yodicaëlle. Si je trouvai que le logiciel de Bob faisait des merveilles pour simuler une interaction humaine, que dire de celui d'A.T.L.A.S ? Le sien était autrement plus sophistiqué et réaliste, s'il n'avait pas cette apparence robotique, je l'aurai prise pour un homme particulièrement sinistre et sûr de lui. La terroriste lui répondit d'une voix chevrotante et mal assurée. Elia fut la suivante et intervint presque aussitôt. Bob ne rata absolument rien de ce qu'elle disait car voici ses propos de sa voix déterminée :

    Merci, Archevêque de nous donner l’occasion de porter la voix d’Epistopoli. Nous condamnons fermement les actions menées par le XIIIème Cercle et leurs actes terroristes à l’encontre de l’Enclave d’Uhr. Yodicaëlle Sarnegrave, c’est avec tristesse que je constate votre attachement aux fausses croyances de celui que vous appelez Arkanis, qui a su tromper le monde pendant toutes ces années. Vous affirmez qu’il désire sauver le monde, qu’il une solution : ce pourquoi il est censé se rendre dans le nord, c’est cela ? Pour cela que le Grand Sapiarque Elias Von Beck a déployé toutes les ressources d’Epistopoli pour la traque de ceux qui veulent libérer on ne sait quel fléau. Que notre nation se dévoue corps et âmes à défendre l’intérêt commun. Vous vous êtes procurée à cette fin de nombreuses technologies issues de ruines sous la Brume. De cristaux dont nous pouvons aujourd’hui voir les conséquences, les traces. Qui vous a fournie ? Comment avez-vous atteint de telles connaissances à ce sujet ?

    Des questions pertinentes ma belle mais Yodicaëlle avait la fâcheuse tendance à avoir réponse à tout... Sa réponse n'était donc pas décevante sur ce point.

    Le Mandebrume connaît la Brume. Il connaît ses recoins, ses secrets et son savoir va même au-delà des origines de l’Empire. Vous évoluez dans l’ignorance de ce qui fut, dans ce qui est. Dans ce qui sera. Lui seul sait ce qu’il s’est réellement passé trente années avant notre calendrier. Il a vu la grandeur et la décadence, l’avènement et la destruction des dieux et des faux dieux. Il est le seul à nous partager la vérité. Pouvez-vous en dire autant ? Combien de mensonges avez-vous caché aux citoyens d’Uhr ? Sur l’origine du monde ? Sur les pouvoirs des cristaux ? Sur la nature véritable de l’Arbre-Dieu ? Ma réponse est simple : car il me l’a montré. Car nous leur montrons à tous. Mais ma question à votre encontre est celle-ci, Sapiarque Filters, car oui je sais qui vous êtes et ce que les vôtres m’ont fait dans ma geôle. Ma question est : pourquoi avez-vous caché ce savoir aux yeux du monde ?

    Une telle insolence aurait demandé une réplique immédiate de l'Archevêque selon moi car nous faisions le procès de cette enflure qui s'est faite démontée en taule, pas celui de la politique d'Uhr, ce n'était ni le lieu ni l'endroit et elle n'avait pas à poser des questions. Toujours ce même fanatisme, cette étroitesse d'esprit à ne voir que par son idole... Elle se dédouanait du mal qu'elle avait fait en ayant l'arrogance de plaider "non coupable" et en même temps défendait son gourou. Bonne chance au dénommé Ilu, commis d'office car sa cliente ne faisait rien pour arranger son cas et me donnait l'impression de torpiller sa propre minable défense car bien trop aveuglée par son idéologie.

    HRP:

    Mer 04 Déc 2024, 14:18
    Et pendant que son petit tuteur prenait note du gratin assemblé en mobilisant le néant de science mondaine dont il disposait, la grande brune avait dégainé son propre carnet pour crayonner le théâtre qui se jouait devant eux. Pas pour les partager comme des illustrations, juste que ça la démangeait : la tribune et la scène qui s’y jouait étaient si saisissantes que son cerveau céda compulsivement.

    Au grand dam de Jane, qui devait régulièrement se rétracter sur son promontoire pour échapper aux regards de cette putain de meuf au cul vissé en contrebas, stupidement fascinée par le jeu des colonnes et des voûtes du monument. Quitte à se faire un torticolis. Mais bien vite, elle finit par reporter son attention sur le plateau central, comme tous les autres.

    Sauf que du coin de l’oeil, Oboro entraperçut…

    -Eeeeh, c’est pas bien de copier sur le voisin, accusa-t-elle en se retournant avec un grand sourire.

    … Meije, qui venait de rejeter un coup d’oeil aux écrits du petit moine. Et sembla comme paniquée d’être prise sur le fait. Plus par réflexe qu’autre chose, cela dit.

    -P-pardon, s’excusa la sentinelle, je ne voulais pas vous…

    Il fallut deux secondes à la demi-tritonne pour intégrer qu’il n’y avait aucun reproche dans cette phrase. Toutefois, ce laps de temps suffit à ce que l’air enjoué de celle qui la hélait fonde comme neige au soleil devant les regards austères et réprobateurs de Soeur Lucetta et de Portia. Mais l’épistopolitaine fut sauvée in-extremis par la bienveillante patrouilleuse d’Orimar, qui lui renvoya finalement un sourire avec plus de retenue.

    -... j’étais simplement curieuse de voir en quels termes un rapporteur pouvait témoigner de quelque chose d’aussi grave.
    -Mh? Ah, ça se comprend. Et puis il a une super belle écriture, c’est normal que ça attire le regard. On dirait pas quand on voit le bonhomme, pourtant.
    -C’est vrai aussi. Mais vous croquez très bien aussi.
    -Ah, tu trouves?, rayonna Oboro. Rhoo c’est trop gentil!
    -Je ne regardais pas vraiment, mais comme c’était devant moi… j’aime beaucoup l’effet de…

    “Mais pourquoi est-ce qu’elle se met à bavarder avec des inconnues?”, s’exaspéra silencieusement Ryosuke en levant mentalement les yeux au ciel, sans interrompre sa tâche ou faire le moindre geste.

    Une pensée qui, en des termes variables, avait aussi traversé l’esprit des deux femmes qui encadraient Meije. La plus âgée des deux les rappela vite à l'ordre :

    -Mesdemoiselles, faîtes preuve de respect à la tribune, en particulier vu ce qui se joue aujourd’hui.
    -Rhooo ça v…
    -Taisez-vous, jeune femme, sécha la religieuse.
    -Oui Madame, pardon Madame.
    -... désolée, Soeur Lucetta. Vous avez raison.

    *
    *     *
    *

    Et un peu plus tard, après que l’audience ait réellement commencée :

    -’Ttends sont sérieux, cette histoire de racines d’arbre-dieu c’était pas des conneries?

    Ryo ne répondit pas, incapable de donner une réponse qui ferait sens. D’autant plus qu’il s’attendait, à juste titre, à ce que…

    *
    *     *
    *

    … en contrebas, au sein des sièges réservés aux tribuns, siégait aussi Madèle, la modeste moniale de leur prieuré pour qui Ryosuke faisait office d’assistant. Assez jeune parmi ses pairs, certainement pas un grand nom, juste une régulière qui faisait son office. Et en l’occurrence, tout ça était trop brouillon. Le sang ne l’attirait pas, pas plus que l’inconnu. Elle voulait juste comprendre, aussi prit-elle la parole pour interroger l’accusée.

    -Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur l’arbre?

    « Les racines de l’Arbre-Dieu … Il s’étend dans tout Uhr et son origine coïncide avec celle de la Brume. Des sacrifices ont été réalisés, mais nous n’avons que peu de savoirs quant à leur nature sinon qu’ils étaient humains. Ils ont alimenté l’Arbre, lui ont donné la force nécessaire de s’étendre et de se lever en barrière contre la Brume. Or, c’était il y a si longtemps qu’il a perdu ses forces année après année. Sous les assauts répétés de la Brume. Le Mandebrume savait que ce n’était pas une solution définitive … mais il a été trahi avant de pouvoir trouver une solution durable. Aujourd’hui, ce n’est plus envisageable. C’est pour cela que nous avons ciblé les racines. D’abord à Dainsbourg il y a trente ans. Puis Opale l’année dernière. A chaque nation ses racines, en des lieux qui ne sont pas toujours connus. Mais elles sont mourantes, n’est-ce pas ? Ce n’est qu’une question de temps : je n’ai fait que vous aider à vous préparer … Aux grands maux … les moyens les plus désespérés. Ayez foi en Arkanis, il nous guidera. »


    Spoiler:
    Mer 04 Déc 2024, 18:25

    Le procès du siècle

    RP libre


    Sarnegrave, si tant est que ce fut bien elle et pas une vulgaire poupée de son à qui Aramila avait fait digérer des jours durant tout ce laïus moralisateur et larmoyant, débitait ses poncifs nébuleux et complotistes sur les responsabilités des uns et les culpabilités des autres dans les attentats d’Opale. Les ors de la Tribune, de ses rangées d’ecclésiastiques fripés et vaniteux de leur prétendu droit à statuer sur le sort de l’impie, détonnait avec la scénographie étudiée de l’apostat au centre de son échafaud. Baignée dans la lumière de leurs faux dieux, aveuglée toute qu’elle fut, la profane devait soutenir les mille et uns regards ascendants réprobateurs - tels des nuées d’aiguilles transperçant sa chair gâtée par un usage immodéré des cristaux – qui l’assaillaient de toutes parts. Ekhart darda un regard vers la Tribune Aramilane pour se délecter de l’écœurement et de l’aversion sur leurs visages graves. Il y avait quelque chose de presque jubilatoire à les imaginer se flageller encore et encore à l’idée que cette adepte du treizième cercle était une citoyenne de leur très pieuse et chaleureuse nation qui se faisait un devoir d’accueillir tous les reclus, marginaux et saltimbanques du monde entier pour prôner son modèle d’intégration. Pour en avoir côtoyé un bon nombre, l’officier savait que les aramilans étaient de fieffés acteurs qui n’avaient pas leur pareil pour jouer la comédie. Et ceux-là pouvaient bel et bien avoir la palme d’or en la matière. Car au-delà du vernis d’émoi et d’ébranlement dont ils s’étaient semble t’il tous passé le mot, s’écaillait la peinture de tout un pan de petits opportunistes aux dents si longues qu’elles striaient les bancs de leur infâme amphithéâtre, lorgnant d’ores et déjà sur la place vacante de l’archevêque d’Etyr qui avait trouvé la mort dans les attentats d’Opale. Un archevêque qui visiblement n’était pas rentré dans les bonnes grâces de l’archevêque de Dainsbourg – orphelin de son cheptel - au point qu’il oublie d’en rappeler son trépas parmi la liste des nombreux griefs de la prévenue. D’ici à penser que sa disparition n'a fait qu’arranger les affaires fétides de ces donneurs de leçons invétérés ou même qu'ils aient participé activement, voire commandité son meurtre, il n’y a qu’un pas.

    « Archevêque Bulzimil Raelm Ul Mahteis Ezsicdamal » manqua de s’égorger Ekhart et interrompant à la volée le discours victimaire et conspirateur de Sarnegrave.

    L’oeil d’airain d’Ekhart parcourt l’assemblée et comme Yodicaëlle avant lui, il peut ressentir la haine et l’animosité de tout une frange d’aramilans connaissant son identité, son visage, alors même que l’officier se fiche royalement de la réciproque. Son regard s’attarde sur celui de Pyros Borges, la cheville ouvrière de l’Archevêque du Renon, lui et son éternel sourire duplice vissé sur sa mine de cire. Oeillade appuyée avant que le militaire n’embraye :

    « Au nom des exactions perpétuées de sang-froid et sans une once de remord par la prévenue devenue semble t’il entre-temps martyr d’une cause supérieure qui dépasse l’entendement de tous, je tiens à rappeler à la présente assemblée, le plus vil, le plus lâche et le plus abject crime d’entre eux dont elle porte l’entière responsabilité. Un sacrilège si odieux et si insupportable que je m’étonne que vous ayez négligé de le porter à la liste des chefs d’accusation de la prévenue. Je parle bien entendu de l'assassinat de l’Archevêque d’Etyr ! » tonna t’il, un sourire de marbre sur ses traits.

    Les rangs de la Tribune se soulèvent dans une bronca cacophonique à l’égard de Yodicaëlle Sarnegrave, la frappant d’anathème, l’invectivant encore et encore avant de lancer à son insu une nouvelle salve de fruits pourris. Les vociférations finissent par se calmer après les nombreux appels au calme réitérés par l’assistance et l’évacuation manu militari des éléments les plus fanatiques et tapageurs par la garde sacrée.

    « A ce propos ... » renchérit l’illustre représentant de la diplomatie du conseil des cinq d’Opale, le très respecté et honorable Falkan Del Astra.

    « J’aimerais rappeler à l’assemblée les répercussions des crimes de la prévenue sur les terres d’Opale. » adressa t’il à la Tribune avant de se tourner vers l’accusée.

    « Votre crime immonde a vu la mort de nombreuses personnes innocentes et rien ne pourra justifier cela. Que ce soient des conseillers, certes, mais aussi tous les spectateurs : comme ici aujourd’hui. Vous vous pavanez derrière votre excuse du plus grand nombre, mais avez-vous vu les ravages de la Brume sur les îles ? Hein ? Les morts déformés, les carcasses éviscérées. Les mutations incontrôlées, les familles dévorées. Le sang, la chair et le massacre. Vous proclamez une nécessité mais je n’en vois aucune. Il n’y aura pas de question pour moi, meurtrière. Seulement le cris des enfants d’Opale abandonnés, le sang de ceux qui meurent alors que vous tenter de passer pour une sainte. J’ai avec moi une conque qui retrace les derniers instants du village d’Elebore, à l’instant où la Brume les a saisis. »  

    « Je … suis désolée. Ces cris … Je … je … suis désolée. Je n’ai pas voulu cette souffrance, mais elle est nécessaire. Nécessaire, vous comprenez ?! Elle nous unira, et le Mandebrume nous … guidera. Il … il le faut. Sinon, nous … Je suis désolée. »

    « SILENCE » fulmina le vénérable diplomate avant d’enclencher la conque et de libérer dans l’assemblée les chants atroces des plaintes et des pleurs ininterrompus de familles découvrant les boucheries orchestrées par le treizième cercle, des carnages sanguinolents de corps parfois rendus difficiles à identifier compte tenu de la violence des assauts, de familles éplorés privées à jamais de leurs êtres chers.



    Dans l’assistance, le désarroi est total face à l’indicible.

    Résumé:
    Mer 04 Déc 2024, 22:11
    Vamistul rentre en trombe dans les tribunes d'Aramila, éreinté et chaud, prenant place parmi une assemblée presque autant bouillante que celle de dehors. La contenance des grosses têtes de sa patrie d'amour lui permet de refroidir un tantinet ses circuits lorsqu'elle vient caresser son module d'empathie. Il est ici pour ça. Dehors, la haine ambiante menace de le faire très littéralement prendre feu.

    Cependant, le trop-plein d'émotions forme une montagne presque insurmontable. Il gesticule, se forçant à rester assis sur son siège malgré la surchauffe du cristal d'hypersensibilité qui se pare d'un rouge vif, des idées sombres de vengeance et de rétribution continuent d'assaillir le Programme. Ces pensées impures rentrent en contradiction directe avec les commandements profondément entérinés dans son âme artificielle : tu ne tueras point, tu respecteras la vie sous toutes ses formes, tu n'occasionneras ni tort ni peine autour de toi ; et toutes ces autres sornettes.

    Impossible pour lui de suivre les discours des grands messieurs et des belles mesdames, la sécurité du module de Raison vient de s'activer pour protéger la lucidité de l'automate et l'empêcher de finir catatonique. Il est presque sourd et presque aveugle. Toutes les fonctions du robot ont été inondées par des sentiments profanes et il se sent si sale de les ressentir et il sent le regard déçu de Raphalos sur son serviteur et que deviendra-t-il s'il le renie.

    - Abruti, lui murmure Virgil la colombe, Tu ressortiras pas d'ici sans camisole, je le crains. Si tu voulais tant que ça connaître le sort du monde des Hommes, il t'aurait suffit de lire un journal demain.

    S'ils te démontent, je peux garder tes cristaux ?

    Mais Vamis n'entend rien.

    Plusieurs rangs plus bas, Dame Benvenuto s'est avancée et déclame sa part, de toute la pompeuse solennité qui est sa signature.

    - Vos meurtres et mœurs sont inqualifiables, Yodicaëlle Sarnegrave. Je pourrais en citer quelques-uns, mais je pense que les listes de personnes disparues parlent d’elles-même. Votre plus grand bien est risible, quand on sait les conséquences des actes de votre organisation. Mon argumentaire va être assez simple pour que vous puissiez l’entendre et ne pas vous en sortir par d’énièmes répliques fanatiques dénuées de sens. Vous avez beaucoup de sang sur les mains, ainsi que votre culte. Par vos actes, vous avez clairement illustré l’intention du XIIIème Cercle : livrer le monde à la Brume. Vous avez déjà livré Opale. Qu’en est-il de vos plans pour la suite ? Vous avez une chance de vous repentir et d’exciser de votre conscience les milliers de morts à venir.

    Elle est suivie par des exclamations venant de l'assemblée entière, mais c'est essentiellement chez les aramilians qu'on s'agite beaucoup. On est toujours tout joyeux ici quand on nous laisse jouer un petit rôle mineur dans le grand film du monde.

    Avec terreur, l'automate anticipe la réponse de l'accusée et emmitoufle son cristal oculaire sous la cape. Je ne dois pas la regarder, s'allume l'alarme dans les circuits empathiques de Vamis. Si par inadvertance je touche l'âme de la sorcière je vais définitivement griller

    Il n'a pas encore vu son visage mais sa voix lui parvient, il entend le Mal pour la première fois :
    - Je … j’en suis désolée. J’ai déjà répondu à ces questions : ces plans ne m’appartiennent pas. Le Mandebrume avait d’autres buts qu’il n’a pas partagés pour des raisons évidentes de … et bien de ceci. Vous oeuvrez contre votre propre sauvegarde : écoutez-moi. C’était nécessaire pour vous préparer au futur. Le pire est à venir, surtout si vous empêchez le XIIIème Cercle d’agir. Nous sommes les derniers défenseurs d’Uhr … Je vous en supplie …

    Un sourire narquois s'affiche sur le bec de Virgil et il bat des ailes. Soit il comprend la véritable nature de l'accusée, soit il fait semblant de la comprendre ; on est jamais tout à fait sûrs avec lui... En tout cas, la colombe méprise cette pauvre folle,  car il imaginait la tête derrière les attentats d'Opale plus impressionnante, plus forte, plus élégante et théâtrale dans sa malveillance. Elle lui semble rampante à la recherche d'un pardon qui ne lui sera évidemment jamais accordée. Yodicaelle lui semble vilaine et pathétique, bête et moche, Virgil voudrait lui picorer les yeux puis l'écouter implorer ce Mandebrume qui, habile qu'il est, a vraiment réussi à fourrer sa main bien profond entre les fesses de ses marionnettes idiotes.

    Il n'est pas le seul à la haïr, bien sûr, l'Assemblée gratifie sa réponse comme d'habitude de scandales et de rumeurs.
    Quant à Vamis, prostré sur son siège, il ne voit plus de lumière, ni dans son cristal oculaire, ni dans son âme, il cherche la lumière, il prie en joignant entre elles ses mains et en joignant entre eux les circuits qui le branchent à Raphalos ; il prie Raphalos, il attend son illumination mais n'entend rien que cette incessante colère.

    Spoiler:
    Hier à 23:06
    Le procès annoncé de Yodicaëlle Sarnegrave – ou plutôt sa mise à mort – avait naturellement attiré son lot de curieux vindicatifs comme il fallait s'y attendre. Et là, debout parmi la foule dont la colère grandissait à vue d’œil, se tenait une ombre immobile bien que son nom aurait aisément pu figurer parmi la liste des invités. Le Grand Camérier observait la scène qui se déroulait en contrebas, son attention plus particulièrement portée sur les différents intervenants qui prenaient la parole à tour de rôle, à la manière d'un scénario bien rôdé. Des visages connus de Zéphyr pour la plupart, pas toujours pour de bonnes raisons. Des hommes et des femmes réunis entre ces murs pour écrire l'Histoire dans un même élan. La démarche aurait presque pu lui paraître touchante si tout cela n'avait pas représenté une vague mascarade. Le sort de la condamnée n'était plus à déterminer dès l'instant où ses pieds avaient foulé le sol de la Tribune et ce, malgré l'appel à la justice des Dieux lancé par l'Archevêque de Dainsbourg en personne lors de l'ouverture du jugement. Une haine viscérale déferlait sur l'accusée, peu importait l'identité de ses interlocuteurs se succédant.

    Le Spectre ne perdait rien des échanges qui avaient lieu, tout en tendant une oreille attentive aux conversations émanant du public. Autour de lui, par delà les exclamations et les insultes, les langues se déliaient sous l'émotion. En tant que dirigeant de l'Ordre des Caravaniers, il savait mieux que quiconque où et comment les informations circulaient. Avant même que sa présence n'en devienne trop importune pour ses voisins, le Grand Camérier se déplaçait alors, s'effaçant lui-même de la mémoire de ces derniers pour se positionner à un autre endroit, n'oubliant rien des visages croisés en cours de route. Le procès ne constituait en somme qu'une vulgaire exécution publique. Un moyen de rallier les peuples sous une même bannière, celle de la haine. Il n'éprouvait aucune compassion pour Yodicaëlle et ce, en dépit de l'état de cette dernière. La torture n'était pas un tabou au sein de l'Ordre. Son seul regret étant peut-être de n'avoir pas été à la place de celui interrogeant la prisonnière lors de sa captivité.

    « Votre version de l’histoire est erronée, Yodicaëlle Sarnegrave. »

    Une voix parmi toutes les autres l'arracha brusquement à ses pensées. Les iris rubis allèrent se poser sur la silhouette de Siegel, présent comme l'un des représentants de l'Alliance ce jour-là.

    « J’ai … vécu plus que vous ne pourriez le croire. J’ai vu s’effondrer l’Âge noir, j’ai connu Sancta avant qu’elle ne devienne la cité des savoirs. Comment pouvez-vous affirmer tant de choses alors que vous ne vous basez que sur des mots, sur des choses rapportées, transformées ? J’ai vu des villes se lever et disparaître avec pour seule constante : la terreur insufflée par la Brume. Vous devez être folle pour penser que livrer Uhr en pâture aura quelque bon sens pour la suite. Pour les terres et leurs peuples. Folle, ou endoctrinée. Le fanatisme dont vous êtes victime déshonore votre but. Vous pourriez faire tellement plus avec les bonnes personnes … pourquoi ne pas chercher à vous repentir ? A nous livrer vos savoirs pour mieux nous armer, justement ? Qu’est-ce qui justifie votre décision de ne pas vouloir tout dire, maintenant que le mal est fait ? Ne répondez pas, je connais déjà la réponse. Vous n’en savez rien, n’est-ce pas ? Vos races sont si éphémères … elles ne font que reproduire les mêmes erreurs. Sauf que celle-ci est peut-être la plus grave d’entre toutes. »

    Si les premiers mots de l'élémentaire résonnèrent en lui à la manière d'une déchirante nostalgie, sa curiosité lui fit porter son attention sur l'accusée ainsi interpellée :

    « C’était pour éviter … pour éviter … Il ne fallait pas qu’on puisse empêcher son plan, vous comprenez ? Sinon l’Enclave était condamnée. Vous qui avez vécu si longtemps, vous devez le savoir, non, l’indicible secret qui se cache derrière tout ça ? Alors pourquoi, vous, vous ne nous le partagez pas ? Ah, j’en ai assez de l’arrogance de votre espèce, élémentaire. Comme de l’arrogance de l’Alliance qui pense pouvoir tout contrôler, tout savoir ! Manipuler son monde et mener sa barque selon le bon vouloir de Panoptès ! Ce n’est qu’un homme qui pense savoir ce qu’il fait : votre dessein est dangereux pour tous, vous ne le voyez pas ?! Ce n’est pas du fanatisme, je suis … éclairée. Oui, éclairée … »

    Éclairée ou illuminée ? Son regard s'attarda longuement sur la frêle silhouette de Yodicaëlle. Une part de lui aurait aimé l'interroger sur ses réelles connaissances de la Brume. Y avait-elle seulement mis les pieds ? Connaissait-elle les horreurs qui s'y tapissaient ? Ce que l'on devenait à son contact ? Son arrestation marquait le début d'une large chasse aux sorcières. Le Treizième Cercle devait être anéanti par tous les moyens en leur possession. Ses membres démasqués un par un pour ensuite se voir envoyés sur le bûcher de leurs ambitions hérétiques. Ignorant son propre fanatisme religieux, le Spectre balaya de nouveau l'assemblée du regard. Après tout, le véritable enjeu ne résidait pas dans le dénouement du procès. A ses yeux, il était plus important de mettre des noms sur des visages et dresser une liste mentale des présents... ou plus crucial encore, celles des absents au tableau. Car la plus grande menace ne se trouvait pas dans les armures rutilantes de la Garde Sacrée. Ils se trouvaient en Aramila. Leurs terres. A la merci des ombres qui sévissaient à l'insu de tous. L'appât était en place. Ne restaient qu'aux poissons de mordre.

    Résumé: