Dim 29 Sep - 21:09
Gildora, Roi des monstres
Akesh Ménuza
Voilà bien longtemps que son pied avait quitté Urh. Loin de cette terre natale, il s’enfonçait profondément dans la brume, dans ce qui s’annonçait de plus en plus comme un voyage sans retour. Il ne savait plus bien qui il était. Les personnalités changent avec le temps. Elles évoluent. Mais toute chose a sa mesure, comme les plantes qui foisonnent de manière apparemment anarchique au printemps. Elles ont néanmoins leur plan dès l’état de graine. Quand une psyché s’étire trop rapidement, comme une terre qui subit trop de pression , elle se déforme et fissure.
Les fissures peuvent être masquées, au début. Puis elles s’étendent et remontent en surface, lorsqu’il est déjà trop tard pour l’intégrité du mur. De la même manière, Keshâ’rem était plein de fissures. En un an, sa vie avait changé du tout au tout et il avait embrassé la mort plus qu’il ne saurait dire en d’innombrables guet-apens. Le parasite logé autour de sa colonne vertébrale grandissait. Fils de brume et maître des reflets, il avait heureusement hérité la fluidité de l’eau pour ne pas éclater sous la pression du changement.
L’expédition de l’Alliance ralliait les factions sous son drapeau guerrier. Mais elle butait devant les gorges de Gildora. Le roi des monstres gardait jalousement le seul pont qui les enjambait et recrachait les idiots ayant osé le défier. Même Mao en avait fait les frais. Son séjour à l’infirmerie durerait quelques temps. La vieille espionne en avait vu d’autres et son sort n’était rien comparé à celui de ceux qui l’accompagnaient. Tous morts ou mutilés.
Seraphah était affairé comme jamais à soigner les blessés. Et Maëlstrom lui prêtait main-forte. Jamais il n’aurait toléré que Keshâ se présente seul face au souverain des eaux. Si on pouvait comprendre la réticence viscérale de Seraphah à défier l’élément eau, lui n’en avait que peu de choses à craindre. Ce n’était pas une question d’arrogance, de se croire plus fort que tous. Mais qui serait-il s’ils restait à l’abri du camp alors que des aventuriers se jetaient dans la gueule du loup pour espérer nourrir leurs familles affamées. Lui avait des artefacts.
Plus que beaucoup n’en verraient dans l’ensemble de leur existence. La plupart n’étaient pas taillés pour le combat. Pourtant, il était d’avis que s’il n’était pas capable d’en faire quelque chose, il n’était pas digne de les posséder. Le cristal d’eau lui promettait au moins une échappatoire. Sa seule crainte était d’être emporté dans le courant du Gildora puis du Gilra hors de tout contrôle et de se reformer au loin dans la brume, sans savoir retourner au camp en traversant les terres hostiles. L’errance résulterait probablement de son échec.
Puisqu’il mourrait de toute façon en affrontant le Mandebrume à Zénobie, qu’avait-il à redouter ? Sinon le gloire, d’avoir ouvert la voie à Urh devant l’un des derniers obstacles sur la route de Zénobie.
L’aurore était encore loin quand il se faufila hors du camp. Il s’assura que personne ne le vît quitter les barricades dans sa quête suicidaire. Bien sûr, il se trouvait bien quelques gardes pour lui dire que c’était folie de partir seul dans la brume. Pour les rassurer, il convoqua sa gargouille aux allures de rapaces et chargea sa balise électrogène sur son dos. Elle minimiserait au moins les risques de mauvaises rencontres sur les deux kilomètres le séparant des gorges.
-«Seulement toi et moi, Nergal. Comme au début. Dommage que Dayi ne puisse pas voir cette vue. »
Son narangpé avait été abandonné à une personne de confiance avec une montagne de friandise, de peur de le voir se noyer...Les griffes de pierre de la chimère cliquetaient sur des roches trouées qui saillaient de la paroi de la montagne au-dessus du vide. On devinait en contre-bas les rouleaux furieux du Gildora qui se fracassaient contre la pierre. Une vraie marmite écumante qui servait de lit au dragon-roi-des-eaux. L’écume furieuse se vaporisait et parvenait jusqu’à son visage pour y déposer ici ou là une larme d’eau douce. Au loin, on devinait le pont de la discorde. Celui qui était devenu infranchissable. Un sublime ouvrage de pierres millénaires dont le blanc resplendissant n’avait jamais pâli.
Ses gants éoliens serrés, il avisa dans une dernière inspection que le compartiment cousu pour maintenir son totem en sécurité était bien solide. Keshâ n’avait pas pris la peine de prendre de sac-à-dos. Il s’attendait à fini détremper. Le lance-flammes serait inutile. De même que ses armes à feu, a priori. Il gardait son sabre aramilan à la ceinture. Les potions qu’il portait d’habitude en bandoulière avait fini dans sa dimension de poche la veille pour plus de sécurité.
L’heure de vérité approche.
Les fissures peuvent être masquées, au début. Puis elles s’étendent et remontent en surface, lorsqu’il est déjà trop tard pour l’intégrité du mur. De la même manière, Keshâ’rem était plein de fissures. En un an, sa vie avait changé du tout au tout et il avait embrassé la mort plus qu’il ne saurait dire en d’innombrables guet-apens. Le parasite logé autour de sa colonne vertébrale grandissait. Fils de brume et maître des reflets, il avait heureusement hérité la fluidité de l’eau pour ne pas éclater sous la pression du changement.
L’expédition de l’Alliance ralliait les factions sous son drapeau guerrier. Mais elle butait devant les gorges de Gildora. Le roi des monstres gardait jalousement le seul pont qui les enjambait et recrachait les idiots ayant osé le défier. Même Mao en avait fait les frais. Son séjour à l’infirmerie durerait quelques temps. La vieille espionne en avait vu d’autres et son sort n’était rien comparé à celui de ceux qui l’accompagnaient. Tous morts ou mutilés.
Seraphah était affairé comme jamais à soigner les blessés. Et Maëlstrom lui prêtait main-forte. Jamais il n’aurait toléré que Keshâ se présente seul face au souverain des eaux. Si on pouvait comprendre la réticence viscérale de Seraphah à défier l’élément eau, lui n’en avait que peu de choses à craindre. Ce n’était pas une question d’arrogance, de se croire plus fort que tous. Mais qui serait-il s’ils restait à l’abri du camp alors que des aventuriers se jetaient dans la gueule du loup pour espérer nourrir leurs familles affamées. Lui avait des artefacts.
Plus que beaucoup n’en verraient dans l’ensemble de leur existence. La plupart n’étaient pas taillés pour le combat. Pourtant, il était d’avis que s’il n’était pas capable d’en faire quelque chose, il n’était pas digne de les posséder. Le cristal d’eau lui promettait au moins une échappatoire. Sa seule crainte était d’être emporté dans le courant du Gildora puis du Gilra hors de tout contrôle et de se reformer au loin dans la brume, sans savoir retourner au camp en traversant les terres hostiles. L’errance résulterait probablement de son échec.
Puisqu’il mourrait de toute façon en affrontant le Mandebrume à Zénobie, qu’avait-il à redouter ? Sinon le gloire, d’avoir ouvert la voie à Urh devant l’un des derniers obstacles sur la route de Zénobie.
L’aurore était encore loin quand il se faufila hors du camp. Il s’assura que personne ne le vît quitter les barricades dans sa quête suicidaire. Bien sûr, il se trouvait bien quelques gardes pour lui dire que c’était folie de partir seul dans la brume. Pour les rassurer, il convoqua sa gargouille aux allures de rapaces et chargea sa balise électrogène sur son dos. Elle minimiserait au moins les risques de mauvaises rencontres sur les deux kilomètres le séparant des gorges.
-«Seulement toi et moi, Nergal. Comme au début. Dommage que Dayi ne puisse pas voir cette vue. »
Son narangpé avait été abandonné à une personne de confiance avec une montagne de friandise, de peur de le voir se noyer...Les griffes de pierre de la chimère cliquetaient sur des roches trouées qui saillaient de la paroi de la montagne au-dessus du vide. On devinait en contre-bas les rouleaux furieux du Gildora qui se fracassaient contre la pierre. Une vraie marmite écumante qui servait de lit au dragon-roi-des-eaux. L’écume furieuse se vaporisait et parvenait jusqu’à son visage pour y déposer ici ou là une larme d’eau douce. Au loin, on devinait le pont de la discorde. Celui qui était devenu infranchissable. Un sublime ouvrage de pierres millénaires dont le blanc resplendissant n’avait jamais pâli.
Ses gants éoliens serrés, il avisa dans une dernière inspection que le compartiment cousu pour maintenir son totem en sécurité était bien solide. Keshâ n’avait pas pris la peine de prendre de sac-à-dos. Il s’attendait à fini détremper. Le lance-flammes serait inutile. De même que ses armes à feu, a priori. Il gardait son sabre aramilan à la ceinture. Les potions qu’il portait d’habitude en bandoulière avait fini dans sa dimension de poche la veille pour plus de sécurité.
L’heure de vérité approche.
Dernière édition par Keshâ'rem Evangelisto le Jeu 3 Oct - 21:47, édité 1 fois